Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2013, 11-22.332, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-22.332
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO00165
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, le 3 juin 2011) que Mme X... a été engagée par la société Copie repro le 1er octobre 2003 en qualité de secrétaire comptable ; qu'elle a reçu le 16 mai 2008 un avertissement ; qu'après avoir été en arrêt de travail pour maladie du 21 mai 2008 au 4 juin 2008, puis du 21 juin 2008 au 15 septembre 2008, le médecin du travail l'a déclarée apte à la reprise de son poste de travail le 16 septembre 2008 ; que le même jour, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail, qui a été homologuée par le directeur départemental du travail et de l'emploi le 6 octobre suivant ; qu'estimant avoir été victime de harcèlement moral et contestant la rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur les deux premiers moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler l'acte de rupture conventionnelle du 16 septembre 2008 et de décider que la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que seule la menace de l'emploi d'une voie de droit abusive constitue une violence ; qu'en se fondant sur-la circonstance que l'employeur, par lettre du 9 septembre 2008, faisait état de ce que les parties avaient envisagé de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail-la remise le 5 septembre 2008 à la salariée des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail portant sur la rupture conventionnelle, qui mettaient en évidence une simple proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail avec communication des textes la régissant, insusceptibles de caractériser une violence, la cour d'appel a privé sa décision de base légal au regard de l'article 1112 du code civil ;
2°/ que la validité du consentement doit être appréciée au moment même de la formation du contrat ; qu'en appréciant la validité du consentement de Mme X... pour signer une rupture conventionnelle le 16 septembre 2008, au regard d'un certificat établi le 29 août 2008, jours ayant précédé la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle, d'une psychologue ayant noté au niveau psychologique chez la patiente une blessure narcissique, une estime en soi paraissant fortement atteinte et des sentiments de doutes, d'humiliation et d'angoisses encore très présents et soulignant « de mon point de vue, la rupture du contrat semble s'imposer comme la seule issue possible. Elle semble nécessaire pour le travail de reconstruction identitaire et pour permettre à cette dame de se libérer de l'entreprise de son employeur et conséquemment pour l'aider à se projeter dans un nouvel avenir professionnel », cependant que le 16 septembre 2008, jour même de la signature de la convention litigieuse, le médecin du travail avait, loin de décider que la salariée était inapte à reprendre son poste avec un danger immédiat, l'avait déclaré apte sans réserve à le reprendre, la cour d'appel a violé l'article 1112 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement estimé que la salariée était au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l'existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Copie repro aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Copie repro à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Copie repro
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'avertissement du 16 mai 2008 ;
Aux motifs que l'avertissement rédigé sur trois pages sur un ton pour le moins comminatoire fait état d'une insubordination et d'une attitude intempestive de la salariée ; qu'il lui est reproché d'avoir méconnu une interdiction de l'employeur en ayant quitté prématurément son poste de travail le 2 mai 2008, d'avoir eu un comportement désinvolte en lui ayant annoncé qu'elle serait absente le 9 mai 2008 et que si la journée était finalement travaillée, elle la récupérerait un mercredi ou elle ne travaillait pas que ce soit le matin ou l'après-midi et enfin, d'avoir refusé d'accomplir temporairement un travail demandé sans abus de pouvoir de la part de l'employeur ; que cependant l'insubordination ou le comportement fautif n'est pas caractérisé ; qu'il n'est nullement établi que le 2 mai 2008, la salariée a effectivement quitté son poste de travail en dépit qu'une quelconque interdiction de l'employeur, le mail qui a été adressé à l'employeur par Mme X... le jour même à 8heures 21, traduisant au contraire l'existence d'un consensus entre les parties et le compte rendu de réunion du 27 mars 2008 faisant apparaître que la Sarl Copie Repro serait fermée le pont du 8 mai sauf travail urgent ;
