Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 12-17.519, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., née le 15 mars 1974 à Dzahani (Comores), a obtenu un certificat de nationalité française le 22 juillet 1987, sur le fondement des articles 10 et 11 de la loi du 3 juillet 1975 et 84 du code de la nationalité ; que s'étant vue refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française le 6 février 2007 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice au motif que sa filiation paternelle n'était pas établie, Mme X... a engagé une action déclaratoire devant le tribunal de grande instance de Nice le 6 mars 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 84 du code de la nationalité issues de la loi du 9 janvier 1973, pour contester ce refus, en faisant valoir qu'elle pouvait prétendre à la qualité de français par l'effet collectif de la déclaration d'acquisition de la nationalité française de son père, M. Saïd X..., souscrite le 10 novembre 1977 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 30, alinéa 2, du code civil ;

Attendu que la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants du code civil ;

Attendu que, pour constater l'extranéité de Mme X... titulaire d'un certificat de nationalité française délivré en 1987 au regard d'un acte de naissance, l'arrêt relève que l'acte de naissance établi en 2006 et produit par l‘intéressée ne comporte pas les légalisations du ministère des affaires étrangères comorien et du ministère des affaires étrangères français, et est donc dénué de valeur probante ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;

Et sur la deuxième branche de ce moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour constater l'extranéité de Mme X..., l'arrêt retient que le ministère public soutient à bon droit que le certificat de nationalité délivré le 22 juillet 1987 par le tribunal d'instance de Niort est erroné en ce qu'il est fondé sur l'article 84 du code de la nationalité alors que sa filiation a été établie par un acte de naissance ne comportant pas les légalisations du ministère des affaires étrangères comorien et du ministère des affaires étrangères français, et est donc dénué de valeur probante ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui soutenait que lors de la délivrance du certificat de nationalité en 1987, l'acte de naissance produit répondait aux prescriptions en vigueur et n'était pas contraire à la législation comorienne, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur la quatrième branche de ce moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt constate l'extranéité de Mme X... pour les motifs susénoncés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte en cause comportait la légalisation du ministère des affaires étrangères comoriens, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la sixième branche de ce moyen :

Vu l'article 20-1 du code civil ;

Attendu que, pour constater l'extranéité de Mme X..., l'arrêt retient que la filiation de Mme Zakiat X... n'a été établie que par un jugement supplétif rendu le 29 avril 1987, transcrit le 10 octobre 2006, alors qu'elle était majeure et ne peut avoir d'effet sur sa nationalité par application de l'article 20-1 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'étant déclaratif, un jugement supplétif rendu par les autorités judiciaires comoriennes le 29 avril 1985, transcrit le 10 octobre 2006, portant que Mme X... est née le 15 mars 1974 à Dzahani (Comores) de Saïd X... et de Mariama Y..., établissait la filiation de celle-ci depuis sa naissance, à l'égard d'un père dont la nationalité française n'était pas contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmation attaqué d'AVOIR constaté l'extranéité de madame X... sans que le Ministère public, partie principale, n'ait assisté à l'audience des débats ;

ALORS QU'il ne résulte ni des mentions de l'arrêt, ni d'aucun autre élément du dossier que le Ministère public, partie principale à l'action ayant pour objet la nationalité, tenu à ce titre d'assister à l'audience des débats, ait été présent à l'audience des débats, sur l'appel qu'il a formé contre le jugement ayant dit que Mlle Zahiat X... est de nationalité française ; qu'il ne peut être suppléé à cette formalité substantielle par les seules constatations que l'affaire a été régulièrement « communiquée au Ministère public », et que celui-ci a déposé des conclusions ; qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt a violé les articles 431 et 1040 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté l'extranéité de madame Zakiat X... et ordonné la mention prévue à l'article 28 du Code civil en ce sens

