Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 novembre 2012, 11-88.059, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 novembre 2012, 11-88.059, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 11-88.059
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mardi 20 novembre 2012
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 14 septembre 2011- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Rozenn X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 14 septembre 2011, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de la société Manéo et de M. François Y... du chef de mise en danger d'autrui ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 223-1, 223-2 du code pénal, L. 1334-2 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé en toutes ses dispositions le jugement ayant déclaré la SARL Manéo et M. Y... non coupables de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que M. Y... et la SARL Manéo sont prévenues d'avoir à Paris, entre le 7 septembre 2007 et le 31 mai 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, exposé Jade-Olivia Z..., mineure née le 27 janvier 2005 dont les représentants légaux sont Mme X... et M. Z..., à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, prévue par l'article L.1334-2, alinéa 2, du code de la santé publique ; qu'au soutien de leurs conclusions de relaxe, les prévenus exposent notamment d'une première part, que, dans le temps de la prévention, l'enfant Jade-Olivia Z... n'a pas été délibérément soumise à un risque dans les conditions précisées par l'article 223-2 du code pénal, d'une deuxième part, que, si le texte de l'article L. 1334-2 du code de la santé publique peut être considéré comme une obligation particulière de sécurité imposée par la loi, la jurisprudence a cependant rappelé à plusieurs reprises que le texte susceptible d'avoir été violé, devait poser des règles objectives, précises, immédiatement perceptibles et clairement applicables, de façon obligatoire sans faculté d'appréciation personnelle et qu'en l'espèce tel n'est pas le cas, une certaine ambiguïté existant en ce qui concerne le relogement des occupants pendant les travaux ; que si la réalisation des travaux était imposée, « cet aspect de l'obligation a été respecté », d'une troisième part, qu'en l'espèce, le risque pour l'enfant de développer une affection liée à l'intoxication au plomb n'était pas immédiat ni certain et que rien ne prouve que l'enfant était exposé à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, d'une dernière part, qu'il ne saurait être relevé à l'encontre de M. Y..., une volonté manifestement délibérée au sens des dispositions de l'article 223-2 du code pénal ; que les parties civiles exposent notamment, au soutien de leurs demandes, d'une première part que les dispositions de l'article L. 1334-2 du code de la santé publique sont une norme au sens de l'article 223-1 du code pénal, et que l'obligation de procéder aux travaux nécessaires qu'il contient, est « particulièrement claire et sans équivoque », d'une deuxième part, que l'article 223-1 du code pénal a pour objet de réprimer un comportement faisant courir « une exposition directe à un risque immédiat » et qu'il convient d'entendre par là « un haut degré de probabilité de survenance du dommage », qu'en l'espèce le plomb était présent dans les peintures de certaines pièces, «l'accessibilité au plomb ayant été constatée par plusieurs expertises et non contestée», d'une troisième part, qu'il existe bien en l'espèce «un caractère volontaire de ne pas faire procéder aux travaux non seulement avant l'entrée dans les lieux des nouveaux locataires, mais aussi et encore après les expertises et l'injonction des services de la ville de Paris, sans qu'il soit besoin de rechercher un caractère intentionnel dans l'infraction commise», d'une dernière part qu'il a été établi que la jeune Jade-Olivia Z... avait un taux de plombémie supérieur à la norme pendant plusieurs années et que s'il résulte du rapport de l'expert M. A..., en date du 2 août 2008, qu'à cette date le taux était en régression, il demeure que l'enfant a subi pendant toute cette longue période une intoxication au plomb dont les effets « opèrent à long terme sur le système nerveux central et peuvent entraîner la survenue de troubles du comportement » ; qu'ainsi que le soutiennent les parties civiles, qu'il résulte du dossier que l'intoxication qui a atteint la jeune Jade-Olivia Z... et qui a été scientifiquement mesurée a été contractée dans les locaux occupés par les parties civiles dans l'immeuble sis ... et dont la gestion était confiée par sa propriétaire à la SARL Manéo, dirigée