Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2012, 11-30.396, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 11-30.396
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
- Président
- M. Petit (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1705 du code général des impôts et R. 59 B-1 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, si l'administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et que la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 janvier 2004, M. Maurice X... a donné à son fils Romain la nue-propriété de parts de la société Apax Partners SNC ; que, le 25 mai 2006, l'administration fiscale a notifié à M. Romain X... une proposition de rectification de la valeur unitaire de ces parts avec un rappel des droits de mutation, outre des intérêts de retard ; que la commission départementale de conciliation a émis un avis fixant cette valeur, au vu duquel, le 28 septembre 2007, l'administration a mis en recouvrement les droits complémentaires ; qu'après rejet de leur réclamation, MM. Romain et Maurice X... ont saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation du redressement opéré ;
Attendu que, pour rejeter leur demande, l'arrêt retient que M. Romain X..., à l'encontre de qui a été suivi l'ensemble de la procédure, depuis la notification de redressement jusqu'au rejet de la réclamation contentieuse, n'allègue pas avoir été privé de droits qui lui étaient garantis dans le cadre de la procédure contradictoire ouverte après cette notification, jusqu'au rejet par l'administration de sa réclamation contentieuse, et que, dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'annulation présentée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, par motifs propres et adoptés, que M. Maurice X... n'avait pas été convoqué devant la commission départementale de conciliation et qu'il n'avait pas reçu notification de l'ensemble des actes de la procédure fiscale autres que la proposition de rectification, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait leu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2011 par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit irrégulière la procédure fiscale et nul l'avis de mise en recouvrement du 28 septembre 2007 ;
Décharge MM. Romain X... et Maurice X... du rappel des droits de mutation ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens incluant ceux afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour MM. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Messieurs Romain et Maurice X... de leurs demandes tendant à l'annulation du redressement opéré et à la restitution des droits de donation complémentaires acquittés.
AUX MOTIFS QUE « les consorts X... demandent à la Cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté leur demande d'annulation de la procédure pour défaut de convocation du donataire lire : donateur devant la Commission de conciliation et pour défaut de notification à M. Maurice X... de l'avis de cette Commission ainsi, plus généralement, que de l'ensemble des actes de la procédure autres que la proposition de rectification ; mais qu'il résulte des dispositions de l'article 1705 du CGI que toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement au paiement des droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis, de sorte que l'administration est en droit de notifier un redressement tendant au paiement des droits estimés dus à l'un des débiteurs de la dette fiscale ; qu'en l'espèce, il suffit de constater que M. Romain X..., donataire, à l'encontre de qui a été suivie l'ensemble de la procédure, depuis la notification de redressements jusqu'au rejet de la réclamation contentieuse, n'allègue pas avoir été privé de droits qui lui étaient garantis dans le cadre de la procédure contradictoire ouverte après la notification de redressements et jusqu'au rejet par l'administration de sa réclamation contentieuse ; que dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'annulation présentée par les consorts X... » ;
ALORS QUE si l'administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure doit être contradictoire et la loyauté des débats oblige l'administration à notifier, en cours de procédure, à l'ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies, les actes de la procédure les concernant ; qu'à cet égard, il importe peu que l'administration fiscale ait notifié l'intégralité des actes de la procédure de redressement à l'encontre du même codébiteur solidaire, le contradictoire et la loyauté des débats devant s'exercer à l'égard de l'ensemble des redevables solidaires ; qu'en l'espèce, MM. Maurice et Romain X... rappelaient dans leurs conclusions d'appel (pp. 38 et s.) que seul M. Romain X..., donataire, avait été convoqué devant la Commission Départementale de conciliation et que l'administration n'avait notifié aucun des actes de la procédure de redressement à M. Maurice X..., donateur, en dépit de sa qualité de redevable solidaire de l'impôt ; qu'en rejetant le moyen de nullité de la procédure, aux motifs inopérants que l'administration était en droit de notifier un redressement au redevable solidaire de son choix et que l'intégralité de la procédure de redressement avait été dirigée contre M. Romain X..., donataire, qui n'alléguait pas avoir été privé des droits qui lui sont garantis dans le cadre de la procédure contradictoire, la Cour d'appel a violé l'article 1705 du Code Général des Impôts, ensemble l'article R. 59 B-1 du Livre des Procédures fiscales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Messieurs Romain et Maurice X... de leurs demandes tendant à fixer la valeur des parts sociales données à hauteur de 1. 