Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 février 2013, 10-30.028, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2009) que Mme X... a été engagée le 2 novembre 1977 par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes en qualité successivement d'employée, d'agent technique et de technicienne ; que depuis 1990, elle exerce les fonctions de déléguée syndicale auxquelles se sont adjointes celles de conseiller prud'homme ; qu'en vertu d'un avenant du 10 août 1995 à son contrat de travail, son temps de travail à temps partiel d'une durée de 19 heures 30 par semaine se trouve réparti selon un horaire journalier de 5 heures, les lundi, mardi, jeudi, et 4 heures 30 le vendredi, avec plage fixe le matin de 9 heures à 11 heures 30 ; qu'en application de cet avenant et du règlement de la CPAM, la salariée est autorisée, hors plage fixe, à aménager librement son temps de travail avec un choix d'horaires libres pendant des plages dites "mobiles", sous contrôle de gestion automatisée de pointage ; qu'elle a, dans ce cadre, intercalé la pause du déjeuner au sein de ces plages mobiles, reprenant le travail ensuite, et a effectivement décompté son temps de travail avec une pause repas pour laquelle elle a sollicité l'attribution de titres-restaurant ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner, par confirmation, à payer à la salariée un rappel de salaire et congés payés afférents correspondant aux retenues effectuées du mois de juin 1998 au mois d'avril 1999, au titre des chèques déjeuner des années 1995, 1996 et 1998, alors, selon le moyen :

1°/ que l'attribution de titres-restaurant suppose que le salarié est tenu de prendre son déjeuner sur son lieu de travail ou à proximité de celui-ci alors que sa journée de travail n'est pas achevée, de sorte qu'un salarié qui travaille à mi-temps et qui est contractuellement tenu d'accomplir ses cinq heures de travail le matin, avant 14 heures, avec une plage horaire fixe située entre 9 heures et 11 heures 30, ne peut se prévaloir d'un droit à l'attribution de titres-restaurant en se fondant sur la faculté de scinder la plage mobile de travail, d'une durée totale de 2 heures 30, en deux parties entrecoupées par une pause déjeuner prise de manière anticipée, dès lors que la pause déjeuner n'est pas, en pareil cas, nécessairement comprise dans son horaire quotidien de travail ; de sorte qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble celles de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 et du décret n° 67-1165 du 22 décembre 1967 ;

2°/ que l'attribution de titres-restaurant supposant que le salarié soit contraint quotidiennement de prendre son déjeuner sur son lieu de travail et pendant son temps de travail, le salarié dont le contrat de travail prévoit l'accomplissement de cinq heures de travail le matin et qui bénéficie d'une autorisation d'absence pour formation prud'homale ne peut bénéficier de titres restaurant pendant la période de formation quand bien même serait-il tenu, pendant cette période, de prendre sa pause déjeuner sur son lieu de formation ou à proximité de celui-ci ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Mme X... devait se voir attribuer des titres-restaurant au titre des périodes au cours desquelles elle avait bénéficié d'autorisations d'absence pour suivre une formation prud'homale dès lors que son temps de formation comprenait une pause déjeuner, sans relever qu'une journée normale de travail comprenait nécessairement une pause déjeuner, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des dispositions de l'article L. 1442-2 du code du travail, ensemble celles de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 et du décret n° 67-1165 du 22 décembre 1967 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article R. 3262-7 du code du travail pose comme seule condition à l'obtention du titre-restaurant que le repas du salarié soit "compris dans son horaire de travail journalier", sans distinguer selon que cette inclusion concerne des plages d'horaire fixes ou résulte de la libre détermination par le salarié des plages mobiles qu'autorise son contrat de travail et qui lui permettent d'intercaler son temps de repas entre deux séquences de travail ;

Attendu, en second lieu, que par renvoi exprès de l'article L. 1442-2 du code du travail aux dispositions de l'article L. 3142-12 du même code, le temps de formation des conseillers prud'hommes est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi que pour l'ensemble des autres droits résultant pour l'intéressé de son contrat de travail ; que la cour d'appel en a exactement déduit que le conseiller peut légitimement prétendre au bénéfice des titres-restaurant dès lors qu'il est justifié que son temps de formation englobait un temps de repas et que n'est pas rapportée la preuve de la non-conformité des heures litigieuses avec l'objet de cette formation ;

