Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-22.082, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles L.1232-1, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 22 janvier 2007 par la société Kalisterra, en qualité de chef de produits senior, a été licenciée par lettre du 23 novembre 2007 pour absences prolongées et répétées perturbant l'organisation et le bon fonctionnement de l'entreprise ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'elle n'a à aucun moment alerté son employeur quant à l'existence d'une situation de stress anormal ni davantage pris attache avec la médecine du travail et qu'elle reste taisante quant aux mesures limitativement énumérées par la loi que celui-ci aurait dû prendre et les éléments qui auraient dû l'alerter quant à l'existence de la situation dénoncée ;

Attendu cependant, que lorsque l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait par des motifs inopérants, sans rechercher si, comme il était soutenu par la salariée, elle n'avait pas été exposée à un stress permanent et prolongé à raison de l'existence d'une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre la maladie de la salariée et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse l'arrêt rendu le 8 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Kalisterra aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Z... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS QUE

"Mme Z... soutient enfin, en conformité avec la motivation retenue par le premier juge, qu'en l'exposant à un "stress permanent et prolongé", la société intimée a méconnu ses obligations touchant à la protection de la santé des salariés figurant sous les articles L. 4111-1 et 2 du code du travail à raison de l'existence d'une situation de surcharge de travail découlant d'un manque de stabilité du personnel, de la priorité donnée à l'embauche de stagiaires, de la fixation dans le cadre du document intitulé "engagement pour la performance des collaborateurs soumis à un suivi et à un contrôle hiérarchique" d'un nombre d'objectifs (14) supérieur au maximum prévu (6), de la pression mise sur elle au travers de mails "accusateurs" ce qui a conduit au constat de l'existence d'un épuisement professionnel.

A l'appui de son appel, la société KALISTERRA fait valoir qu'à supposer même qu'une situation de stress ait existé au sein de l'entreprise il n'est nullement établi que celle-ci ait excédé la capacité normale de tout salarié à y faire face, qu'au demeurant il a fallu que l'intimée saisisse le premier juge pour s'en faire pour la première fois l'écho dans ses écritures de première instance ce qui fait qu'en tout état de cause elle s'est trouvée dans l'impossibilité de s'enquérir des difficultés prétendument rencontrées et de prendre les dispositions adéquates ;

Il découle des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger les travailleurs ; que de même il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ;

Au cas d'espèce, Mme Z..., laquelle a quasiment cessé de venir travailler à l'issue de l'expiration de sa période d'essai, n'a à aucun moment alerté son employeur quant à l'existence d'une situation de stress anormal ni davantage pris attache avec la médecine du travail ;

Alors même que l'article L. 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, Mme Z... reste taisante quant aux mesures limitativement énumérées par la loi (action de prévention de risques professionnels, action d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyen adaptés) que celui-ci aurait dû prendre et les éléments qui auraient dû l'alerter quant à l'existence de la situation dénoncée ;

A défaut de tout manquement de l'employeur à ses obligations en matière de santé des travailleurs susceptible de pouvoir être retenu contre lui, c'est en vain que Mme Z... a cru devoir exciper de l'existence d'un manquement de la société KALISTERRA à son obligation de sécurité de résultat : elle sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-et-intérêts, le jugement attaqué étant réformé en conséquence" ;

ALORS QUE

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, du fait de ses conditions de travail, d'une altération de sa santé physique ou mentale ; qu'ainsi, en déboutant la salariée de sa demande, aux motifs inopérants qu'elle "n'a à aucun moment alerté son employeur quant à l'existence d'une situation de stress anormale ni davantage pris attache avec la médecine du travail", et qu'elle "reste taisante quant aux mesures limitativement énumérées par la loi... que celui-ci (l'employeur) aurait dû prendre et les éléments qui auraient dû l'alerter quant à l'existence de la situation dénoncée", la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00464
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