Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 octobre 2012, 11-20.085, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-20.085
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la chambre syndicale typographique parisienne le 27 janvier 1975, exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur financier, a été licencié pour faute grave le 16 novembre 2007 ;
Attendu que pour dire que le licenciement n'est pas justifié pour faute grave, l'arrêt retient que si le grief de harcèlement est établi à l'encontre du salarié, ce qui justifie que l'employeur l'ait licencié dans le cadre de son obligation de sécurité afin d'empêcher la dégradation des conditions de travail de la salariée victime de ces agissements, l'employeur pouvait néanmoins prendre des dispositions pour assurer la séparation de ces deux salariés pendant le préavis ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait eu à diverses reprises des attitudes, gestes et paroles déplacés à l'égard d'une salariée ayant entraîné pour celle-ci un état dépressif majeur, ce qui était de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise et constitutif d'une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la chambre syndicale typographique parisienne.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmant le jugement qui avait débouté le salarié de toutes ses demandes après avoir retenu l'existence d'une faute grave, d'AVOIR dit que le licenciement notifié à M. Michel X... par la Chambre Syndicale Typographique Parisienne n'était fondé que sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Chambre Syndicale Typographique Parisienne à verser diverses sommes à son ancien salarié,
AUX MOTIFS QU'aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, le licenciement de M. X... est la conséquence de son comportement à l'égard de Mlle Y... ; que M. X... reconnaît avoir eu en charge l'encadrement de Mlle Y... à compter du 20 août 2007 et indique avoir toujours entretenu des relations cordiales avec elle ; qu'il reconnaît également que le 15 octobre 2007, Mme Z... dont la Cour observe qu'il ressort du compterendu d'entretien préalable au licenciement qu'elle était la supérieure hiérarchique de Mlle Y..., l'avait interpellé sur son comportement à l'égard de cette dernière et lui avait demandé dorénavant de se tenir de l'autre côté du bureau de celle-ci et non à ses côtés lors de la formation sur les logiciels ; qu'il est en résumé reproché à M. X... une attitude déplacée à l'égard de la salariée, des gestes et des propos équivoques ; qu'en dehors de nier les faits qui lui sont reprochés, de mettre en avant l'existence de discussions informelles engagées au début de l'été 2007 avec la direction de la Chambre syndicale typographique parisienne afin d'envisager son départ négocié et le souhait de la Chambre syndicale typographique parisienne d'éviter un licenciement coûteux en raison de la « baisse d'activité provoquant une diminution des cotisations », de produire une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile de Mme A... Catherine née le 30 avril 1967, inspectrice des impôts, se disant compagne de M. X... qui affirme n'avoir jamais fait de demande de mutation en province mais avoir postulé en septembre 2007 pour un poste de rédacteur à la Présidence de la République au service de la correspondance présidentielle et avoir été retenue depuis le 1er décembre 2007 dans le cadre d'une mise à disposition de trois ans et plusieurs attestations de salariés qui le connaissaient mais ne travaillaient plus directement avec lui et n'étaient pas au même étage que lui mais dans un service où Mlle Y... allait porter le courrier, attestant que M. X... n'avait jamais eu d'attitude déplacée ou ambigüe à leur égard (Céline B..., Christine C..., Patricia D...), M. X... ne fait que soutenir que la preuve des faits qui lui sont reprochés n'est pas rapportée et que son employeur a monté un dossier contre lui en « mettant sous pression » Mlle Y... lui accordant un CDI en récompense le 19 octobre 2007 alors qu'elle avait été engagée en CDD lequel se terminait le 20 octobre 2007 et en produisant des témoignages de complaisance ; qu'aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 5 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique (
) ou des agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs des nature sexuelle à son profit ; qu'en l'espèce, il est établi par l'attestation de Mme Muriel Z..., supérieure hiérarchique de Mlle Y..., qu'elle a personnellement été témoin de ce que M. X... se tenait penché par-dessus l'épaule de cette dernière alors que rien ne l'y obligeait et l'avoir entendu maintes fois (à plusieurs reprises au mois de septembre) murmurer à l'oreille de Mlle Y..., ce qui l'avait interpellée et de ce que le 11 octobre 2007, cette dernière lui a fait part de ses craintes de se trouver dans les locaux avec M. X... l'après-midi lorsqu'elle était seule avec lui ; que ce témoin précise encore en avoir fait la remarque à M. X... qui n'envisageant pas de s'expliquer, elle en avait référé à M. Michel F..., son supérieur hiérarchique ; que Mme Z... atteste encore avoir vu l'état croissant de fébrilité de Mlle Y... qui craignait de voir se dégrader ses relations de travail avec M. X... en faisant part des faits qu'elle subissait ;
