Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 décembre 2012, 11-26.520, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société civile des Mousquetaires que sur le pourvoi incident relevé par M. X... ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2011), que M. X..., qui ne remplissait plus les conditions pour être associé de la société civile des Mousquetaires (la SCM) et qui était en désaccord avec celle-ci quant à la valeur de ses droits sociaux, a demandé au président du tribunal de grande instance de désigner un expert en application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil ; qu'il a ensuite fait assigner la SCM en paiement de la somme fixée par l'expert ; que cette dernière a, de son côté, demandé l'annulation du rapport du tiers estimateur pour erreur grossière ;

Attendu que la SCM fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande et de la condamner à payer une certaine somme à M. X..., alors, selon le moyen :

1°/ que sauf erreur grossière, la valeur des droits sociaux arrêtée par l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil s'impose aux parties, ainsi qu'au juge, sans recours possible ; que les conséquences patrimoniales de l'évaluation effectuée par l'expert ainsi désigné, qui jouit d'une entière liberté et exerce seul le pouvoir de déterminer la valeur des droits sociaux, imposent que le contrôle judiciaire de l'erreur grossière soit concret et effectif ; que dès lors, l'expert, qui est libre d'appliquer la méthode d'évaluation qu'il arrête, doit nécessairement motiver son choix, ses calculs, ainsi que s'expliquer plus généralement sur toutes circonstances l'ayant conduit à retenir cette méthode, sauf à priver le juge de pouvoir exercer concrètement son contrôle limité à l'erreur grossière ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une erreur grossière tirée d'un vice de motivation, que l'expert avait écarté une des méthodes de valorisation en relevant qu'elle ne permettait pas "la juste évaluation des droits du cédant", sans examiner si le rapport contenait les explications utiles et pertinentes sur les raisons qui avaient conduit l'expert à cette conclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1843-4 du code civil et de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'expert désigné en application des dispositions impératives de l'article 1843-4 du code civil doit retenir la méthode d'évaluation des droits sociaux selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce ; qu'à cet égard, il ne peut se juger lié par une méthode déterminée, sauf à entacher son processus d'évaluation d'une erreur grossière ; qu'après avoir relevé que l'expert avait estimé que la jurisprudence de la Cour de cassation lui imposait certaines méthodes d'évaluation particulières, incompatibles avec celle contenue dans les statuts de la SCM, pour procéder à son évaluation, ce dont il résultait que le processus d'évaluation qu'il avait emprunté, détaché tant du principe de liberté dont il jouit que des circonstances de l'espèce, était entaché d'une erreur grossière, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé le contraire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1843-4 du code civil ;

3°/ que le rapport établi par M. Y... se borne à rappeler la méthode de valorisation retenue par les statuts, sans en faire d'analyse même sommaire ni se prononcer sur sa pertinence ; qu'en affirmant néanmoins qu'après avoir rappelé la méthode de valorisation retenue par les statuts et le règlement intérieur, l'expert l'avait "écartée en relevant que les directives des parties ne permettaient pas la juste évaluation des droits du cédant", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que la SCM faisait valoir que l'expert avait commis une erreur grossière en cherchant à retenir une méthode d'évaluation permettant d'obtenir un prix, selon lui, "aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et la demande", cependant que ces méthodes classiques applicables à des parts sociales librement négociables étaient inadaptées s'agissant de la SCM, dès lors que le rapport constate lui-même qu'il n'y a pas de marché, les statuts interdisant aux associés de s'échanger des titres à une valeur différente de la valeur statutaire ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de nature à établir une erreur grossière affectant les prémisses de l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la SCM faisait valoir que l'expert avait commis une erreur grossière en omettant de prendre en compte les dispositions d'ordre public applicables aux sociétés à capital variable pour lesquelles l'article L. 231-5 du code du commerce impose la détermination d'un capital social minimum, dès lors que la méthode d'évaluation retenue ne permettait pas de respecter cette disposition en cas de retrait massif de plusieurs associés qu'en laissant sans réponse ce moyen de nature à établir une erreur grossière affectant l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la SCM faisait valoir que l'expert avait commis une erreur grossière en retenant un actif social calculé en application de la méthode d'évaluation statutaire sans prendre en compte les conséquences sur cet actif social de la méthode d'évaluation qu'il préconisait et de nature à le réduire considérablement ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de nature à établir une erreur grossière affectant l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'expert avait exposé la position de la SCM et décrit son objet et son activité, l'arrêt constate que ce dernier a rappelé qu'il n'était pas tenu par les clauses statutaires et qu'il avait toute latitude pour déterminer la valeur des titres selon les critères qu'il jugeait opportun ; qu'il retient, sans dénaturer le rapport du tiers estimateur, que, contrairement à ce que soutient la SCM, celui-ci a pris soin d'examiner la méthode de valorisation retenue par les statuts, a écarté celle-ci en relevant que les directives des parties ne permettaient pas la juste évaluation des droits sociaux du cédant et a expliqué et justifié sa méthodologie ; que l'arrêt ajoute qu'aucune erreur grossière n'est démontrée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que l'expert n'a pas méconnu l'étendue de ses pouvoirs, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autre recherche et qui a répondu aux conclusions invoquées par la quatrième branche, sans être tenue de suivre la SCM dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision d'écarter la demande d'annulation du rapport pour erreur grossière ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le moyen unique du pourvoi incident ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

