Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2012, 10-25.349, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Union économique de consommation (Uneco), qui exerce une activité de commerce de détail d'alimentation générale à Paris 9e, ayant constaté que les sociétés Chateaudis et Baltaian et Cie exploitaient sous les enseignes Franprix et G20 deux commerces similaires à proximité sept jours sur sept et invoquant une baisse de son chiffre d'affaires résultant de l'ouverture illicite des ces deux magasins le dimanche, a saisi le président du tribunal de commerce, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, aux fins de voir condamner les deux sociétés à respecter les règles relatives à la fermeture hebdomadaire dominicale conformément aux dispositions des articles L. 3132-3 à L. 3132-13 du code du travail sous astreinte, au versement d'une somme à titre de provision en réparation du préjudice subi ainsi qu'à la communication de diverses pièces sous astreinte ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n' y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile ensemble les articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte des deux derniers articles que, dans les commerces de détail alimentaire, le repos dominical doit être respecté à partir de 13 heures ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de la société Uneco aux fins de voir condamner les sociétés Chateaudis et Baltaian et Cie à respecter les règles du repos hebdomadaire, l'arrêt retient que si la qualité à agir devant le juge des référés aux mêmes fins que l'inspecteur du travail pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail, comme il s'agit en l'espèce, l'emploi illicite de salariés en infraction à l'article L. 3132-3 du code du travail a été reconnue aux organisations professionnelles qui représentent la profession exercée par les commerçants en infraction avec ce texte du fait que l'emploi irrégulier de salariés rompait l'égalité au préjudice de ceux qui exerçant la même activité, respectaient la règle légale, la société Uneco n'est pas en droit d'exciper d'une telle atteinte à l'intérêt collectif de la profession de commerçant en alimentation de détail ; que cette société en outre exerce son activité le dimanche sans établir qu'elle n'emploie aucun salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les deux sociétés exerçant un commerce similaire à proximité de la société Uneco faisaient travailler irrégulièrement le dimanche leurs salariés, ce dont il se déduisait que la société Uneco avait un intérêt légitime à faire cesser cette situation en raison du préjudice que cette rupture d'égalité pouvait lui causer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Uneco aux fins de voir les sociétés Chateaudis et Baltaian et Cie respecter les règles du repos hebdomadaire, l'arrêt rendu le 2 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne les sociétés Chateaudis et Baltaian et Cie aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Chateaudis, et condamne les sociétés Chateaudis et Baltaian et Cie à payer à la société Uneco la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Union économique de consommation

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR déclaré irrecevable l'action de la société UNECO aux fins de voir condamner les sociétés BALTAIAN & Cie et CHATEAUDIS à respecter les règles du repos hebdomadaire des salariés ;

AUX MOTIFS QUE « la société UNECO fonde son action sur le trouble manifestement illicite permettant de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour le faire cesser, trouble qui serai caractérisé par le non respect de l'obligation de fermeture hebdomadaire dominicale prévue par l'article L.3132-3 et L.3132-13 du Code du travail ; que l'inobservation de l'article L.3132-3 du Code du travail, qui édicte le principe du repos hebdomadaire dominical dans l'intérêt des salariés, autorise l'inspecteur du travail, par application de l'article L.3132-31 du Code du travail, à agir en référé devant le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail, comme il s'agit en l'espèce, l'emploi illicite de salariés en infraction aux textes précités ; que, si la qualité à agir aux mêmes fins devant le juge des référés a été reconnue aux organisations professionnelles, qui représentent la profession exercée par les commerçants en infraction avec ces textes, du fait que l'emploi ainsi irrégulier des salariés rompait l'égalité, UNECO n'est pas en droit d'exciper d'une telle atteinte à l'intérêt collectif de la profession de commerçant en alimentation au détail ; qu'elle-même en outre exerce son activité le dimanche et l'attestation délivrée le 3 mars 2009 par la société d'expertise comptable Fiduciaire BACHAUMONT suivant laquelle Madame X... Elsa, employée en tant que vendeuse à la SARL UNECO, est l'épouse du gérant de a société, ne suffit pas à établir que cette société n'emploie aucun salarié ; qu'il s'ensuit que l'action de la société UNECO aux fins de voir ordonner la fermeture dominicale des commerces exploités par les deux sociétés intimées doit être déclarée irrecevable » (arrêt p. 3 in fine et p. 4 § 1) ;