802. 456 euros, et à voir condamner l'administration à leur restituer les sommes de 2. 281. 349 euros au titre des droits de donation d'origine trop payés et de 1. 192. 918 euros au titre des droits complémentaires acquittés, outre les intérêts moratoires afférents à ces sommes ;
AUX MOTIFS QUE « c'est à tort que les Consorts X... maintiennent que le cours de bourse n'est pas représentatif de la valeur des titres de la Société TOUPARGEL et qu'il convient de se référer au rapport d'expertise, qui a préconisé la valorisation multicritères ; en effet, que l'article 759 du Code Général des Impôts auquel l'administration se réfère à juste titre pour procéder à l'évaluation des participations de la Société APAX PARTNERS dans la Société TOUPARGEL, dispose que, pour les valeurs mobilières françaises et étrangères de toute nature admises aux négociations sur un marché réglementé, le capital servant de base à la liquidation et au paiement de droits de mutation à titre gratuit est déterminé par le cours moyen au jour de la transmission ou, pour les successions, par la moyenne des 30 derniers jours qui précèdent la transmission ; que la méthode consistant à procéder à l'évaluation des titres en cause en se référant à la cotation boursière employée par les services fiscaux dans la notification de redressements puis, dans son courrier du 30 juillet 2007, après adoption de l'avis de la commission de conciliation, selon les modalités fixées dans cet avis, est ainsi conforme à l'article 759 du CGI, étant par surcroît précisé que cette méthode est de toute façon en cohérence avec le principe général d'évaluation selon lequel la valeur vénale réelle d'un bien se définit par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation ; au surplus, que compte tenu du faible nombre de transactions en bourse sur le titre, le « lissage » du cours de bourse de TOUPARGEL sur une période de 12 mois proposée par la Commission de conciliation et finalement retenue par les services fiscaux, permet d'atténuer les variations importantes du cours de la bourse sur une période donnée, qui peuvent notamment résulter du faible flottant ; comme l'a indiqué la Commission, s'agissant d'une valeur moyenne de marché constatée sur 12 mois, qui permet d'obtenir une valeur qui reflète au mieux la valeur vénale des titres à évaluer, il n'y a pas lieu, par surcroît, d'appliquer une décote supplémentaire ; qu'au demeurant, l'administration est fondée à opposer aux appelants, non seulement que l'existence d'un faible flottant, en augmentant la probabilité d'un rachat de titres par l'actionnaire majoritaire et en conférant à ces titres un caractère spéculatif, serait plutôt de nature à justifier une surcote, mais encore que le lissage conduit déjà à une décote de 46 % sur le cours de bourse du jour du fait générateur ; que dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont validé la valorisation des actions de TOUPARGEL à laquelle l'administration a procédé pour opérer le redressement ; à titre liminaire, il convient de rappeler que, selon le Guide de l'évaluation de l'administration fiscale, la décote de holding est une décote globale à appliquer à la valeur mathématique d'une société actif net réévalué dont le montant varie en fonction des paramètres suivants :
- la fiscalité latente sur certains éléments d'actifs détenus par la société holding ;
- la moindre liquidité des actifs sous-jacents ou des titres de la société holding ;
- l'absence de contrôle de la holding sur ses participations ;
- le caractère minoritaire des participations détenues ou du paquet de titres transmis ;
Qu'il est constant que les appelants, qui avaient demandé aux premiers juges l'application d'une décote globale de holding, limitent désormais pour l'essentiel leurs demandes à une réduction de la valeur mathématique de l'intégralité de l'impôt latent sur les plus-values latentes, d'une décote de 20 % pour non liquidité des parts sociales de SNC et d'une décote de 20 % pour minorité et restriction des droits de la propriété ; que les Consorts X... qui, devant les premiers juges, faisaient valoir que la décote de holding de 30 % est insuffisante pour couvrir à la fois la fiscalité latente sur l'intégralité des participations détenues et les autres décotes à appliquer sur la valorisation des titres, en estimant que la participation dans TOUPARGEL n'est pas nécessaire à l'existence de la société mère à évaluer et qu'il convient ainsi de tenir compte de l'impôt latent sur la plus-value latente constatée sur cette participation, attribuent