Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 février 2013, 11-28.063, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-28.063
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO00354
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2011) que M. X... a été engagé le 1er juin 2002 par la société Laboratoires Filorga en qualité de directeur général ; qu'estimant avoir fait l'objet d'une modification unilatérale de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur et le paiement de sommes à ce titre ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la modification du contrat de travail ayant fait l'objet d'une acceptation expresse du salarié fait la loi des parties et s'impose à lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. X... avait signé une fiche de poste le 22 juin 2006 qui délimitait son secteur d'intervention aux instruments à usage unique ; qu'en jugeant que M. X... était en droit de prétendre aux attributions qui étaient les siennes avant la signature de cette fiche de poste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ qu'en estimant que la fiche de poste signée par M. X... le 22 juin 2006 n'écartait pas celui-ci "des autres missions qu'il avait effectivement assumées au cours des années de collaboration au sein de la société" cependant que cette fiche de poste mentionnait exclusivement des fonctions en rapport avec le secteur des instruments à usage unique, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a ainsi violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en déduisant du courrier de l'employeur en date du 1er mars 2007 que celui-ci reconnaissait que les fonctions de M. X... ne se limitaient pas à l'instrumentation à usage unique, la cour d'appel a également dénaturé ce document et a ainsi violé, pour cette raison supplémentaire, le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui, ensemble l'article 1134 du code civil ;
4°/ que les compétences professionnelles du salarié s'apprécient au regard des prestations personnellement fournies par celui-ci, au regard de la mission qui lui a été confiée et des objectifs qui ont été fixés ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société Filorga avait remis en cause les compétences professionnelles de M. X... et l'avait discrédité auprès de ses collègues, les fournisseurs et les clients, la cour d'appel s'est fondée sur les résultats positifs de l'entreprise en 2005 et non sur l'accomplissement, par le salarié, des tâches qui lui incombaient personnellement et des objectifs qui avaient été définis pour l'année 2006 ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants ne permettant pas d'apprécier les compétences professionnelles du salarié pendant la période considérée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu que sous couvert de prétendus griefs de dénaturation, violation de la loi et défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui, ayant constaté que le salarié avait subi un déclassement de ses fonctions de directeur général et une diminution de ses responsabilités, ce qui caractérisait une modification unilatérale par l'employeur de son contrat de travail, en a exactement déduit que la demande de résiliation judiciaire de ce contrat était justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Laboratoires Filorga aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Laboratoires Filorga et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoires Filorga.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X... et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société LABORATOIRES FILORGA à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis (16.298,34), congés payés y afférents, dommages et intérêts pour licenciement injustifié (50.000) et pour préjudice moral (15.000), outre les frais irrépétibles et d'AVOIR ordonné le remboursement des prestations versées par les organismes sociaux dans la limite de 6 mois ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la demande de résiliation judiciaire : La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée aux torts de l'employeur si les manquements commis par celui-ci sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail. Dans le cas présent, M. X... considère qu'ayant été engagé en qualité de directeur général, il n'a plus été à même d'exercer ses fonctions conformément à son contrat de travail dès lors qu'il a été privé de l'exercice de ses fonctions de directeur général. Il estime que la direction a réduit ses responsabilités et limité son activité à celle d'un représentant commercial au même rang que celui qu'il avait recruté et formé. Il ajoute que la société a organisé son isolement, ce qui a été à l'origine de la dégradation de son état de santé et de la reconnaissance médicale d'une inaptitude à son poste de travail. L'employeur conteste tout manquement de sa part à ses obligations contractuelles et tout spécialement, le déclassement prétendu du salarié, alléguant que le 22 juin 2006, avant même l'arrivée de M. Y..., M. X... avait signé avec Mme Z..., une fiche de poste prévoyant qu'il devait assumer la maîtrise et la vérification de "l'instrumentation à usage unique, "la mise sur le marché de cette gamme d' instrumentation jetable sous sa responsabilité directe,