D'où il suit que le moyen est mal fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour discrimination, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail, recodifié sous l'article L. 3245-1 du même code, s'applique à toute action qui, sous couvert d'obtenir le paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice découlant d'une discrimination, ne tend qu'à obtenir le paiement de salaires prescrits ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la prescription quinquennale de l'article L. 3245-1 du Code du travail ne trouvait pas à s'appliquer, pour appliquer la prescription de l'article L. 1134-5 du code du travail issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, tout en constatant, dans sa décision, que les demandes nouvelles présentées en cause d'appel par Mme X... tendaient au paiement, d'une part, de sommes correspondant à un «préjudice salarial et professionnel subi pendant sa carrière» et à un «préjudice subi en matière de retraite», la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2224 du code civil, ensemble celles des articles L. 1134-5 et L. 3245-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la discrimination litigieuse avait été révélée à la salariée par le courrier de l'inspection du travail du 17 octobre 2006, soit moins de cinq ans avant l'introduction le 25 septembre 2009 de sa demande en dommages-intérêts, la cour d'appel, faisant une exacte application tant de l'article L. 1134-5 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 que de l'article 26 II et III de ladite loi, a déclaré non prescrite cette demande qui tendait à la réparation du préjudice subi par l'intéressée et résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre autres branches :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement à la salariée de dommages-intérêts pour discrimination, alors, selon le moyen :

1°/ que la discrimination syndicale ne peut être caractérisée qu'entre salariés se trouvant dans une situation identique ou, à tout le moins, comparable ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Mme X... avait été victime de discrimination sans procéder à aucune comparaison avec des salariés ou un groupe de salariés de la CPAM des Alpes-Maritimes se trouvant dans une situation identique ou, à tout le moins, comparable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles L 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, ensemble du principe «à travail égal, salaire égal» ;

2°/ qu'il appartient au salarié qui prétend être victime d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la discrimination de Mme X... était établie en relevant que la CPAM ne venait pas utilement contredire les éléments avancés par la salariée à l'appui de la discrimination invoquée, ne fournissant aucun élément concernant la situation en termes de rémunération, d'évolution de carrière, de diplômes des agents embauchés la même année, ce sans exiger aucun élément de comparaison de la part de la salariée demanderesse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

3°/ qu'en s'appropriant les termes du rapport de l'inspection du travail selon lesquels 98,18 % des agents auraient eu un salaire supérieur à celui de Mme X... tout en constatant que les chiffres avancés par le salarié et repris par l'inspection du travail pouvaient être discutés ne serait-ce que par l'absence de prise en compte de l'avancement conventionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, violant, par conséquent, les dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

4°/ que la CPAM des Alpes-Maritimes insistait dans ses conclusions sur le fait que l'absentéisme très important de Mme X..., indépendamment de l'exercice de ses fonctions syndicales, de son activité de conseiller prud'homal, des congés maternité et de formation, avait nécessairement eu des conséquences sur son évaluation, notamment dans le cadre de la mise en place des contrats d'objectifs nécessaires à l'obtention des degrés ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre au moyen pertinent tiré des très nombreuses absences de Mme X... dépourvues de tout lien avec l'exercice de ses fonctions syndicales, de son activité de conseiller prud'homal ou avec sa maternité, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; ensuite, qu'un employeur ne peut, fût-ce pour partie, prendre en compte les absences d'un salarié liées à ses activités syndicales pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement et la rémunération ;

Et attendu qu'ayant relevé que les fiches d'évaluation de la salariée, dont l'évolution de carrière se situait bien en-deçà de la progression de rémunération enregistrée par la moyenne des salariés de la CPAM des Alpes-Maritimes, faisaient référence à ses activités syndicales et prud'homales, dénoncées sous l'appellation "présentéisme" comme entraînant une présence insuffisante de l'intéressée au travail, ce dont il se déduisait que ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination syndicale, alors que l'employeur était défaillant dans l'établissement d'une preuve contraire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la CPAM des Alpes-Maritimes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a, par confirmation, condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de 564,82 € à titre de rappel de salaire et de 56,48 € au titre des congés payés y afférents, correspondant aux retenues effectuées du mois de juin 1998 au mois d'avril 1999, au titre des chèques déjeuner des années 1995, 1996 et 1997 ;

