Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 octobre 2012, 11-87.292, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jacob X...,
- Mme Laurence Y..., épouse X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 16 septembre 2011, qui, pour fraude fiscale, a condamné le premier, à dix-huit mois d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve, la seconde, à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-45 du code pénal, 1741, 1750 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de fraude fiscale ; qu'en répression a condamné Mme Y... à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et M. X... à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont un an avec sursis imposé à M. X... l'observation de certaines obligations et a prononcé sur les intérêts civils ;

" aux motifs que suite à l'acquisition le 8 juillet 2003 d'un immeuble à usage d'habitation à Neuilly-sur-Seine, la SARL BSM Immobilier a procédé le même jour à la revente de ce bien immobilier par lots, en fonction de promesses de vente signées avec divers acquéreurs à des prix manifestement minorés par rapport au prix du marché ; que l'administration fiscale a en effet constaté que des lots avaient été vendus dans ces conditions directement ou par personnes morales interposées et que le bénéfice auquel la SARL BSM Immobilier avait délibérément renoncé, avait été appréhendé par les époux X... ainsi que par des relations d'intérêt de ces derniers à savoir les époux Z..., dirigeant de la SA Cogefim, associés de l'opération à ses débuts ainsi que M. A..., lequel associé de M. Franck X... dans la SCI Versailles et la SARL SDVA avait participé à un projet commun avec la SARL BSM Immobilier portant sur un immeuble situé dans le 13ème arrondissement de Paris ; que les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale, consistant en des ventes de biens immobiliers situés à la même adresse et au même étage que les lots vendus à des prix minorés, ou parfaitement identifiés dans les rues avoisinantes, suffisent à caractériser le caractère intentionnel de la fraude ; qu'il apparaît injustifié que l'opération immobilière du 105, rue de Longchampqui présentait pourtant un fort potentiel commercial en raison de la situation de l'immeuble, de son état normal de vétusté et des surfaces exceptionnelles des lots, se soit soldée par une perte de 215 646 euros pour la SARL BSM Immobilier ; que les époux X... se sont arrangés pour dégager une marge suffisante pour payer l'Etat de Suède, vendeur, mais ont délibérément renoncé à dégager un bénéfice taxable en minorant la valeur de la moitié des lots vendus … que selon l'administration fiscale, les époux X... ont déclaré pour la SARL BSM Immobilier au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 un résultat imposable négatif de 266 421 euros alors qu'il convenait d'ajouter sur le plan pénal la somme de 2 748 011 euros correspondant aux actes anormaux de gestion décrits précédemment, soit un impôt sur les sociétés éludé de 796 816 euros ; que la dissimulation excédant largement le dixième imposable ou la somme de 153 euros, le délit de fraude fiscale visé est établi dans les termes de la prévention à l'encontre des deux prévenus ;

" 1)° alors que Mme Y... et M. X... ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées que la valeur vénale des biens immobiliers doit s'apprécier au jour où le prix a été convenu ; que les lots litigieux ont fait l'objet au mois d'octobre 2002 de promesses synallagmatiques de vente fixant définitivement le prix de sorte qu'il convenait de se placer à cette date pour déterminer leur valeur vénale et non au 8 juillet 2003, date à laquelle le contrat de vente a été signé, comme l'ont fait l'administration fiscale et le ministère qui supportaient la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion ; qu'en ne répondant à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ;

" 2°) alors que Mme Y... et M. X... ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées que la société Cogefim, initialement partenaire de la société BSM Immobilier dans l'opération du 105 de la rue de Longchamp a dû se retirer de la vente à l'automne 2002 de sorte que la société BSM Immobilier qui ne pouvait se permettre de perdre l'indemnité d'immobilisation et qui ne pouvait non plus financer seule le prix d'achat convenu, a dû revendre par anticipation, certains lots objets de la promesse de vente, avant le 20 décembre 2002, date de levée d'option initialement prévue ; que cette urgence et l'état des appartements expliquent le prix de vente fixé à l'automne 2002 ; que l'opération était en réalité, compte tenu de ces contraintes, conforme aux intérêts de la société ; qu'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 593 du code de procédure pénale " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-19 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont un an avec sursis ;

" aux motifs que M. X... a eu un rôle déterminant dans l'opération immobilière du 105, de la rue de Longchamp et dans l'élaboration de la fraude fiscale du fait notamment qu'il était notamment un professionnel averti de l'immobilier ; que son casier judiciaire porte déjà la mention d'une condamnation à huit mois de prison avec sursis et 8 000 FF d'amende pour fraude fiscale qui a été prononcée le 12 octobre 1999 par la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris ; qu'une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont un an mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve sera prononcée à son encontre, la partie ferme étant commandée par la gravité des faits et la personnalité du prévenu et l'exigence de prévenir le renouvellement de l'infraction qui excluent, toute autre sanction prévue aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ;

" alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en l'état des énonciations de l'arrêt, qui ne caractérisent ni la nécessité d'une telle peine au regard de la personnalité de son auteur, ni le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-24 du code pénal ;

Qu'ainsi, que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-1 du code pénal, 1741, 1743, 1745 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit que Mme Y... et M. X... seront solidairement tenus avec la société BSM Immobilier, redevable légale de l'impôt, au paiement des impôts fraudés ainsi qu'à celui des majorations et pénalités y afférentes ;

" alors qu'en déclarant Mme Y... et M. X... solidairement tenus avec BSM Immobilier au paiement des impôts fraudés ainsi qu'à celui des majorations et pénalités fiscales y afférentes, la cour d'appel a prononcé une mesure de nature pénale disproportionnée aux fautes commises et contraire pour cette raison aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;

Attendu que, le prononcé de la solidarité relevant d'une faculté que les juges tiennent de la loi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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