AUX MOTIFS QUE le 22 juillet 1987, le Tribunal d'instance de Niort a délivré à madame Zakiat X... un certificat de nationalité française sur le fondement des articles 10 et 11 de la loi du 3 juillet 1975 et 84 du Code de la nationalité française ; que le greffier en chef du Tribunal d'instance de Nice lui ayant opposé le 6 février 2007 un refus de délivrance d'un certificat de nationalité au motif que sa filiation paternelle n'était pas établie, madame X... a saisi le Tribunal de grande instance de Nice qui a fait droit à sa demande par jugement dont appel ; que le Ministère public fait valoir que, par application de l'article 30 alinéa second du Code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à une personne titulaire d'un certificat de nationalité française dès lors que celui-ci a été délivré conformément aux articles 31 et suivants du même Code ; qu'il soutient à bon droit que le certificat de nationalité délivré le 22 juillet 1987 par le Tribunal d'instance de Niort est erroné en ce qu'il est fondé sur l'article 84 du Code de la nationalité alors que sa filiation a été établie par un acte de naissance ne comportant pas les légalisations du Ministère des affaires étrangères comorien et du Ministère des affaires étrangères français (ou du consulat de France au Comores) ; que faute de légalisation, cet acte de naissance est dénué de valeur probante ; d'autre part que lors de sa demande de déclaration souscrite le 10 novembre 1977, monsieur Said X... s'est déclaré célibataire sans enfant ; que la filiation de madame Zakiat X... n'a été établie que par un jugement supplétif rendu le 29 avril 1987, transcrit le 10 octobre 2006, alors qu'elle était majeure ; que dès lors que sa filiation n'a été établie qu'après sa majorité, elle ne peut avoir d'effet sur sa nationalité par application de l'article 20-01 du Code civil ;

1°/ ALORS QUE la charge de la preuve de l'extranéité d'une personne titulaire d'un certificat de nationalité française délivrée conformément aux articles 31 et suivants du Code civil, incombant à celui qui conteste la qualité de français de cette personne, il appartenait donc en l'espèce au Ministère public de démontrer, éléments à l'appui, que madame X... qui avait obtenu un certificat de nationalité française le 22 juillet 1987, n'avait pas ou plus la nationalité française ; qu'en se bornant à contester a posteriori la validité des pièces ayant servi à la délivrance des certificats de nationalité dont s'agit, sans rapporter par tous moyens utiles la preuve de l'extranéité de madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 30, alinéa 2 du Code civil ensemble 31-2 alinéa 2 du même Code ;

2°/ ALORS QUE l'arrêt affirme que l'acte de naissance ayant servi à établir la nationalité de madame X... n'est pas valide car ne comportant pas les légalisations nécessaires, sans répondre au chef des conclusions de madame X... faisant état de ce que l'article 47 du Code civil, dans sa rédaction applicable lorsque le magistrat a statué, en 1987, prescrit que « Tout acte d'état civil des français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays », qu'au demeurant l'acte de naissance de madame Zakiat X... a été légalisé par les autorités compétentes (au verso de l'acte) et que rien n'établit que cet acte de naissance ait été contraire à la législation comorienne en vigueur en 1987 ; que l'arrêt attaqué est ainsi privé de motifs et rendu en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE rien n'indique que l'acte de naissance produit en 1987 ne comportait pas toutes les mentions exigées pour sa validité ; qu'en décidant le contraire, au vu d'une copie intégrale d'acte de naissance établie le 6 octobre 2006, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des exigences de l'article 47 du Code civil ;

4°/ ALORS QU'au demeurant l'acte figurant au dossier, en date du 10 octobre 2006, comporte bien au verso la légalisation du ministère des affaires étrangères des Comores ; qu'ainsi, la Cour d'appel ne pouvait, sans dénaturer ledit document, considérer, par une formule lapidaire, que l'acte de naissance de madame X... ne comporte pas notamment, la légalisation du Ministère des affaires étrangères comorien ; que la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

5°/ ALORS QUE de surcroît selon l'article 44 du Code civil, tout acte d'état civil fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces, données extérieures ou éléments tirés de l'acte lui-même, établissent que cet acte est irrégulier ; qu'ainsi, en considérant que l'acte de naissance de madame X... est dénué de toute valeur probante sans faire état de la moindre contestation relative à son éventuelle imprécision, ou à la conformité de sa rédaction avec les formes en usage aux Comores, ni démontrer qu'il serait irrégulier, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 47 du Code civil ;

6°/ ALORS, ENFIN, QUE le jugement établissant la filiation d'une personne a un effet déclaratif, peu important la date à laquelle il a été transcrit ; que la Cour d'appel qui constate que la filiation de Mlle X..., née le 15 mars 1974, a été établie par un jugement supplétif rendu le 29 avril 1987 (en réalité 1985), c'est-à-dire pendant la minorité de l'intéressée, ne pouvait considérer que la filiation de Mlle X... n'a été établie qu'après sa majorité, au prétexte de sa date d'inscription 10 octobre 2006, , après sa majorité ; que la Cour d'appel a violé l'article 20-1 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:C100329
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