Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 janvier 2013, 11-28.244, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 10 août 1989, M. X..., médecin, a conclu avec la société anonyme Nouvelle clinique Sainte Marie, devenue la société Centre Clinical (la société), tandis qu'il était membre de son conseil d'administration, un contrat d'exercice professionnel, substitué à une précédente convention, prévoyant notamment le versement d'une indemnité à son profit en cas de rupture du contrat à la suite d'une affection invalidante ; qu'après avoir mis fin à ses activités professionnelles le 30 juin 2003, M. X..., se prévalant de cette stipulation, a fait assigner la société en paiement de l'indemnité ; que la société a fait valoir que la convention invoquée par ce dernier encourait l'annulation faute d'avoir été soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt, après avoir constaté que le registre des délibérations du conseil d'administration n'avait pu être produit, retient qu'il n'en demeure pas moins que lors de son audition par les services de police dans le cadre de la plainte déposée par la société, M. X... a expressément reconnu que le contrat n'avait fait l'objet d'aucune autorisation préalable par le conseil d'administration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans ce document il est écrit que M. X... déclare " qu'en principe il a dû être établi des procès-verbaux de conseil d'administration mentionnant l'établissement de nouveaux contrats ", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l'obligation susvisée ;

Et sur la troisième branche du moyen, qui est recevable :

Vu l'article L. 225-42 du code de commerce ;

Attendu que pour se prononcer comme il fait, l'arrêt retient encore que c'est à bon droit que la société oppose à M. X... la nullité de la convention d'exercice les liant pour en refuser l'application, étant souligné que l'exception de nullité est perpétuelle ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans relever que la convention litigieuse n'avait pas été exécutée, fût-ce partiellement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne la société Centre Clinical aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ; rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes de Monsieur X... ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 225-38 du Code de commerce, toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et notamment l'un de ses administrateurs doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration ; qu'en outre, toute convention visée à l'article L. 225-38 du Code de commerce conclue sans autorisation préalable du conseil d'administration peut être annulée si elle a des conséquences dommageables pour la société conformément aux dispositions de l'article L. 225-42 du Code de commerce ; qu'en l'espèce le contrat litigieux contenant la clause de garantie d'invalidité à son profit dont le Docteur X... sollicite l'application a été signé avec la société anonyme NOUVELLE CLINIQUE SAINTE MARIE le l0 août 1989 ;
qu'il apparaît certes que le registre des délibérations du conseil d'administration de la clinique n'a pu être produit en dépit des demandes de l'intimé, l'appelante invoquant sa perte ; qu'il n'en demeure pas moins que le Docteur X..., lors de son audition par les services de police dans le cadre de la plainte déposée par l'appelante, a expressément reconnu que ce contrat n'avait fait l'objet d'aucune autorisation préalable par le conseil d'administration ; que ces assertions sont également corroborées par la déclaration du Docteur Y... lors de sa déposition devant les services de police dans le même cadre et aux termes desquelles il a indiqué que bien que siégeant au conseil d'administration de la clinique, il n'avait jamais eu connaissance du contrat signé par le Docteur X... avec celle-ci ; que le Docteur Z..., président directeur général de la clinique, a opéré également une déclaration devant les services de police indiquant qu'il n'avait pas informé le Docteur Z... (sic, il faut lire Y...) du contrat signé avec le Docteur X... en raison de sa volonté d'éviter toute opposition entre eux compte tenu du conflit les opposant ; que par ailleurs dix extraits de procès verbaux du conseil d'administration de la clinique produits aux débats au titre de la période de douze mois ayant précédé la signature du contrat litigieux ne comportent aucune indication sur une quelconque décision de délibération relative au contrat précité ; qu'il convient en outre de souligner que seuls les contrats signés le même jour que celui du Docteur X... entre la clinique et les Docteurs Z... el Y... ont fait l'objet d'une révision entérinée par le conseil d'administration de la clinique, aux termes d'une délibération en date du 2 mai 1989, de telle sorte que l'intimé ne peut personnellement se prévaloir d'une approbation a posteriori de la convention le liant à la clinique ; que par ailleurs la seule circonstance que l'ensemble des membres du conseil d'administration auraient été informé de l'existence de ce contrat qui au demeurant n'est pas établie, ne saurait constituer une approbation implicite de leur part de celui-ci ; qu'il en va de même du protocole du 20 janvier 1989 qu'il a certes signé mais que Mme Y... alors administrateur n'a pas signé et qui en tout état de cause ne contenait qu'un accord pour missionner le cabinet d'avocat JURICA en vue de l'élaboration d'une proposition d'accord cadre déterminant par avance les conditions financières de rachat des actions détenues par les Docteurs Y..., Z... et X... en cas de résiliation de leur contrat d'exercice ; qu'en tout état de cause une information individuelle des administrateurs ne peut suppléer l'absence d'autorisation du conseil d'administration consulté spécifiquement à cet effet ; qu'il convient également de relever que, si en application des dispositions de l'article L. 225-39 du Code de commerce, les opérations courantes conclues dans des conditions normales échappent à la nullité encourue en application de l'article L. 225-38 du même code, et si au sein d'une société exploitant une clinique, un contrat d'exercice liant celle-ci à un médecin peut être revêtue de cette qualification, il apparaît néanmoins que tel ne peut être le cas de la convention litigieuse qui prévoit une importante indemnité de rupture au profit du médecin en cas de résiliation du fait de la clinique et surtout à la charge exclusive de cette dernière ; qu'une indemnité équivalente à une annuité des honoraires encaissés par le médecin calculée sur la moyenne mathématique des trois dernières années civiles précédentes en cas d'incapacité du praticien de six mois ou plus revêt manifestement un caractère d'avantage exorbitant du droit commun au titre de tels contrats ; qu'il apparaît d'ailleurs que la MUTUALITE DE LA CHARENTE, lorsqu'elle a procédé au rachat des parts sociales des Docteurs Z... et A...a conditionné l'opération au renoncement des praticiens à cette stipulation alors même au demeurant qu'il n'est pas contesté qu'elle ignorait l'existence du contrat liant la clinique au Docteur X... ; que par ailleurs si d'autres praticiens ont bénéficié d'avantages similaires alors qu'ils n'avaient pas la qualité d'administrateurs, il n'en demeure pas moins qu'ils étaient actionnaires et bénéficiaient donc également d'un statut privilégié au sein de l'établissement ; qu'au surplus, le caractère exorbitant de l'obligation de la clinique de verser l'indemnité cidessus évoquée dès lors qu'il doit s'apprécier au jour où le juge statue et non au moment où la convention a été signée ne peut être considéré comme annihilé par les engagements de cautionnement de la clinique invoqués par le Docteur X... qui manifestement ne sont plus d'actualité et en tout état de cause n'ont jamais été actionnés ; que dès lors c'est à bon droit que l'appelante oppose au Docteur X... la nullité de la convention d'exercice les liant pour en refuser l'application, conformément à l'article L. 225-42 du Code de commerce, étant souligné que l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de rejeter l'ensemble des demandes du Docteur X... ;