AUX MOTIFS QU'en l'état des éléments de la cause, la cour ne peut que faire sienne la motivation du premier juge qui d'une part, a rappelé les conditions d'attribution des titres restaurants aux agents travaillant à temps partiel dans la mesure où le temps de repos est compris dans le temps de travail, selon les courriers de confirmation de l'UCANSS, les réponses ministérielles produites aux débats et le règlement de la CPAM en vigueur, et d'autre part, a justement souligné qu'il n'était fait aucune différence ni distinction dans ce règlement entre les horaires fixes et les horaires variables des salariés pour l'attribution de titres restaurant ; qu'il est tout aussi constant que le contrat de travail de la salariée établissait un système d'horaire variable autorisant Mme Yvonne X..., hors plage fixe, à aménager son temps de travail avec un choix d'horaires libres pendant les plages dites mobiles, qu'il existait un contrôle de gestion automatisée de pointage des horaires et qu'il n'est nullement contesté par l'employeur, comme le souligne le jugement déféré, que la salariée, pour les périodes incriminées, a effectivement décompté son temps de travail incluant une pause repas ; qu'il s'évince de ces mêmes éléments que le temps alloué à cette salariée, en sa qualité de conseiller prud'homal salarié auquel il a été accordé des autorisations d'absences pour les besoins de sa formation et de son mandat, est assimilé à une durée de travail effectif pour l'ensemble des droits résultant de son contrat, avec maintien de sa rémunération, y compris au titre des compléments de salaire, de sorte qu'un conseiller peut légitimement prétendre au bénéfice des titres restaurant dès lors qu'il est justifié que son temps de formation englobait un temps de repas et qu'il n'est pas rapporté la preuve de la non-conformité des heures litigieuses avec l'objet de ce mandat ; qu'au cas d'espèce, cette non-conformité n'est pas alléguée, encore moins rapportée ;

ALORS QUE, premièrement, l'attribution de titres-restaurant suppose que le salarié est tenu de prendre son déjeuner sur son lieu de travail ou à proximité de celui-ci alors que sa journée de travail n'est pas achevée, de sorte qu'un salarié qui travaille à mi-temps et qui est contractuellement tenu d'accomplir ses cinq heures de travail le matin, avant 14 heures, avec une plage horaire fixe située entre 9 heures et 11 h 30, ne peut se prévaloir d'un droit à l'attribution de titres-restaurant en se fondant sur la faculté de scinder la plage mobile de travail, d'une durée totale de 2 h 30, en deux parties entrecoupées par une pause déjeuner prise de manière anticipée, dès lors que la pause déjeuner n'est pas, en pareil cas, nécessairement comprise dans son horaire quotidien de travail ; de sorte qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble celles de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 et du décret n° 67-1165 du 22 décembre 1967 ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'attribution de titres-restaurant supposant que le salarié soit contraint quotidiennement de prendre son déjeuner sur son lieu de travail et pendant son temps de travail, le salarié dont le contrat de travail prévoit l'accomplissement de cinq heures de travail le matin et qui bénéficie d'une autorisation d'absence pour formation prud'homale ne peut bénéficier de titres restaurant pendant la période de formation quand bien même serait-il tenu, pendant cette période, de prendre sa pause déjeuner sur son lieu de formation ou à proximité de celui-ci ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Madame X... devait se voir attribuer des titres-restaurant au titre des périodes au cours desquelles elle avait bénéficié d'autorisations d'absence pour suivre une formation prud'homale dès lors que son temps de formation comprenait une pause déjeuner, sans relever qu'une journée normale de travail comprenait nécessairement une pause déjeuner, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des dispositions de l'article L. 1442-2 du code du travail, ensemble celles de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 et du décret n° 67-1165 du 22 décembre 1967.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a, rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, décidé que la salariée avait été victime de discrimination syndicale, condamnant, par conséquent, l'employeur à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 1134-5 du code du travail dispose que : "L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée." ; qu'il convient de préciser que cet article a été créé par l'article 16 III de la loi n. 2008-561 du 17 juin 2008, app1icable à compter du 19 de ce mois, et dont l'article 26 II et III prévoit expressément que : "Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure." "Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation." ; qu'il s'évince de ces éléments que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination à l'encontre de Mme Yvonne X... ressort du dépôt d'écritures reçues pour la première fois par la cour d'appel le 25 septembre 2009 et réitérées à l'audience du 29 de ce mois, étant observé qu'il n'est aucunement justifié, en dehors de simples allégations de la part de la CPAM ou de la salariée dans leurs écritures respectives, d'une quelconque saisine du conseil de prud'hommes de Nice, qui plus est à la date du 17 avril 2008 et aux côtés des 12 autres salariés CGT visés dans les courriers de l'inspection du travail et la plainte pénale ci-avant évoqués ; qu'il est tout aussi constant que la révélation de la discrimination à la salariée, autrement dit le moment où celle-ci a disposé de tous les éléments permettant de mettre en évidence une discrimination, est intervenue par le courrier de l'inspection du travail en date du 17 octobre 2006, en sorte que son action en réparation du préjudice en résultant n'est pas prescrite, comme ayant été engagée dans le délai stipulé à l'article L. 1134-5 du code du travail applicable au cas d'espèce ; que toutefois, conformément au dernier alinéa de cet article, les faits de discrimination devant être pris en compte ne sauraient se limiter à la seule période quinquennale antérieure au 25 septembre 2009, mais à toute la durée pendant laquelle ces faits se sauraient produits, lesquels peuvent être antérieurs au 25 septembre 2004 ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription partielle de l'action initiée par Mme Yvonne X... sera en voie de rejet ;

