Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-27.130, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-27.130
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO00422
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 19 février 2006 en qualité d'ingénieur développement électronique par la société E.V. Consulting devenue société Eprox ; que le 7 mars 2008, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement qui s'est déroulé le 17 mars suivant ; qu'après avoir fait l'objet d'un arrêt-maladie du 7 avril au 5 mai 2008, elle a été licenciée pour faute par lettre du 14 mai 2008 ;
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen, qu'après une absence d'au moins vingt-et-un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel, le salarié doit faire l'objet d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail, seul de nature à mettre fin à la suspension du contrat de travail ; qu'en déclarant le licenciement de Mme X... fondé sur une cause réelle et sérieuse quand elle constatait qu'il avait été prononcé après un arrêt de maladie de plus de vingt-et-un jours sans que la salariée ne bénéfice de la visite légale de reprise, ce dont il résultait qu'au moment du prononcé du licenciement le contrat de travail était suspendu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-9, L. 1226-13 et R. 4624-21 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel ayant retenu, par des motifs non critiqués, que l'arrêt-maladie de la salariée avait une cause non professionnelle, le moyen est inopérant en ce qu'il invoque la violation des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a retenu que la salariée, dont la procédure de licenciement disciplinaire a été engagée antérieurement à son arrêt-maladie, n'avait pas été licenciée à raison de son état de santé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation (DIF), alors, selon le moyen, que la violation par l'employeur du droit individuel à la formation (DIF) auquel le salarié peut prétendre lui cause nécessairement un préjudice ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des droits acquis au titre du DIF quand elle constatait que l'employeur n'avait pas fait droit à la demande de prise en charge de la formation demandée par la salariée au moins à hauteur des droits acquis au titre du DIF au jour du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 6323-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu par motifs adoptés que la formation demandée par la salariée était d'un coût supérieur au montant, précisé dans la lettre de licenciement, dont elle disposait au titre du DIF, de sorte que le refus par l'employeur de prendre en charge cette formation n'était pas fautif, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1332-2 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'entretien préalable au licenciement s'est tenu avant l'arrêt-maladie consécutif à un accident de trajet ; que la salariée a fait une déclaration d'accident du travail le 11 avril 2008, donc postérieurement à l'entretien préalable, à la suite de laquelle la caisse primaire d'assurance maladie a diligenté une instruction sur la cause de l'arrêt de travail ; que l'employeur, auquel ont été communiquées les conclusions de cette enquête le 13 mai 2008 et qui a aussitôt notifié le licenciement par lettre du 14 mai 2008, s'est trouvé dans l'impossibilité de notifier le licenciement dans le délai imparti par l'article L. 1332-2 du code du travail ;
Attendu, cependant, que le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable et que ce délai n'est ni suspendu, ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou une maladie non professionnelle du salarié ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 28 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Eprox aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eprox à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PRORES, D'UNE PART QU'il résulte des termes de la lettre de rupture ci-avant rapportés que le licenciement de Mademoiselle Kamare X... est de nature disciplinaire ; que l'entretien préalable en vue d'un licenciement s'est tenu avant l'arrêt maladie ayant une cause non professionnelle (accident de trajet) ; que les arguments exposés par la salariée tenant à la suspension du contrat de travail sont inopérants ne s'agissant pas en l'espèce d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; qu'en cas de maladie non professionnelle le salarié peut être licencié sous la seule réserve qu'il ne soit pas licencié en raison de son état de santé ; que l'absence de visite médicale de reprise n'est pas de nature dès lors à exclure l'existence d'une cause réelle et sérieuse en l'espèce de nature disciplinaire dont la procédure avait été engagée antérieurement à l'arrêt de maladie ; que la salariée a fait valoir d'autre part le délai d'un mois prévu par l'article 1332-2 du Code du travail ; que toutefois, dans le cas d'espèce, il apparaît que Mademoiselle Kamare X... a fait une déclaration d'accident du travail le 11 avril 2008 donc postérieurement à l'entretien préalable, que la CPAM ayant diligenté une instruction sur la cause de l'arrêt de travail l'employeur qui s'est vu notifier les conclusions de cette dernière le 13 mai 2008, s'est trouvé dans l'impossibilité de procéder au licenciement dans le délai imparti ; que la société a de fait aussitôt procédé au licenciement par courrier recommandé du 14 mai 2008 ; que cet argument sera donc rejeté ; qu'il appartient dès lors à la Cour d'examiner les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que s'agissant d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse la charge de la preuve n'incombe pas spécialement à l'une ou à l'autre des parties ; qu'en l'occurrence la salariée n'a produit au débat aucun élément probant de nature à infirmer les griefs énumérés de façon précise dans la lettre de rupture du 14 mai 2008, et pouvant justifier le caractère abusif de son licenciement ; que le jugement entrepris sera confirmé en ses autres dispositions par adoption de ses motifs pertinents ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est établi par la lettre du 13 mai 2008 de