Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 novembre 2012, 11-26.582, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 septembre 2011), que par acte du 14 novembre 2008, M. et Mme X... ont cédé à la société Baudry Dutour l'intégralité des parts représentant le capital de la société civile d'exploitation agricole du Château de la Grille (la société civile) ; que la société du Roi Albert, qui avait adressé à M. X..., lequel y avait apposé sa signature, un acte daté du 3 octobre 2008 par lequel elle exposait à ce dernier son "intention d'acquisition de l'intégralité des parts composant le capital" de la société civile, faisant valoir qu'elle était devenue, par l'effet de cet acte, propriétaire des parts ultérieurement cédées à la société Baudry Dutour, a fait assigner cette dernière ainsi que la société civile et M. et Mme X... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société du Roi Albert fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'acte du 3 octobre 2008 constituait un simple accord de principe et qu'en conséquence elle n'était pas devenue propriétaire des parts sociales litigieuses alors, selon le moyen :

1°/ que le prix de cession de parts sociales est déterminable lorsque les parties ont précisément défini les éléments constitutifs du prix dont la valeur exacte sera fixée par le bilan, peu important que celui-ci ne soit pas établi au jour de la signature de l'acte constatant l'accord des parties ; que l'acte du 3 octobre 2008 signé par la société du Roi Albert, cessionnaire, et contresigné par M. X..., cédant, prévoyait la vente des 900 parts sociales de la société civile du Domaine de la Grille au prix de 700 000 € constituant le solde entre l'actif et le passif de cette société dont la valeur exacte serait fixée par le bilan du 30 septembre 2008 à établir de manière contradictoire, déduction faite des abandons de créances qui seraient acceptés par les banques créancières de la société civile ; qu'en jugeant néanmoins que cet acte ne valait pas vente, faute de prix déterminé ou déterminable, au motif que le montant du passif et des abandons de créances consentis par les banques était encore inconnu, tandis que les éléments constitutifs du prix avaient été précisément définis par les parties, de sorte qu'à la date de l'acte il y avait eu accord sur la chose et sur le prix déterminable, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1591 du code civil ;

2°/ que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel a écarté l'existence d'une vente résultant de l'acte du 3 octobre 2008 au motif inopérant que cet acte prévoyait des négociations ultérieures devant aboutir à la conclusion de nouveaux actes ; qu'en statuant ainsi tandis que, peu important la qualification donnée par les parties aux actes dont la conclusion était ensuite prévue, ces négociations, qui auraient en réalité abouti à une réitération de la vente, ne pouvaient remettre en cause l'existence de ce contrat formé dès la rencontre des consentements des parties sur la chose et sur le prix qui était constatée dans l'acte du 3 octobre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;

3°/ que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel a écarté l'existence d'une vente résultant de l'acte du 3 octobre 2008 au motif inopérant que cet acte ne précisait pas les modalités du versement du concours de 500 000 € à la société civile du Domaine de la Grille ; qu'en statuant ainsi tandis que les modalités de versement de ce concours à la société civile, personne distincte du titulaire des parts sociales représentant le capital de cette société, ne pouvaient remettre en cause l'existence d'un contrat de vente des parts sociales formé par la rencontre des consentements des parties sur la chose et sur le prix qui était constatée dans l'acte du 3 octobre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;

4°/ que lorsque la condition suspensive est stipulée dans l'intérêt exclusif d'une partie, celle-ci a la faculté d'y renoncer ; qu'en ce cas, il ne peut y avoir caducité du contrat faute de réalisation de cette condition ; qu'en l'espèce, pour refuser de donner effet à la renonciation aux conditions suspensives par la société du Roi Albert, la cour d'appel a jugé que ces conditions suspensives avaient également été stipulées au bénéfice du cédant ; que pourtant, aucune des conditions suspensives qui portaient sur l'accord des banques créancières pour consentir à la société civile du Domaine de la Grille un moratoire et des abandons de créances, sur la réalisation d'un audit général satisfaisant, sur l'obtention d'informations sur divers éléments d'actifs de la société civile et sur la conclusion d'une convention de garantie d'actifs et de passif ne bénéficiait au cédant des parts sociales ; que celui-ci n'avait pas d'intérêt à se voir imposer une garantie d'actifs et de passif ni à obtenir le résultat d'un audit ou à fournir des informations sur les actifs d'une société dont il cédait les parts ; que l'augmentation mécanique du prix en cas d'abandon de créances supérieur à 15 % par les banques n'était pas non plus une condition suspensive stipulée au bénéfice du cédant, puisque la vente ne dépendait pas d'un abandon d'une telle importance, celui-ci n'étant envisagé que pour l'octroi d'un éventuel complément de prix ; qu'en refusant de donner effet à la renonciation aux conditions suspensives par la société du Roi Albert pour retenir la caducité de la vente, faute de réalisation de ces conditions au 31 octobre 2008, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1584 du code civil.

