Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 avril 2013, 11-19.452, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 07 avril 2011), qu'en octobre 1993, M. X... a hérité d'un appartement situé au troisième étage de la résidence Le Cézembre, sous l'appartement de Mme A... ; que M. X... s'étant plaint d'infiltrations provenant de l'appartement situé au dessus, une expertise a été ordonnée, puis étendue au syndicat des copropriétaires et à M. Y... entrepreneur intervenu pour exécuter des travaux sur les balcons en 1991-1992 ; que, par acte du 29 septembre 2003, M. X... a vendu l'appartement aux époux Z..., l'acte prévoyant que le vendeur faisait son affaire personnelle de la procédure à l'encontre de Mme A..., l'acquéreur n'étant jamais intéressé dans cette affaire ; qu'après expertise, M. X... a assigné Mme A... en réalisation des travaux préconisés par l'expert et indemnisation de ses préjudices sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ; que les époux Z... sont intervenus volontairement à l'instance ; que Mme A... a appelé en garantie le syndicat des copropriétaires ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de la condamner avec le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux préconisés par l'expert, alors, selon le moyen, que les travaux de modification portant sur
un bâtiment ou une partie de bâtiment d'habitation collectif doivent, au minimum, maintenir les conditions d'accessibilité existantes ; qu'en se bornant à déclarer qu'il n'était pas établi que les travaux d'étanchéité de la terrasse étaient de nature à modifier la hauteur du seuil de la porte-fenêtre dans des proportions importantes par rapport à la hauteur actuelle, ni qu'un aménagement de l'accès était impossible à réaliser pour tenir compte du handicap de la copropriétaire, quand il résultait ainsi de ses propres constatations que lesdits travaux ne maintenaient pas les conditions d'accessibilité existantes, la cour d'appel a violé l'article R. 111-18-8 du code de la construction et de l'habitation ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé qu'il n'était pas établi que les travaux préconisés par l'expert modifieraient la hauteur du seuil dans des proportions telles qu'un aménagement de l'accès était impossible pour tenir compte de l'état de santé de Mme A..., contrainte ponctuellement de se déplacer en fauteuil roulant, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que Mme A... ne pouvait invoquer une modification des conditions d'accès à sa terrasse en méconnaissance des dispositions des articles R. 111-18-8 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que le comportement de Mme A... justifiait qu'elle soit condamnée à payer aux époux Z... une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, d'autre part, que, pour les mêmes raisons, au stade de la contribution à la dette entre le syndicat des copropriétaires et Mme A..., l'importance de leurs manquements respectifs dans la réalisation des dommages justifiait la répartition retenue par le tribunal, la cour d'appel n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que M. X... avait subi entre 1995 et la vente de l'appartement en 2003 des infiltrations provenant du balcon, génératrices d'un préjudice, qu'il s'était engagé à poursuivre la procédure lors de cette cession et que, s'agissant des époux Z..., au-delà de la garantie que leur conférait cet engagement de leur vendeur, ils subissaient un préjudice personnel depuis l'acquisition du fait des infiltrations et de la gêne qu'entraîneront les travaux de reprise dans leur appartement, la cour d'appel a pu en déduire, sans refuser d'entendre Mme A..., que M. X... et les époux Z... avaient intérêt et qualité pour agir ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Attendu que pour la débouter, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'aucun motif ne justifie que Mme A... soit garantie par la copropriété pour la condamnation à procéder aux travaux mis à sa charge et qu'elle ne peut prétendre être garantie par le syndicat des copropriétaires des conséquences à l'égard de ses voisins des interventions sur ses parties privatives ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que Mme A... n'avait pas réalisé elle-même les perforations en cause et que ces trous s'ils avaient été faits dans le seuil d'une porte-fenêtre posée dans le respect des règles de l'art, sur un rejingot contre lequel vient s'appliquer l'étanchéité du balcon, auraient été sans conséquence, ce dont il résultait que les troubles avaient pour cause un vice de construction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme A... de sa demande de garantie formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires, l'arrêt rendu le 7 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble Le Cézembre aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble Le Cézembre à payer à Mme A... la somme de 2 500 euros, rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Marie-France A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un copropriétaire (Mme A..., l'exposante) de sa demande contre le syndicat de copropriété (celui de l'immeuble LE CEZEMBRE à Saint Malo) tendant à ce que les travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse respectent les conditions d'accessibilité existantes à cette partie commune ;

AUX MOTIFS QUE Mme A... ne pouvait invoquer utilement une modification des conditions d'accès de sa terrasse, en méconnaissance des dispositions des articles R. 111-18-8 et suivants du code de la construction et de l'habitation ; qu'en effet, il n'était pas établi que ces travaux modifieraient la hauteur du seuil dans des proportions très importantes par rapport à sa hauteur actuelle, ni qu'un aménagement de l'accès était impossible pour tenir compte de l'état de santé de Mme A... dont elle justifiait par la production de documents médicaux et qui la conduisait ponctuellement à se déplacer en fauteuil roulant, situation connue de l'expert, puisqu'il en avait tenu compte à l'occasion de l'examen d'un autre point litigieux, étranger au présent débat, et qui n'avait amené aucune réserve de sa part sur les travaux à réaliser sur la terrasse (arrêt attaqué, p. 5, dernier alinéa) ;

