Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 10-26.324, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 septembre 2010), que Mme X... a été engagée le 25 octobre 2005 par la société Ambulances Alluets 95 JCD en qualité de chauffeur ambulancier, d'abord par contrat de travail à durée déterminée, ensuite à durée indéterminée ; que, victime d'un accident du travail le 9 juillet 2007, elle a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 5 août suivant inclus, puis a repris son activité sans avoir été soumise à la visite médicale de reprise ; qu'après avoir saisi le conseil de prud'hommes dès le 29 juin 2007 de demandes tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités ou de rappels de salaire, elle a pris acte le 26 octobre 2007 de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de décider que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, de le condamner à payer à la salariée diverses sommes et à lui remettre un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à sa décision alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;qu'en l'espèce, la société Ambulance Alluets avait fait valoir que les faits invoqués par Mme X... étaient soient non avérés soit insuffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur; que la cour d'appel a constaté qu'effectivement la salariée n'établissait pas que l'employeur se serait rendu coupable de travail dissimulé ni qu'il aurait omis de régler le travail de nuit ou des heures supplémentaires et autres congés payés réclamés ; qu'elle a retenu, pour dire que la rupture devait produire les effets d'un licenciement nul, que l'employeur avait commis des manquements à ses obligations en matière de paiement de salaires et d'accessoires de salaires ; qu'en statuant ainsi sans avoir recherché, comme elle y avait pourtant été invitée, si ces manquements étaient suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1233-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L.1235-9 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que cette rupture ne produit pas les effets d'un licenciement nul lorsque la prise d'acte intervient à la suite d'une prescription d'arrêt de travail consécutive à un accident du travail avant toute visite médicale de reprise a fortiori lorsque le salarié qui a pris acte de la rupture a, dès le lendemain, commencé à travailler pour un autre employeur; qu'en retenant, le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L.1226-9 et R.4624-21 du code du travail du même code ;

3°/ que l'article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 (3085) prévoit dans son paragraphe 2) «Durées et taux d'indemnisation» sous paragraphe C relatif aux «Absences pour accident du travail» le paiement par l'employeur d'un complément de rémunération assurant une garantie de ressource aux ouvriers qui, après un an d'ancienneté, sont victimes d'un accident du travail ayant entraîné une «incapacité de travail d'une durée d'au moins vingt-huit jours» ; qu'en l'espèce, la salariée avait été victime d'un accident du travail le 9 juillet 2007 ; qu'elle avait, à raison de cet accident bénéficié d'arrêts de travail qui s'étaient prolongés jusqu'au 5 août inclus c'est-à-dire pendant moins de vingt-huit jours; qu'en condamnant néanmoins l'employeur au paiement du complément de rémunération, la cour d'appel a violé l'article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 (3085) ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté qu'à la suite d'un accident du travail, la salariée avait été en arrêt de travail du 9 juillet au 5 août 2007, soit pendant 28 jours, la cour d'appel a exactement retenu que celle-ci devait bénéficier du paiement de la totalité de son salaire pendant cette période conformément aux dispositions de l'article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport ;

Attendu, ensuite, qu'ayant estimé que l'employeur avait commis des manquements suffisamment graves, la cour d'appel en a exactement déduit que la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail, intervenue pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à l'accident du travail, devait produire les effets d'un licenciement nul, peu important qu'elle ait ensuite travaillé pour le compte d'un autre employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ambulances Alluets 95 JCD aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Ambulances Alluets 95 JCD à payer à la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Ambulances Alluets 95 JCD

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement nul et condamné la société Ambulance Alluets 95 JCD à payer à Mme Joanna X... les sommes de :
- 1 220,56 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- 165,21 euros outre 16,52 euros au titre des congés payés afférents représentant les rappels de salaire au taux horaire conventionnel de 8,29 euros pour la période d'octobre à décembre 2005,
- 504,07 euros outre 50,40 euros au titre des congés payés afférents représentant les compléments de salaire pendant l'arrêt de travail pour cause d'accident du travail,
- 273,01 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2 520,16 euros outre 252,01 euros au titre des congés payés afférents représentant indemnité compensatrice de préavis, ordonné la remise par la société Ambulance Alluets 95 JCD d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision et condamné la société Ambulance Alluets 95 JCD aux entiers dépens et aux frais d'exécution des décisions de première instance et d'appel.

