Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 avril 2013, 12-83.250, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Assurances Zurich, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-4, en date du 20 mars 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 7 septembre 2010, n° 09-87.446), dans la procédure suivie contre M. Alain X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 211-9, L. 211-13 et R. 211-29 du code des assurances, 569, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement sur intérêts civils rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 17 octobre 2001 (lire 2005) en ce qu'il a dit que la Compagnie Zurich doit les intérêts au double du taux légal, dit que ces intérêts sont dus pour les sommes portées dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 13 octobre 2009 et jusqu'au jour où cet arrêt est devenu définitif, c'est-à-dire jusqu'à l'arrêt de cassation du 7 septembre 2010, dit que cette compagnie devait aussi une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale à M. Y... assisté de son curateur, a condamné M. X... à payer à M. Y... assisté de son curateur les sommes de 1 471 et 3834 euros et a déclaré l'arrêt attaqué opposable à la Compagnie Zurich ;

"aux motifs propres que pour ce cas la seule date à laquelle on est sûr que l'assureur a été informé de l'accident est celle de la citation qui lui a été délivrée le 13 novembre 2001 ; sur le caractère suffisant de l'offre ; quoique la date du 30 octobre 2002 ne soit pas contestée, la proposition de l'assureur devant le tribunal de grande instance reprenait une proposition ainsi libellée dans un courrier du 6 décembre 2002 : préjudices soumis à recours :
ITT 30,73 mois X 1 101,60 euros (revenu net de juillet 1999) 33 852,17
IPP 83% x 2 286,74 189 799,02
préjudice économique :
(7 226,00 x 12 x 3,975) 52 546,32
troubles dans les conditions d'existence :
(30,73 mois x 457,35) 14 054,27
si la caisse d'assurance maladie a fait connaître le montant de sa créance, nous ignorons toujours celle de la CRAMIF ; bien entendu, les créances de ces dernières viennent en déduction ;
préjudices personnels :
pretium doloris 6/7 30 489,80
préjudice esthétique 22 867,35
préjudice d'agrément 22 867,35
préjudice sexuel 15 244,90
provision de 7 500 euros à déduire
le total, hors provision s'élève donc à 381 721,18 euros ; la compagnie Zurich fait justement remarquer que la créance de l'organisme de sécurité sociale est déjà très élevée, à hauteur de 684 588,04 euros, pour l'essentiel constitué de dépenses de santé et de prestations en nature, le montant des indemnités journalières ne s'élevant qu'à 3 687,91 euros ; il s'agit d'une dépense incompressible ; elle ne figure pas dans l'offre formulée par la compagnie Zurich le 30 octobre 2002 ; il serait excessif d'imputer à cette compagnie la volonté de ne pas intégrer les dépenses de santé dans ce qu'elle doit ; mais la formulation de cette offre est équivoque puisqu'elle ne les mentionne même pas dans le décompte, même pour mémoire tout en ajoutant que les créances de la caisse primaire d'assurance maladie et de la CRAMIF viendront en déduction ; par ailleurs, s'agissant d'une dépense incompressible il ne faut pas en tenir compte pour apprécier le caractère sérieux ou dérisoire de l'offre formulée par l'assureur ; la victime ne percevra en effet pas ces sommes ; dans ces conditions, comparer en pourcentages l'offre globale de l'assureur et le montant retenu par le tribunal n'a pas de sens ; en revanche, l'assureur fait valoir les variations résultant des expertises successives, l'IPP passant de 83 à 85% et le préjudice esthétique de 5 à 6 sur une échelle de 7 du préjudice esthétique, outre l'affirmation d'un préjudice sexuel et d'un préjudice d'agrément dans la seconde expertise et pas dans la première ; le préjudice sexuel était évident eu égard à l'état général de M. Y... et d'ailleurs, l'assureur proposait des indemnités pour le préjudice sexuel et le préjudice d'agrément ; la différence des invalidités retenue est marginale ; M. Y... est né le 22 octobre 1946 ; le 30 octobre 2002, il avait donc 56 ans ; si on se réfère aux valeurs retenues à l'époque, notamment du déficit fonctionnel permanent d'après la jurisprudence des cours d'appel en 2002 et 2003, la valeur du point d'IPP se situait entre 2 600 et 2 900 euros (Max Le Roy édition Litec 2004 p 67, Yvonne Lambert Faivre, précis Dalloz 2004 p.275) ; la proposition de 2 286,74 euros le point se situait en dessous du minimum ; par ailleurs, le tribunal a retenu un préjudice économique de 214 938 euros alors que l'assureur proposait 52 546,32 euros à ce titre, sans expliquer d'ailleurs ce qu'il entendait précisément réparer par l'attribution de cette somme ; le tribunal a aussi retenu 53 971 euros pour la perte de revenus antérieure à la date de consolidation ; ainsi, si on compare ce qui est comparable l'offre de l'assureur s'élevait à 381 721,18 euros tandis que la somme retenue par le tribunal ITT, perte de salaire, perte de revenus jusqu'à consolidation, gêne dans les actes de la vie courante, incapacité permanente partielle, préjudice professionnel, souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d'agrément, s'élève à 696 376 euros ; la proposition s'élève à 54,81% de la somme retenue ; la différence est trop importante, d'autant que la formulation de l'offre était ambigüe pour ne pas reprendre dans le décompte les dépenses engagées par l'organisme de sécurité sociale ; aucune discussion ne pouvait s'engager utilement sur une telle offre qui apparaît dérisoire ; la cour, dans une disposition qui n'a pas été cassée a fixé les préjudices hors dépenses de santé à 747 050,11 euros ; le rapport est alors de 51,10% et la même conclusion peut être retenue ; il faut donc ordonner le doublement des intérêts depuis le 13 novembre 2001 sur l'intégralité des sommes y compris celles soumises à recours, la loi ne formulant aucune distinction de cet ordre ; ils sont dus jusqu'à ce que l'arrêt rendu du 13 octobre 2009 ait acquis un caractère définitif sur ce point, c'est à dire jusqu'à l'arrêt de cassation ; la capitalisation des intérêts ne peut pas s'appliquer au doublement des intérêts qui constitue une sanction et, pour le surplus, s'avère incompatible avec ce doublement ; les frais de curatelle sont la conséquence de l'accident, postérieurement au jugement ; ils sont dus par M. X... ; il en est de même des frais d'hébergement payés à l'hôpital ; il faut faire droit à ces demandes ;