5°/ que la cour d'appel a écarté l'existence d'une renonciation de la société du Roi Albert aux conditions suspensives stipulées à son profit au motif que cette société avait posé de nouvelles conditions de garanties à consentir par M. X... ; qu'en statuant ainsi tandis que ces garanties n'étaient demandées qu'en contrepartie d'un prêt à consentir à la société civile du Domaine de la Grille, ce qui constituait un contrat distinct de la vente des parts sociales entre la société du Roi Albert, cessionnaire, et M. et Mme X..., cédants et personnes physiques indépendantes de la société dont elles étaient associées, de sorte qu'aucune condition nouvelle n'avait été apportée à cette vente, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'aux termes de la "lettre d'intention" du 3 octobre 2008, il était indiqué : "Nous vous proposons que le prix de cession définitif soit déterminé (...) sur la base d'une situation comptable en forme de bilan qui serait établie de manière contradictoire, à la date du 30 septembre 2008, destinée notamment à déterminer le passif envers les tiers" et constaté que le montant du passif était inconnu au jour de la lettre d'intention, ce dont il résultait que la fixation du prix des parts sociales impliquait un nouvel accord de volonté des parties, la cour d'appel en a exactement déduit que le prix n'était ni déterminé, ni déterminable suivant les seules stipulations de l'acte du 3 octobre 2008 ;

Et attendu, en second lieu, que les critiques des quatre dernières branches s'adressent à des motifs surabondants ;

D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société du Roi Albert fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers alors selon le moyen, qu'en jugeant que les époux X... avaient pu contracter sans mauvaise foi avec la société Baudry Dutour dès lors que le pacte d'exclusivité et le droit de préférence au bénéfice de la société du Roi Albert étaient devenus sans objet, faute de réalisation des conditions au 31 octobre 2008, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société du Roi Albert faisait valoir que M. X... avait en réalité poursuivi des négociations avec la société Baudry-Dutour avant cette date, puisqu'il avait vendu à cette société la plus grande partie de la récolte 2007/2008 et hectolitres de vin clair en vrac, ce qui constituait une diminution des actifs de la société dont les parts sociales étaient vendues, et ce qui avait pu motiver le refus par M. X... d'accorder les garanties demandées par la société du Roi Albert pour le versement d'une avance de trésorerie à la société civile du Domaine de la Grille, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société du Roi Albert avait offert, le 15 octobre 2008, de verser immédiatement 300 000 euros à la société civile pour autant qu'une garantie lui soit accordée par M. X..., et relevé que ce dernier avait refusé, ce qui était son droit, de la même façon que la société du Roi Albert avait pu, sans commettre de faute, exiger une garantie dans le cadre des négociations en cours, l'arrêt retient que les pourparlers ont été rompus sans que la responsabilité de l'une ou l'autre des parties fût pour autant engagée ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société du Roi Albert aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 1 500 euros à la société Baudry Dutour et à la société du Château de la Grille ainsi que la somme globale de 1 500 euros à M. et Mme X... ; rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société du Roi Albert

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la lettre d'intention du 3 octobre 2008 constituait un simple accord de principe et qu'en conséquence la société du Roi Albert n'était pas devenue propriétaire des parts composant le capital de la société civile du Domaine de la Grille et d'avoir débouté la société du Roi Albert de ses demandes à ce titre ;