ALORS D'UNE PART QUE tout commerçant dispose d'un intérêt légitime à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant pour lui de l'irrespect par un commerçant concurrent de la législation sur le repos hebdomadaire des salariés, qui en employant irrégulièrement des salariés le dimanche rompt l'égalité et fausse le jeu normal de la concurrence et du marché ; qu'en déclarant irrecevable pour défaut de droit d'agir l'action de la société UNECO aux fins de voir condamner les sociétés BALTAIAN & Cie et CHATEAUDIS à respecter les règles du repos hebdomadaire des salariés, au motif erroné que ce droit n'appartiendrait qu'à l'inspecteur du travail ou aux organisations professionnelles, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, ensemble celles des articles L.3132-3, L.3132- 13 et L.3132-31 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la société UNECO sollicitait sur le fondement de l'article 873 du Code de procédure civile et des articles L.3132-3 et L.3132- 13 du Code du travail, la condamnation de la SARL BALTAIAN & Cie et de la SARL CHATEAUDIS à respecter les règles légales relatives à la fermeture hebdomadaire dominicale, aux fins de voir cesser le trouble illicite résultant pour elle de l'ouverture de leurs magasins respectifs, FRANPRIX et G 20, le dimanche, et de la concurrence déloyale en découlant ; que sans nier les faits, les sociétés défenderesses ont seulement invoqué l'absence de droit à agir de la SARL UNECO et l'absence de concurrence déloyale ; qu'en affirmant que la SARL UNECO n'était « pas en droit d'exciper d'une telle atteinte à l'intérêt collectif de la profession de commerçant en alimentation de détail », quand était seul en cause son droit légitime d'obtenir à titre individuel la cessation du trouble illicite résultant pour elle de l'ouverture le dimanche des magasins d'alimentation des sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie, et de la concurrence déloyale en découlant, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE dès lors qu'il était constant et non contesté que les sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie ouvraient leurs magasins respectifs le dimanche, sans pouvoir justifier d'une dérogation, le fait que la SARL UNECO, qui n'emploie aucun salarié, exerce elle-même son activité le dimanche, n'était pas de nature à la priver de son droit d'agir à l'encontre des SARL CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie aux fins de voir constater la rupture d'égalité entre concurrents et voir contraindre ces dernières au respect du repos dominical de leurs salariés ; qu'en affirmant surabondamment, et sans même analyser les éléments des débats démontrant le défaut de respect par les sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie de la législation sur le repos dominical, que la SARL UNECO « exerce son activité le dimanche » et que « l'attestation délivrée le 3 mars 2009 par la société d'expertise comptable Fiduciaire BACHAUMONT suivant laquelle Madame X... Elsa, employée en tant que vendeuse à la SARL UNECO, est l'épouse du gérant de la société, ne suffit pas à établir que cette société n'emploie aucun salarié ; qu'il s'ensuit que l'action de la société UNECO aux fins de voir ordonner la fermeture dominicale des commerces exploités par les deux sociétés intimées doit être déclarée irrecevable », la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, ensemble celles des articles L.3132-3, L.3132--13 et L.3132-31 du Code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en s'abstenant de qualifier l'irrecevabilité retenue, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 12 et 122 du Code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QU'il appartenait en tout état de cause aux sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie, qui soutenaient que la SARL UNECO aurait elle-même contrevenu aux règles régissant le repos hebdomadaire d'établir que cette dernière employait des salariés ; qu'en affirmant comme elle l'a fait que « l'attestation délivrée le 3 mars 2009 par la société d'expertise comptable Fiduciaire BACHAUMONT suivant laquelle Madame X... Elsa, employée en tant que vendeuse à la SARL UNECO, est l'épouse du gérant de la société, ne suffit pas à établir que cette société n'emploie aucun salarié », la Cour d'appel, qui à l'inverse a fait peser sur la SARL UNECO la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil (ensemble l'article 9 du Code de procédure civile).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé quant à la demande de provision de la société UNECO ;