en droit par M. Y..., mais dont le véritable animateur était son fils François Y... ; que ladite intoxication a incontestablement fait courir un risque à l'enfant Jade-Olivia Z... tel que le définit le professeur M. A... qui, dans son rapport du 20 août 2008, concluait à une intoxication chronique par le plomb, précisant que l'examen clinique et l'étude du carnet de santé ne permettaient pas de mettre en évidence de pathologie organique liée à cette intoxication, mais qui ajoutait que les effets à long terme du plomb sur le système nerveux central, tels que décrits par la littérature médicale, n'excluaient pas la survenue ultérieure de troubles du comportement ; que les travaux nécessaires n'ont été effectués qu'au cours du mois de juillet 2008, sous la maîtrise d'ouvrage de l'Etat, par la société Manexi mandatée par l'administration ; qu'il résulte cependant du dossier et spécialement des déclarations en date du 16 avril 2009 de Mme X..., partie civile, que sa fille Jade-Olivia avait ingéré de la peinture entre les mois de juillet et décembre 2005, grattant les murs de sa chambre et mettant ensuite les doigts à sa bouche alors qu'elle avait entre six mois et un an, alors qu'il n'est pas allégué que l'intoxication que l'enfant présentait, aurait une autre origine que cette ingestion ; qu'il convient de constater que cette intoxication s'est faite au cours d'une période qui n'est pas visée dans la prévention ; qu'en outre, la période de prévention débute le 7 septembre 2007, date à laquelle un courrier portant injonction de travaux était adressée à la SARL Manéo par la direction de l'urbanisme du logement et de l'équipement ; que ce courrier indiquait à la société Manéo, et plus concrètement à M. Y..., son directeur, qu'elle disposait d'un délai de dix jours pour faire connaître à l'administration son engagement de réaliser les travaux dans le délai d'un mois faute de quoi ceux-ci seraient réalisés d'office et l'informait de ce qu'elle pouvait bénéficier d'aides financières de la part de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ; qu'ainsi que le soutiennent les parties civiles, il ne saurait être valablement contesté que la violation reprochée aux prévenus est celle qui est constituée par le fait que l'injonction précitée constituait une obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, prévue par l'article L.1334-2, alinéa 2, du code de la santé publique ; que cependant, qu'ainsi qu'il a été exposé supra, il résulte des éléments du dossier que le 1er octobre 2007, M. Y... a répondu au préfet qu'il était disposé à effectuer des travaux, et qu'il sollicitait l'assistance technique et financière proposée par les services du logement et de l'équipement ; qu'une réponse positive lui a été adressée le 8 octobre 2007 ; que le 12 décembre 2007, M. Y... a informé l'opérateur technique des services de l'urbanisme qu'il était d'autant moins pressé d'effectuer les travaux que les locataires ne payaient pas leurs loyers mais lui a néanmoins adressé un devis deux jours plus tard, le 14 décembre 2007 ; que ce devis n'étant pas clairement détaillé et l'opérateur sollicitant un document plus précis, le prévenu lui a adressé un nouveau devis le 15 février 2008 ; que celui-ci n'a pas convenu aux services techniques comme ne répondant pas suffisamment aux prescriptions réglementaires sur la protection, le nettoyage et la part des travaux spécifiquement consacrés au plomb ; que néanmoins, aux termes d'un courrier du 18 février 2008, la SARL Manéo a mandaté l'entreprise Jacquier, laquelle demandait alors aux consorts X.../Z..., parties civiles, de convenir d'une date pour effectuer les travaux de peinture et de suppression du plomb ; que ces derniers ont refusé cette proposition au motif qu'ils n'avaient pas confiance dans cette société pour faire correctement les travaux ; qu'enfin, après avoir donné un dernier délai au propriétaire pour produire un devis conformer, jusqu'au 4 mars 2008, la préfecture a lancé la procédure d'exécution d'office des travaux dans les conditions exposées supra ; qu'en conséquence, la cour ne peut que constater que le caractère délibéré de la violation éventuelle à une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi, en l'espèce les dispositions de l'article L.1334-2, alinéa 2, du code de la santé publique ; qu'en tout état de cause le caractère manifestement délibéré de ladite violation, au sens des dispositions de l'article 223-2 du code pénal ne peut être caractérisé en l'espèce, alors même que le retard à l'exécution des travaux est partiellement imputable à l'administration et qu'il apparaît que M. Y... n'a pas cessé de se préoccuper des travaux à réaliser au cours de la période visée ; qu'il convient, au surplus, de constater que le délai qui a couru depuis la lettre que les parties civiles ont reçue de la part de la société Jacquier, mandatée par la SARL Manéo pour exécuter les travaux, apparaît plus imputable à ces derniers qu'aux prévenus ;
