Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 juillet 2012, 11-17.522, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 11-17.522
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2011), que Mme X... a été engagée, le 2 juillet 1981, en qualité d'employé administratif par la société SNECMA ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société SNECMA fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... a été discriminée en raison de son sexe, d'ordonner son rétablissement au coefficient 335, avant dire droit sur le montant du rappel de salaires auquel elle a droit depuis 1981, désigner M. Y... en qualité de consultant avec mission de recueillir tous les éléments permettant de le fixer en reconstituant la carrière de la salariée au regard de celle de M. Z... mais en écartant les différences tenant aux augmentations individuelles, et de la condamner à payer au syndicat CGT la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que l'existence d'une disparité de traitement ne peut laisser supposer l'existence d'une discrimination qu'à la condition que la situation de l'intéressé soit comparée à celle d'autres salariés placés dans une situation identique ou comparable à la sienne ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a procédé à la comparaison entre les courbes de carrière de Mme X... et de M. Z..., embauchés à la même époque, analysant spécifiquement l'évolution de leurs coefficients respectifs entre 1981 et 2009 ; qu'en prenant ainsi M. Z... comme élément de comparaison, après avoir cependant constaté qu'il avait été embauché comme ouvrier quand Mme X... était, quant à elle, entrée au service de l'employeur en tant qu'employée administrative, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, hormis la date d'embauche, que les salariés étaient placés dans une situation identique ou comparable, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2°/ que l'existence d'une disparité de traitement ne peut laisser supposer l'existence d'une discrimination qu'à la condition que la situation de l'intéressé soit comparée à celle d'autres salariés placés dans une situation identique ou comparable à la sienne ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, sans être contesté, et offrait de prouver : que Mme X... avait été embauchée en qualité d'employée administrative, qu'elle était devenue technicienne support production en 1998 puis technicienne gestion de production en 1999, que M. Z... avait été embauché en tant qu'agent de gestion production, était devenu technicien gestion de production dès 1990 et « chargé d'affaires de délestage et sous-traitance » depuis 2005 ; qu'il en résultait que les deux salariés n'avaient pas occupé les mêmes postes, ni les mêmes fonctions pendant leurs dix-huit premières années de service, que M. Z... avait acquis une expérience de technicien gestion de production dès 1990 quand Mme X... n'avait accédé à cet emploi qu'en 1999 et qu'en 2005, M. Z... était devenu « chargé d'affaires de délestage et sous-traitance » ; que dès lors, en se bornant à comparer les coefficients respectifs des salariés entre 1981 et 2009, sans à aucun moment analyser l'évolution des postes occupés et des fonctions exercées par les salariés tout au long de leur carrière, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3°/ qu'en tout état de cause constitue un élément objectif justifiant une différence de traitement les qualités professionnelles propres à chaque salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que si les salariés avaient, au cours de leur carrière, exercé un temps les mêmes fonctions de technicien gestion de production (de 1982 à 2005 pour M. Z... et de 2000 à 2009 pour Mme X...), leurs aptitudes à ce poste étaient apparues incomparables, la salariée, dotée de moins d'expérience, faisant preuve de dispersion (longs bavardages), de négligences et de retards, quand M. Z... avait fait la preuve de son sérieux et de sa totale autonomie ; qu'en s'abstenant totalement de s'interroger sur les qualités professionnelles de Mme X... au poste de technicien gestion de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que la salariée avait été recrutée au même âge et à la même date qu'un autre salarié sur des postes de niveau identique, la cour d'appel qui a constaté que les deux salariés étaient placés dans une situation comparable et que l'autre salarié avait connu une évolution de carrière beaucoup plus rapide que Mme X..., sans que la société justifie cette différence de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, ensuite, que l'employeur n'est pas recevable à soutenir un grief contraire à ses propres écritures ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société SNCEMA fait encore grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la salariée, technicienne gestion de production, sollicitait