Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-26.432, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-26.432
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO00420
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Lacabarats (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a été engagée le 21 mai 2007 par la société Industrielle Raison frères en qualité de représentant exclusif ; que par lettre du 15 octobre 2007, elle a été licenciée pour faute au motif de son comportement irrespectueux manifesté vis-à-vis de sa hiérarchie le 2 octobre 2007 lors d'un entretien préalable à une sanction disciplinaire ; que contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que lors d'un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, la salariée a tenu des propos insultants à l'encontre de son supérieur hiérarchique ; qu'elle ne bénéficie d'aucune immunité à ce titre, puisque ces faits n'ont pas eu lieu dans le cadre d'un entretien préalable au licenciement, mais au cours d'une entretien en vue d'une éventuelle sanction, et qu'au surplus les mots employés, qui sont injurieux, ne constituent pas une réplique à des critiques d'ordre professionnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les paroles prononcées par un salarié au cours de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire ne peuvent, sauf abus, constituer une cause de licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus dans les propos tenus par la salariée lors de l'entretien préalable du 2 octobre 2007, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Industrielle Raison frères aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Industrielle Raison frères à payer à la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de madame X..., salariée, par la société SIRF, employeur, n'était pas abusif et avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre adressée le 15 octobre 2007 à madame X..., lui notifiant son licenciement était ainsi rédigée : « Madame, nous vous avons reçue le 11 octobre 2007 pour un entretien préalable au licenciement. Le 2 octobre 2007, nous vous avions convoquée à un entretien pour une éventuelle sanction. Lors de cet entretien, votre comportement a été totalement irrespectueux à l'encontre de votre hiérarchie. Malgré que vous ayez reconnu les faits, nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement et nous avons décidé de vous licencier pour faute » ; que cette lettre fixait le litige et le grief invoqué ; que le motif du licenciement apparaissait comme étant le comportement adopté par madame X... le 2 octobre 2007, lors de l'entretien avant éventuelle sanction disciplinaire, devant monsieur Y..., directeur régional de la SAS SIRF ; que ce comportement était totalement distinct des éléments de fait ayant amené l'employeur à convoquer madame X... pour le 2 octobre 2007, et s'était manifesté après la convocation au dit entretien faite le 26 septembre 2007 ; qu'il s'agissait d'un fait nouveau survenant le 2 octobre 2007, et pour lequel l'employeur n'avait pas épuisé à cette date son pouvoir disciplinaire ; qu'il était décrit dans la lettre de licenciement au travers de sa date, du cadre de survenance, et de sa nature, de telle sorte que madame X... ne pouvait pas valablement soutenir qu'elle s'était interrogée sur le motif du licenciement ; quant à sa réalité, sans qu'il fut utile de considérer les attestations de monsieur Z..., très imprécises et par conséquent, non probantes, il ressortait de la pièce n° 17, soit de l'attestation de madame A..., et de la pièce n° 13 de la SAS SIRF, qui consistait en un constat d'huissier du 3 octobre 2007 transcrivant les propos de madame X... enregistrés le 2 octobre au soir sur le répondeur de monsieur Y...: d'une part, que les termes adressés en cours d'entretien par madame X... à monsieur Y...avaient été très insultants, portant sur un registre exclusivement personnel et sans aucun rapport avec les faits pour lesquels elle avait été convoquée, ni aucun rapport avec son activité professionnelle en général, madame A...rapportant comme mots utilisés notamment ceux de : roquet, moche, mal foutu, mal fringué, pas faire envie ; d'autre part, que la réalité de cet emportement verbal était certain puisque madame X... avait dès le soir du 2 octobre, laissé sur le répondeur de monsieur Y...un message disant : « c'est X... Sophie. Je me permets de vous appeler suite à l'entretien que nous avons eu ce matin, déjà, d'une part, je voulais quand même m'excuser pour m'être emportée comme j'ai pu le faire ce matin, ce n'est pas dans mes habitudes, je