Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 juin 2012, 10-22.906 10-24.222, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 10-22.906, 10-24.222
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Terrier (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 10-22. 906 et n° K 10-24. 222 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 1er avril 2010), que M. X...et M. Y...ont signé, le 17 mars 2004, un acte notarié relatif à la vente d'un terrain à Punaauia ; que par courrier du 19 juillet 2004, M. X...a signifié à M. Y...sa volonté de mettre fin aux pourparlers et par acte du 24 novembre 2004, ce dernier l'a assigné en réalisation de la vente et paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° E 10-22. 906 :
Vu l'article 1589 du code civil ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que les éléments essentiels de la vente sont précisés dans le compromis qui a été signé par les deux parties et que si l'acte notarié contient une clause aux termes de laquelle " les conditions ayant été réalisées, le consentement du vendeur à la présente vente et le transfert de propriété sont subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique ", le consentement des parties, condition essentielle du contrat, ne peut être érigé en condition suspensive, n'est pas requis au stade de l'exécution du contrat et est donné au moment de la signature du compromis constatant l'accord des parties sur la chose et le prix ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les parties peuvent décider que la réitération de l'acte en la forme authentique est un élément constitutif de leur consentement et non une simple modalité d'exécution de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi n° E 10-22. 906 et le moyen unique du pourvoi n° K 10-24. 222, réunis :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour fixer le préjudice dû par M. X...à M. Y..., l'arrêt retient la perte d'une chance qui ne peut que s'évaluer forfaitairement et qui doit être fixée à 4 000 000 FCP ;
Qu'en fixant ainsi le préjudice à une somme forfaitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne M. Y...aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi n° E 10-22. 906
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que la vente objet de l'acte sous seing privé du 17 mars 2004 était parfaite entre les parties, qu'elle était consentie pour le prix de 300. 000 FCP qui devrait être payé par Monsieur Jean-Jacques Y...dans le mois du prononcé de l'arrêt et portant, d'une part, sur un terrain situé à PUNAAUIA, d'une superficie de 27 ha 51 a 71 ca, cadastré section CI n° 13 pour 8 ha 35 a 50 ca, section CI n° 246 pour 9 ha 60 a 31 ca, section CK n° 6 pour 7 ha 95 a 60 ca, et d'autre part, sur l'emprise de la route traversant le surplus de la propriété de Monsieur X...depuis la route des plaines jusqu'à l'entrée de la propriété vendue, d'AVOIR dit que le présent arrêt constituerait le titre de propriété de Monsieur Jean-Jacques Y...et serait publié comme tel à la Conservation des Hypothèques pour y produire tous les effets prévus par la loi et d'AVOIR condamné Monsieur X...à payer à Monsieur Jean-Jacques Y...la somme de 4. 000. 000 FCP en réparation de son préjudice constitué par la perte d'une chance ;
AUX MOTIFS QUE c'est à tort, et par une inexacte application du droit au faits de la cause que le premier juge, après avoir relevé que les parties s'accordaient dans l'acte du 17 mars 2004 sur le bien et le prix, a dit que cet acte n'était pas une promesse synallagmatique de vente valant vente ; qu'en effet, l'acte du 17 mars 2004, qui est bien intitulé « compromis de vente » ne saurait être considéré comme un pacte commissoire ; que les éléments essentiels de la vente, à savoir la désignation précise du bien vendu (numéros des parcelles dans le cadastre), le prix (avec échéances prévues au paiement) et les conditions suspensives sont précisées dans le compromis, qui a été signé par les deux parties ; qu'il y a bien eu offre et acceptation de celleci ; que le consentement de M. X...existait dès la signature de l'acte ; que la Cour se doit de rechercher quelle était la commune intention des parties, qui était bien de conclure une vente ; que si l'acte du 17 mars 2004 contient la clause suivante : « les conditions ayant été réalisées, le consentement du Vendeur à la présente vente et le transfert de propriété sont subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique du ministère de la SCP B..., notaires associés à Punaauia avec paiement du prix et des frais, suivant les indications précisées ci-dessus à la rubrique « PRIX » ; que le consentement des parties, condition essentielle du contrat qui ne peut être érigée en condition suspensive, n'est pas requis au stade de l'exécution du contrat, qu'il est donné au moment de la signature du compromis constatant l'accord des parties sur la chose et le prix et qu'à défaut de consentement, il n'y a pas de compromis de vente ; que, par contre le transfert de propriété, peut être contractuellement fixé par les parties et condition par la signature de l'acte notarié de vente ; qu'il s'ensuit que la vente intervenue entre les parties le 17 mars 2004, non suivie d'exécution de par la volonté de M. X...est parfaite ; que la décision entreprise est en voie de réformation sur la qualification de l'acte du 17 mars 2004 ; que le présent arrêt constituera le titre de propriété de Monsieur Jean-Jacques Y..., qui sera tenu de payer le prix convenu, soit 300. 