ALORS QUE les travaux de modification portant sur un bâtiment ou une partie de bâtiment d'habitation collectif doivent, au minimum, maintenir les conditions d'accessibilité existantes ; qu'en se bornant à déclarer qu'il n'était pas établi que les travaux d'étanchéité de la terrasse étaient de nature à modifier la hauteur du seuil de la porte-fenêtre dans des proportions importantes par rapport à la hauteur actuelle, ni qu'un aménagement de l'accès était impossible à réaliser pour tenir compte du handicap de la copropriétaire, quand il résultait ainsi de ses propres constatations que lesdits travaux ne maintenaient pas les conditions d'accessibilité existantes, la cour d'appel a violé l'article R. 111-18-8 du code de la construction et de l'habitation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un copropriétaire (Mme A..., l'exposante), condamné du chef d'un trouble de jouissance causé à ses voisins (M. X... ainsi que M. et Mme Z...), de sa demande en garantie contre le syndicat de copropriété (celui de l'immeuble LE CEZEMBRE) au titre des travaux mis à sa charge et du préjudice matériel ;

AUX MOTIFS propres et éventuellement adoptés QUE, au contradictoire de l'ensemble des parties, l'expert avait constaté que les infiltrations dans l'appartement du troisième étage étaient possibles en raison de l'existence de deux trous pratiqués dans le seuil de la porte fenêtre de l'appartement de Mme A..., partie privative selon le règlement de copropriété ; que ces perforations permettaient à l'eau, après avoir traversé la dalle béton, d'atteindre le plafond de l'appartement des époux Z... ; que l'expert avait également constaté que ces trous, s'ils avaient été faits dans le seuil d'une porte posée dans le respect des règles de l'art sur un rejingot contre lequel venait s'appliquer l'étanchéité du balcon, partie commune, auraient été sans conséquence puisque l'eau aurait été renvoyée vers le balcon de Mme A... ; que les propriétaires successifs de l'appartement du troisième étage, subissant les dommages, étaient donc fondés à invoquer à l'encontre de Mme A... un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage du fait des infiltrations imputables à une partie privative de l'immeuble dont elle était responsable, pour solliciter sa condamnation à exécuter les travaux nécessaires à y mettre fin et à indemniser les préjudices subis, peu important que Mme A... n'eût pas réalisé elle-même les perforations en cause ; que, de la même façon, le syndicat de copropriété, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, était responsable des dommages causés aux copropriétaires par le vice de la construction affectant les parties communes, conséquence en l'espèce de la mauvaise qualité de l'exécution de l'étanchéité lors des travaux de reprise commandés par lui en 1991 et 1992 ; qu'il devait donc être également condamné à réaliser les travaux nécessaires sur les parties communes et à indemniser les préjudices subis, ayant eu également la possibilité d'attraire à la procédure la société chargée de la réalisation de ces travaux, sous réserve de l'acquisition évidente de la prescription ; que Mme A... et le syndicat de copropriété ayant contribué ensemble à la réalisation de l'entier dommage subi par les propriétaires de l'appartement situé au troisième étage, le tribunal les avait justement condamnés à exécuter sous astreinte les travaux préconisés par l'expert sur les parties privatives et communes dont ils avaient respectivement la charge ; que Mme A... ne pouvait prétendre à être garantie par le syndicat de copropriété des conséquences à l'égard de ses voisins des interventions sur ses parties privatives (arrêt attaqué, p. 4, dernier alinéa ; p. 5, al. 1 à 3 ; p. 7, al. 3) ; que aucun motif particulier ne justifiait que Mme A..., dont les convictions relatives à l'exclusion de sa propre responsabilité quant à l'origine des désordres avaient prolongé la durée de ceux-ci, fût garantie par la copropriété pour la condamnation à procéder aux travaux mis à sa charge (jugement entrepris, p. 11, al. 5) ;

ALORS QUE, d'une part, le syndicat de copropriété est responsable des dommages causés par le vice de construction ; qu'en déclarant un copropriétaire, condamné du chef d'un trouble anormal de voisinage, non fondé en son recours en garantie contre le syndicat de copropriété pour la raison que les désordres provenaient d'interventions sur ses parties privatives, tout en constatant que le copropriétaire n'avait pas réalisé lui-même les perforations cause des désordres et que si ces perforations avaient été réalisées dans le seuil d'une porte-fenêtre posée dans le respect des règles de l'art sur un rejingot contre lequel serait venu s'appliquer l'étanchéité du balcon, partie commune, elles auraient été sans conséquence, ce dont il résultait que le copropriétaire n'était pas l'auteur des troubles, lesquels avaient pour cause un vice de conception de l'étanchéité des parties communes, la cour d'appel a violé les articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1382 du code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