"et aux motifs adoptés que M. Y... sollicite l'application des dispositions de l'article L. 211-13 du code des assurances au motif que l'assureur du tiers responsable n'aurait pas proposé à la victime une offre d'indemnisation dans le délai imparti à l'article L. 211-9 de ce même code ; que la société Zurich International s'oppose à cette demande, rappelant qu'elle n'a pas été informée de l'implication du véhicule de son assuré préalablement à la citation devant le tribunal correctionnel de Paris le 13 novembre 2001 ; qu'il ressort des éléments du dossier que M. X... a tenté de faire disparaître le véhicule impliqué dans l'accident, qu'il avait loué auprès de la société Avis ; que ces éléments ont été révélés au cours de la mesure d'instruction ; que l'accident n'ayant pas été déclaré immédiatement à l'assureur, la compagnie Zurich International n'a donc pas été en situation de faire une offre d'indemnisation dans les délais légaux ; que néanmoins la sanction de l'article L. 211-13 du code des assurances s'applique à compter du 13 novembre 2001, date à laquelle l'assureur a eu connaissance des faits ;

"alors que, selon l'article L. 211-13 du code des assurances, "lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif" ; que le jugement devenu définitif au sens de ce texte s'entend du jugement ayant force de chose jugée, c'est-à-dire n'étant susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, et que suivant l'article 569 du code de procédure pénale, "pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles" ; qu'ainsi, en décidant que les intérêts au double du taux légal étaient dus "jusqu'à ce que l'arrêt rendu du 13 octobre 2009 ait acquis un caractère définitif sur ce point, c'est-à-dire jusqu'à l'arrêt de cassation" du 7 septembre 2010, quand le pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 13 octobre 2009 n'était pas suspensif d'exécution en ce qui concerne les condamnations civiles, de sorte que l'arrêt du 13 octobre 2009 était devenu définitif sur ces dernières dès son prononcé et non à la date de l'arrêt de cassation du 7 septembre 2010, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article L.211-13 du code des assurances ;

Attendu qu'il résulte de cet article que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L.211-9 dudit code, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;

Attendu que l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, a confirmé le jugement sur intérêts civils, rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 17 octobre 2005, en ce qu'il a dit que la compagnie d'assurances La Zurich doit les intérêts au double du taux légal, et ajoute que ces intérêts sont dus pour les sommes portées dans l'arrêt rendu par la cour d'appel le 13 octobre 2009 et jusqu'au jour où cet arrêt est devenu définitif, précisant dans un motif décisoire, jusqu'à l'arrêt de cassation du 7 septembre 2010 ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un jugement est définitif lorsqu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; que tel est le cas de l'arrêt de la cour d'appel du 13 octobre 2009, statuant sur intérêts civils, nonobstant le pourvoi ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions dont il résulte que les intérêts au double du taux légal sont dus jusqu'à l'arrêt de cassation du 7 septembre 2010, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 mars 2012, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que ces intérêts sont dus pour les sommes portées dans l'arrêt rendu par la cour d'appel le 13 octobre 2009 et jusqu'à la date de cet arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

ECLI:FR:CCASS:2013:CR02165
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