la réévaluation de son coefficient au niveau 305, niveau correspondant au dernier coefficient obtenu par M. Z... en qualité de technicien gestion de production ; qu'en allouant dès lors à la salariée le coefficient 335, correspondant à celui obtenu en dernier lieu par M. Z... en qualité de chargé d'affaires de délestage et sous-traitance, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en tout état de cause, il était acquis aux débats que M. Z... avait cessé d'exercer des fonctions de technicien gestion de production à compter de 2005, au coefficient 305, pour devenir « chargé d'affaires de délestage et sous-traitance » et obtenir le coefficient 335 en 2009 ; qu'en condamnant l'employeur à appliquer le coefficient 335 à Mme X..., sans constater qu'elle occupait en 2009 les mêmes fonctions que M. Z..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu que, s'il a été adjugé plus qu'il n'a été demandé, il appartient à la partie à laquelle cette décision fait grief de saisir la juridiction qui a statué, ce qui rend irrecevable le moyen ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société SNECMA fait enfin grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la salariée demandait des dommages-intérêts pour discrimination ; qu'en disant que la salariée avait droit à un rappel de salaire depuis 1981, seule l'évaluation de son montant justifiant la désignation d'un expert, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en tout état de cause, en disant dans ses motifs que la salariée avait droit à des dommages-intérêts exclus de la prescription quinquennale, avant de dire, dans son dispositif, qu'elle avait droit à un rappel de salaires depuis 1981, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu que si, en application de l'article 606 du code de procédure civile, est recevable le pourvoi dirigé contre un arrêt qui ordonne une mesure d'instruction et tranche une partie du principal, en revanche n'est pas recevable le moyen dirigé contre le seul chef du dispositif de l'arrêt ordonnant une mesure d'instruction, lequel est insusceptible de pourvoi immédiat ;
Et attendu que le troisième moyen, étant dirigé contre le seul chef du dispositif de l'arrêt insusceptible d'un pourvoi immédiat, n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SNECMA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNECMA à payer à Mme X... et au syndicat CGT SNECMA Corbeil la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société SNECMA groupe Safran
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré, d'AVOIR dit que Madame Sylvie X... avait été discriminée en raison de son sexe, d'AVOIR ordonné le rétablissement de Madame Sylvie X... au coefficient 335, d'AVOIR avant dire droit sur le montant du rappel de salaires auquel Madame X... a droit depuis 1981 désigné Monsieur Y... en qualité de consultant avec mission de recueillir tous les éléments permettant de le fixer en reconstituant la carrière de la salariée au regard de celle de Monsieur Z... mais en écartant mes différences tenant aux augmentations individuelles, d'AVOIR dit que le constatant devra déposer son procès-verbal au greffe du pôle social de la Cour d'appel (pôle VI-11) en deux exemplaires et aux parties ou à leur conseil en un exemplaire avant le 1er septembre 2011, d'AVOIR dit que la SA SNECMA devra faire l'avance d'une provision de 1. 000 euros à valoir sur les frais de constatation qui devra être versée au constatant avant le 1er mai 2011, et d'AVOIR condamné la SA SNECMA à payer au syndicat CGT la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur sa situation personnelle, Madame Sylvie X... rappelle qu'étant titulaire du BEP sanitaire et social et qu'ayant le niveau BEP comptable, elle a été engagée au mois de juillet 1981 au coefficient 215 en tant qu'employée administrative ; qu'elle a obtenu en mai 1984 le coefficient 225 et a attendu 11 ans pour obtenir en 1995 le coefficient 240 alors que ses appréciations de mai 1984, octobre 1986 et octobre 1991 étaient particulièrement élogieuses ; qu'elle a obtenu en 1998 le coefficient 255, en mai 2000, le coefficient 270, en mai 2004, le coefficient 285 qui était toujours le sien lors de la saisine du conseil des prud'hommes en décembre 2006 ; que son dossier personnel comporte la mention suivante au mois de mai 2000 « son niveau de salaire se situe particulièrement bas par rapport au reste du personnel de service » ; que son responsable lui a indiqué en 2001 que son niveau de salaire se trouve toujours en dessous du niveau des autres gestionnaires ; qu'en janvier 2007, elle a été élue déléguée du personnel ; qu'elle a été reçue le 5 mars 2010 par son responsable en présence de Messieurs A... et B... qui attestent que sa hiérarchie a reconnu qu'il existait un problème entre son niveau de rémunération et sa qualification ; qu'elle est aujourd'hui