DECLARE NON ADMIS le pourvoi incident ;

Condamne la société civile des Mousquetaires aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son pudience publique du quatre décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société civile des Mousquetaires.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société civile des Mousquetaires à payer à M. X... la somme de 534 381,54 euros et rejeté toutes autres demandes des parties ;

Aux motifs que « la Société Civile des Mousquetaires (SCM) a été créée en 1986 pour grouper la participation des associés fondateurs du groupe Intermarché dans le capital social de la société ITM Entreprises ; que ces derniers ont décidé que "pourraient devenir associés de la société tous ceux qui poursuivraient les mêmes buts et qui voudraient bien adhérer aux statuts" ; que SCM est une société civile à capital variable régie par la loi du 24/7/1867, par ses statuts et son règlement intérieur ; qu'en 1994, les époux X... sont entrés au sein du Groupement des Mousquetaires et ont conclu le 20/7/1994 un contrat d'adhésion avec la société 1TM Entreprises ; qu'après avoir procédé au rachat de la société Japre qui exploitait un fonds de commerce sous l'enseigne Intermarché à Bezons, Monsieur Didier X... a ratifié le contrat d'enseigne conclu entre cette société et la société ITM Entreprises ; que remplissant les conditions pour devenir associé de la SCM, il a été coopté par l'assemblée générale mixte du 16/6/1998 ; que le 18/5/199, il a souscrit 20 parts à 14 900 francs la part, valeur qui avait été fixée par les associés lors de l'assemblée générale ci-dessus évoquée ; qu'il est donc devenu associé de la SCM ; que Monsieur X... a, par la suite, exploité, via la société Alvine, un nouveau point de vente sous l'enseigne Intermarché à Croissy-Beaubourg, puis a, le 14/5/2002, conclu, par l'intermédiaire de la société Garabidi, un nouveau contrat d'enseigne avec la société ITM Entreprises ; qu'en 2005, un litige très important a opposé le groupe Intermarché à Monsieur X... et à la société Aquarius, société holding des sociétés Garabidi et Alvine ; qu'un protocole transactionnel a été signé le 6/7/2006 ; que les parties n'ont pu se mettre d'accord sur le paiement des parts que Monsieur X... détenait dans la SCM ; que par acte extrajudiciaire en date du 1014/2007, ce denier a saisi le juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, aux fins de voir désigner un expert ; que, ne remplissant plus les conditions pour être associé de la SCM, puisque notamment, il n'exploitait plus de point de vente sous l'une des enseignes des Mousquetaires, il a été exclu lors de l'assemblée générale extraordinaire du 15/5/2007 ; que par lettre du 23/5/2007, la SCM a signifié à Monsieur X... que ses parts lui seraient remboursées, en quatre versements, à hauteur de 113.229 € ; que par ordonnance du 15/6/2007, Monsieur Jean-Luc Y... a été désigné en qualité d'expert ; qu'il a déposé son rapport le 31/3/2008 et a fixé la valeur de remboursement des 20 parts à 660.579 E ; que le 4/11/2008, la juridiction des référés a renvoyé Monsieur X... à se pourvoir au fond ; que par acte du 29/10/2009, il a saisi le tribunal de grande instance de Paris qui a rendu la décision déférée ; que pour annuler le rapport d'expertise et, par voie de conséquence, débouter Monsieur X... de ses demandes, les premiers juges ont dit que, s'il était de principe que l'expert désigné en application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil n'était pas tenu par les règles statutaires d'évaluation du prix de remboursement des parts sociales et avait toute latitude pour déterminer la valeur des actions selon les critères qu'il jugeait appropriés à l'espèce, il n'en demeurait pas moins que, parmi ces critères, pouvaient figurer ceux prévus par les statuts ; qu'en l'espèce, l'expert avait très largement explicité les critères retenus mais n'avait ni examiné la méthode de valorisation prévue aux statuts ni précisé, à tout le moins, les raisons pour lesquelles il l'avait écartée, de sorte que le rapport était entaché d'une grossière erreur laquelle s'entend comme celle qu'un technicien normalement soucieux de ses fonctions ne saurait commettre ; que la SCM soutient que le rapport est entaché d'erreur grossière, d'abord, en ce qu'il ne justifie pas des motifs pour lesquels il retient ou écarte les méthodes qu'il envisage, et notamment en ce qu'il n'expose à aucun moment les raisons qui l'ont conduit à écarter la méthode prévue par les statuts et le règlement intérieur, ensuite, parce que les méthodes retenues sont inadaptées, enfin, parce qu'il n'a pas pris en compte les dispositions d'ordre public relatives aux sociétés à capital variable ainsi que les conséquences de sa propre évaluation et celle d'un rapport établi dans une affaire similaire ; que l'article 6 du règlement intérieur prévoit que, chaque année, au moment de la réunion de l'assemblée générale annuelle, la gérance proposera à l'assemblée générale une valeur de souscription des parts de la SCM qui pourra également être retenue par l'assemblée générale conformément à l'article 16-4 des statuts comme valeur de remboursement des parts des associés démissionnaires ou exclus ; que celle-ci sera celle de l'année d'avant, majorée d'un pourcentage représentant une plus value de 10 % d'inflation ; que toutefois cette