"1) alors que les prévenus n'étaient pas poursuivis pour avoir intoxiqué la fille de Mme X..., mais, conformément à la définition de l'infraction de mise en danger d'autrui, pour avoir exposé celle-ci à un risque immédiat de mort ou de blessures par la violation manifestement délibérée de l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur ; qu'à supposer même qu'elle ait été effectivement intoxiquée au plomb par l'ingestion de peinture entre les mois de juillet et décembre 2005, la fille de Mme X... a été soumise au risque d'exposition au plomb entre le mois de juillet 2005, date de son arrivée dans l'appartement, et le mois de juillet 2008, date de réalisation des travaux, donc pendant la période visée à la prévention ; qu'en confirmant le jugement ayant déclaré les prévenus non coupables de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence au premier motif que l'intoxication de l'enfant s'était faite au cours d'une période non visée dans la prévention, quand elle devait apprécier la période de soumission au risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, elle ainsi visée dans la prévention, la cour d'appel a violé l'article 223-1 du code pénal ;
"2) alors que, ayant constaté que M. Y... avait, le 12 décembre 2007, informé l'opérateur technique des services de l'urbanisme qu'il était d'autant moins pressé d'effectuer les travaux que les locataires ne payaient pas leurs loyers, et, partant, qu'il avait délibérément violé l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir que le caractère manifestement délibéré de la violation de l'obligation particulière de sécurité ou de prudence n'était pas caractérisé ;
"3) alors qu'il ressort des motifs de l'arrêt que, contrairement à ce qu'a retenu la cour d'appel, le retard à l'exécution des travaux n'est imputable ni à l'administration, qui n'a fait que refuser des devis imprécis et non conformes aux prescriptions réglementaires, ni aux parties civiles qui, souhaitant légitimement que les travaux soient correctement réalisés, n'ont fait que refuser que les travaux soient exécutés par une entreprise en laquelle ils n'avaient pas confiance, mais uniquement à M. Y... qui ayant, à plusieurs reprises et en laissant à chaque fois passer plusieurs mois, adressé à l'administration, en dépit des demandes répétées de celle-ci, des devis imprécis et non conformes, a obligé la préfecture à lancer la procédure d'exécution d'office des travaux ; qu'en relevant que le caractère manifestement délibéré de la violation de l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur n'était pas caractérisé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Manéo, dont M. Y... est le dirigeant de fait, gère pour le compte de son propriétaire un appartement dans lequel un diagnostic technique, en date du 18 juin 2004, a révélé la présence de plomb sur des éléments directement accessibles et sur divers revêtements dégradés, concluant à une "accessibilité au plomb au sens du code de la santé publique" ; que, par contrat du 1er août 2005, ce logement a été donné à bail à Mme X..., dont la fille Jade-Olivia, âgée de six mois au moment de l'entrée en jouissance, a ingéré du plomb et a été intoxiquée ;
Attendu que la société Manéo et M. Y... ont été poursuivis par le ministère public du chef de mise en danger de l'enfant, entre le 7 septembre 2007 et le 31 mai 2008, à raison de la violation de l'obligation, prévue à l'article L. 1334-2 du code de la santé publique, incombant au propriétaire d'un local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur ;
Attendu que, pour confirmer le jugement les en ayant relaxés, l'arrêt énonce qu'il n'est pas allégué que l'intoxication ait eu une autre origine que l'ingestion de peinture par l'enfant entre juillet et décembre 2005, soit au cours d'une période non visée par la prévention ; que c'est du fait de l'administration, puis des parties civiles, que les prévenus n'ont pu exécuter avant juillet 2008 les travaux que, le 7 septembre 2007, l'administration leur avait enjoint d'exécuter ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le bailleur n'était pas tenu, depuis l'origine du bail, d'une obligation de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, et alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'enfant avait été exposé au risque de saturnisme au cours