Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 février 2013, 11-28.389, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 11-28.389
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Gérard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 octobre 2011), que les 7 avril et 23 juin 2009, la société Boulanger ingénierie et négoce (la débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Koch et associés étant désignée liquidateur ; que par ordonnance du 4 novembre 2010, le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques des biens de la débitrice conformément aux dispositions de l'article L. 642-19 du code de commerce, notamment d'une découpeuse plasma que le dirigeant de la débitrice, invoquant une priorité de rachat consentie à la société Décodécoup, estimait devoir être cédée à cette société ;
Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance, alors, selon le moyen, que l'interdiction de rachat des actifs du débiteur en liquidation judiciaire édictée par les articles L. 642-3 et L. 642-20 du code de commerce ne vise, limitativement, que le débiteur lui-même, les dirigeant de fait ou de droit de la personne morale en liquidation judiciaire, les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré de ces dirigeants ou du débiteur, ainsi que les créanciers contrôleurs, directement ou par personne interposée ; que l'interdiction faite à ces mêmes personnes d'acquérir les droits sociaux d'une société ayant dans ses actifs un des biens vendus ne vaut que pour l'avenir ; qu'il n'est par conséquent pas interdit à une société gérée par un parent du débiteur, dès lors que cette société n'est pas fictive, d'acquérir un des biens meubles cédés en application de l'article L. 642-19 du code de commerce ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser de faire application de la clause de préférence stipulée à l'acte du 29 janvier 2009, que la société Décodécoup ne pouvait acquérir les biens dépendant du patrimoine de la débitrice, le gérant de la première étant le beau-père du gérant de la seconde, quand aucune interdiction de cette nature ne peut être déduite des termes de l'article L. 642-3 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, loin de se borner à relever que la société Décodécoup ne pouvait acquérir les biens dépendant du patrimoine de la débitrice, le gérant de la première étant le beau-père du gérant de la seconde, l'arrêt retient, par motifs adoptés, d'un côté, que la clause de priorité de rachat de la découpeuse plasma était inapplicable, à défaut d'avoir été acceptée, comme prévu à l'acte de prêt, par le Crédit agricole Alsace Vosges, créancier nanti, et portée à la connaissance des organes de la procédure et, de l'autre, que l'évaluation de la valeur vénale du bien était bien supérieure à l'offre d'achat de la société Décodécoup ; que par ces seuls motifs, non critiqués, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Boulanger ingénierie et négoce aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Boulanger ingénierie et négoce.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la vente aux enchères publiques des biens appartenant à la SARL Boulanger Ingénierie et Négoce conformément aux dispositions de l'article L. 642-19 du Code de commerce, d'avoir commis un huissier pour effectuer cette vente et désigné un technicien pour l'assister dans sa mission ;
Aux motifs propres que, « selon "contrat de prêt à usage commodat" en date du 29 janvier 2009, la société BOULANGER INGENIERIE ET NEGOCE a prêté "de façon gratuite" à la « société DECODECOUP" la "source de découpage Plasma Hy Performance HPR 6000 x 2000" pour la période du 30 janvier 2009 au 31 décembre 2015 ; que l'article 5 de cette convention stipule : "de convention, les parties se sont entendues : dans le cadre d'une liquidation amiable ou judiciaire du prêteur, l'emprunteur aura priorité de rachat sur la chose prêtée" ; qu'il résulte des dispositions de l'article L 642-3 du code de commerce déclarées applicables aux cessions d'éléments d'actif par l'article L 642-20 que "ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre" ; qu'il n'est pas contesté que le gérant de la société Décodécoup, M. X..., est le beau-père de M. A..., le gérant de la société Boulanger Ingénierie et Négoce ; que la cession de gré à gré à la société Décodécoup, sollicitée par l'appelante, violerait le principe de l'interdiction d'acquérir frappant les alliés jusqu'au deuxième degré posé par la loi du 26 juillet 2005 ; que l'article L. 642-3 prévoit une dérogation à cette règle en cas de "requête du Ministère public" ; que cependant, le ministère public n'a soumis aucune requête tendant à une cession à la société Décodécoup ; que la cour ne saurait surseoir à statuer et retarder inutilement les opérations de liquidation dans l'attente d'une hypothétique requête émanant du ministère public ; que, dans ces conditions, la demande de la société Boulanger Ingénierie et Négoce et de son dirigeant ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner leurs autres moyens » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « ce n'est qu'au terme de plusieurs audiences au cours desquelles les parties ont été entendues que la société Décodécoupe s'est prévalue le 1er avril 2010 d'un contrat de prêt à usage ; que préalablement à cette audience, les organes de la procédure n'ont jamais été informés de l'existence de ce contrat, ni par la société Décodécoupe, ni par son mandataire (
) ; que Me David Y... n'a été destinataire d'aucune offre émanant d'un tiers permettant d'envisager une réalisation d'actif dans des conditions satisfaisantes ; qu'il est urgent de procéder à la réalisation des actifs (
) par l'organisation d'une vente aux enchères publiques permettant d'assurer une mise en concurrence des différents amateurs » ;
Alors que l'interdiction de rachat des actifs du débiteur en liquidation judiciaire édictée par les articles L. 642-3 et L. 642-20 du Code de commerce ne vise, limitativement, que le débiteur lui-même, les dirigeant de fait ou de droit de la personne morale en liquidation judiciaire, les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré de ces dirigeants ou du débiteur, ainsi que les créanciers contrôleurs, directement ou par personne interposée ; que l'interdiction faite à ces mêmes personnes d'acquérir les droits sociaux d'une société ayant dans ses actifs un des biens vendus ne vaut que pour l'avenir ;
qu'il n'est par conséquent pas interdit à une société gérée par un parent du débiteur, dès lors que cette société n'est pas fictive, d'acquérir un des biens meubles cédés en application de l'article L. 642-19 du Code de commerce ;
qu'en retenant néanmoins, pour refuser de faire application de la clause de préférence stipulée à l'acte du 29 janvier 2009, que la société Décodécoup ne pouvait acquérir les biens dépendant du patrimoine de la société Boulanger, le gérant de la première étant le beau-père du gérant de la seconde, quand aucune interdiction de cette nature ne peut être déduite des termes de l'article L. 642-3 du Code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du Code civil.