Aux motifs propres que « les premiers juges ont exactement analysé la lettre d'intention du 3 octobre 2008, contresignée le 6 octobre 2008 par M. X..., pour considérer qu'en aucune façon elle ne valait vente, dès lors qu'en particulier, il n'y avait aucun accord sur le prix ; qu'ainsi au paragraphe prix il était indiqué : « En l'état, notre proposition… serait ainsi de 700.000 € ; nous vous proposons que le prix de cession définitif soit déterminé… sur la base d'une situation comptable en forme de bilan qui serait établi de manière contradictoire, à la date du 30 septembre 2008 destinée notamment à déterminer le passif entre les tiers ; en outre, dans le cas où nous obtiendrions de vos banques créancières un effort supérieur à celui demandé au paragraphe 3-1 ci-après, la différence obtenue viendrait mécaniquement augmenter le prix de cession déterminé comme ci-dessus» ; que donc, le prix n'étant ni déterminé, ni déterminable, puisqu'il serait fonction notamment du montant du passif, inconnu au jour de la lettre d'intention, et de l'abandon plus ou moins grand de leurs créances que seraient prêtes à accepter les banques créancières de la société Domaine de la Grille ; qu'au demeurant, si la vente avait été parfaite dès le 6 octobre 2008 comme le soutient la société du Roi Albert, on verrait mal l'intérêt des négociations dont cette société a cru pourtant devoir préciser les modalités et le calendrier dans sa lettre d'intention ; qu'en réalité, cette dernière constituait le cadre et le point de départ des négociations qui devaient aboutir, dans un premier temps, à la signature d'un « compromis » le 31 octobre 2008, puis, dans un second temps, à la réalisation de la cession avant le 15 décembre 2008, ainsi que les parties en étaient convenues ; qu'il apparaît que les négociations ont échoué, dès lors qu'un désaccord est survenu à propos de la somme de 500.000 € que la société du Roi Albert s'était engagée à verser à la société du Domaine de la Grille pour lui permettre de faire face à ses besoins de financement ; que toutefois, ni les modalités, ni les conditions, ni la date de ce versement n'étaient précisées dans la lettre d'intention ; que c'est dans ces circonstances que, pour permettre à la société du Domaine de la Grille, menacée de devoir déclarer son état de cessation des paiements dès le 22 octobre 2008, date à laquelle la procédure de conciliation s'achevait, la société du Roi Albert a offert, le 15 octobre 2008, de lui verser immédiatement 300.000 € pour autant qu'une garantie, soit le nantissement des parts de M. X..., lui fût accordée en contrepartie ; que M. X... a refusé, ce qui était son droit, de la même façon que la société du Roi Albert avait pu, sans commettre d'abus de droit ou violer son engagement initial, exiger une garantie dans le cadre des négociations en cours ; que les premiers juges ont ainsi, à juste titre, considéré que les pourparlers avaient été rompus sans que la responsabilité de l'une ou l'autre des parties fut pour autant engagée ; qu'ils ont encore surabondamment, mais exactement retenu que les conditions suspensives ne s'étant pas réalisées au 31 octobre 2008, la vente ou promesse de vente, aurait elle-même été effective, était caduque ; que la renonciation alléguée par la société du Roi Albert, au bénéfice des conditions suspensives est inopérante, puisqu'en contrepartie, elle posait des conditions nouvelles, et en particulier le nantissement des titres, et qu'en outre, toutes n'étaient pas dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur ; que dès lors que les époux X... avaient retrouvé leur liberté, tandis que la situation de la société du Domaine de la Grille exigeait de trouver rapidement un repreneur, ils ont pu, sans mauvaise foi de leur part ou sans violer le pacte d'exclusivité et le droit de préférence devenus sans objet conclure le 14 novembre 2008 avec la société Baudry-Dutour » ;