la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine que l'accident subi par Melle X..., le 07 avril 2008, est un accident de trajet, que l'article L 1226-7 du Code du travail exclut l'accident de trajet des cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle suspendant le contrat de travail ; que l'article L 1226-9 du Code du travail dont se prévaut Melle X... ne s'applique qu'aux cas visés à l'article L 1226-7 du Code du travail et donc pas aux accidents de trajet ; que l'initiative de la visite de reprise après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel, prévue par l'article R 4624-21-4° du Code du travail, appartient normalement à l'employeur mais qu'elle peut être sollicitée par le salarié, ce que n 'a pas fait Melle X... ; que l'absence de visite de reprise dans ce cas n'est pas sanctionnée par la nullité du licenciement intervenu après la reprise du travail ; qu'un salarié est protégé contre le licenciement pendant la période d'arrêt maladie, mais attendu que la procédure de licenciement de Melle X... a été engagée par la lettre de convocation à l'entretien préalable du 07 mars 2008, intervenue avant l'accident de trajet du 07 avril 2008, et que le licenciement a été prononcé le 14 mai 2008, donc après la fin de la période de protection le 05 mai 2008 ; que le licenciement ne peut donc être déclaré nul ;
AUX MOTIFS PRORES D'AUTRE PART QU'il résulte des termes de la lettre de rupture ci-avant rapportés que le licenciement de Mademoiselle X... est de nature disciplinaire ; que l'entretien préalable en vue d'un licenciement s'est tenu avant l'arrêt maladie ayant une cause non professionnelle ( accident de trajet) ; que les arguments exposés par la salariée tenant à la suspension du contrat de travail sont inopérants ne s'agissant pas en l'espèce d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; qu'en cas de maladie non professionnelle le salarié peut être licencié sous la seule réserve qu'il ne soit pas licencié en raison de son état de santé ; que l'absence de visite médicale de reprise n'est pas de nature dès lors à exclure l'existence d'une cause réelle et sérieuse en l'espèce de nature disciplinaire dont la procédure avait été engagée antérieurement à l'arrêt de maladie ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L 1226-9 du code du travail dont se prévaut madame X... ne s'applique qu'aux cas visés à l'article L 1226-7 du code du travail et donc pas aux accidents de trajet ; que l'initiative de la visite de reprise après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel, prévue par l'article R 4624-21-4° du Code du travail, appartient normalement à l'employeur mais qu'elle peut être sollicitée par le salarié, ce que n'a pas fait Melle X... ; que l'absence de visite de reprise dans ce cas n'est pas sanctionnée par la nullité du licenciement intervenu après la reprise du travail ; qu'un salarié est protégé contre le licenciement pendant la période d'arrêt maladie, mais attendu que la procédure de licenciement de Melle X... a été engagée par la lettre de convocation à l 'entretien préalable du 07 mars 2008, intervenue avant l'accident de trajet du 07 avri12008, et que le licenciement a été prononcé le 14 mai 2008, donc après la fin de la période de protection le 05 mai 2008 ; que le licenciement de Melle X... ne peut donc être déclaré nul.
1) ALORS QU'aucune sanction ne peut être prononcée contre un salarié plus d'un mois après l'entretien préalable ; que ce délai d'un mois n'est ni suspendu, ni interrompu par la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle effectuée par le salarié auprès de la caisse primaire d'assurance maladie après l'entretien préalable ; qu'en décidant au contraire que la déclaration d'accident du travail de madame X... postérieure à l'entretien préalable et l'instruction diligentée par la CPAM sur la cause de l'arrêt de travail avaient placé l'employeur dans l'impossibilité de procéder au licenciement dans le délai imparti en sorte que le dépassement du délai d'un mois après l'entretien préalable pour notifier le licenciement ne l'avait pas privé de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1332-2 du code du travail ;
2) ALORS QU'après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel, le salarié doit faire l'objet d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail, seul de nature à mettre fin à la suspension du contrat de travail ; qu'en déclarant le licenciement de madame X... fondé sur une cause réelle et sérieuse quand elle constatait qu'il avait été prononcé après un arrêt de maladie de plus de 21 jours sans que la salariée ne bénéfice de la visite légale de reprise, ce dont il résultait qu'au moment du prononcé du licenciement le contrat de travail était suspendu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-9, L. 1226-13 et R. 4624-21 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande en paiement de la somme de 3.000 pour non respect du droit individuel à la formation (DIF) ;
AUX MOTIFS PRORES QUE le jugement entrepris sera confirmé en ses autres dispositions par adoption de ses motifs pertinents ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE madame X... ne peut prétendre percevoir des dommages et intérêts au motif d'un refus de la société Eprox de financer sa formation, puisqu'elle a présenté une demande s'élevant à 2.368,08 euros alors qu'elle savait, par la lettre de licenciement, que le montant dont elle disposait au titre du DIF, était de 594 euros ; que l'absence de réponse écrite de la société Eprox à la demande de Melle X... ne suffit pas à établir un préjudice justifiant des dommages et intérêts pour non respect du DIF ;
ALORS QUE la violation par l'employeur du droit individuel à la formation (DIF) auquel le salarié peut prétendre lui cause nécessairement un préjudice ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des droits acquis au titre du DIF quand elle constatait que l'employeur n'avait pas fait droit à la demande de prise en charge de la formation demandée par la salariée au moins à hauteur des droits acquis au titre du DIF au jour du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 6323-1 et suivants du code du travail.