Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 février 2013, 11-27.271, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 11-27.271
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
- Président
- M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 de la Directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité moldave, en situation irrégulière en France, a été interpellé le 22 février 2011 et placé en garde à vue pour infraction à la législation sur les étrangers ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et a été placé en rétention administrative en exécution de la décision prise à son encontre par le préfet du Val-de-Marne ; qu'un juge des libertés et de la détention a prolongé sa rétention ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'ordonnance retient que la présence d'une seule association au centre de rétention administrative, en l'espèce la Cimade, est conforme aux objectifs de la Directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Qu'en statuant ainsi, tout en énonçant que le formulaire mentionnait uniquement le numéro d'une seule association présente sur les lieux, quand, en vertu de ladite Directive, l'intéressé devait être informé de son droit de contacter différentes organisations et instances susceptibles d'intervenir et mis en mesure de l'exercer, peu important qu'elle fût ou non présente au centre de rétention, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 1er mars 2011, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir prolongé la rétention administrative de Monsieur X... ;
Aux motifs que, « Sur le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article L. 553-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Il échet de constater qu'il ressort de la procédure que les formalités impérieuses prescrites par cet article ont bien été accomplies, la cour ayant pu constater qu'avait été dûment informés les procureurs de la République compétents ainsi que les juges des libertés et de la détention des lieux de départ et d'arrivée de M. Dan X... ;
Sur l'exercice effectif des droits en rétention :
La cour considère que les prescriptions de l'article L. 662-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont bien été respectées dès lors que le formulaire "vos droits au local et au centre de rétention", en date du 24 février 2011, mentionne à la fois les droits dans ces deux lieux de rétention, à savoir l'assistance d'un interprète, d'un avocat, d'un médecin, ainsi que le téléphone de l'association la CIMADE ; que par ailleurs, un téléphone portable est mis immédiatement à disposition de l'intéressé et le sera lors de chacun de ses déplacements ;
Il sera également rappelé que, concernant la CIMADE, il est même indiqué qu'un représentant assure une permanence au centre de rétention du Mesnil Amelot ; ce formulaire qui fait foi a été signé par l'intéressé lui-même ;
Concernant l'article 16 de la directive européenne dite "retour" :
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 554, R. 553-4, R. 553-13 et 14 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le droit d'information des étrangers est assuré, répondant ainsi aux objectifs de ladite directive, peu important qu'une seule association, en l'espèce la CIMADE soit présente au centre de rétention administrative du Mesnil Amelot ;
Sur le délai de transfert :
Il échet de constater qu'un procès-verbal du 23 février 2011 à 17h25 mentionne qu'un téléphone est immédiatement mis à la disposition de l'intéressé pour faire valoir ses droits et qu'au surplus qu'un téléphone portable est mis à sa disposition lors de son transfert au local de rétention ; qu'ainsi peu importe le délai de transfert dès lors que l'exercice effectif des droits de M. Dan X... a été respecté ;
Sur les dispositions de l'article L. 554-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Il a été constaté lors de l'audience l'effectivité des diligences, dès lors qu'une lettre, en date du 23 février 2011 avec rapport de transmission, a été adressée à l'ambassade de Moldavie, ainsi que la trace de l'envoi des pièces justificatives utiles le 26 février suivant » ;
Alors, d'une part, que les dispositions claires et précises d'une directive, non transposée en droit interne, peuvent, à l'expiration du délai de transposition, être invoquées par tout justiciable ; qu'en énonçant, pour prolonger la rétention administrative de Monsieur X..., que les objectifs de la directive 2008/115/CE ont déjà été pris en compte dans les dispositions du CESEDA, quand l'article 16 de cette directive prévoient pourtant de manière claire et précise de nouveaux droits directement invocables par l'étranger, à savoir que la personne placée en rétention doit avoir communication des informations expliquant le règlement des lieux, être informée de son droit de contacter différentes organisations et instances et mise en mesure de l'exercer, le premier président de la Cour d'appel a violé l'article 16 de la directive 2008/115/CE ;
Alors, d'autre part et en tout état de cause, que la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, notamment ses articles 8, 15 et 16, telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union Européenne par un arrêt préjudiciel du 28 avril 2011, s'oppose à ce qu'un Etat membre de l'Union édicte ou maintienne en vigueur une réglementation prévoyant l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié ; qu'en prolongeant la rétention administrative de Monsieur X... qui était entachée d'irrégularité dès lors que la mesure de garde à vue qui l'a immédiatement précédée, décidée pour le seul motif que ce dernier était en situation de séjour irrégulier, était elle-même entachée d'irrégularité pour être fondée sur les dispositions de l'article L. 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles doivent être laissées inappliquées en ce qu'elles prévoient une peine d'emprisonnement pour séjour irrégulier, compte tenu de l'interprétation adoptée par la Cour de Justice de l'Union Européenne, le premier président de la Cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 8, 15 et 16 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008.