Et aux motifs réputés adoptés que « M. X... décidait de céder les titres et il mandatait pour ce faire la société Avec ; que c'est dans ce contexte que Me Y... a été désigné dans un premier temps en qualité de mandataire ad hoc de la société civile Domaine de la Grille, puis le 22 mai 2008 en qualité de conciliateur aux fins d'entreprendre des négociations en vue d'aboutir à un accord de manière à mettre fin aux difficultés de l'entreprise ; que le 3 octobre 2008, la société du Roi Albert adressait une lettre d'intention d'acquisition de l'intégralité des parts composant le capital de la société civile du Domaine de la Grille ; qu'elle expliquait que son « projet vise à optimiser et à renforcer l'exploitation et le développement du Château de la Grille et à accentuer sa présence internationale » ; qu'elle indiquait en tout premier lieu avoir pris la mesure des besoins de financement de la société civile et être disposée pour y faire face, à lui consentir dans un premier temps un concours à hauteur de 500.000 € ; que concernant le prix, elle écrivait «nous vous confirmons que, sur la base de la situation comptable arrêtée au 30 juin 2008 que vous nous avez remise, nous valorisons à 3.000.000 € les actifs détenus par la société civile. Nous avons retenu qu'à cette même date, les passifs grevant la société civile s'élevaient à 2.300.000 € (…). En l'état notre proposition pour l'acquisition des 900 parts composant le capital de la société civile serait ainsi de 700.000 € payables comptant le jour de la cession des parts, ce paiement intervenant simultanément avec le remboursement intégral de votre compte courant (sauf pour la partie imputée à la garantie de passif évoquée ci-après). Nous vous proposons que le prix de cession définitif soit déterminé, selon le même principe, sur la base d'une situation comptable en forme de bilan qui serait établie de manière contradictoire, à la date du septembre 2008 destinée notamment à déterminer le passif envers les tiers » ; qu'il était stipulé que dans le cas où les banques créancières consentiraient un effort supérieur à celui demandé au paragraphe 3-1, soit un abandon partiel de leurs créances supérieur à 15 % desdites créances, alors la différence obtenue viendrait mécaniquement augmenter le prix de cession déterminé comme ci-dessus ; que la société du Roi Albert soumettait la réalisation de l'opération à plusieurs conditions suspensives à savoir l'accord des banques créancières, à l'exception de la BRED, pour consentir à la société civile un moratoire pour le recouvrement de leurs créances ainsi qu'un abandon partiel de leurs créances à hauteur de 15 % desdites créances, le résultat satisfaisant d'un audit portant sur les aspects financiers, comptables, juridiques, fiscaux, sociaux et assurances destiné à apprécier la nature et le montant des dettes sociales, le champ et les modalités devant être arrêtés d'un commun accord, l'obtention des informations nécessaires relatives aux divers éléments d'actifs et aux garanties consenties sur ces actifs dont la liste devra être arrêtée d'un commun accord, et la conclusion à des conditions satisfaisantes pour l'ensemble des parties d'un contrat d'acquisition et d'une convention de garantie d'actifs et de passif en proportion des droits détenus par les cédants ; que la société du Roi Albert acceptait de soumettre sa proposition à des conditions particulières, à savoir l'attribution au profit de M. X... de l'usufruit du château édifié sur le domaine pour une durée cinq ans, la sortie préalable des actifs de la société civile au profit de M. X... de la parcelle cadastrée C237 ainsi que d'une partie des parcelles cadastrées A450 et 135 faisant partie de la propriété et la conclusion d'une convention entre la société civile et M. X... pour une durée à convenir pour définir le concours de ce dernier après la réalisation de l'opération notamment sur le plan commercial ; qu'enfin, la société du Roi Albert soumettait cette opération à une obligation de coopération, d'exclusivité et de confidentialité et fixait le calendrier prévoyant la levée des conditions suspensives visées ci-dessus avant le 31 octobre 2008, la signature du compromis de cession et du modèle de convention de garantie d'actifs et de passif à la date du 31 octobre 2008 et une réalisation de la cession avant le 15 décembre 2008 ; que cette lettre d'intention était contresignée par M. X... en sa qualité de gérant de la société civile du Domaine de la Grille, au-dessous de la mention suivante « En contresignant cette lettre, je confirme en accepter les termes et conditions tant en mon nom et pour mon compte et me porte fort du respect de ces stipulations par les personnes concernées » ; que la promesse de contrat est contractée en prévision de la conclusion future d'un contrat principal ; que pour être valable, la promesse doit contenir les éléments essentiels du contrat définitif prévu par les parties ; qu'elle se distingue de l'accord de principe, qui n'est pas un engagement ferme ; que l'accord de principe constate que sur certains points les parties sont d'ores et déjà d'accord et qu'elles s'obligent à engager ou à poursuivre de bonne foi la négociation d'un contrat dont les conditions essentielles restent à définir ; que contrairement à la promesse de vente, qui est un contrat irrévocable, l'accord de principe n'est pas un contrat liant définitivement les parties, en ce qu'il lui manque encore des précisions sur les éléments essentiels du contrat à conclure ; qu'au cas particulier, force est de constater que la lettre d'intention du 3 octobre 2008 intitulée par son rédacteur « projet acquisition société civile du Domaine de la Grille », et non pas promesse de contrat, pose le principe d'un concours à hauteur de 500.000 €, sans préciser les modalités de versement de cet apport et notamment sa date, pourtant essentielle au regard de la situation de la société civile du Domaine de la Grille, qui se trouvait à l'époque en proie à des difficultés financières très importantes puisque son besoin de trésorerie ressortait à près de 200.000 € au 30 juin 2008, voire 500.000 € pour la période au-delà de cette date ; que cette lettre définie selon les modalités habituelles que le prix d'acquisition définitif des 900 parts composant le capital de la société civile sera déterminé sur la base d'une situation comptable en forme de bilan à établir à la date du 30 septembre 2008, tout en prévoyant que le prix de cession dépendra de la position de tiers et plus précisément des efforts que voudront bien consentir les banques créancières, qui aurait pour conséquence en cas d'abandon supérieur à 15 % des créances d'augmenter le prix de cession à proportion ; qu'au terme de ce projet le prix de cession, quoique déterminable, demeure inconnu et donc non déterminé, dans l'attente de l'aboutissement des négociations à intervenir auprès des banques créancières ; qu'il ressort ainsi clairement que par la lettre d'intention du 3 octobre 2008 contresignée par M. X..., les parties s'étaient entendues sur la cession des titres et aussi sur les conditions particulières portant sur l'usufruit du château et la sortie préalable de certains actifs de la société civile ainsi que sur le concours postérieurement à l'opération de M. X... sur le plan commercial ; qu'en revanche, le prix de cession restait à fixer et les modalités du concours financier n'étaient pas définies ; qu'il n'était pas précisé en ce qui concerne le concours de 500.000 € s'il s'agissait d'un prêt et dans l'affirmative suivant quelles modalités ce prêt serait versé puis remboursé ; que ces éléments qui restaient en suspens et justifiaient la poursuite des négociations, étaient pourtant essentiels notamment au regarde la situation financière de la société civile du Domaine de la Grille qui ne pouvait échapper à l'état de cessation des paiements qu'à la condition d'un concours immédiat ; que Me Y... le rappelait lors de la réunion du 15 octobre 2008 organisée dans le cadre de la procédure de conciliation et demandait expressément à la société du Roi Albert de formaliser par courrier sa réelle intention d'apporter en « cash » et ce dans un délai de 48 heures ; que cette demande n'était pas suivie d'effet ; que la lettre d'intention du 3 octobre 2008 en ce qu'elle n'a pas arrêté les conditions financières de la cession ne peut valoir dans ces conditions contrat définitif, ni même promesse de contrat ou promesse de négocier ; qu'il s'agit d'un simple accord de principe ; qu'au cours d'une réunion organisée le 15 octobre 2008 dans le cadre de la procédure de conciliation, à laquelle le dirigeant de la société du Roi Albert, M. Z..., assistait, Me Y... soumettait à la discussion un avenant à la proposition d'acquisition du 3 octobre 2008 par lequel la société du Roi Albert proposait de concéder à la société civile du Domaine de la Grille un prêt de 300.000 €, compris dans la somme de 500.000 € qu'elle se proposait d'apporter aux termes de sa proposition du 3 octobre 2008, en contrepartie d'une hypothèque en premier rang sur l'ensemble foncier et d'un nantissement portant sur le compte courant de M. X... et exigeait de ce dernier qu'il accepte le gel de l'intégralité de son compte courant pendant une durée de 36 mois à compter de la cession et renonce au retrait à son profit des actifs représentés par la parcelle de bois AU2H du PLU côté Est ; que lors de la réunion, M. Z... n'a soulevé aucune contestation par rapport à cet avenant plus contraignant pour M. X... de sorte qu'il n'est pas sérieusement contestable que c'est bien la société du Roi Albert qui en est l'auteur ; que Me Y... faisait observer que cet avenant présentait une difficulté en ce qu'il changeait le périmètre de négociations en intégrant les bois attenants au domaine et en posant de nouvelles conditions et garanties ; que la société du Roi Albert reprenait sa proposition notamment en ce qui concerne l'avance de 300.000 € dans un courrier adressé à M. X... le 24 octobre 2008, tout en précisant que son offre était subordonnée à l'accord préalable des banques créancière sur les propositions transmises le 17 octobre 2008 ; que ce faisant, la société du Roi Albert ne peut prétendre désormais que la lettre d'intention du 3 octobre 2008 vaut contrat alors même qu'elle a elle-même postérieurement à cette lettre poursuivi les négociations pour affiner les obligations réciproques notamment en imposant de nouvelles conditions à la société civile du Domaine de la Grille ; qu'à supposer même que la lettre d'intention du octobre 2008 constitue un contrat définitif voire une promesse de contrat, il n'en demeure pas moins que la réalisation de la cession a été soumise à des conditions suspensives et notamment à l'accord des banques créancières sur un moratoire pour le recouvrement de leurs créances et sur un abandon partiel de leurs créances à hauteur de 15 % desdites créances, mais aussi à la conclusion d'un contrat d'acquisition et d'une convention de garantie d'actifs et de passif ; que la société du Roi Albert ne pouvait renoncer unilatéralement à ces conditions qui ont été prises dans l'intérêt de l'acquéreur, mais aussi du cédant, en ce qu'elles pouvaient avoir une influence sur le montant du prix de cession et sur les engagements de M. X... ; que sa renonciation à se prévaloir de ces conditions suspensives par courrier daté du 30 octobre 2008 est dès lors sans effet ; qu'au 31 octobre 2008, l'accord des banques créancières n'était pas obtenu et le contrat d'acquisition et la convention de garantie d'actifs et de passif n'étaient pas régularisés ; que force est de constater que ces conditions suspensives n'étaient pas réalisées au octobre 2008 de sorte qu'à supposer que la lettre d'intention émanant de la société du Roi Albert constitue un contrat définitif ou une promesse de contrat, ce qui n'est pas le cas, celle-ci serait devenue caduque et les parties auraient été ainsi déliées de leurs obligations ; que par suite, la société du Roi Albert n'est absolument pas fondée à revendiquer un quelconque droit de propriété sur les parts de la société civile du Domaine de la Grille, en l'absence d'une vente parfaite » ;