technicienne de gestion et que son coefficient est encore de 285 ; qu'elle n'a pas eu de promotion depuis 7 ans et que durant toute sa carrière (29 ans), elle a obtenu 5 promotions et 13 augmentations individuelles ; Madame Sylvie X... soutient en droit qu'ont été constatées au sein de son entreprise des variations de salaires importantes qui ne s'expliquent pas par des éléments objectifs mais par une discrimination sexuelle et relèvent d'une violation du principe d'un salaire égal pour les hommes et les femmes exerçant une activité comparable ; que le constat de ce différentiel a été posé par le Comité d'Etablissement dans ses avis sur les rapports d'égalité professionnelle ; que malgré le jugement avant dire droit, la société SNECMA n'a toujours pas produit les pièces utiles exigées, ce qui suffit à recevoir sa demande ; qu'elle perçoit un salaire inférieur à celui d'autres salariés auxquels elle se compare ; que la SA SNECMA ne justifie pas ces différences de salaires par des éléments objectifs ; la société SNECMA réplique que l'employeur peut promouvoir les salariés en fonction de leurs mérites et donc individualiser les salaires, ce procédé est permis dès lors qu'un salarié n'est pas défavorablement traité en raison d'un motif illicite ; la salariée doit établir qu'elle a été discriminée et qu'elle avait des compétences lui permettant de prétendre à un salaire et une qualification supérieurs ; il doit être établi un lien entre le sexe et la différence de traitement ; la situation de la salariée doit être comparée avec celle de salariés recrutés à la même époque, dans la même catégorie, ayant la même qualification à l'embauche ; un décrochement visible doit être constaté par rapport à la rémunération des autres salariés ; Madame X... a bénéficié de 7 augmentations et promotions individuelles, soit une fréquence de mesures normales au sein de la société ; la comparaison faîte par elle avec les autres salariés ne répond pas aux critères de comparaison fixés par la Cour de cassation, ces salariés n'ayant pas les même responsabilités, les mêmes diplômes, la même catégorie, la même ancienneté ; l'équation de la courbe de salaire ne peut être retenue ;
Madame X... ne justifie pas de la date de commencement de la prétendue discrimination qu'elle allègue, ni de sa durée ; des dispositions des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 3221-6 du Code du travail, il ressort qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération à raison de son sexe ; en cas de litige, il incombe au salarié qui se prétend lésé par une mesure salariale discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de justifier que la disparité de la situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; pour tenter d'établir la discrimination dont elle se prétend victime, Madame Sylvie X..., qui travaille au sein de l'unité de Gestion de Production Divisions de Moyens industriels se compare à des salariés gestionnaires comme elle, et notamment Messieurs C..., D..., E..., F..., H..., I..., Z..., J..., K..., L..., M..., N... ; des pièces versées aux débats, il ressort que : Messieurs D..., J..., K..., L... ont une ancienneté bien supérieure à celle de Madame X..., ce qui ne permet pas une comparaison utile ; Messieurs C..., F..., H..., I... n'ont pas été embauchés dans la même catégorie, mais en qualité d'ouvrier et ont eu une carrière différente, ce qui ne permet pas d'effectuer une comparaison dans le déroulement de la carrière de Madame X... ; Monsieur E... a un salaire inférieur ; seul Monsieur F..., en ce qu'il est entré au service de la SNECMA en 1983 au coefficient 170 pourrait avoir une situation comparable mais il a été engagé en qualité de graisseur, ouvrier, puis magasinier, alors que Madame X... occupait initialement le poste d'employée administrative ; en cause d'appel, Madame Sylvie X... se compare essentiellement à Monsieur Z..., ayant exactement le même âge qu'elle et engagé au sein de la société tout comme elle en 1981 ; la société SNECMA réplique que la situation de Monsieur Z... n'est pas comparable à celle de Madame X... dès lors qu'il a toujours travaillé en tant que gestionnaire de production depuis son embauche, ce qui n'était pas le cas de Madame X... de sorte que leurs expériences respectives ne sont pas identiques ; lors de leur entrée au service de la SA SNECMA, Madame Sylvie X... a occupé le poste d'employée administrative alors que Monsieur Z... était ouvrier ; Madame X... allègue sans être contredite sur ce point par la SA SNECMA que son salaire d'embauche est du même niveau voire moindre que celui de Monsieur Z..., bien qu'elle dispose d'un meilleur diplôme (BEP) que son collègue (CAP) ; l'examen comparatif des courbes de carrière de Madame X... et de Monsieur Z... fait effectivement ressortir : que si leur évolution de carrière est identique de 1981 à 1988, Monsieur