AUX MOTIFS QUE « la société UNECO ne peut se prévaloir à l'égard de chacune des sociétés intimées d'une créance incontestable justifiant ses demandes de provision à titre de dommages et intérêts ; qu'en effet, alors qu'elle ne dément pas exploiter un commerce de petite surface spécialisé dans la vente de produits casher et que les commerces alimentaires de moyenne surface FRANPRIX et G 20 exploités par les intimées ne sont pas spécialisés dans la vente de tels produits, rien ne permet d'attribuer avec certitude la baisse du chiffre d'affaires de la société UNECO de 480 € le dimanche depuis le mois de novembre 2007, dont atteste la société d'expertise comptable Fiduciaire BACHAUMONT sans autre explication, ni justificatif, à l'ouverture dominicale des magasins FRANPRIX et G 20 en cause ; qu'en conséquence la demande de provision de la société UNECO se heurte à une contestation sérieuse »
(arrêt p. 4 § 2 et 3) ;

ALORS D'UNE PART QUE dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ; qu'en l'espèce, les sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie n'ont nié ni l'une ni l'autre ouvrir le dimanche toute la journée leurs magasins respectifs, FRANPRIX et G 20, sans pouvoir justifier ni l'une ni l'autre d'une décision préfectorale les y autorisant ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que les magasins UNECO (SARL UNECO), FRANPRIX (SARL CHATEAUDIS) et G 20 (SARL BALTAIAN & Cie) sont tous trois des commerces de détail d'alimentation générale, offrant tous trois à la vente des produits casher ; qu'il s'ensuit que l'existence d'un trouble illicite en résultant pour la SARL UNECO était avérée et, partant, son droit au paiement d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; qu'en déboutant cependant la SARL UNECO de sa demande de provision au motif que les sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie n'étaient pas « spécialisées » dans la vente de produits casher, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, ensemble des articles L.3132-3 et L.3132-13 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QU'en affirmant que « rien ne permet d'attribuer avec certitude la baisse du chiffre d'affaires de la société UNECO de 480 € le dimanche depuis le mois de novembre 2007, dont atteste la société d'expertise comptable Fiduciaire BACHAUMONT sans autre explication, ni justificatif, à l'ouverture dominicale des magasins FRANPRIX et G 20 en cause... », quand la SARL CHATEAUDIS chiffrait elle-même ses recettes dominicales au titre des seuls produits casher à la somme de 132,47 € (ses conclusions p. 7 § 3), la Cour d'appel a privé encore sa décision de toute base légale au regard de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, ensemble des articles L.3132-3 et L.3132-13 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté la société UNECO de sa demande tendant à voir ordonner aux sociétés BALTAIAN et CHATEAUDIS de lui communiquer des pièces ;

AUX MOTIFS QUE « au regard des motifs qui précèdent et en l'absence d'indication sur la procédure au fond pouvant éventuellement être envisagée par la société UNECO, il n'existe pas de motif légitime d'ordonner aux sociétés intimées de lui communiquer les documents comptables ou relatifs à l'emploi de leur personnel, documents susceptibles d'être utilisés à des fins autres que celles entrant dans les prévisions de l'article 145 du Code de procédure civile » (arrêt p. 4 § 4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'action en référé intentée par la société UNICO se suffisait à elle-même, quoiqu'il en soit de son intention éventuelle d'introduire une instance au fond ; qu'en déboutant la société UNECO de sa demande de communication motif pris de « l'absence d'indication sur la procédure au fond pouvant éventuellement être envisagée par la société UNECO », la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 873 du Code de procédure civile et L.3132-3 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la demande de communication de pièces comptables de la société UNECO découlait directement de sa demande de réparation du trouble illicite résultant pour elle de la rupture d'égalité entre concurrents, occasionnée par le non respect du repos dominical par les sociétés CHATEAUDIS et BALTAIAN & Cie, et n'était nullement formulée dans le cadre de l'article 145 du Code de procédure civile ; qu'en déboutant la société UNECO de sa demande au prétexte que les documents litigieux seraient « susceptibles d'être utilisés à des fins autres que celles entrant dans les prévisions de l'article 145 du Code de procédure civile », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.

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