Aux motifs que «sur l'exécution et la rupture du contrat de travail et les sommes dues qu'il convient de rappeler que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission;

que la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande en résiliation présentée antérieurement ou postérieurement et il appartient dans cette hypothèse aux juges de se prononcer sur les griefs invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte;
au cas présent que Mme Joanna X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 octobre 2007 ayant saisi avant cette date et dès le 29 juin 2007 la juridiction prud'homale d'une action tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail; qu'il convient donc de dire que la prise d'acte de la rupture a entraîné la cessation de la relation professionnelle entre Mme Joanna X... et la société Ambulance Alluets 95 JCD à effet au 26 octobre 2007 et qu'en conséquence la demande en résiliation est à ce jour sans objet; qu'il convient donc d'analyser les griefs invoqués par Mme Joanna X... à l'appui de sa prise d'acte pour en déterminer les effets;
que Mme Joanna X... reproche à la société Ambulance Alluets 95 JCD de ne pas respecter les clauses conventionnelles et les clauses contractuelles concernant le paiement des salaires et des primes de panier et de ne pas avoir payé le travail de nuit et la totalité des heures supplémentaires effectuées;
a - sur les rappels de salaire que Mme Joanna X... a été embauchée en qualité d'ambulancier - emploi A - selon la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport; que la société Ambulances Alluets 95 JCD ne conteste pas la mauvaise application du taux horaire des personnels ouvriers ambulanciers qui aurait dû être fixé à 8,29 euros à compter du jour de rembauche;
que Mme Joanna X... peut donc obtenir des rappels de salaire tant sur le salaire de base que sur les heures supplémentaires payées au cours de la période d'octobre 2005 à décembre 2005, soit la somme totale de 165,21euros outre les congés payés afférents;
que Mme Joanna X... reproche à la société Ambulances Alluets 95 JCD de ne pas avoir assuré le paiement de l'intégralité de son salaire pendant la période d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail conformément aux dispositions de la convention collective; qu'à cet égard l'article 17 bis 2c de la convention collective a prévu qu'après un an d'ancienneté le salarié victime d'un accident du travail ayant entraîné une incapacité de travail d'une durée d'au moins vingt-huit jours, bénéficie de la garantie de ressources suivante: 100 % de la rémunération du 1er au 30ème jour d'arrêt; qu'ainsi Mme Joanna X... ayant été victime d'un accident du travail le 9 juillet 2007 et en arrêt de travail depuis cette date jusqu'au 5 août 2007 inclus, devait percevoir l'intégralité de sa rémunération pendant cette période; que sur la base d'une rémunération égale à 1.260,08 euros et après déduction de la somme de 630 euros versée au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, la société Ambulances Alluets 95 JCD resté redevable de la somme de 504,07 euros outre les congés payés afférents;
b - sur le travail de nuit et les heures supplémentaires que Mme Joanna X... a signé les feuilles de route établies par la société Ambulance Alluets 95 JCD qui à réception a déterminé les heures supplémentaires dues pour chaque mois ainsi que les repos compensateurs attribués; qu'à ce jour, Mme Joanna X... ne peut remettre en cause les heures validées en produisant un tableau d'heures travaillées différent créé postérieurement à l'exécution du contrat de travail, étant observé qu'à la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail elle n'a réclamé aucun paiement au titre de dépassements des horaires de travail ou d'un travail effectué de nuit sans compensation financière;
c - sur les indemnités conventionnelles de repas qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a justement fait observer que Mme Joanna X... n'avait pas perçu la totalité des indemnités conventionnelles de repas et a fixé à 2 508,02 euros le montant du solde restant dû;
d - sur le solde des congés payés qu'au moment de la rupture du contrat de travailla société Ambulances Alluets 95 JCD a versé à Mme Joanna X... la somme de 995,99 euros représentant 19,5 jours de congés payés non pris; que cette somme correspond à la somme réclamée par la salariée selon son courrier en date du 17 janvier 2008 après énumération des congés déjà pris; qu'ainsi aucune autre somme n'est due;
e - sur le travail dissimulé que la société Ambulances Alluets 95 JCD a justifié de la déclaration d'embauche de Mme Joanna X... dès le 25 octobre 2005;
en conclusion Mme Joanna X... rapporte la preuve de manquements commis par la société Ambulance Alluets 9S JCD à ses obligations en matière de paiement de salaires et d'accessoires de salaires;
qu'en conséquence la prise d'acte de rupture doit produire les effets d'un licenciement qui, au cas présent, est un licenciement nul dès lors qu'il est intervenu en dehors des cas visés à l'article L.1226-9 du code du travail pendant la suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail (accident du travail survenu le 9 juillet 2007 et ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours) et puisqu'il n'est pas contesté que la salariée a repris son travail en septembre 2007 sans avoir été soumise à la visite médicale de reprise dans les conditions fixées par l'article R.4624-21 du même code;
que Mme Joanna X... peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire et à une indemnité conventionnelle de licenciement calculées sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 1 260,08 euros, soit les sommes de 2520,16 euros outre les congés payés afférents et de 273,01 euros;
que Mme Joanna X... victime d'un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue à l'article L.1235-3 du code du travail, soit à une indemnité égale aux six derniers mois de salaires; qu'après avoir pris en considération la faible ancienneté de Mme Joanna X... au sein de l'entreprise et la reprise immédiate par elle d'un nouvel emploi, la cour condamne la société Ambulance Alluets 95 JCD à lui verser à la somme de 7 560,48 euros à titre de dommages-intérêts;
enfin qu'il convient d'accorder à Mme Joanna X... la somme de 800 euros au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »

Alors, d'une part, que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en l'espèce, la société Ambulance Alluets avait fait valoir que les faits invoqués par Madame X... étaient soient non avérés soit insuffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur; que la Cour d'appel a constaté qu'effectivement la salariée n'établissait pas que l'employeur se serait rendu coupable de travail dissimulé ni qu'il aurait omis de régler le travail de nuit ou des heures supplémentaires et autres congés payés réclamés ; qu'elle a retenu, pour dire que la rupture devait produire les effets d'un licenciement nul, que l'employeur avait commis des manquements à ses obligations en matière de paiement de salaires et d'accessoires de salaires ; qu'en statuant ainsi sans avoir recherché, comme elle y avait pourtant été invitée, si ces manquements étaient suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1233-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-9 du code du travail.

Alors, d'autre part, que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que cette rupture ne produit pas les effets d'un licenciement nul lorsque la prise d'acte intervient à la suite d'une prescription d'arrêt de travail consécutive à un accident du travail avant toute visite médicale de reprise a fortiori lorsque le salarié qui a pris acte de la rupture a, dès le lendemain, commencé à travailler pour un autre employeur; qu'en retenant, le contraire, la Cour d'appel a violé par fausse application les articles L.1226-9 et R.4624-21 du code du travail du même code.

Alors enfin que l'article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 (3085) prévoit dans son paragraphe 2) « Durées et taux d'indemnisation » sous paragraphe C relatif aux « Absences pour accident du travail » le paiement par l'employeur d'un complément de rémunération assurant une garantie de ressource aux ouvriers qui, après un an d'ancienneté, sont victimes d'un accident du travail ayant entraîné une « incapacité de travail
d'une durée d'au moins vingt-huit jours » ; qu'en l'espèce, la salariée avait été victime d'un accident du travail le 9 juillet 2007 ; qu'elle avait, à raison de cet accident bénéficié d'arrêts de travail qui s'étaient prolongés jusqu'au 5 août inclus c'est-à-dire pendant moins de vingt-huit jours; qu'en condamnant néanmoins l'employeur au paiement du complément de rémunération, la Cour d'appel a violé l'article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 (3085).

ECLI:FR:CCASS:2012:SO02631
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