Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 mars 2013, 11-25.159, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu que le divorce de M. X... et de Mme Y..., qui s'étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts, a été prononcé, sur le fondement de l'article 233 du code civil, par un jugement du 2 décembre 2008 qui a homologué le " projet de partage de communauté " établi par acte notarié du 16 février 2007 et le " protocole " réglant l'ensemble des conséquences du divorce constaté par un acte sous seing privé du 27 février 2008 ; que, soutenant que M. X... avait dissimulé la valeur réelle des parts sociales de la SARL Z...- X... dépendant de leur régime matrimonial, Mme Y... l'a assigné pour faire juger, à titre principal, que le partage était lésionnaire et, à titre subsidiaire, qu'il avait commis un recel et une faute précontractuelle au sens de l'article 1382 du code civil ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 1477 du code civil ;

Attendu que, pour appliquer à M. X... la sanction du recel, l'arrêt retient que les règles prescrites pour arriver au partage judiciaire des successions et communautés sont applicables au régime de la participation aux acquêts en vertu de l'article 1578, alinéa 2, du code civil et, par conséquent, les règles de l'article 1477 du même code relatives au recel de communauté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les biens acquis par les époux sous le régime de la participation aux acquêts constituent des biens qui leur sont personnels et non des effets de communauté, de sorte que les dispositions du texte susvisé ne leur sont pas applicables, la cour d'appel l'a violé par fausse application ;

Et sur la première branche du premier moyen du pourvoi incident éventuel :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et débouter Mme Y... de son action en complément de part, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 889 du code civil, lorsque l'un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature, que, pour apprécier s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage, que, cependant, en l'espèce, la remise en cause proposée par Mme Y... ne concerne que l'un des éléments du partage soumis à l'homologation du juge aux affaires familiales et qu'elle ne rapporte donc pas la preuve de la lésion de plus d'un quart sur l'ensemble du partage litigieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour soutenir que le partage était lésionnaire, Mme Y... reconstituait l'ensemble de l'actif à partir de la valeur réelle des parts sociales et l'ensemble du passif, la cour d'appel, en dénaturant ses conclusions, a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les appels interjetés par M. X... et Mme Y..., l'arrêt rendu le 28 juillet 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 222 948, 60 euros sur le fondement de l'article 1477 du code civil et dans les limites de la prétention de Mme Y... ;

Aux motifs que, « Les ex époux X... Y... ayant choisi le régime matrimonial de participations aux acquêts, les règles prescrites pour arriver au partage judiciaire des successions et communautés lui sont applicables par application de l'article 1578 alinéa 2 du code civil et par conséquent les règles de l'article 1477 du code civil relatives au recel de communauté.

En l'espèce, à la suite de l'accord intervenu entre les parties, il appartenait à M. X... d'informer Mme Y... de la variation très importante de la valeur des parts de la SARL Z... X... ce dont il s'est bien gardé alors qu'il disposait du temps procédural nécessaire pour y procéder.

À cet égard, il ne saurait se prévaloir des connaissances comptables de son ex épouse ni non plus de la publication des comptes de cette SARL au greffe du tribunal de commerce, la bonne foi se présumant dans les rapports entre les parties qui conviennent d'un d'accord nécessairement équilibré au regard des dispositions de l'article 268 du Code civil est, par conséquent, Madame Y... ne pouvant soupçonner une intention malicieuse de son futur ex conjoint.

Dès lors, comme l'a exactement calculé le premier juge, la part supplémentaire d'actif communautaire revenant à Madame Y..., qui limite ses prétentions à ce montant, représente bien la somme de 222 948, 60 €.

En conséquence, il y a lieu de condamner M. X... à payer à Mme Y... la somme de 222 948, 60 €. »

Alors que, l'article 1477 du code civil édicte une sanction à l'encontre de l'époux commun en biens coupable d'un recel des effets de la communauté ; que, sous le régime de la participation aux acquêts, les biens acquis par les époux, au cours du mariage, constituent des biens qui leur sont personnels et non des biens communs, chacun d'eux ne pouvant prétendre, à la dissolution du régime, qu'à une créance de participation ; qu'en faisant application des dispositions de l'article 1477 du code civil, relatives au recel des effets de la communauté, pour condamner M. X... à payer à Mme Y... une « part supplémentaire d'actif communautaire » (sic), quand il est pourtant constant que les époux X...- Y... étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts, la Cour d'appel a violé les articles 1477 et 1578 du code civil.


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...- A..., demanderesse au pourvoi incident éventuel.


PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré non fondée l'action en complément de part engagée par Mme Y... ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 889 du code civil, lorsque l'un des copartageant établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature ; que pour apprécier s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage ; que cependant, en l'espèce, la remise en cause proposée par Madame Y... ne concerne que l'un des éléments du partage soumis à l'homologation du juge aux affaires familiales ; que par conséquent, faute par celle-ci de rapporter la preuve de la lésion de plus d'un quart sur l'ensemble du partage litigieux, infirmant la décision déférée, il y a lieu de débouter Mme Y... de son action en complément de prix » (arrêt, p. 4-5) ;

ALORS QUE, premièrement, dans ses conclusions d'appel du 4 octobre 2010 (p. 9), Mme Y... évoquait la valeur des parts détenues par le mari dans la société Z...- X... en vue d'analyser l'économie du partage résultant de l'acte du 16 février 2007 en reconstituant la masse active à partir de la valeur réelle des parts et une masse passive restant inchangée, de sorte à dégager un actif net et à déterminer les droits respectifs des époux sur celui-ci ; que ce faisant, loin de se borner à invoquer une erreur sur la valeur des parts, Mme Y... démontrait que le partage, pris dans son ensemble, révélait une lésion de plus du quart ; qu'en énonçant qu'elle se bornait à établir sa lésion sur les seules parts sociales, les juges du second degré ont dénaturé les conclusions de Mme Y... du 4 octobre 2010 ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en refusant de constater la lésion de plus du quart et de faire valoir l'action en complément de part, quand ils étaient en présence de conclusions démontrant, sur les bases retenues par l'arrêt lui-même, qu'il y avait globalement lésion du plus du quart ouvrant droit à une action en complément de part, les juges du fond ont à tout le moins violé l'article 889 du Code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les autres demandes des parties et notamment de l'épouse ;

ALORS QUE Mme Y... sollicitait à titre subsidiaire la condamnation du mari sur le fondement de la faute qu'il avait commise en dissimulant la valeur des parts (conclusions du 4 octobre 2010, p. 11 et s.) ; que la cour d'appel a rejeté ce moyen au même titre que celui visant à obtenir un complément de part ; qu'à supposer que la Cour de cassation en vienne à prononcer une censure sur le pourvoi principal en considérant que la condamnation se serait fondée, non sur la faute, mais sur les règles du recel, la cassation à intervenir sur le pourvoi principal ne pourrait manquer d'entraîner, par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande fondée sur la faute, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2013:C100240
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