Alors, d'une part, que le prix de cession de parts sociales est déterminable lorsque les parties ont précisément défini les éléments constitutifs du prix dont la valeur exacte sera fixée par le bilan, peu important que celui-ci ne soit pas établi au jour de la signature de l'acte constatant l'accord des parties ; que l'acte du 3 octobre 2008 signé par la société du Roi Albert, cessionnaire, et contresigné par M. X..., cédant, prévoyait la vente des 900 parts sociales de la société civile du Domaine de la Grille au prix de 700.000 € constituant le solde entre l'actif et le passif de cette société dont la valeur exacte serait fixée par le bilan du 30 septembre 2008 à établir de manière contradictoire, déduction faite des abandons de créances qui seraient acceptés par les banques créancières de la société civile ; qu'en jugeant néanmoins que cet acte ne valait pas vente, faute de prix déterminé ou déterminable, au motif que le montant du passif et des abandons de créances consentis par les banques était encore inconnu, tandis que les éléments constitutifs du prix avaient été précisément définis par les parties, de sorte qu'à la date de l'acte il y avait eu accord sur la chose et sur le prix déterminable, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1591 du code civil ;

Alors, d'autre part, que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel a écarté l'existence d'une vente résultant de l'acte du 3 octobre 2008 au motif inopérant que cet acte prévoyait de négociations ultérieures devant aboutir à la conclusion de nouveaux actes ; qu'en statuant ainsi tandis que, peu important la qualification donnée par les parties aux actes dont la conclusion était ensuite prévue, ces négociations, qui auraient en réalité abouti à une réitération de la vente, ne pouvaient remettre en cause l'existence de ce contrat formé dès la rencontre des consentements des parties sur la chose et sur le prix qui était constatée dans l'acte du 3 octobre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;