de la période visée à la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 septembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Rozenn X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 14 septembre 2011, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de la société Manéo et de M. François Y... du chef de mise en danger d'autrui ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 223-1, 223-2 du code pénal, L. 1334-2 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé en toutes ses dispositions le jugement ayant déclaré la SARL Manéo et M. Y... non coupables de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que M. Y... et la SARL Manéo sont prévenues d'avoir à Paris, entre le 7 septembre 2007 et le 31 mai 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, exposé Jade-Olivia Z..., mineure née le 27 janvier 2005 dont les représentants légaux sont Mme X... et M. Z..., à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, prévue par l'article L.1334-2, alinéa 2, du code de la santé publique ; qu'au soutien de leurs conclusions de relaxe, les prévenus exposent notamment d'une première part, que, dans le temps de la prévention, l'enfant Jade-Olivia Z... n'a pas été délibérément soumise à un risque dans les conditions précisées par l'article 223-2 du code pénal, d'une deuxième part, que, si le texte de l'article L. 1334-2 du code de la santé publique peut être considéré comme une obligation particulière de sécurité imposée par la loi, la jurisprudence a cependant rappelé à plusieurs reprises que le texte susceptible d'avoir été violé, devait poser des règles objectives, précises, immédiatement perceptibles et clairement applicables, de façon obligatoire sans faculté d'appréciation personnelle et qu'en l'espèce tel n'est pas le cas, une certaine ambiguïté existant en ce qui concerne le relogement des occupants pendant les travaux ; que si la réalisation des travaux était imposée, « cet aspect de l'obligation a été respecté », d'une troisième part, qu'en l'espèce, le risque pour l'enfant de développer une affection liée à l'intoxication au plomb n'était pas immédiat ni certain et que rien ne prouve que l'enfant était exposé à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, d'une dernière part, qu'il ne saurait être relevé à l'encontre de M. Y..., une volonté manifestement délibérée au sens des dispositions de l'article 223-2 du code pénal ; que les parties civiles exposent notamment, au soutien de leurs demandes, d'une première part que les dispositions de l'article L. 1334-2 du code de la santé publique sont une norme au sens de l'article 223-1 du code pénal, et que l'obligation de procéder aux travaux nécessaires qu'il contient, est « particulièrement claire et sans équivoque », d'une deuxième part, que l'article 223-1 du code pénal a pour objet de réprimer un comportement faisant courir « une exposition directe à un risque immédiat » et qu'il convient d'entendre par là « un haut degré de probabilité de survenance du dommage », qu'en l'espèce le plomb était présent dans les peintures de certaines pièces, «l'accessibilité au plomb ayant été constatée par plusieurs expertises et non contestée», d'une troisième part, qu'il existe bien en l'espèce «un caractère volontaire de ne pas faire procéder aux travaux non seulement avant l'entrée dans les lieux des nouveaux locataires, mais aussi et encore après les expertises et l'injonction des services de la ville de Paris, sans qu'il soit besoin de rechercher un caractère intentionnel dans l'infraction commise», d'une dernière part qu'il a été établi que la jeune Jade-Olivia Z... avait un taux de plombémie supérieur à la norme pendant plusieurs années et que s'il résulte du rapport de l'expert M. A..., en date du 2 août 2008, qu'à cette date le taux était en régression, il demeure que l'enfant a subi pendant toute cette longue période une intoxication au plomb dont les effets « opèrent à long terme sur le système nerveux central et peuvent entraîner la survenue de troubles du comportement » ; qu'ainsi que le soutiennent les parties civiles, qu'il résulte du dossier que l'intoxication qui a atteint la jeune Jade-Olivia Z... et qui a été scientifiquement mesurée a été contractée dans les locaux occupés par les parties civiles dans l'immeuble sis ... et dont la gestion était confiée par sa propriétaire à la SARL Manéo, dirigée en droit par M. Y..., mais dont le véritable animateur était son fils François Y... ; que ladite intoxication a incontestablement fait courir un risque à l'enfant Jade-Olivia Z... tel que le définit le professeur M. A... qui, dans son rapport du 20 août 2008, concluait à une