Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 11-19.459, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-19.459
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2011) que Mme X..., engagée le 15 décembre 2000, par la société Auxifip, s'est trouvée en congé maternité puis congé parental à compter du 15 novembre 2002 ; qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 3 juillet 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 1er septembre 2006 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes à titre d'indemnités compensatrice de préavis, de congés payés, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un salarié n'a pas un droit acquis à la mutation géographique ; qu'en retenant que la demande de mutation de la salariée était ancienne et légitime, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, ensemble L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que le salarié doit établir la réalité des manquements qu'il invoque au soutien de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour dire que la prise d'acte de Mme X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a considéré que l'employeur "n'établi ssait pas les obstacles qui auraient empêché de faire droit à une requête aussi justifiée et d'apparence aussi simple à satisfaire" que celle formulée par la salariée, qui avait demandé sa mutation géographique au sein du groupe pour raisons personnelles ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;
3°/ que la bonne foi est toujours présumée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour dire que la prise d'acte de la rupture de Mme X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a relevé que l'employeur "n'établi ssait pas les obstacles qui aurait empêché de faire droit à une requête aussi justifiée et d'apparence aussi simple à satisfaire » que celle formulée par la salariée, qui avait demandé sa mutation géographique au sein du groupe pour raisons familiales ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation mais doit préciser l'origine de ses constatations ; qu'en l'espèce, il était constant que la salariée avait informé son employeur de son souhait d'être mutée, qu'elle avait été dirigée pour l'assister vers la responsable de son dossier, qu'elle avait remercié son employeur de tout mettre en oeuvre pour satisfaire ses attentes, qu'elle avait postulé sur un poste d'analyste juridique sans succès ; qu'en affirmant péremptoirement que la salariée n'aurait pas été soutenue par son employeur sur ce poste correspondant à ses souhaits, sans à aucun moment préciser l'origine d'une telle constatation, quand aucune pièce n'était versée aux débats pour établir l'inaction de l'employeur, fermement contestée par celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que les juges ne peuvent fonder leur décision sur des motifs purement hypothétiques ; qu'en relevant que la demande de mutation de la salariée était "en apparence" simple à satisfaire au vu de l'importance du groupe auquel appartient la société Auxifip, qui ne pouvait de façon crédible affirmer l'inexistence d'un poste approprié sur une longue période, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que la demande de mutation de la salariée pour raisons familiales était ancienne et légitime, la cour, qui a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur n'avait pas soutenu la candidature de la salariée à un poste vacant correspondant à ses souhaits, a pu retenir que ce dernier avait commis un manquement à son obligation de bonne foi et estimé qu'il était suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Auxifip aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Auxifip et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Auxifip.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mlle X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamnée l'exposante à payer 7 386 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 738, 60 euros au titre des congés payés afférents, 5026,58 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 15 000 de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 200 par application de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE : « Sur la rupture du contrat de travail. La lettre recommandée avec avis de réception adressée le 3 juillet 2006 par Mme X... à la SA AUXIFIP et qui contient notamment les propos suivants : « en conséquence, compte tenu de ces manquements graves aux obligations, je prends acte qu'il est impossible de poursuivre (