Alors que la fixation des horaires de travail relevant du seul pouvoir de direction de l'employeur, il peut adresser un avertissement au salarié qui fixe unilatéralement ses horaires de travail et départs en week-end ; qu'en retenant que le mail de la salariée adressée à l'employeur lui indiquant « je suis venue plus tôt ce matin pour la facturation. Richard et les petits viennent me chercher au magasin à 16h00. Nous partons à la Rochelle. En espérant que vous comprendrez. Si vous souhaitez solder ma ½ journée de congé qu'il me reste, faites-le. Pour vendredi prochain, nous avons réservé à St Jean de Luz donc je ne serai pas là. Si la journée est finalement travaillée et si vous souhaitez que je la récupère un mercredi, dîtes le moi », ne pouvait justifier un avertissement de la part de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 à L. 1331-3 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que Mme X... avait été victime de harcèlement moral et condamné à ce titre la Sarl Copie Repro à lui payer la somme de 7. 500 de dommages-intérêts ;
Aux motifs que Mme X... a été destinataire non seulement d'un avertissement non justifié le 16 mai 2008 mais encore il ressort de l'attestation de Mme Y... dont le contenu ne donne lieu à aucune observation de la Sarl Copie Repro que dans le même temps, cette dernière a multiplié à l'encontre de l'appelante les attitudes blessantes et déstabilisantes : « j'atteste avoir entendu M. Z... hurler auprès de Melle X... à plusieurs et plus particulièrement entre mai et juin 2008 j'ai également constaté que Melle X... n'était plus conviée aux apéritifs imprévus durant cette période. Je me suis vu attribuer des maquettes qui en temps normal étaient confiées à Mlle X.... M. Z... a pris un stagiaire pendant 15 jours à qui il confiait également la plupart des maquettes. D'autre part, courant mai, j'ai entendu M. Z... ordonner à Melle X... de travailler désormais à son bureau le matin et tous les après-midi à l'atelier reprographie » ; ce comportement qui n'est justifié par aucun élément objectif et qui s'est ainsi manifesté de manière répétée au sein d'une petite entreprise de 5 salariés a indéniablement eu pour effet non seulement de dégrader les conditions de travail de la salariée, mais aussi d'altérer sa santé physique ou mentale, le médecin traitant de Mme X... indiquant le 8 décembre 2008 « Mme X... est venue me consulter à partir du mois de mai 2008 pour des conflits avec son employeur. Régulièrement elle me montrait des courriers adressés par son employeur et me racontait le comportement d'harcèlement moral qu'il pratiquait. J'ai été obligé de la mettre en arrêt de travail pour arrêt dépressif avec perte d'appétit, amaigrissement, angoisses, dévalorisation de soi, 15 jours en mai et à partir du 21 juin jusqu'au 15 septembre date à laquelle a été décidée la rupture du contrat. Je l'ai mis sous anxiolytique à partir de mai 2008 et sous antidépresseur depuis juillet 2008 » et Mme A..., psychologue au service des maladies professionnelles et environnementales de l'hôpital Purpan confirmant le 29 août 2008 « au niveau clinique, la symptomatologie est en faveur d'un syndrôme anxio-dépressif réactionnel au vécu professionnel » ; que de tels éléments sont de nature à caractériser le harcèlement moral ;
Alors que 1°) les certificats médicaux qui ne font que reprendre les propos du salarié sur l'origine alléguée de ses problèmes de santé, sans établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles-le médecin traitant de Mme X... indiquait le 8 décembre 2008 « Mme X... est venue me consulter à partir du mois de mai 2008 pour des conflits avec son employeur. Régulièrement elle me montrait des courriers adressés par son employeur et me racontait le comportement d'harcèlement moral qu'il pratiquait. J'ai été obligé de la mettre en arrêt de travail pour arrêt dépressif avec perte d'appétit, amaigrissement, angoisses, dévalorisation de soi, 15 jours en mai et à partir du 21 juin jusqu'au 15 septembre date à laquelle a été décidée la rupture du contrat. Je l'ai mis sous anxiolytique à partir de mai 2008 et sous antidépresseur depuis juillet 2008 »- Mme A..., psychologue confirmait le 29 août 2008 « au niveau clinique, la symptomatologie est en faveur d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel au vécu professionnel », ce dont il résultait