à tort au tribunal une position contradictoire au regard des faits dont l'administration s'était prévalue ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont admis la validité de la position de l'administration, qui a suivi l'avis de la Commission de conciliation qui a estimé que la fiscalité sur plus-values latentes ne saurait être prise en compte, dès los que la valorisation de la Société TOUPARGEL-AGRIGEL est réalisée dans une contexte de poursuite de son activité et en la considérant comme constituant l'un des éléments du patrimoine de la Société APAX PARTNERS, la valeur recherchée étant la valeur d'utilité pour cette société du bien immobilisé ; que la participation dans TOUPARGEL représente ainsi plus de 62 % de l'actif net revalorisé de la société au jour de la donation et constitue un élément essentiel du patrimoine de cette société et, qu'au surplus, les deux principaux actionnaires de la Société TOUPARGEL ont pris à la date du 23 janvier 2003 l'engagement de ne pas céder les titres pendant 6 ans ; qu'au demeurant, l'administration est fondée à opposer aux Consorts X... que si la valorisation de la Société APAX PARTNERS avait été effectuée selon la méthode consistant, au lieu de retenir une décote globale de holding, à qualifier et chiffrer chaque décote particulière à appliquer sur la valeur mathématique, la valeur obtenue tableau page 28 de ses écritures d'appel aurait de toute façon été similaire à celle proposée par la Commission de conciliation, soit 29 M , de sorte que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la décote de holding de 30 % est suffisante pour couvrir à la fois l'impôt latent sur l'ensemble des participations de APAX PARTNERS, y compris sur les titres TOUPARGEL, et une décote particulière de 15 % qui tient compte de la moindre liquidité des titres de la holding » ;
1. ALORS, de première part, QUE les dispositions de l'article 759 du Code général des impôts, qui prescrivent, pour les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé, d'évaluer le capital servant d'assiette aux droits de mutation à titre gratuit, d'après le cours de bourse moyen au jour de la mutation, sont sans application lorsque la donation assujettie aux droits d'enregistrement porte, non sur les titres d'une société cotée détenus par une société holding non cotée, mais sur les parts sociales de cette société non cotée qui sont celles qui servent d'assiette aux droits de mutation à titre gratuit ; qu'ainsi, lorsqu'il s'agit d'apprécier la consistance des actifs d'une société holding non cotée, le juge de l'impôt n'est pas tenu d'évaluer les participations détenues par cette dernière dans des sociétés cotées d'après leur cours de bourse et peut librement décider d'employer d'autres critères d'évaluation qu'il estime plus pertinents ; que, pour rejeter le moyen des consorts X... tendant à évaluer la participation détenue par la SNC Apax Partners dans le capital de la société Toupargel-Agrigel au regard d'une méthode d'évaluation multicritères, la Cour d'appel a retenu que l'évaluation des titres de la société Toupargel-Agrigel retenue par l'administration d'après le critère de leur cours de bourse était la seule conforme aux dispositions de l'article 759 du Code général des impôts ; qu'en s'estimant ainsi tenue par les prescriptions de ce texte, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la donation litigieuse ne portait pas sur les actions cotées de la société Toupargel-Agrigel, mais sur les parts sociales de la société holding SNC Apax Partners, elle-même non cotée en bourse, la Cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;
2. ALORS, de deuxième part, QUE les consorts X... faisaient valoir dans leurs conclusions que si le cours de bourse de l'action Toupargel-Agrigel reflétait bien la valeur vénale d'une action de cette société, il ne constituait pas pour autant une référence pertinente pour apprécier la valeur vénale d'un bloc d'actions représentant plus de 30 % du capital de cette société, qui, eu égard à la faiblesse du « flottant » circulant en bourse et au volume insignifiant des échanges jusqu'ici constatés, n'aurait pu se négocier qu'hors-marché de gré à gré ; qu'en conséquence, les consorts X... invitaient la Cour d'appel à évaluer la participation de 30 % détenue par la SNC Apax PARTNERS dans le capital de la société Toupargel-Agrigel par application d'une méthode multicritères préconisée dans le rapport d'expert de Monsieur Didier A... et par un rapport d'expertise du Professeur Maurice B..., expert en évaluation auprès de la Cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation ; qu'en décidant néanmoins d'entériner l'évaluation de la participation Toupargel-Agrigel retenue par l'administration par référence au cours de bourse, sans analyser, fût-ce de manière sommaire, l'argumentation par laquelle les consorts X... contestaient la pertinence de cette méthode d'évaluation pour l'évaluation d'un bloc de titres, et préconisaient de lui appliquer d'autres critères ou plusieurs critères d'évaluation combinés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales.