La société Laboratoires Filorga considère que cette fiche de fonctions, signée par le salarié, ayant valeur contractuelle, constitue la description exhaustive des fonctions occupées par le salarié à partir de juin 2006 et que la fixation des objectifs était contractuellement prévue par l'article 4 du contrat de travail signé en 2002. Enfin, elle précise que la modification envisagée du mode de rémunération a été soumise à l'accord de M. X... et n'a pas été poursuivie du fait de son refus. II résulte des circonstances de la cause et de l'examen des divers documents produits par les deux parties que M. X... a été engagé à compter du 1 er juin 2002 en qualité de directeur général, que l'article 4 dudit contrat évoquait "un objectif révisable annuellement selon un avenant joint au contrat". Aucun avenant particulier n'a toutefois été signé entre les parties, en tout cas pour les années 2002-2003 -2004-2005. Le document intitulé "fiche de poste-directeur général" a été signé par M. X... et par la présidente de la société Laboratoires Filorga le 22 juin 2006 soit quelques jours avant le changement de direction intervenu courant juillet 2006 et dans le cadre de la préparation de la prise de fonction du nouveau président directeur général M. Y.... Ce document contractuel plaçait sous la responsabilité directe de M. X... la maîtrise et la vérification de l'instrumentation à usage unique, la mise sur le marché de cette gamme d'instrumentation jetable. Il ne peut être déduit de son examen, qu'il écartait M. X... des autres missions qu'il avait effectivement assumées au cours des années de collaboration sein de la société. Selon Mme A... directrice commerciale de la société Laboratoires Filorga, M. X..., entant que directeur général, était toujours le premier à montrer l'exemple avec une disponibilité sans faille, ... il a notamment aidé à mettre en place des ateliers de présentation produits... auprès de la clientèle de médecins esthétiques, a été un des acteurs principaux du lancement du produit d'aquainid,... a de par ses fonctions toujours consolidé l'image des laboratoires auprès de la clientèle mais aussi et surtout auprès des distributeurs étrangers dont il s'occupait activement avec la présidente tout en motivant les équipes au sein de la société. M. Dominique B..., commercial au sein du laboratoire, entre septembre 2002 et septembre 2003 explique que M. X... a toujours été présent sur tous les congrès auxquels participait le laboratoire, qu'en tant que véritable bras droit de la présidente 11 a toujours apporté sa précieuse contribution à toutes les manifestations et actions qui touchaient de près ou de loin les Laboratoires Filorga. Dans une lettre du Ier mars 2007 adressée au conseil de M. X..., M. Y... a écrit, que la tâche prioritaire de M. X... était le développement de l'instrumentation à usage unique sur le territoire fiançais. Quelques lignes plus loin, M. Y... précise "je souhaite donc aujourd'hui que M. X... consacre, comme il s'y est contractuellement engagé, l'exclusivité de son activité au développement et au succès des laboratoires Filorga" Ainsi, l'activité de M. X... s'agissant du développement de l''instrumentation à usage unique sur le territoire français était elle un axe prioritaire de ses fonctions mais non pas exclusif. Pourtant, la lecture des lettres que M. Y... a adressées plus tard au conseil du salarié à plusieurs reprises révèle sa volonté de cantonner M. X... à cette activité "instrumentation à usage unique," le développement de cette activité constituant une des priorités du laboratoire. Force est de constater qu'il admet ainsi que cette activité n'était pas l'unique activité du laboratoire. M. Y... a clairement affirmé son souhait de voir M X... concentrer ses efforts sur ce marché et faire de l'atteinte des objectifs fixés une priorité absolue. Aux termes de ces correspondances, M. Y... a également précisé que le chiffre d'affaires de 470.000 pour le marché français devait être réalisé par M. X... et par M. Philippe C..., soit deux personnes, l'employeur précisant " je compte sur vous pour encourager et aider Philippe C... dans l'accomplissement de sa tâche". Il s'en déduit que M. X... a vu son périmètre de responsabilités diminuer dans les faits, dès lors qu'il était déchargé du suivi des autres activités commerciales de la société et qu'il n'avait plus à assurer l'animation des équipes commerciales des laboratoires Filorga, ses fonctions d'encadrement ne concernant plus qu'une personne M. C..., étendues en cours de discussion à une assistante pour une activité de saisie. C'est, au surplus, avec pertinence que M. X..., fait observer que dans le numéro 27 de la revue "l'entreprise des repreneurs," du mois de décembre 2006, M. Didier Y... était qualifié de "directeur général" des laboratoires Filorga. Il résulte de ce qui précède que