qu'ils ne relataient pas les agissements dont elle disait avoir été victime et ne faisaient que reprendre ses propos sur l'origine de l'affection médicalement constatée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Alors que 2°) en énonçant que le comportement de l'employeur « a indéniablement eu pour effet non seulement de dégrader les conditions de travail de la salariée, mais aussi d'altérer sa santé physique ou mentale », la cour d'appel a statué par voie d'affirmation, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'acte de rupture conventionnelle du 16 septembre 2008 et décidé que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que le consentement du salarié doit être libre, éclairé et exempt de tout vice du consentement ; qu'alors que Mme X... se trouvait en arrêt de travail pour une pathologie directement liée à ses conditions de travail et au harcèlement moral dont elle avait été victime, l'employeur par courrier du 9 septembre 2008, faisant état de ce que les parties avaient envisagé de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail et de ce que le 5 septembre 2008, avait été remise à la salariée une copie des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail portant sur la rupture conventionnelle, a fixé l'entretien en vue de cette rupture au 16 septembre 2008 soit à la date prévue comme étant celle de la fin de l'arrêt de travail susvisé étant ajouté que la rupture conventionnelle a été signée à cette même date, la fin du délai de rétractation ayant été fixée au 1er octobre 2008 ; qu'aux termes de son certificat établi le 29 août 2008, dans les jours ayant précédé la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle, la psychologue du service des maladies professionnelles et environnementales de l'hôpital Purpan avait noté chez la patiente une blessure narcissique bien réelle, une estime en soi paraissant fortement atteinte et des sentiments de doutes, d'humiliation et d'angoisses encore très présents « de mon point de vue, la rupture du contrat semble s'imposer comme la seule issue possible. Elle semble nécessaire pour le travail de reconstruction identitaire et pour permettre à cette dame de se libérer de l'entreprise de son employeur et conséquemment pour l'aider à se projeter dans un nouvel avenir professionnel » ; que les faits de harcèlement moral dont Mme X... a été victime et don il est résulté, pour cette dernière, de tels troubles psychologiques caractérisent une situation de violence au sens de l'article 1112 du code civil justifiant l'annulation de l'acte de rupture conventionnelle ;
Alors que 1°) seule la menace de l'emploi d'une voie de droit abusive constitue une violence ; qu'en se fondant sur-la circonstance que l'employeur, par lettre du 9 septembre 2008, faisait état de ce que les parties avaient envisagé de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail-la remise le 5 septembre 2008 à la salariée des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail portant sur la rupture conventionnelle, qui mettaient en évidence une simple proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail avec communication des textes la régissant, insusceptibles de caractériser une violence, la cour d'appel a privé sa décision de base légal au regard de l'article 1112 du code civil ;
Alors que 2°) la validité du consentement doit être appréciée au moment même de la formation du contrat ; qu'en appréciant la validité du consentement de Mme X... pour signer une rupture conventionnelle le 16 septembre 2008, au regard d'un certificat établi le 29 août 2008, jours ayant précédé la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle, d'une psychologue ayant noté au niveau psychologique chez la patiente une blessure narcissique, une estime en soi paraissant fortement atteinte et des sentiments de doutes, d'humiliation et d'angoisses encore très présents et soulignant « de mon point de vue, la rupture du contrat semble s'imposer comme la seule issue possible. Elle semble nécessaire pour le travail de reconstruction identitaire et pour permettre à cette dame de se libérer de l'entreprise de son employeur et conséquemment pour l'aider à se projeter dans un nouvel avenir professionnel », cependant que le 16 septembre 2008, jour même de la signature de la convention litigieuse, le médecin du travail avait, loin de décider que la salariée était inapte à reprendre son poste avec un danger immédiat, l'avait déclaré apte sans réserve à le reprendre, la cour d'appel a violé l'article 1112 du code civil.