intoxication chronique par le plomb, précisant que l'examen clinique et l'étude du carnet de santé ne permettaient pas de mettre en évidence de pathologie organique liée à cette intoxication, mais qui ajoutait que les effets à long terme du plomb sur le système nerveux central, tels que décrits par la littérature médicale, n'excluaient pas la survenue ultérieure de troubles du comportement ; que les travaux nécessaires n'ont été effectués qu'au cours du mois de juillet 2008, sous la maîtrise d'ouvrage de l'Etat, par la société Manexi mandatée par l'administration ; qu'il résulte cependant du dossier et spécialement des déclarations en date du 16 avril 2009 de Mme X..., partie civile, que sa fille Jade-Olivia avait ingéré de la peinture entre les mois de juillet et décembre 2005, grattant les murs de sa chambre et mettant ensuite les doigts à sa bouche alors qu'elle avait entre six mois et un an, alors qu'il n'est pas allégué que l'intoxication que l'enfant présentait, aurait une autre origine que cette ingestion ; qu'il convient de constater que cette intoxication s'est faite au cours d'une période qui n'est pas visée dans la prévention ; qu'en outre, la période de prévention débute le 7 septembre 2007, date à laquelle un courrier portant injonction de travaux était adressée à la SARL Manéo par la direction de l'urbanisme du logement et de l'équipement ; que ce courrier indiquait à la société Manéo, et plus concrètement à M. Y..., son directeur, qu'elle disposait d'un délai de dix jours pour faire connaître à l'administration son engagement de réaliser les travaux dans le délai d'un mois faute de quoi ceux-ci seraient réalisés d'office et l'informait de ce qu'elle pouvait bénéficier d'aides financières de la part de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ; qu'ainsi que le soutiennent les parties civiles, il ne saurait être valablement contesté que la violation reprochée aux prévenus est celle qui est constituée par le fait que l'injonction précitée constituait une obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, prévue par l'article L.1334-2, alinéa 2, du code de la santé publique ; que cependant, qu'ainsi qu'il a été exposé supra, il résulte des éléments du dossier que le 1er octobre 2007, M. Y... a répondu au préfet qu'il était disposé à effectuer des travaux, et qu'il sollicitait l'assistance technique et financière proposée par les services du logement et de l'équipement ; qu'une réponse positive lui a été adressée le 8 octobre 2007 ; que le 12 décembre 2007, M. Y... a informé l'opérateur technique des services de l'urbanisme qu'il était d'autant moins pressé d'effectuer les travaux que les locataires ne payaient pas leurs loyers mais lui a néanmoins adressé un devis deux jours plus tard, le 14 décembre 2007 ; que ce devis n'étant pas clairement détaillé et l'opérateur sollicitant un document plus précis, le prévenu lui a adressé un nouveau devis le 15 février 2008 ; que celui-ci n'a pas convenu aux services techniques comme ne répondant pas suffisamment aux prescriptions réglementaires sur la protection, le nettoyage et la part des travaux spécifiquement consacrés au plomb ; que néanmoins, aux termes d'un courrier du 18 février 2008, la SARL Manéo a mandaté l'entreprise Jacquier, laquelle demandait alors aux consorts X.../Z..., parties civiles, de convenir d'une date pour effectuer les travaux de peinture et de suppression du plomb ; que ces derniers ont refusé cette proposition au motif qu'ils n'avaient pas confiance dans cette société pour faire correctement les travaux ; qu'enfin, après avoir donné un dernier délai au propriétaire pour produire un devis conformer, jusqu'au 4 mars 2008, la préfecture a lancé la procédure d'exécution d'office des travaux dans les conditions exposées supra ; qu'en conséquence, la cour ne peut que constater que le caractère délibéré de la violation éventuelle à une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi, en l'espèce les dispositions de l'article L.1334-2, alinéa 2, du code de la santé publique ; qu'en tout état de cause le caractère manifestement délibéré de ladite violation, au sens des dispositions de l'article 223-2 du code pénal ne peut être caractérisé en l'espèce, alors même que le retard à l'exécution des travaux est partiellement imputable à l'administration et qu'il apparaît que M. Y... n'a pas cessé de se préoccuper des travaux à réaliser au cours de la période visée ; qu'il convient, au surplus, de constater que le délai qui a couru depuis la lettre que les parties civiles ont reçue de la part de la société Jacquier, mandatée par la SARL Manéo pour exécuter les travaux, apparaît plus imputable à ces derniers qu'aux prévenus ;