000. 000 FCP ; qu'ayant refusé de réitérer la vente M. X...a engagé sa responsabilité contractuelle, comme l'a fort justement relevé par des motifs pertinents le premier juge ; qu'il sera tenu à dédommagement du fait du préjudice subi par M. Y..., non par une perte hypothétique d'exploitation, mais par la perte d'une chance, qui ne peut que s'évaluer forfaitairement, et qui doit être fixée, à l'instar du Tribunal à 4. 000. 000 FCP ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'acte stipule que « les conditions ayant été réalisées, le consentement du vendeur à la vente est subordonnée à la condition de la signature de l'acte authentique » ; qu'il résulte de ces éléments que Pierre X...s'engage à la signature de l'acte authentique dès lors que les conditions auront été réalisées ; que le retrait de son consentement engage sa responsabilité contractuelle ; qu'il est tenu de dédommager Jean-Jacques Y...de l'absence de contrat de vente ; que Jean-Jacques Y...sollicite 3. 527. 565. 000 FCP au titre de la perte des gains espérés au terme de la revente dès lots constitués à partir des terrains acquis ; que ce chiffre repose sur une évaluation propre au requérant ; que rien ne permet d'indiquer que l'ensemble des lots aurait été vendu à la somme espérée et dans les conditions voulues par Jean-Jacques Y...; que la perte de chance ne peut dans ces conditions, que s'évaluer forfaitairement ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice en allouant à Jean-Jacques Y...la somme de 4. 000. 000 FCP ;
1°) ALORS QUE les parties peuvent faire de la signature de l'acte authentique la condition même de leur engagement ; qu'en retenant, pour déclarer parfaite la vente du terrain litigieux, envisagée sous forme de projet dans l'acte du 17 mars 2004, que les parties ne pouvaient subordonner leur consentement à la signature de l'acte authentique et que seul le transfert de propriété pouvait être contractuellement soumis à la signature de l'acte notarié, la Cour d'appel a méconnu l'article 1589 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; que, pour écarter la clause du contrat du 17 mars 2004 subordonnant le consentement de Monsieur X...à la vente de son terrain, à la signature de l'acte notarié, la Cour d'appel a considéré que « le consentement des parties, condition essentielle du contrat », ne pouvait « être érigé en condition suspensive » (arrêt page 5, pénultième al.) ; qu'en déclarant néanmoins la vente parfaite, en application d'une convention pourtant affectée, selon ses propres constatations, d'une condition potestative de la part de celui qui s'obligeait, la Cour d'appel a violé l'article 1174 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X...à payer à Monsieur Jean-Jacques Y...la somme de 4. 000. 000 FCP en réparation de son préjudice constitué par la perte d'une chance ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'ayant refusé de réitérer la vente M. X...a engagé sa responsabilité contractuelle, comme l'a fort justement relevé par des motifs pertinents le premier jugé ; qu'il sera tenu à dédommagement du fait du préjudice subi par M. Y..., non par une perte hypothétique d'exploitation, mais par la perte d'une chance, qui ne peut que s'évaluer forfaitairement, et qui doit être fixée, à l'instar du Tribunal à 4. 000. 000 FCP ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'acte stipule que « les conditions ayant été réalisées, le consentement du vendeur à la vente est subordonnée à la condition de la signature de l'acte authentique » ; qu'il résulte de ces éléments que Pierre X...s'engage à la signature de l'acte authentique dès lors que les conditions auront été réalisées ; que le retrait de son consentement engage sa responsabilité contractuelle ; qu'il est tenu de dédommager Jean-Jacques Y...de l'absence de contrat de vente ; que Jean-Jacques Y...sollicite 3. 527. 565. 000 FCP au titre de la perte des gains espérés au terme de la revente des lots constitués à partir des terrains acquis ; que ce chiffre repose sur une évaluation propre au requérant ; que rien ne permet d'indiquer que l'ensemble des lots aurait été vendu à la somme espérée et dans les conditions voulues par Jean-Jacques Y...; que la perte de chance ne peut dans ces conditions, que s'évaluer forfaitairement ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice en allouant à Jean-Jacques Y...la somme de 4. 000. 000 FCP ;
1°) ALORS QUE la perte de chance se caractérise par la disparition définitive d'une éventualité favorable ; qu'en condamnant Monsieur X...à indemniser Monsieur Y...de la somme de 4. 000. 000 FCP correspondant à la perte d'une chance de réaliser les gains attendus de l'opération de lotissement qu'il projetait sur le terrain de l'exposant quand il résultait de sa propre décision déclarant la vente dudit terrain parfaite et valant titre de propriété, que Monsieur Y...pouvait encore réaliser l'opération envisagée, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut prononcer de condamnation forfaitaire ; qu'en condamnant Monsieur X...à réparer le préjudice subi par Monsieur Y..., consistant, selon elle, dans la « perte d'une chance, qui ne peut que s'évaluer forfaitairement, et qui doit être fixée, à l'instar du tribunal à 4. 000. 000 FCP » (arrêt page 6, al. 1er), sans évaluer concrètement ni même prendre en considération l'importance de la chance perdue, la Cour d'appel a violé à nouveau l'article 1147 du Code civil.
