Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 juin 2012, 10-27.668, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 792 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Christophe X... est décédé le 24 décembre 2001 en laissant pour lui succéder ses père et mère, M. X... et Mme Y... ; que, par jugement du tribunal de grande instance de Marmande du 8 mars 2006, sa mère a été déclarée coupable de recel successoral sur la somme de 94 124,07 euros représentant le montant de la moitié devant revenir à son père du capital-décès qu'elle a intégralement perçu ; qu'un litige s'est élevé entre eux s'agissant de la prise en compte de la somme recelée dans les opérations de partage ;

Attendu que, pour déterminer la part successorale de chacun des héritiers et après avoir relevé que le jugement susvisé a irrévocablement jugé que Mme Y... s'était rendue coupable de recel successoral sur la somme de 94 124,07 euros, l'arrêt retient d'abord que l'actif successoral inclut le montant total du capital-décès litigieux, puis que Mme Y... n'a aucun droit sur la somme recélée, enfin que celle-ci doit donc être déduite de la part de Mme Y... dans l'actif successoral, tandis que la part de M. X... doit être augmentée d'autant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la somme recélée doit être distraite de l'actif successoral pour être exclusivement partagée entre les autres héritiers, la cour d'appel, dont la méthode de calcul aboutit à attribuer au seul cohéritier étranger au recel une somme supérieure de moitié à celle qui a été recélée, a violé l'article susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a statué sur les frais d'obsèques et les dommages-intérêts en cause d'appel, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille douze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Maud Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Mme Y... à verser à M. X... la somme principale de 149.619,91€ (153.122,97€-3.503,06€) ;

AUX MOTIFS QUE, sur la part de chaque héritier, l'appelante explique qu'il existe deux méthodes de calcul quant à l'application de la peine du recel successoral qui la frappe ; que, selon une première méthode, le montant de ce recel doit être déduit de la masse à partager avant d'être rajoutée à la part de son adversaire ; que, selon ses calculs, il reviendrait alors à Jean- Claude X... une somme de 167.979,01€ tandis qu'elle percevrait 73.854,94 € ; que, dans la seconde méthode, la masse à partager est divisée en deux et, de sa part, serait retranchée la moitié de son recel qui serait rajoutée à la part de Jean-Claude X... ; qu'ainsi, il lui reviendrait la somme de 73.854,94 € et à Jean-Claude X... celle de 167.979,01 € ;
mais que le tribunal décidait justement qu'en application du jugement rendu le 16 novembre 2007 qui jugeait définitivement que Maud Y... s'était rendue coupable de recel successoral sur la somme de 94.124,07€, celle-ci ne peut prétendre à aucun droit sur cette somme ; que, s'agissant d'une sanction personnelle, seule la méthode de calcul retenue par le tribunal qui déduit l'intégralité de ce recel de la part de Maud Y... est à même d'appliquer cette sanction à la seule partie qui doit la supporter ; que, par ailleurs, il est reconnu les sommes indiquées comme ayant déjà été perçues par chaque partie ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'en référence au jugement du 16 novembre 2007, définitif sur le recel successoral qu'il a retenu à la charge de Mme Y..., celle-ci ne peut prétendre à aucune part sur la somme de 94.124,07€ qu'elle a recelée ; qu'ainsi, sur la part de chacun dans l'actif successoral, soit 120.916, 98 €, la part revenant à Mme Y... après déduction de la somme recelée, sera de 26.792,98 € et celle de M. X... de 215.040,97€ ; que l'expert a relevé que les parties avaient déjà perçu les sommes de :
- 179.915,95 € pour Mme Y...
- 61.918,00 € pour M. X...
soit un trop-perçu pour Mme Y... de 153.122, 97 € qu'elle devra verser à M. X... ; que le montant (des frais d'obsèques) est de 7.006,12 € dont M. X... devra acquitter la moitié, soit 3.503, 06 € ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la sanction du recel consiste à exclure son auteur du partage portant sur le bien recelé ; qu'elle est réalisée par la distraction du bien de l'actif global de la succession et à son partage exclusif entre les seuls héritiers étrangers au recel ; que, s'agissant d'une somme d'argent, la somme recelée doit donc seulement être distraite de l'actif à partager pour être exclusivement partagée entre les autres héritiers et non pas « déduite de la part » de l'héritier coupable ; qu'en affirmant le contraire, par motif propre, la Cour d'appel a violé l'article 778 du Code civil ;

ALORS D'AUTRE PART, QUE les cohéritiers de l'auteur d'un recel n'ont vocation à se partager de façon exclusive, que le montant de la somme recelée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a constaté que le jugement du 16 novembre 2007 avait fixé le montant du recel à 94.124,07€ mais qui n'a pas recherché si la méthode d'imputation du tribunal n'aboutissait pas concrètement à attribuer à M. X... deux fois ou au moins une fois et demi la somme prétendument recelée de 94.124,07€, ainsi que le faisait valoir Mme Y... dans ses conclusions d'appel (p.3 in fine et p.4), a privé sa décision de base légale au regard de l'article 778 du Code civil.

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