ALORS QUE, d'autre part, le propriétaire condamné pour trouble anormal de voisinage dispose d'un recours contre le tiers, auteur de ce trouble ; qu'en déboutant un copropriétaire, déclaré responsable d'un trouble anormal de voisinage, de sa demande de garantie contre le syndicat de copropriété pour la raison que ce dernier ne pouvait être responsable d'interventions sur les parties privatives, tout en relevant que le copropriétaire n'avait pas réalisé lui-même les perforations à l'origine du trouble et sans vérifier quel pouvait en être l'auteur, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, ensemble les articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

ALORS QUE, enfin, en opposant à la demande de garantie d'un copropriétaire contre le syndicat de copropriété sa carence dans la mise en oeuvre des travaux de reprise, quand il importait seulement de vérifier si les désordres, à l'origine d'un trouble anormal de voisinage, avaient pour cause un vice de construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1382 du code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un copropriétaire (Mme A..., l'exposante) à payer à d'autres copropriétaires (M. et Mme Z...) une somme de 1. 500 € pour résistance abusive ;

AUX MOTIFS QUE M. et Mme Z... subissaient depuis 2003 un préjudice de jouissance certain, la mise en oeuvre de travaux de réfection étant inenvisageable sauf en pure perte en l'absence de traitement de l'origine des infiltrations ; qu'il était en outre attesté que des écoulements d'eau survenaient ponctuellement, ce qui justifiait que l'indemnisation des propriétaires fût portée à 1. 500 € ; que les tentatives pour solutionner les infiltrations s'étaient heurtées à une résistance constante de Mme A..., dont attestaient les courriers antérieurs à l'introduction de la procédure et qui s'était poursuivie après le dépôt du rapport d'expertise bien que le syndicat eût pris les décisions permettant de réaliser les travaux et, notamment, à l'égard du maître d'oeuvre missionné pour les coordonner suite au jugement pourtant revêtu de l'exécution provisoire ; que ce comportement qui excédait le simple droit de faire valoir son opinion caractérisait au contraire un abus préjudiciable aux époux Z... qui ne pouvait être excusé par les différends ou les échanges difficiles ayant existé entre eux et justifiait que Mme A... fût condamnée à leur verser une somme de 1 500 euros à titre de dommages-et-intérêts ; que, pour les mêmes raisons, au stade de la contribution à la dette entre le syndicat et Mme A..., l'importance de leurs manquements respectifs dans la réalisation des dommages, justifiait la répartition retenue par le tribunal (v. arrêt attaqué, p. 6, al. 3 et 4) ;

ALORS QU'en condamnant un copropriétaire pour résistance abusive tout en retenant « pour les même raisons », à concurrence de trois quarts, sa responsabilité dans le trouble de jouissance subi par ses voisins, sanctionnant ainsi deux fois la même faute et indemnisant en conséquence deux fois le même préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé les demandes formées par Mme A... sur la recevabilité des demandes de M. X... et des époux Z... et de façon générale de refuser d'entendre Mme MF A... ;

AUX MOTIFS QUE Mme A... ne fonde pas expressément ce moyen ne développant plus son argumentation quant au défaut d'intérêt et de qualité pour agir ou l'acquisition de prescription de l'action. Cependant le premier juge a parfaitement caractérisé la recevabilité de la demande, au regard qu'il a subi entre 1995 et jusqu'à la vente de l'appartement en 2003 les infiltrations provenant du balcon, génératrices d'un préjudice et qu'il s'est engagé à poursuivre la procédure lors de cette cession, que de plus le point de départ de prescription de dix ans étant fixé à la survenance du dommage, soit en 1995, le délai a été valablement interrompu par l'assignation en référé de 2003. S'agissant de M. et Mme Z..., au delà de la garantie que leur confère l'engagement de leur vendeur de poursuivre la procédure, le préjudice qu'ils subissent depuis l'acquisition des infiltrations et la gêne qu'entraîneront les travaux de reprise dans leur appartement leur conférant intérêt et qualité pour agir. Le jugement sera en conséquence confirme sur ce point ;

ALORS QUE Mme MF A... a rédigé elle-même ses conclusions devant la cour d'Appel de Rennes, déposant ses conclusions récapitulatives le 3 février 2011 tenant compte des conclusions N° 2 du 19 janvier 2011 pour le syndicat des copropriétaires du Cézembre et M. B...par Me Olivier SEBÂL, avocat et Me Bazille, avoué, et intégrant sa réponse.

ECLI:FR:CCASS:2013:C300369
Retourner en haut de la page