) Nos relations contractuelles, de votre propre fait » s'analyse, par l'affirmation du comportement fautif de l'employeur et le constat de l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat présentée comme sa conséquence, en une prise d'acte de la rupture dénuée de toute ambiguïté. La phrase suivante de la lettre, « toutefois je n'écarte pas la possibilité de trouver avec vous une solution rapide et amiable à notre différend », qui s'applique manifestement non au principe de la rupture mais à ses conséquences, de même que les circonstances invoquées par l'employeur, défaut de réclamation par la salariée de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail, non prise en compte du préavis, modalités de saisine du conseil de prud'hommes, absence de réponse aux mises en demeure de reprendre le travail, ne sont pas de nature à modifier cette analyse. Il convenait de constater que la prise d'acte a mis un terme immédiat au contrat de travail et que le licenciement ultérieur est nul et non avenu. La prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, d'une démission dans le cas contraire. Certains des griefs invoqués par Mme X... ne sont pas caractérisés. Il en est ainsi du défaut de visite de reprise, que l'employeur doit organiser dans les huit jours du retour au travail, circonstance qui n'est jamais survenue, du non-respect du droit au maintien du salaire, litiges circonscrits à une somme minime est définitivement réglés plusieurs mois avant la date, dudit fonds de réponse à la demande de congé sabbatique, laquelle remonte octobre 2004 est devenue rapidement hors sujet compte tenu de l'évolution de la situation de la salariée, du défaut d'information sur ce nouvel environnement de travail, qui supposait une reprise de celui-ci, de la radiation de la mutuelle complémentaire, rien n'établissant que l'employeur soit à l'origine de cette mesure. En revanche Mme X... fait valoir à juste titre que la SA AUXIFIP n'a pas accompli loyalement toutes les recherches nécessaires pour permettre de trouver un poste dans la région lyonnaise. Cette demande a été formulée de longue date par la salariée. Elle était parfaitement légitime au regard de sa situation familiale. La SA AUXIFIP n'établit pas les obstacles qui aurait empêché de faire droit à une requête aussi justifiée et d'apparence aussi simple à satisfaire alors que la salariée n'a pas été soutenue pour un poste au moins correspondant à ses souhaits pourvu par une tierce personne et que plus généralement l'importance du groupe auquel appartient la SA AUXIFIP, Crédit Agricole - LCL, prive de toute crédibilité ses affirmations sur l'inexistence de tout poste approprié sur une aussi longue période. Ce manquement grave justifie à lui seul la prise d'acte. Toutefois Mme X... n'établit pas que l'attitude de l'employeur procède d'une telle discrimination qu'elle n'invoque que par pétition de principe et que rien ne permet de caractériser concrètement, l'attitude de l'employeur tenant manifestement en l'espèce à sa négligence. Il convient donc de déclarer que la prise d'acte emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
1. ALORS QU'un salarié n'a pas un droit acquis à la mutation géographique ; qu'en retenant que la demande de mutation de la salariée était ancienne et légitime, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, ensemble L. 1221-1 du code du travail ;
2. ALORS, en tout état de cause, QUE le salarié doit établir la réalité des manquements qu'il invoque au soutien de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour dire que la prise d'acte de Mlle X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a considéré que l'exposante « n'établi ssait pas les obstacles qui aurait empêché de faire droit à une requête aussi justifié et d'apparence aussi simple à satisfaire » que celle formulée par la salariée, qui avait demandé sa mutation géographique au sein du groupe pour raisons personnelles ; qu'en se déterminant ainsi, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;
3. ALORS, en outre, QUE la bonne foi est toujours présumée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour dire que la prise d'acte de la rupture de Mlle X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a relevé que l'exposante « n'établi ssait pas les obstacles qui aurait empêché de faire droit à une requête aussi justifié et d'apparence aussi simple à satisfaire » que celle formulée par la salariée, qui avait demandé sa mutation géographique au sein du groupe pour raisons familiales ; qu'en se déterminant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4. ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation mais doit préciser l'origine de ses constatations ; qu'en l'espèce, il était constant que la salariée avait informé son employeur de son souhait d'être mutée, qu'elle avait été dirigée pour l'assister vers la responsable de son dossier (cf. production 5), qu'elle avait remercié son employeur de tout mettre en oeuvre pour satisfaire ses attentes (cf. production 6), qu'elle avait postulé sur un poste d'analyste juridique sans succès (cf. production 7) ; qu'en affirmant péremptoirement que la salariée n'aurait pas été soutenue par son employeur sur ce poste correspondant à ses souhaits, sans à aucun moment préciser l'origine d'une telle constatation, quand aucune pièce n'était versée aux débats pour établir l'inaction de l'employeur, fermement contestée par celui-ci, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5. ALORS QUE les juges ne peuvent fonder leur décision sur des motifs purement hypothétiques ; qu'en relevant que la demande de mutation de la salariée était « en apparence » simple à satisfaire au vu de l'importance du groupe auquel appartient la société AUXIFIP, qui ne pouvait de façon crédible affirmer l'inexistence d'un poste approprié sur une longue période, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;