n'aime pas ça d'ailleurs, donc voilà, je tenais à m'excuser » ; que ce comportement injurieux à l'égard de monsieur Y..., supérieur hiérarchique de madame X..., avait eu lieu devant deux salariés de l'entreprise, et devait dès lors être considéré comme constituant dans l'exécution du contrat de travail une faute à l'égard de l'employeur, dont l'autorité avait été dégradée, et une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que madame X... ne bénéficiait d'aucune immunité de propos puisque les faits n'avaient pas eu lieu dans le cadre d'un entretien préalable au licenciement ; qu'en outre, et au surplus, les mots employés étaient injurieux et ne constituaient pas une réplique à des critiques professionnelles ; que les premiers juges avaient à bon droit qualifié le licenciement de cause réelle et sérieuse et que leur décision était confirmée (arrêt, p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE madame X... estimait que son licenciement revêtait un caractère abusif en arguant l'absence de motivation de la lettre lui signifiant son licenciement et le caractère non fautif des faits allégués ; que l'article L. 1232-6 du code du travail précisant que l'employeur était tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement, c'était donc cette dernière qui fixait le cadre du débat ; que le Conseil devait donc apprécier uniquement le motif invoqué dans la lettre du 15 octobre 2007, à savoir le comportement de madame X... lors de l'entretien du 2 octobre 2007 ; qu'il n'avait donc pas à caractériser les faits ayant provoqué cet entretien et évoqués sans raison par la société SIRF pour étayer sa défense ; que le grief unique était le comportement de madame X... jugé totalement irrespectueux à l'encontre de sa hiérarchie par la société SIRF ; que les propos tenus par madame X... étaient confirmés de façon irréfutable, tout d'abord par les attestations de madame Martine A..., comptable, et de monsieur Jean-Pierre Z..., et ensuite par le constat d'huissier relatant les messages des appels téléphoniques que madame X... avaient envoyés à monsieur Y...pour s'excuser de " s'être emportée comme j'ai pu le faire ce matin " ; que cette agressivité verbale le jour de l'entretien, ce qui n'était pas contesté par madame X..., était dirigée contre son supérieur hiérarchique devant deux salariés de l'entreprise ce qui ne faisait qu'accentuer le caractère réel et sérieux du licenciement que cela avait provoqué ; qu'au surplus, madame X... prétendait expliquer, sinon justifier son emportement par un éventuel harcèlement moral que lui aurait fait subir monsieur Y...; que cela ne pouvait être retenu car, non seulement tous les documents ou faits allégués étaient postérieurs à la lettre de licenciement, mais de plus ils émanaient presque tous de madame X... elle-même ; que le conseil déplorait vivement cette manoeuvre qui n'était, de toute évidence, qu'un montage fait pour le tromper ; que le conseil, considérant que le comportement de madame X... ne pouvait être rendu excusable par l'énoncé des faits qui lui étaient reprochés et sur lesquels il n'avait pas à se prononcer, disait que, par appréciation souveraine des preuves qui lui étaient fournies, cette attitude constituait bien une cause réelle et sérieuse de licenciement (jugement, p. 3, § 3 à 12) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE tout enregistrement de paroles à l'initiative d'un employeur, quels qu'en soient les motifs, à l'insu de ses salariés, constitue un mode de preuve illicite ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir l'existence d'une faute de la salariée, sur un enregistrement effectué par un huissier de justice à la demande de l'employeur et à l'insu de la salariée d'un message téléphonique que cette dernière avait laissé à son supérieur hiérarchique, la cour d'appel a retenu à tort un moyen de preuve illicite et violé l'article 9 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les paroles prononcées par un salarié au cours de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire ne peuvent, sauf abus, constituer une cause de licenciement ; qu'en retenant au contraire, pour juger le licenciement de madame X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, que la salariée avait commis une faute en tenant des propos irrespectueux à l'encontre de sa hiérarchie lors de l'entretien du 2 octobre 2007 préalable à une sanction disciplinaire, sans caractériser un abus de la salariée de sa liberté d'expression lors de cet entretien, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et suivants et L. 1331-1 du code du travail.