1° ALORS QUE lors de son audition réalisée par les services de police le 29 mai 2008 dans le cadre de la plainte pour faux déposée par la clinique, le Docteur X..., loin de reconnaître expressément que la conclusion de son contrat de collaboration le 10 août 1989 n'avait pas été préalablement autorisée par le conseil d'administration, soutenait que ce contrat avait bien été signé le 10 août 1989 comme cela était prévu pour l'ensemble des administrateurs et participants à l'augmentation de capital et qu'aucun administrateur ne pouvait l'ignorer ; qu'en jugeant cependant que, lors de son audition par les services de police dans le cadre de la plainte déposée par la clinique, le Docteur X... avait expressément reconnu que son contrat de collaboration signé avec la clinique le l0 août 1989 n'avait fait l'objet d'aucune autorisation préalable par le conseil d'administration de la clinique, la Cour d'appel a dénaturé le procès-verbal d'audition du Docteur X... réalisé par les services de police le 29 mai 2008, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, la souscription d'un engagement de caution expose le garant à un risque et procure un avantage au débiteur cautionné quand bien même il ne s'avérerait pas défaillant ; qu'en affirmant néanmoins que les avantages procurés au Docteur X... par le contrat d'exercice libéral qu'il avait conclu le 10 août 1989 avec la société NOUVELLE CLINIQUE SAINTE MARIE, n'étaient pas contrebalancés par les engagements de caution que le praticien avait souscrits au profit de cette société dès lors qu'il n'avaient jamais été mis en oeuvre, quand la seule exposition à un risque et le crédit ainsi procuré à la débitrice principale constituaient une contrepartie dont il fallait tenir compte, la Cour d'appel a violé les articles L. 225-38 et L. 225-42 du Code de commerce ;

3° ALORS QU'en toute hypothèse, si l'exception de nullité est perpétuelle, elle ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; qu'en se bornant à affirmer, pour accueillir l'exception de nullité soulevée en appel par la société NOUVELLE CLINIQUE SAINTE MARIE, que l'exception de nullité est perpétuelle, sans rechercher si l'exécution de la convention d'exercice libéral, dont elle constatait qu'elle avait été conclue entre cette société et Monsieur X... le 10 août 1989, jusqu'à la cessation des fonctions de l'exposant en 2003, ne faisait pas obstacle au jeu de cette exception, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-38 et L. 225-42 du Code de commerce et du principe précité.

ECLI:FR:CCASS:2013:CO00029
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