Alors, de troisième part, que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel a écarté l'existence d'une vente résultant de l'acte du 3 octobre 2008 au motif inopérant que cet acte ne précisait pas les modalités du versement du concours de 500.000 € à la société civile du Domaine de la Grille ; qu'en statuant ainsi tandis que les modalités de versement de ce concours à la société civile, personne distincte du titulaire des parts sociales représentant le capital de cette société, ne pouvaient remettre en cause l'existence d'un contrat de vente des parts sociales formé par la rencontre des consentements des parties sur la chose et sur le prix qui était constatée dans l'acte du 3 octobre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;

Alors, de quatrième part, que lorsque la condition suspensive est stipulée dans l'intérêt exclusif d'une partie, celle-ci a la faculté d'y renoncer ; qu'en ce cas, il ne peut y avoir caducité du contrat faute de réalisation de cette condition ; qu'en l'espèce, pour refuser de donner effet à la renonciation aux conditions suspensives par la société du Roi Albert, la cour d'appel a jugé que ces conditions suspensives avaient également été stipulées au bénéfice du cédant ; que pourtant, aucune des conditions suspensives qui portaient sur l'accord des banques créancières pour consentir à la société civile du Domaine de la Grille un moratoire et des abandons de créances, sur la réalisation d'un audit général satisfaisant, sur l'obtention d'informations sur divers éléments d'actifs de la société civile et sur la conclusion d'une convention de garantie d'actifs et de passif ne bénéficiait au cédant des parts sociales ; que celui-ci n'avait pas d'intérêt à se voir imposer une garantie d'actifs et de passif ni à obtenir le résultat d'un audit ou à fournir des informations sur les actifs d'une société dont il cédait les parts ; que l'augmentation mécanique du prix en cas d'abandon de créances supérieur à 15 % par les banques n'était pas non plus une condition suspensive stipulée au bénéfice du cédant, puisque la vente ne dépendait pas d'un abandon d'une telle importance, celui-ci n'étant envisagé que pour l'octroi d'un éventuel complément de prix ; qu'en refusant de donner effet à la renonciation aux conditions suspensives par la société du Roi Albert pour retenir la caducité de la vente, faute de réalisation de ces conditions au 31 octobre 2008, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1584 du code civil ;

Alors, en tout état de cause, que la cour d'appel a écarté l'existence d'une renonciation de la société du Roi Albert aux conditions suspensives stipulées à son profit au motif que cette société avait posé de nouvelles conditions de garanties à consentir par M. X... ; qu'en statuant ainsi tandis que ces garanties n'étaient demandées qu'en contrepartie d'un prêt à consentir à la société civile du Domaine de la Grille, ce qui constituait un contrat distinct de la vente des parts sociales entre la société du Roi Albert, cessionnaire, et M. et Mme X..., cédants et personnes physiques indépendantes de la société dont elles étaient associées, de sorte qu'aucune condition nouvelle n'avait été apportée à cette vente, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société du Roi Albert de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de pourparlers et agissements dolosifs ;