que M. Olivier G... témoigne de son côté avoir constaté à plusieurs reprises, en s'interrogeant sur cette attitude, que M. X... se trouvait systématiquement « collé » derrière le siège de Mlle Y... alors que la nature du travail ne le nécessitait pas ajoutant que Mlle Y... lui avait indiqué en pleurs qu'après avoir dénoncé l'attitude qu'elle subissait de sa part, M. X... l'avait agressée verbalement lui indiquant qu'il continuerait à venir la voir et que peu de temps après son embauche Mlle Y... avait à plusieurs reprises réitéré son désir d'avoir quelqu'un d'autre présent dans le bureau ; que Mme H...I..., amie de Mlle Y..., atteste que dès septembre 2007 cette dernière lui avait fait part de ce que son supérieur M. X... avait parfois des gestes et paroles déplacés à son égard et qu'elle lui avait conseillé de démissionner lui disant que sa santé était plus importante que tout mais que Samia lui disait qu'elle allait tenir car M. X... devait partir en retraite ; qu'enfin sont versées aux débats la déclaration circonstanciée de Mlle Y... et la main courante qu'elle a déposée le 27 novembre 2007 après le licenciement de M. X... dans laquelle elle déclare que plusieurs fois il l'a coincée dans la réserve en voulant aller plus loin, que depuis elle ne va pas bien du tout et a peur qu'il vienne au travail pour se venger ; que la Chambre syndicale typographique parisienne (CSTP en abrégé) verse notamment aux débats un certificat médical du centre de santé du Vert Galant à Villepinte en date du 27 octobre 2007 attestant de l'état de stress et d'angoisse dans lequel se trouvait Mlle Y... qu'elle indique lié à un conflit professionnel avec l'un de ses supérieurs suivi d'un arrêt de travail suivi d'un autre certificat médical en accident de travail en date du 30 novembre 2007 mentionnant un état de stress post traumatique et un état dépressif majeur suite à une situation de harcèlement au travail, le médecin de l'hôpital Tarnier ayant mentionné « troubles compatibles avec ses déclarations » ; qu'il résulte de l'ensemble de ces faits que les griefs retenus dans la lettre de licenciement sont suffisamment caractérisés pour considérer que c'est à bon droit que la Chambre syndicale typographique parisienne a procédé au licenciement de M. X... dans le cadre de son obligation de sécurité à mettre en oeuvre pour veiller à empêcher la dégradation des conditions de travail de sa salariée ; que cependant la Cour considère que le licenciement doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, à charge pour l'employeur de prendre des dispositions pour assurer la séparation des deux salariés, de sorte que la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, préjudices matériels et moraux n'est pas fondée et sera rejetée ; qu'eu égard au montant du salaire à retenir fixé à la somme de 4. 744, 18 la Chambre syndicale typographique parisienne sera condamnée à payer à M. X... la somme de 4. 744, 18 à titre de rappel de salaire pour la durée de sa mise à pied (prorata 13ème mois inclus), celle de 474, 41 pour congés payés afférents, celle de 14. 232, 54 y compris le prorata 13ème mois à titre d'indemnité compensatrice de préavis soit 3 mois en application de l'article 26 de la convention collective plus 1. 423, 25 pour congés payés afférents ; qu'en application de l'article 28 de la convention collective, l'indemnité de licenciement, eu égard à l'ancienneté de 33 ans de M. X... dans l'entreprise et compte tenu du salaire de référence, doit être fixée à la somme de 128. 092, 89 ;
ALORS QUE des agissements de harcèlement sexuel ou moral perpétrés à l'encontre d'un autre salarié constituent nécessairement une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été licencié pour faute grave pour s'être permis d'avoir à l'égard de Mlle Y... qui était sous sa subordination des gestes inappropriés, comme la tenir par la taille, essayer de la serrer contre lui en lui caressant la main, se tenir très près d'elle en lui murmurant des mots à l'oreille, et de lui tenir des propos déplacés, ces agissements ayant conduit à une dégradation de l'état de santé de la salariée ; que la cour d'appel après avoir rappelé qu'aucun salarié ne devait subir des agissements de harcèlement moral ou sexuel, a constaté que les faits exposés dans la lettre de licenciement notifiée à M. X... étaient caractérisés et que l'employeur se devait de procéder au licenciement de M. X... dans le cadre de son obligation de sécurité qu'il devait mettre en oeuvre pour veiller à empêcher la dégradation des conditions de travail de Mlle Y... ; qu'elle a cependant écarté la qualification de faute grave pour ne retenir que la cause réelle et sérieuse de licenciement, en relevant qu'il appartenait à l'employeur de prendre les dispositions nécessaires pour séparer les deux salariés-sous-entendu pendant la période du préavis- ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait qu'en perpétrant des agissements de harcèlement à l'égard d'une salariée placée sous sa subordinatio0n, M. X... avait nécessairement commis une faute grave empêchant so0n maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis, a violé les articles L. 1152-1, L. 1153-1, L. 1152-4 et L. 1153-5 du code du travail ;