M. X... pouvait ainsi légitimement se sentir déclassé et ce, au vu et au su de l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Au surplus, M. Y... a, à plusieurs reprises, évoqué les résultats décevants de M. X... au regard des objectifs de résultats fixés en accord avec lui, insisté "sur la nécessaire meilleure gestion des stocks pour ne pas nous retrouver dans une situation si désastreuse que celle laissée au 31 décembre 2006," évoqué son attente "de plus de discernement et d'analyse sur ce marché". À ce déclassement publiquement exposé, M. X... a, au surplus, vu ses propres compétences professionnelles remises en cause. Pourtant, la revue l'entreprise des entrepreneurs, reprenant en cela les indications qui lui avaient été fournies par la société Laboratoires Filorga, précisait que " la société (Filorga) avait réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 4,5 millions d 'euros, affichant ainsi un taux de croissance moyen de 30% sur les trois dernières années, que l'arrivée récente de nouveaux produits innovants devrait permettre à Filorga de poursuivre son développement, notamment à l'international où il réalise déjà plus de la moitié de son chiffre d'affaires". Or, il n'est pas utilement contesté que M. X..., "bras droit de la présidente", ainsi que l'a relaté l'un des témoins, jusqu'en juillet 2006, était très impliqué dans le lancement des produits innovants mais également dans le développement à l'international des laboratoires Filorga. Cette suspicion latente sur les compétences professionnelles de M. X..., démentie par ce constat d'un développement positif de la société alors qu'il exerçait effectivement les fonctions de directeur général avant l'arrivée de M. Y..., ainsi que le déclassement effectif du salarié et la diminution de ses responsabilités, caractérisent des manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour justifier la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. La résiliation judiciaire du contrat est fixée à la date à laquelle le licenciement a effectivement été prononcé soit le 6 décembre 2007 ; (
) sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral : que le discrédit de M. X... auprès de ses collègues et des tiers qu'étaient les fournisseurs, les distributeurs ou les clients, consécutif au déclassement infligé dans les faits par la nouvelle direction de la société, et le retentissement psychologique de ses conditions de travail au cours des derniers mois de collaboration au sein des Laboratoires Filorga sont à l'origine d'un préjudice moral indéniable qu'il convient de réparer équitablement par l'allocation de la somme de 15.000 que réclame légitimement le salarié ; que le jugement sera sur ce point infirmé » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE la modification du contrat de travail ayant fait l'objet d'une acceptation expresse du salarié fait la loi des parties et s'impose à lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Monsieur X... avait signé une fiche de poste le 22 juin 2006 qui délimitait son secteur d'intervention aux instruments à usage unique ; qu'en jugeant que Monsieur X... était en droit de prétendre aux attributions qui étaient les siennes avant la signature de cette fiche de poste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L.1221-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en estimant que la fiche de poste signée par Monsieur X... le 22 juin 2006 n'écartait pas celui-ci «des autres missions qu'il avait effectivement assumées au cours des années de collaboration au sein de la société », cependant que cette fiche de poste mentionnait exclusivement des fonctions en rapport avec le secteur des instruments à usage unique, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a ainsi violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU'en déduisant du courrier de l'employeur en date du 1er mars 2007 que celui-ci reconnaissait que les fonctions de Monsieur X... ne se limitaient pas à l'instrumentation à usage unique, la cour d'appel a également dénaturé ce document et a ainsi violé, pour cette raison supplémentaire, le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE les compétences professionnelles du salarié s'apprécient au regard des prestations personnellement fournies par celui-ci, au regard de la mission qui lui a été confiée et des objectifs qui ont été fixés ; qu'en l'espèce, pour retenir que la Société FILORGA avait remis en cause les compétences professionnelles de monsieur X... salarié et l'avait discrédité auprès de ses collègues, les fournisseurs et les clients, la cour d'appel s'est fondée sur les résultats positifs de l'entreprise en 2005 et non sur l'accomplissement, par le salarié, des tâches qui lui incombaient personnellement et des objectifs qui avaient été définis pour l'année 2006 ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants ne permettant pas d'apprécier les compétences professionnelles du salarié pendant la période considérée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1221-1 et L.1231-1 du Code du travail.