Aux motifs propres que « pour permettre à la société du Domaine de la Grille, menacée de devoir déclarer son état de cessation des paiements dès le 22 octobre 2008, date à laquelle la procédure de conciliation s'achevait, la société du Roi Albert a offert, le 15 octobre 2008, de lui verser immédiatement 300.000 € pour autant qu'une garantie, soit le nantissement des parts de M. X..., lui fût accordée en contrepartie ; que M. X... a refusé, ce qui était son droit, de la même façon que la société du Roi Albert avait pu, sans commettre d'abus de droit ou violer son engagement initial, exiger une garantie dans le cadre des négociations en cours ; que le tribunal a ainsi, à juste titre, considéré que les pourparlers avaient été rompus sans que la responsabilité de l'une ou l'autre des parties fût pour autant engagée ; que dès lors que les époux X... avaient retrouvé leur liberté, tandis que la situation de la société du Domaine de la Grille exigeait de trouver rapidement un repreneur, ils ont pu, sans mauvaise foi de leur part ou sans violer le pacte d'exclusivité et le droit de préférence devenus sans objet, conclure le 14 novembre 2008 avec la société Baudry Dutour» ;

Et aux motifs réputés adoptés que «l'accord de principe fait naître une obligation de négocier qui se dédouble en deux prestations, entreprendre et poursuivre la discussion et la conduire de bonne foi ; que chacune des parties a le devoir de se conduire en partenaire de bonne foi désireux de mener à bien la négociation ou d'invoquer des motifs sérieux pour ne pas la poursuivre ; que l'obligation de négocier dans le cadre d'un accord de principe est une obligation de moyen et non pas de résultat ; qu'il s'agit d'un engagement de négocier qui est conclu et non d'une obligation de conclure le contrat définitif ; qu'une rupture des négociations sans discussion sérieuse constituera la violation d'une obligation contractuelle de moyen ; que le conciliateur, Me Y..., constatait dans son rapport de fin de mission qu'en dépit de plusieurs échanges oraux et écrits, il subsistait entre la société civile du Domaine de la Grille et la société du Roi Albert des points de mésentente graves permettant de constater la caducité des accords ; qu'à la suite, au terme de la procédure de conciliation, la société civile du Domaine de la Grille, prenant acte des nouvelles conditions et garanties exigées par la société du Roi Albert et aussi du non-versement du concours annoncé et de l'absence d'accord, avait un motif tout à fait sérieux de ne pas poursuivre les négociations et de se défaire de son obligation d'exclusivité, en ce qu'elle se trouvait à cette époque dans une situation financière très difficile, laissant augurer à très court terme un état de cessation des paiements ; qu'il était impératif pour sa survie d'entreprendre des pourparlers avec un autre repreneur de manière à obtenir un concours financier, qu'elle n'avait pu obtenir jusqu'alors de la part de la société du Roi Albert en dépit de ses engagements ; qu'aucune faute, abus ou dol ne peut être dans ces conditions imputé à la société civile du Domaine de la Grille qui n'a pu rétablir sa situation et éviter l'ouverture d'une procédure collective à son égard qu'après avoir retrouvé sa liberté contractuelle, par suite de la vente de vin en vrac à la société Baudry Dutour dans un premier temps, et d'un prêt de 723.612 € en date du 18 novembre 2008 viré immédiatement sur le compte courant de la société civile du Domaine de la Grille dans l'attente de la régularisation de l'acte de cession de parts sociales ; que dans ces conditions dès lors que la société civile du Domaine de la Grille avait des motifs sérieux pour ne pas poursuivre les négociations, la demande de dommages et intérêts présentée par la société du Roi Albert sera rejetée » ;

Alors qu'en jugeant que les époux X... avaient pu contracter sans mauvaise foi avec la société Baudry Dutour dès lors que le pacte d'exclusivité et le droit de préférence au bénéfice de la société du Roi Albert étaient devenus sans objet, faute de réalisation des conditions au 31 octobre 2008, sans répondre aux conclusions (concl. p. 14, § 5) par lesquelles la société du Roi Albert faisait valoir que M. X... avait en réalité poursuivi des négociations avec la société Baudry-Dutour avant cette date, puisqu'il avait vendu à cette société la plus grande partie de la récolte 2007/2008 et hectolitres de vin clair en vrac, ce qui constituait une diminution des actifs de la société dont les parts sociales étaient vendues, et ce qui avait pu motiver le refus par M. X... d'accorder les garanties demandées par la société du Roi Albert pour le versement d'une avance de trésorerie à la société civile du Domaine de la Grille, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Retourner en haut de la page