Z... est passé au coefficient 240 en 1988 et au coefficient 255 en 1990 alors que Madame X... a dû attendre l'année 1995 pour obtenir le coefficient 240 ; que Madame X... a obtenu le coefficient en 1995 et le coefficient 255 en 1998 soit respectivement 7 années et 8 années après Monsieur Z... ; qu'elle est passée au coefficient 270 en 2000 soit trois ans après Monsieur Z... qui avait entre temps obtenu le coefficient 285 dès 1998 ; que Madame X... a obtenu le coefficient 285 en 2004 soit six ans après Monsieur Z... ; qu'elle n'a pas changé de coefficient depuis 2004, alors que Monsieur Z... a bénéficié du coefficient 305 en 2005 puis est passé au coefficient 335 en 2009 ; le nombre légèrement supérieur des augmentations individuelles dont Monsieur Z... a bénéficié (7) par rapport à Madame X... (5) n'est pas significatif pour caractériser une discrimination salariale à raison du sexe, et ce d'autant que ces augmentations sont laissées à la discrétion de l'employeur en fonction des appréciations qu'il porte sur la qualité du travail de ses salariés ; en revanche, la SA SNECMA ne justifie pas par des éléments objectifs la différence de traitement de Madame X... dans l'évolution de sa carrière, au regard de celle de Monsieur Z... ; dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré, en considérant établie la discrimination salariale de Madame X... en raison de son sexe ; par suite, la réparation du préjudice subi par Madame Sylvie X... doit tout d'abord se traduire par son rétablissement dans la position qui aurait dû être la sienne soit au coefficient 335 ; »
1) ALORS QU'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que l'existence d'une disparité de traitement ne peut laisser supposer l'existence d'une discrimination qu'à la condition que la situation de l'intéressé soit comparée à celle d'autres salariés placés dans une situation identique ou comparable à la sienne ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a procédé à la comparaison entre les courbes de carrière de Madame X... et de Monsieur Z..., embauchés à la même époque, analysant spécifiquement l'évolution de leurs coefficients respectifs entre 1981 et 2009 ; qu'en prenant ainsi Monsieur Z... comme élément de comparaison, après avoir cependant constaté qu'il avait été embauché comme ouvrier quand Madame X... était, quant à elle, entrée au service de l'employeur en tant qu'employée administrative, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, hormis la date d'embauche, que les salariés étaient placés dans une situation identique ou comparable, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;
2) ALORS QUE l'existence d'une disparité de traitement ne peut laisser supposer l'existence d'une discrimination qu'à la condition que la situation de l'intéressé soit comparée à celle d'autres salariés placés dans une situation identique ou comparable à la sienne ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir (cf. concl. p. 3 et 4), sans être contesté, et offrait de prouver (clichés de carrière de Madame X... et de Monsieur Z... et attestation de Monsieur G...) :
- que madame X... avait été embauchée en qualité d'employée administrative ;
- qu'elle était devenue technicienne support production en 1998 ;
- puis technicienne gestion de production en 1999 ;
et que Monsieur Z... (cf. concl. p. 13, 17 et 22) :
- avait été embauché en tant qu'agent de gestion production ;
- était devenu technicien gestion de production dès 1990 ;
- et « chargé d'affaires de délestage et sous-traitance » depuis 2005 ;
qu'il en résultait que les deux salariés n'avaient pas occupé les mêmes postes, ni les mêmes fonctions pendant leurs 18 premières années de service, que Monsieur Z... avait acquis une expérience de technicien gestion de production dès 1990 quand Madame X... n'avait accédé à cet emploi qu'en 1999 et qu'en 2005, Monsieur Z... était devenu « chargé d'affaires de délestage et sous-traitance » ; que dès lors, en se bornant à comparer les coefficients respectifs des salariés entre 1981 et 2009, sans à aucun moment analyser l'évolution des postes occupés et des fonctions exercées par les salariés tout au long de leur carrière, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;
3) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue un élément objectif justifiant une différence de traitement les qualités professionnelles propres à chaque salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir (cf. concl. p. 21 et 22) et offrait de prouver (cf. attestation de Monsieur G...) que si les salariés avaient, au cours de leur carrière, exercé un temps les mêmes fonctions de technicien gestion de production (de 1982 à 2005 pour Monsieur Z... et de 2000 à 2009 pour Madame X...), leurs aptitudes à ce poste étaient apparues incomparables, la salariée, dotée de moins d'expérience, faisant preuve de dispersion (longs bavardages), de négligences et de retards, quand Monsieur Z... avait fait la preuve de son sérieux et de sa totale autonomie ; qu'en s'abstenant totalement de s'interroger sur les qualités professionnelles de Madame X... au poste de technicien gestion de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du Code du travail ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré, d'AVOIR dit que Madame Sylvie X... avait été discriminée en raison de son sexe, d'AVOIR ordonné le rétablissement de Madame Sylvie X... au coefficient 335, d'AVOIR avant dire droit sur le montant du rappel de salaires auquel Madame X... a droit depuis 1981 désigné Monsieur Y... en qualité de consultant avec mission de recueillir tous les éléments permettant de le fixer en reconstituant la carrière de la salariée au regard de celle de Monsieur Z... mais en écartant mes différences tenant aux augmentations individuelles, d'AVOIR dit que le constatant devra déposer son procès-verbal au greffe du pôle social de la Cour d'appel (pôle VI-11) en deux exemplaires et aux parties ou à leur conseil en un exemplaire avant le 1er septembre 2011, d'AVOIR dit que la SA SNECMA devra faire l'avance d'une provision de 1. 000 euros à valoir sur les frais de constatation qui devra être versée au constatant avant le 1er mai 2011, et d'AVOIR condamné la SA SNECMA à payer au syndicat CGT la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « sur sa situation personnelle, Madame Sylvie X... rappelle qu'étant titulaire du BEP sanitaire et social et qu'ayant le niveau BEP comptable, elle a été engagée au mois de juillet 1981 au coefficient 215 en tant qu'employée administrative ; qu'elle a obtenu en mai 1984 le coefficient 225 et a attendu 11 ans pour obtenir en 1995 le coefficient 240 alors que ses appréciations de mai 1984, octobre 1986 et octobre 1991 étaient particulièrement élogieuses ; qu'elle a obtenu en 1998 le coefficient 255, en mai 2000, le coefficient 270, en mai 2004, le coefficient 285 qui était toujours le sien lors de la saisine du conseil des prud'hommes en décembre 2006 ; que son dossier personnel comporte la mention suivante au mois de mai 2000 « son niveau de salaire se situe particulièrement bas par rapport au reste du personnel de service » ; que son responsable lui a indiqué en 2001 que son niveau de salaire se trouve toujours en dessous du niveau des autres gestionnaires ; qu'en janvier 2007, elle a été élue déléguée du personnel ; qu'elle a été reçue le 5 mars 2010 par son responsable en présence de Messieurs A... et B... qui attestent que sa hiérarchie a reconnu qu'il existait un problème entre son niveau de rémunération et sa qualification ; qu'elle est aujourd'hui technicienne de gestion et que son coefficient est encore de 285 ; qu'elle n'a pas eu de promotion depuis 7 ans et que durant toute sa carrière (29 ans), elle a obtenu 5 promotions et 13 augmentations individuelles ;
Madame Sylvie X... soutient en droit qu'ont été constatées au sein de son entreprise des variations de salaires importantes qui ne s'expliquent pas par des éléments objectifs mais par une discrimination sexuelle et relèvent d'une violation du principe d'un salaire égal pour les hommes et les femmes exerçant une activité comparable ; que le constat de ce différentiel a été posé par le Comité d'Etablissement dans ses avis sur les rapports d'égalité professionnelle ; que malgré le jugement avant dire droit, la société SNECMA n'a toujours pas produit les pièces utiles exigées, ce qui suffit à recevoir sa demande ; qu'elle perçoit un salaire inférieur à celui d'autres salariés auxquels elle se compare ; que la SA SNECMA ne justifie pas ces différences de salaires par des éléments objectifs ; la société SNECMA réplique que l'employeur peut promouvoir les salariés en fonction de leurs mérites et donc individualiser les salaires, ce procédé est permis dès lors qu'un salarié n'est pas défavorablement traité en raison d'un motif illicite ; la salariée doit établir qu'elle a été discriminée et qu'elle avait des compétences lui permettant de prétendre à un salaire et une qualification supérieurs ; il doit être établi un lien entre le sexe et la différence de traitement ; la situation de la salariée doit être comparée avec celle de salariés recrutés à la même époque, dans la même catégorie, ayant la même qualification à l'embauche ; un décrochement visible doit être constaté par rapport à la rémunération des autres salariés ; Madame X... a bénéficié de 7 augmentations et promotions individuelles, soit une fréquence de mesures normales au sein de la société ; la comparaison faîte par elle avec les autres salariés ne répond pas aux critères de comparaison fixés par la Cour de cassation, ces salariés n'ayant pas les même responsabilités, les mêmes diplômes, la même catégorie, la même ancienneté ; l'équation de la courbe de salaire ne peut être retenue ; Madame X... ne justifie pas de la date de commencement de la prétendue discrimination qu'elle allègue, ni de sa durée »