ET AUX MOTIFS QUE Mme Yvonne X... prétend être victime de discrimination depuis son engagement syndical au sein de l'organisation CGT, qui aurait été pris en considération par l'employeur pour arrêter des décisions affectant son avancement de carrière, sa rémunération et les formations professionnelles auxquelles elle était en droit de prétendre, au sens de l'article L. 2141-2 - anciennement codifié L. 412-2 - du code du travail ; que Mme Yvonne X... soutient avoir été victime d'une telle discrimination syndicale depuis son adhésion au syndicat CGT en 1980 et plus particulièrement depuis l'exercice de mandat de déléguée syndicale comme représentante du personnel en 1981, reprochant à l'employeur, non pas l'absence d'avancement conventionnel lié à l'ancienneté et échappant à ce titre au pouvoir discrétionnaire du directeur de la CPAM mais à la mise en place, de façon subjective, du dispositif de développement et du parcours professionnel faisant que si sa carrière n'a pas stagné, elle a en revanche évolué plus lentement que celle des autres salariés placés dans une situation identique ; qu'il ressort des éléments de la cause non critiqués par l'employeur que Mme Yvonne X... a été embauchée le 2 novembre 1977 en qualité d'employée classement tri et écritures complexes, niveau 2, coefficient 170 (valeur 2003, correspondant au coefficient 127 en 1966), qu'au 1er juillet 2008, elle occupe un emploi de "technicienne prestation AS", niveau 3, coefficient 205 (application du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois) ; que comme le souligne l'employeur, la carrière de Mme Yvonne X... s'est déroulée dans le cadre de trois protocoles d'accord se traduisant par trois classifications des emplois différents, à savoir la classification des emplois du 17 avril 1974, puis celle du 14 mai 1992, enfin celle du 30 novembre 2004 ; que l'employeur rappelle que : - sous l'égide de la classification de 1974, Mme Yvonne X... a été promue au grade d'agent technique qualifié en 1979, à celui d'agent technique hautement qualifié en 1981, - qu'elle a fait l'objet de 5 mesures d'avancement à l'ancienneté (en 1979, 1982, 1983, 1985 et 1987) et de 5 mesures d'avancement au mérite (en 1979, 1982, 1983, 1985 et 1988) se traduisant à chaque fois par une augmentation de 4 % de sa rémunération, reprochant ainsi à la salariée d'occulter de tels éléments d'appréciation ; - au terme du protocole d'accord du 14 mai 1992, applicable au 1er janvier 1993 jusqu'au 31 janvier 2005, il est prévu pour chaque niveau de qualification, un coefficient de carrière, un dispositif d'avancement conventionnel et un dispositif de développement professionnel (sous forme de degrés) ; - précisément, Mme Yvonne X... a bénéficié de l'avancement conventionnel par attribution d'échelons de 2 % chaque année entre 1994 et 2004, à l'exception de l'année 1996, soit 20 % au total ; - qu'outre ces 20 % d'échelons d'avancement conventionnel, Mme Yvonne X... a bénéficié, durant toute cette période où elle était employée au niveau 3, coefficient 185, de deux degrés de développement professionnel (soit 15 points supplémentaires), à savoir en 2002 17 (degré 1 : 7 points supplémentaires pour le salarié qui possède la capacité validée lui permettant de faire face à toutes les situations spécifiques de son activité) et en 2004 (degré 2 : 8 points supplémentaires pour le salarié possédant des compétences validées d'analyse de son environnement pour gérer l'ensemble des relations et communications indispensables au bon accomplissement de ses activités) ; - qu'elle avait auparavant bénéficié en 1998 de 5 points supplémentaires dits de garantie attribués d'office, selon le protocole, à l'agent qui n'a pas obtenu le bénéfice d'un degré au plus tard au bout d'une période quinquennale ; - qu'en application du protocole d'accord du 30 novembre 2004, à effet du 1er février 2005, le niveau de positionnement pour l'emploi de technicien demeurait identique, soit le niveau 3, tandis que chaque niveau de qualification correspondait à deux coefficients (coefficient de qualification et coefficient maximum) ; - que la progression dans la plage d'évolution salariale prend en compte l'expérience professionnelle par le biais de point par année d'ancienneté, avec 50 points au maximum et le développement professionnel par l'attribution de