majoration n'interviendra que dans la mesure où le résultat net consolidé d'ITM Entreprises et de ses filiales sera au moins égal, en valeur absolue, à l'augmentation des parts qui résulterait de l'application de la formule ci-dessus ; qu'il est indiqué, à l'article 7, que le règlement intérieur a été établi de bonne foi par les fondateurs, qu'il est clair que tous les associés qui sont venus se joindre à eux ont adhéré en toute sincérité non seulement aux clauses statutaires mais également aux clauses dudit règlement, que, par conséquent, pour toutes transactions concernant les parts qui viendraient à intervenir entre associés ou entre associés et la société, la valeur retenue sera celle fixée comme indiqué ci-dessus ainsi que chaque associé s'y engage définitivement ; que l'article 16-4 des statuts précise que, en cas de contestation survenant avant que la valeur de remboursement des parts soit entérinée par le paiement partiel ou total des sommes dues à l'associé démissionnaire ou exclu, ce dernier pourra convenir avec la société de la désignation d'un expert ou, à défaut d'accord sur le choix de l'expert, solliciter cette désignation auprès du Président du tribunal de grande instance du siège social, conformément aux modalités prévues par l'article 1843-4 du code civil ; qu'en tout état de cause, l'expert désigné déterminera la valeur de remboursement dans le respect des statuts et du règlement intérieur ; que, selon les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil, dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; qu'il s'évince de ce qui précède qu'il appartient au seul expert désigné de procéder à l'évaluation des droits sociaux, la juridiction ne pouvant y procéder elle-même, et que seul l'expert détermine les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, le choix de la méthode ne pouvant lui !être imposé ; qu'il résulte du rapport d'expertise : - que les parties ont été présentes ou représentées ou assistées de leur conseil lors de deux réunions contradictoires qui se sont tenues au cabinet de l'expert, le 10/9/2007 et le 22/2/2008, au cours desquelles elles ont exposé leur point de vue concernant la ou les méthodes de valorisation des parts sociales de la SCM, - qu'elles ont adressé des dires auxquels l'expert a répondu, - que l'expert a examiné différents documents et notamment, les comptes sociaux de la société ITM et de la SCM, les statuts, le règlement intérieur de la SCM, - qu'il a rappelé que sa mission, qui consistait à évaluer les titres de la société SCM, s'inscrivait dans le cadre de la procédure prévue à l'article 1843-4 du code civil et qu'il lui appartenait "dans le cadre du débat contradictoire, après examen des positions de chacune des parties et des documents communiqués, mais aussi de données du marché boursier, de faire le choix le mieux adapté des méthodes de valorisation et de fixer ainsi la valeur des parts sociales de la SCM", - qu'il a exposé (page 8, paragraphe 3) la position de la SCM qui entendait voir appliquer la méthode prévue par les statuts et le règlement intérieur et refusait la fixation d'une valeur financière des parts, - qu'il a décrit l'objet et l'activité de la SCM, précisé le mode de valorisation prévu par les statuts et le règlement intérieur, fait référence à la jurisprudence de la cour de cassation relative à l'article 1843-4 du code civil qui prévoit que la valeur des titres doit être déterminée en combinant la valeur mathématique avec la méthode par comparaison, la méthode par le rendement des titres, l'analyse des récentes transactions ; - qu'il a commenté différentes décisions judiciaires, et rappelé qu'il n'était pas tenu par les clauses statutaires et avait toute latitude pour déterminer la valeur des titres selon les critères qu'il jugeait opportun, - qu'il a examiné les hypothèses retenues dans les méthodes de valorisation (page 14 paragraphe D5.2 ), a précisé que les "évaluations présentées par la SCM s'appuient saur les dispositions statutaires et ne peuvent être retenues, compte venu de la jurisprudence actuelle de la cour de cassation qui prévoit une évaluation à la valeur vénale" et que la référence au marché boursier, déniée par la SCM "n 'est pas un obstacle pour valoriser une société non cotée quitte à pondérer les estimations obtenues pour absence de liquidité des titres'', - qu'il a déterminé la valeur des parts sociales, par trois méthodes, une approche par la valeur mathématique réévaluée (actif net réévalué), une approche par la rentabilité (PER boursier), une approche par la méthode Price to Book et les a combinées, en affectant chacune d'un coefficient et en appliquant des abattements ; que, contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges et à ce que soutient l'intimée, l'expert, qui a rappelé le cadre de sa mission et les dispositions impératives de l'article 1843-4 du code civil, a mentionné la position de la SCM, pris le soin d'examiner la méthode de valorisation retenue par les statuts et le règlement intérieur, l'a écartée en relevant que les directives des parties ne permettaient pas la juste évaluation des droits du cédant, a expliqué et justifié sa méthodologie ; Qu'en conséquence, aucune erreur grossière, seule susceptible de remettre en cause l'évaluation des parts sociales, n'est démontrée ; que le jugement déféré sera infirmé » ;