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi n° K 10-24. 222
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité la réparation du préjudice subi par M. Y..., au titre de l'absence de réitération de la vente par M. X..., à la somme de 4. 000. 000 FCP ;
AUX MOTIFS QU'ayant refusé de réitérer la vente, M. X...a engagé sa responsabilité contractuelle comme l'a fort justement relevé par des motifs pertinents le premier juge ; qu'il sera tenu à dédommagement du fait du préjudice subi par M. Y..., non par une perte hypothétique d'exploitation, mais par la perte d'une chance, qui ne peut que s'évaluer forfaitairement, et qui doit être fixée à l'instar du tribunal à la somme de 4. 000. 000 FCP ;
ET AUX MOTIFS, adopté des premiers juges, QUE, sur la sanction liée à la non-réitération de la vente, l'acte stipule que « les conditions ayant été réalisées, le consentement du vendeur à la vente est subordonné à la condition de la signature de l'acte authentique » ; qu'il résulte de ces éléments que M. X...s'engage à la signature de l'acte authentique dès lors que les conditions auront été réalisées ; que le retrait de son consentement engage sa responsabilité contractuelle ; qu'il est tenu de dédommager M. Y...de l'absence de contrat de vente ; que M. Y...sollicite 3. 527. 565. 000 FCP au titre de la perte des gains espérés au terme de la revente des lots constitués à partir des terrains acquis ; que ce chiffre repose sur une évaluation propre au requérant ; que rien ne permet d'indiquer que l'ensemble des lots aurait été vendu à la somme espérée et dans les conditions voulues par M. Y..., que la perte d'une chance ne peut, dans ces conditions, que s'évaluer forfaitairement ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice en allouant à M. Y...la somme de 4. 000. 000 FCP ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la réparation du préjudice doit être intégrale ;
qu'en l'espèce, M. Y...sollicitait, en appel, la condamnation de M. X...à lui verser, non plus la somme de la somme de 3. 527. 565. 000 FCP mais celle de 702. 748. 248 FCP en réparation de la perte d'exploitation que lui avait fait subir l'absence de réitération de la vente ; qu'à cet égard, il produisait le rapport de M. A..., expert judiciaire, qui, après avoir souligné que le permis de lotir expirait en 2009, chiffrait le manque à gagner résultant du défaut de réalisation du projet de lotissement à la somme susdite ; qu'en fixant la réparation du préjudice à la somme de 4. 000. 000 5 FCP, par motifs adoptés des premiers juges qui s'étaient bornés à analyser une demande de réparation estimée à 3. 527. 565. 000 FCP, sans rechercher si le nouveau chiffrage proposé par M. Y...était de nature à modifier l'évaluation faite par les juges de première instance, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE les juges du fond ne peuvent, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale, décider de fixer le préjudice à une somme forfaitaire, fût-il seulement constitué par la perte d'une chance ; qu'en l'espèce, en déclarant devoir évaluer le préjudice subi par M. Y...à une somme forfaitaire de 4. 000. 000 FCP, la cour d'appel a violé les articles précités ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE M. Y...sollicitait la réparation du préjudice lié à la caducité du permis de lotir ; qu'il faisait valoir qu'il avait perdu le bénéfice des fonds versés pour l'obtention des autorisations administratives venues à expiration en 2009 et produisait le rapport de M. A..., expert judiciaire, qui chiffrait les sommes engagées pour obtenir le permis de lotir devenu caduc et le coût du nouveau permis de lotir à 463. 178. 340 FCP ; qu'en limitant la réparation du préjudice subi par M. Y...à la somme forfaitaire de 4. 000. 000 FCP, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, le préjudice susdit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions précitées.