ET AUX MOTIFS QUE « Elle (Madame X...) n'a pas changé de coefficient depuis 2004, alors que Monsieur Z... a bénéficié du coefficient 305 en 2005 puis est passé au coefficient 335 en 2009 ; le nombre légèrement supérieur des augmentations individuelles dont Monsieur Z... a bénéficié (7) par rapport à Madame X... (5) n'est pas significatif pour caractériser une discrimination salariale à raison du sexe, et ce d'autant que ces augmentations sont laissées à la discrétion de l'employeur en fonction des appréciations qu'il porte sur la qualité du travail de ses salariés ; en revanche, la SA SNECMA ne justifie pas par des éléments objectifs la différence de traitement de Madame X... dans l'évolution de sa carrière, au regard de celle de Monsieur Z... ; dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré, en considérant établie la discrimination salariale de Madame X... en raison de son sexe ; par suite, la réparation du préjudice subi par Madame Sylvie X... doit tout d'abord se traduire par son rétablissement dans la position qui aurait dû être la sienne soit au coefficient 335 »
1) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la salariée, technicienne gestion de production, sollicitait la réévaluation de son coefficient au niveau 305 (cf. concl. adverses p. 18), niveau correspondant au dernier coefficient obtenu par Monsieur Z... en qualité de technicien gestion de production ; qu'en allouant dès lors à la salariée le coefficient 335, correspondant à celui obtenu en dernier lieu par monsieur Z... en qualité de chargé d'affaires de délestage et sous-traitance, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant, a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2) ALORS, en tout état de cause, QU'il était acquis aux débats que Monsieur Z... avait cessé d'exercer des fonctions de technicien gestion de production à compter de 2005, au coefficient 305, pour devenir « chargé d'affaires de délestage et sous-traitance » et obtenir le coefficient 335 en 2009 ; qu'en condamnant l'employeur à appliquer le coefficient 335 à Madame X..., sans constater qu'elle occupait en 2009 les mêmes fonctions que Monsieur Z..., la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré, d'AVOIR dit que Madame Sylvie X... avait été discriminée en raison de son sexe, d'AVOIR ordonné le rétablissement de Madame Sylvie X... au coefficient 335, d'AVOIR avant dire droit sur le montant du rappel de salaires auquel Madame X... a droit depuis 1981 désigné Monsieur Y... en qualité de consultant avec mission de recueillir tous les éléments permettant de le fixer en reconstituant la carrière de la salariée au regard de celle de Monsieur Z... mais en écartant mes différences tenant aux augmentations individuelles, d'AVOIR dit que le constatant devra déposer son procès-verbal au greffe du pôle social de la Cour d'appel (pôle VI-11) en deux exemplaires et aux parties ou à leur conseil en un exemplaire avant le 1er septembre 2011, d'AVOIR dit que la SA SNECMA devra faire l'avance d'une provision de 1. 000 euros à valoir sur les frais de constatation qui devra être versée au constatant avant le 1er mai 2011, et d'AVOIR condamné la SA SNECMA à payer au syndicat CGT la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « faute pour la SA SNECMA de produire le moindre document (grilles de salaires, bulletin de paie), la Cour ne dispose pas dans les pièces du dossier des éléments nécessaires pour établir le montant du préjudice subi par Madame X... du fait de la discrimination salariale dont elle a été victime, étant précisé que sont exclus de la prescription quinquennale les dommages et intérêts alloués au salarié pour ce motif ; pour établir le montant du préjudice subi par Madame X..., il y a donc lieu d'ordonner, avant dire droit, une consultation confiée à Monsieur Y... qui aura notamment pour mission de le calculer en reconstituant sa carrière au regard de celle de Monsieur Z..., indépendamment toutefois des augmentations individuelles dont il a été exposé ci-dessus qu'il n'était pas établi qu'elles procédaient d'une discrimination salariale » ;
1) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la salariée demandait des dommages et intérêts pour discrimination ; qu'en disant que la salariée avait droit à un rappel de salaire depuis 1981, seule l'évaluation de son montant justifiant la désignation d'un expert, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2) ALORS, en tout état de cause, QU'en disant dans ses motifs que la salariée avait droit à des dommages et intérêts exclus de la prescription quinquennale, avant de dire, dans son dispositif, qu'elle avait droit à un rappel de salaires depuis 1981, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;