Alors, d'une part, que sauf erreur grossière, la valeur des droits sociaux arrêtée par l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil s'impose aux parties, ainsi qu'au juge, sans recours possible ; que les conséquences patrimoniales de l'évaluation effectuée par l'expert ainsi désigné, qui jouit d'une entière liberté et exerce seul le pouvoir de déterminer la valeur des droits sociaux, imposent que le contrôle judiciaire de l'erreur grossière soit concret et effectif ; que dès lors, l'expert, qui est libre d'appliquer la méthode d'évaluation qu'il arrête, doit nécessairement motiver son choix, ses calculs, ainsi que s'expliquer plus généralement sur toutes circonstances l'ayant conduit à retenir cette méthode, sauf à priver le juge de pouvoir exercer concrètement son contrôle limité à l'erreur grossière ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une erreur grossière tirée d'un vice de motivation, que l'expert avait écarté une des méthodes de valorisation en relevant qu'elle ne permettait pas « la juste évaluation des droits du cédant », sans examiner si le rapport contenait les explications utiles et pertinentes sur les raisons qui avaient conduit l'expert à cette conclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1843-4 du code civil et de l'article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, d'autre part et à titre subsidiaire, que l'expert désigné en application des dispositions impératives de l'article 1843-4 du code civil doit retenir la méthode d'évaluation des droits sociaux selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce ; qu'à cet égard, il ne peut se juger lié par une méthode déterminée, sauf à entacher son processus d'évaluation d'une erreur grossière ; qu'après avoir relevé que l'expert avait estimé que la jurisprudence de la Cour de cassation lui imposait certaines méthodes d'évaluation particulières, incompatibles avec celle contenue dans les statuts de la SCM, pour procéder à son évaluation, ce dont il résultait que le processus d'évaluation qu'il avait emprunté, détaché tant du principe de liberté dont il jouit que des circonstances de l'espèce, était entaché d'une erreur grossière, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé le contraire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1843-4 du code civil ;