3. ALORS, en toute hypothèse, QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour décider que la participation détenue par la SNC Apax Partners dans le capital de la société Toupargel-Agrigel devait être évaluée par référence au cours de bourse des actions de cette société, la Cour d'appel a énoncé que cette méthode était la mieux à même de faire ressortir sa « valeur vénale » (arrêt, p. 15, alinéa 3) ; que, pour refuser néanmoins de faire droit à la demande des consorts X... tendant à ce que soit prise en compte la fiscalité des plus-values latentes de la participation Toupargel-Agrigel comme facteur de minoration de la valeur de la SNC Apax Partners, détentrice, la Cour d'appel a énoncé que la valorisation de cette participation devait être effectuée dans le contexte de poursuite de l'activité de la société en considérant cette participation comme l'un des éléments essentiels de son patrimoine, « la valeur recherchée étant la valeur d'utilité, pour cette société, du bien immobilisé » (arrêt, p. 16, alinéas 3 et 4) ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la participation détenue par la SNC Apax Partners dans le capital de la société Toupargel-Agrigel ne pouvait, sans contradiction, être estimée pour sa « valeur vénale », d'après son cours de bourse, tout en étant qualifiée de « valeur d'utilité » ayant vocation à être « immobilisée » dans le patrimoine de la société holding, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Messieurs Romain et Maurice X... de leurs demandes tendant à fixer la valeur des parts sociales données à hauteur de 1. 994. 472 euros, et à voir condamner l'administration à leur restituer les sommes de 2. 281. 349 euros au titre des droits de donation d'origine trop payés et de 1. 192. 918 euros au titre des droits complémentaires acquittés, outre les intérêts moratoires afférents à ce sommes ;
AUX MOTIFS QUE « c'est vainement que les consorts X... font valoir, d'une part, que le droit de retour stipulé dans l'acte de donation ôte toute valeur vénale aux titres Apax Partners au jour de la transmission et qu'en l'absence de marché pour les titres grevés d'un tel droit, il conviendrait d'appliquer une décote de 80 % et, d'autre part, que la clause instituant un tel droit de retour, droit qui ne constitue pas une charge personnelle du donataire, mais une charge réelle faisant corps avec les titres, n'est pas restrictive du droit de propriété du donataire mais des futurs tiers acquéreurs ; qu'en effet, la limite apportée par le donateur à la liberté de disposer des titres donnés n'affecte pas leur valeur vénale réelle et que, dès lors, la valeur vénale des titres grevés doit être appréciée en fonction de leurs caractéristiques dans le patrimoine du donateur et non de celles qu'ils pourraient revêtir dans le patrimoine du donataire ou du futur acquéreur, du fait des contraintes particulières prévues dans l'acte de donation ; qu'en l'espèce, le droit de retour constitue une contrainte liée à la personnalité du donataire qui est étrangère à la nature elle-même des titres transmis, dont elle n'affecte pas ainsi la valeur ; que, dans ces conditions, s'il est vrai que, au delà de l'application stricte des principes susénoncés, l'administration, « dans un souci de conciliation », s'est finalement rangée à l'avis de la commission de conciliation en retenant, malgré tout, une décote pour droit de retour de 10 %, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande des consorts X... tendant à obtenir le bénéfice d'une décote de 80 % par suite d'une perte quasi-totale de la valeur vénale des titres en question » ;
1. ALORS QUE la stipulation par laquelle le donateur s'est réservé le droit de retour prévu par l'article 951 du Code civil pour le cas de prédécès du donataire et de ses descendants se distingue du simple engagement personnel par lesquels le donataire s'interdit de disposer des biens donnés sans le consentement du donateur ; qu'ayant, en effet, pour conséquence légale de grever la propriété des biens donnés d'une condition résolutoire en quelques mains qu'ils se trouvent, le droit de retour conventionnel constitue une charge réelle qui a nécessairement pour effet d'affecter la négociabilité des biens donnés et leur valeur vénale ; qu'en affirmant le contraire, pour en déduire que les consorts X... n'étaient pas fondés à demander l'application, au titre du droit de retour, d'une décote supérieure à celle de 10 % que l'administration leur avait consentie, la Cour d'appel a violé l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales, ensemble les articles 951 et 952 du Code civil.
2. ALORS, en toute hypothèse, QU'au sens de l'article L. 17 du Livre des Procédures fiscales, la valeur vénale réelle d'un bien donné s'entend du prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel compte tenu de l'état dans lequel se trouve le bien donné avant la mutation et des clauses de l'acte de donation ; qu'il s'ensuit qu'hormis les cas de fraude ou d'abus de droit, les stipulations de l'acte de donation par lesquelles le donateur restreint la liberté du donataire de disposer des titres donnés affectent nécessairement leur valeur vénale réelle au sens du texte susvisé ; qu'en affirmant au contraire que la valeur vénale réelle des parts sociales données devait être appréciée en fonction de leurs caractéristiques dans le seul patrimoine du donateur et non de celles qu'elles pourraient revêtir dans le patrimoine du donataire ou du futur acquéreur, du fait des contraintes particulières prévues dans l'acte de donation, pour en déduire que les consorts X... n'étaient pas fondés à se prévaloir de la stipulation par laquelle le donateur s'était réservé le droit de retour prévu par l'article 951 du Code civil pour demander l'application d'une décote supérieure à celle de 10 % que l'administration leur avait consentie, la Cour d'appel a violé l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1134 du Code civil.