"1) alors que les prévenus n'étaient pas poursuivis pour avoir intoxiqué la fille de Mme X..., mais, conformément à la définition de l'infraction de mise en danger d'autrui, pour avoir exposé celle-ci à un risque immédiat de mort ou de blessures par la violation manifestement délibérée de l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur ; qu'à supposer même qu'elle ait été effectivement intoxiquée au plomb par l'ingestion de peinture entre les mois de juillet et décembre 2005, la fille de Mme X... a été soumise au risque d'exposition au plomb entre le mois de juillet 2005, date de son arrivée dans l'appartement, et le mois de juillet 2008, date de réalisation des travaux, donc pendant la période visée à la prévention ; qu'en confirmant le jugement ayant déclaré les prévenus non coupables de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence au premier motif que l'intoxication de l'enfant s'était faite au cours d'une période non visée dans la prévention, quand elle devait apprécier la période de soumission au risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, elle ainsi visée dans la prévention, la cour d'appel a violé l'article 223-1 du code pénal ;
"2) alors que, ayant constaté que M. Y... avait, le 12 décembre 2007, informé l'opérateur technique des services de l'urbanisme qu'il était d'autant moins pressé d'effectuer les travaux que les locataires ne payaient pas leurs loyers, et, partant, qu'il avait délibérément violé l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir que le caractère manifestement délibéré de la violation de l'obligation particulière de sécurité ou de prudence n'était pas caractérisé ;
"3) alors qu'il ressort des motifs de l'arrêt que, contrairement à ce qu'a retenu la cour d'appel, le retard à l'exécution des travaux n'est imputable ni à l'administration, qui n'a fait que refuser des devis imprécis et non conformes aux prescriptions réglementaires, ni aux parties civiles qui, souhaitant légitimement que les travaux soient correctement réalisés, n'ont fait que refuser que les travaux soient exécutés par une entreprise en laquelle ils n'avaient pas confiance, mais uniquement à M. Y... qui ayant, à plusieurs reprises et en laissant à chaque fois passer plusieurs mois, adressé à l'administration, en dépit des demandes répétées de celle-ci, des devis imprécis et non conformes, a obligé la préfecture à lancer la procédure d'exécution d'office des travaux ; qu'en relevant que le caractère manifestement délibéré de la violation de l'obligation faite au propriétaire du local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur n'était pas caractérisé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Manéo, dont M. Y... est le dirigeant de fait, gère pour le compte de son propriétaire un appartement dans lequel un diagnostic technique, en date du 18 juin 2004, a révélé la présence de plomb sur des éléments directement accessibles et sur divers revêtements dégradés, concluant à une "accessibilité au plomb au sens du code de la santé publique" ; que, par contrat du 1er août 2005, ce logement a été donné à bail à Mme X..., dont la fille Jade-Olivia, âgée de six mois au moment de l'entrée en jouissance, a ingéré du plomb et a été intoxiquée ;
Attendu que la société Manéo et M. Y... ont été poursuivis par le ministère public du chef de mise en danger de l'enfant, entre le 7 septembre 2007 et le 31 mai 2008, à raison de la violation de l'obligation, prévue à l'article L. 1334-2 du code de la santé publique, incombant au propriétaire d'un local d'hébergement de réaliser les travaux nécessaires à la suppression du risque d'exposition au plomb susceptible d'être à l'origine de l'intoxication d'un mineur ;
Attendu que, pour confirmer le jugement les en ayant relaxés, l'arrêt énonce qu'il n'est pas allégué que l'intoxication ait eu une autre origine que l'ingestion de peinture par l'enfant entre juillet et décembre 2005, soit au cours d'une période non visée par la prévention ; que c'est du fait de l'administration, puis des parties civiles, que les prévenus n'ont pu exécuter avant juillet 2008 les travaux que, le 7 septembre 2007, l'administration leur avait enjoint d'exécuter ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le bailleur n'était pas tenu, depuis l'origine du bail, d'une obligation de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, et alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'enfant avait été exposé au risque de saturnisme au cours de la période visée à la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 septembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;