Alors, par ailleurs et à titre subsidiaire, que le rapport établi par M. Y... se borne à rappeler la méthode de valorisation retenue par les statuts (rapport d'expertise, p. 10), sans en faire d'analyse même sommaire ni se prononcer sur sa pertinence ; qu'en affirmant néanmoins qu'après avoir rappelé la méthode de valorisation retenue par les statuts et le règlement intérieur, l'expert l'avait « écartée en relevant que les directives des parties ne permettaient pas la juste évaluation des droits du cédant », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Alors, ensuite, que la SCM faisait valoir que l'expert avait commis une erreur grossière en cherchant à retenir une méthode d'évaluation permettant d'obtenir un prix, selon lui, « aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et la demande », cependant que ces méthodes classiques applicables à des parts sociales librement négociables étaient inadaptées s'agissant de la SCM, dès lors que le rapport constate lui-même qu'il n'y a pas de marché, les statuts interdisant aux associés de s'échanger des titres à une valeur différente de la valeur statutaire (conclusions d'appel de la SCM, spé. p. 7, dernier § et p. 8 s.) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de nature à établir une erreur grossière affectant les prémisses de l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, au surplus, que la SCM faisait valoir que l'expert avait commis une erreur grossière en omettant de prendre en compte les dispositions d'ordre public applicables aux sociétés à capital variable pour lesquelles l'article L. 231-5 du code du commerce impose la détermination d'un capital social minimum, dès lors que la méthode d'évaluation retenue ne permettait pas de respecter cette disposition en cas de retrait massif de plusieurs associés (conclusions d'appel de la SCM, spé. p. 9 s.) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de nature à établir une erreur grossière affectant l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, enfin, que la SCM faisait valoir que l'expert avait commis une erreur grossière en retenant un actif social calculé en application de la méthode d'évaluation statutaire sans prendre en compte les conséquences sur cet actif social de la méthode d'évaluation qu'il préconisait et de nature à le réduire considérablement (conclusions d'appel de la SCM, spé. p. 10, § 6 s.) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de nature à établir une erreur grossière affectant l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande visant à ce que la SCM soit condamnée à lui payer des intérêts conventionnels ;

AUX MOTIFS QU'outre le paiement de ses parts sociales, à la valeur déterminée par l'expert, Monsieur X... réclame le versement d'intérêts conventionnellement fixés à 35.737,38 €, 39.264,14 €, 58.101.48 €, 21.991,15 € au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010 ; Considérant que ces intérêts ont été prévus à la 5ème résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 15/512007, qui est ainsi libellée : " l'assemblée générale extraordinaire, après avoir entendu la proposition de la gérance, décide que les associés exclus ou démissionnaires se verront rembourser les sommes qui leur reviennent chaque année, à compter de l'exercice suivant leur exclusion, du quart de leur droit puis du solde par quarts, de le/le manière que le délai total de remboursement n'excède pas 4 années. La rémunération restant due sera calculée en appliquant annuellement le taux limite de déduction fiscale des intérêts des comptes courants d'associés fixé pour l'année précédant le remboursement " ; que cette disposition ne concerne que les modalités de paiement des parts sociales dont la valeur a été fixée par l'assemblée générale, dont il est constant qu'elle a été refusée par Monsieur X... ; que l'appelant doit être débouté de cette demande (…) ;

1) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en déboutant M. X... de sa demande de rachat de ses parts sociales augmenté d'un taux d'intérêt contractuel, sans rechercher si, indépendamment de la valeur intrinsèque des parts fixée par l'expert par application de l'article 1843-4 du code civil en présence d'un différend entre les parties, un taux d'intérêt contractuel fixé par décision d'assemblée générale de la SCM, appliqué par la SCM lors de premiers versements effectués au bénéfice de M. X... et accepté par ce dernier n'avait pas lieu d'être retenu en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel M. X... faisait valoir que tous les anciens membres de la SCM l'ayant quittée avaient bénéficié d'un rachat de leur parts sociales augmenté d'un taux d'intérêt contractuel de sorte que, sauf à consacrer une inégalité de traitement entre tous ces anciens associés et M. X..., sa demande de rachat augmenté d'un taux d'intérêt contractuel devait être satisfaite ; qu'en rejetant la demande de M. X... en ce sens, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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