points de compétence en suite des entretiens annuels d'évaluation ; Qu'au cas d'espèce, Mme Yvonne X... est employée depuis le 1cr février 2005 au niveau 3, coefficient 205 (anciennement 185) et a bénéficié à cette date de 50 points d'expérience professionnelle et de 14 points de compétence, puis au 1er juillet 2008, également de 50 points d'expérience et de 21 points de compétence (annexe 19 des pièces de l'employeur) ; que pour autant, si l'évolution de la carrière de Mme Yvonne X..., telle que rappelée par l'employeur, atteste de l'absence d'une stagnation, ce qu'au demeurant la salariée ne discute nullement, force est de constater que cette évolution se situe bien en deçà de la progression de rémunération enregistrée par la moyenne des salariés de la CPAM des Alpes-Maritimes, nonobstant le droit d'évaluer ses salariés et de tenir compte des résultats de cette évaluation que l'employeur tient légitiment de son pouvoir de direction né du contrat de travail dès lors que cela constitue une justification objective de ses décisions et fondée sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination prohibée ; qu'en effet, quand bien même les chiffres avancés par la salariée et repris par l'inspection du travail peuvent être discutés, ne serait-ce que par l'absence de prise en compte de l'avancement conventionnel rappelé ci-avant, il n'en demeure pas moins que la CPAM ne vient pas utilement contredire les éléments avancés par la salariée à l'appui de la discrimination invoquée, ne fournissant aucun élément concernant la situation en termes de rémunération, d'évolution de carrière, de diplômes des agents embauchés la même année que Mme Yvonne X... alors que le rapport de l'inspection du travail souligne que 98,18 % de ces agents auraient un salaire supérieur à celui de cette salariée ; que dès lors, l'employeur ne démontre pas que nonobstant le bénéfice d'un avancement conventionnel, la salariée n'a subi aucun retard dans l'évolution de sa carrière comme de sa rémunération alors que : - cette salariée demeure au moins depuis le 1er janvier 1993 au même niveau et au même coefficient ; - il n'est pas justifié d'évaluation de la salariée au titre des années 1981 à 1994, 1996 à 1998 ; - le bilan des activités 2002 (évaluation 2003) souligne que si "les capacités de l'agent ne sont pas en cause mais son présentéisme" et que" cet agent travaillant à temps réduit (3j sur 5) plus exerçant des activités syndicales" ; - le bilan des activités 2005 (évaluation 2006) précise: "Agent efficace dont la présence plus fréquente au centre serait appréciée" ; - l'employeur invoque de nombreux dispositifs de formation et stages de formation professionnelle entre mai 1990 et mars 2008, se limitant à une énumération de dates sans produire le moindre justificatif à ce titre ; - l'employeur met en exergue la suspension du contrat de travail de la salariée à de très nombreuses reprises à hauteur d'un cumul représentant "799 journées d'absence" (hors congés annuels) ", soit 181 jours d'absence maladie entre 1990 et 2006, deux périodes d'-absence pour maternité respectivement de 92 et 93 jours en 1983 et 1994,284 jours d'absence pour congé parental sans solde entre août 1996 et juin 1997, 93 jours d'absence de congé exceptionnel sans solde et 56 jours d'absence pour congé individuel de formation ; Que, d'évidence, l'évocation par l'employeur de tels éléments pour justifier ses décisions relatives à la carrière et la rémunération de la salariée laisse d'évidence supposer, sans démonstration contraire, que le retard invoqué par Mme Yvonne X..., conforté par l'inspection du travail, quant à l'évolution de sa carrière et sa rémunération, n'est nullement étranger à l'exercice par celle-ci de fonctions syndicales depuis 1981, voire de conseiller prud'homal ; que tel est le cas notamment quand l'employeur souligne qu'est en cause le "présentéisme", autrement dit l'insuffisante présence de la salariée exerçant des mandats syndicaux ou de conseiller prud'homal, voire rappelle les périodes de suspension de son contrat de travail pour des raisons de maladie ou de maternité ; que défaillante dans l'établissement d'une preuve contraire, la CPAM des Alpes-Maritimes doit être déclarée comme ayant commis des faits de discrimination à l'encontre de Mme Yvonne X... à raison des dites fonctions ;

ALORS QUE, premièrement, la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail, recodifié sous l'article L. 3245-1 du même code, s'applique à toute action qui, sous couvert d'obtenir le paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice découlant d'une discrimination, ne tend qu'à obtenir le paiement de salaires prescrits ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la prescription quinquennale de l'article L. 3245-1 du Code du travail ne trouvait pas à s'appliquer, pour appliquer la prescription de l'article L. 1134-5 du Code du travail issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, tout en constatant, dans sa décision (p. 4), que les demandes nouvelles présentées en cause d'appel par Madame X... tendaient au paiement, d'une part, de sommes correspondant à un « préjudice salarial et professionnel subi pendant sa carrière » et à un «préjudice subi en matière de retraite », la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2224 du Code civil, ensemble celles des articles L. 1134-5 et L. 3245-1 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, la discrimination syndicale ne peut être caractérisée qu'entre salariés se trouvant dans une situation identique ou, à tout le moins, comparable ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Madame X... avait été victime de discrimination sans procéder à aucune comparaison avec des salariés ou un groupe de salariés de la CPAM des Alpes Maritimes se trouvant dans une situation identique ou, à tout le moins, comparable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, ensemble du principe « à travail égal, salaire égal » ;

ALORS QUE, troisièmement, il appartient au salarié qui prétend être victime d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la discrimination de Madame X... était établie en relevant que la CPAM ne venait pas utilement contredire les éléments avancés par la salariée à l'appui de la discrimination invoquée, ne fournissant aucun élément concernant la situation en termes de rémunération, d'évolution de carrière, de diplômes des agents embauchés la même année, ce sans exiger aucun élément de comparaison de la part de la salariée demanderesse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

ALORS QUE, quatrièmement, en s'appropriant les termes du rapport de l'inspection du travail selon lesquels 98,18 % des agents auraient eu un salaire supérieur à celui de Madame X... tout en constatant que les chiffres avancés par le salarié et repris par l'inspection du travail pouvaient être discutés ne serait-ce que par l'absence de prise en compte de l'avancement conventionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, violant, par conséquent, les dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

ALORS QUE, cinquièmement, la CPAM des Alpes-Maritimes insistait dans ses conclusions sur le fait que l'absentéisme très important de Madame X..., indépendamment de l'exercice de ses fonctions syndicales, de son activité de conseiller prud'homal, des congés maternité et de formation, avait nécessairement eu des conséquences sur son évaluation, notamment dans le cadre de la mise en place des contrats d'objectifs nécessaires à l'obtention des degrés (conclusions, p. 61, dernier alinéa et p. 62, alinéas 1 et 2) ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre au moyen pertinent tiré des très nombreuses absences de Madame X... dépourvues de tout lien avec l'exercice de ses fonctions syndicales, de son activité de conseiller prud'homal ou avec sa maternité, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00370
Retourner en haut de la page