Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 mai 2012, 11-14.104, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 11-14.104
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
- Président
- M. Charruault
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 1183, 738-2, 805, 951 et 952 du code civil, ensemble les articles 25, 31 et 125 du code de procédure civile ;
Attendu que l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier ; qu'il en résulte qu'un descendant renonçant ne peut faire obstacle au droit de retour qu'il soit légal ou convenu au cas de prédécès du donataire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes des 1er juin 1983 et 6 juillet 1992, Mme X... a donné à son fils, Jean-Claude X..., d'abord une maison d'habitation, puis des terrains ; que le premier acte énonce que "la donatrice fait réserve expresse à son profit du droit de retour prévu par l'article 951 du code civil, sur tous les biens par elle donnés ou sur ce qui en serait la représentation, pour le cas où les donataires ou l'un d'eux viendraient à décéder avant elle sans enfants ni descendants et pour le cas encore où les enfants desdits donataires viendraient eux-mêmes à décéder sans postérité avant la donatrice" ; que le second énonce que "les donateurs font réserve à leur profit du droit de retour conventionnel sur les biens par eux donnés ou sur ce qui en serait la représentation pour le cas où les donataires ou leurs descendants viendraient à décéder sans postérité avant les donateurs" ; que Jean-Claude X... est décédé le 16 février 2007 en laissant pour lui succéder ses deux enfants, lesquels ont renoncé à la succession de leur père ; que Mme X... a saisi par requête un tribunal de grande instance afin d'obtenir, en application des articles 951 et 952 du code civil, le retour dans son patrimoine des biens donnés ;
Attendu que, pour déclarer recevable cette demande, mais la rejeter, au motif que la condition à laquelle le droit de retour était subordonné ne s'est pas réalisée, la cour d'appel, après avoir relevé qu'il ressort des actes que le ou les donateurs ont expressément voulu que les biens donnés leur reviennent en cas de prédécès du donataire et de ses descendants, et ce, à l'exclusion de toute autre condition, retient que la renonciation de ses enfants à la succession de Jean-Claude X... ne saurait avoir une quelconque incidence sur la mise en oeuvre du droit de retour convenu, dans la mesure où, d'une part, la renonciation par des descendants à la succession de leur auteur ne peut être assimilée au décès de ceux-ci, d'autre part, l'hypothèse de la renonciation des héritiers du donataire n'a pas été anticipée dans les donations avec stipulation du droit de retour conventionnel, enfin, ce droit n'est pas un droit de succession mais s'analyse en une condition résolutoire de la donation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la condition s'était réalisée, le donataire ne laissant aucune postérité pour lui succéder, de sorte que les biens donnés se retrouvaient de plein droit dans le patrimoine de la donatrice et qu'ainsi celle-ci était irrecevable à agir pour voir reconnaître sa qualité de propriétaire en dehors de toute contestation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare les demandes de Mme X... irrecevables ;
Condamne Mme X... aux dépens de la présente instance ainsi qu'aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour Mme Z..., épouse X...
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Madame X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à obtenir le retour dans son patrimoine des biens ayant fait l'objet de donations ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « (
) pour solliciter le retour dans son patrimoine des biens ayant fait l'objet des deux donations successivement consenties les 1er juin 1983 et 6 juillet 1992 au profit de son fils Jean-Claude X..., décédé le 16 février 2007, Madame Juliette Z... se prévaut des clauses figurant dans chacune desdites donations, et instaurant au profit du donataire sur les biens par lui donnés, un droit de retour conventionnel, « (
) que s'agissant d'un droit de retour conventionnel, le Tribunal de Grande Instance de TARBES s'est employé à rechercher la volonté des parties au moment de la stipulation de la clause de retour, « (
) que de la lecture des clauses de retour insérées dans chacune des deux donations ainsi consenties au profit de Monsieur Jean-Claude X..., il ressort que le ou les donateurs ont expressément voulu que les biens donnés à celui-ci leur reviennent et qu' ils fassent retour dans leur patrimoine en cas de pré-décès de Monsieur Jean-Claude X... et de ses descendants, et ce à l'exclusion de toute autre condition, « (
) que le fait que les deux enfants de Monsieur Jean Claude X..., décédé le 16 février 2007, aient renoncé à la succession de leur père, ne saurait avoir une quelconque incidence sur la mise en oeuvre du droit de retour stipulé au profit de Madame Z..., et ce :
- dans la mesure où :
- la renonciation par des descendants à la succession de leur auteur ne peut être assimilée au décès de ceux-ci,
- l'hypothèse de la renonciation successorale des héritiers du donataire n'a pas été anticipée dans les actes constitutifs des donations avec stipulation du droit de retour conventionnel,
- indépendamment des effets attachés à une telle renonciation à succession, et notamment de son effet rétroactif invoqué par Madame Z... au soutien de son appel, des lors que le droit de retour conventionnel dont elle revendique l'application n'est pas un droit de succession, mais s'analyse en une condition résolutoire de la donation, « (
) qu'au vu de ces observations, il y a lieu - de constater la non-réalisation de la condition (à savoir le prédécès des descendants de Monsieur Jean-Claude X...) à laquelle le droit de retour conventionnel de Madame Z... se trouve expressément subordonné,
- de considérer ainsi que l'a décidé le premier juge, que Madame Z... ne peut prospérer en sa demande aux fins de réintégration dans son patrimoine des biens ayant fait l'objet des deux donations successivement consenties les 1er juin 1983 et 6 juillet 1992, et ce d'autant que l'action de Madame Z... initiée par voie de requête, n'a pas permis au liquidateur désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur Jean-Claude X..., bénéficiaire desdites donations, de faire-valoir le point de vue des créanciers de ce dernier relativement au droit de retour portant sur les biens donnés à leur débiteur » (arrêt attaqué p. 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QU'« Aux termes de l'article 951 du Code Civil, le donateur peut stipuler le droit de retour des objets donnés, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants,
L'effet du droit de retour étant de faire revenir les biens donnés dans le patrimoine du donateur, le tribunal se doit d'interpréter la volonté des parties au moment de la stipulation de la clause de retour ;
II apparaît ainsi que si les parties avaient souhaité assimiler les descendants renonçant à la succession du donataire à l'absence de descendants, elles l'auraient expressément stipulé ;
La liquidation judiciaire prononcée le 19 novembre 2001 à l'égard de Monsieur X... Jean-Pierre permet de comprendre la renonciation de ses enfants à sa succession, eu égard à l'ampleur du passif ;
Un droit de retour reconnu à Madame Z... aurait pour conséquence que le donataire, Monsieur X... Jean-Pierre, serait réputé n'avoir été, à aucun moment, titulaire de droits sur les biens donnés et ferait ainsi échapper les biens à tout recours des créanciers » (jugement p. 3) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la qualité d'héritier disparaît rétroactivement par l'effet de la renonciation de telle sorte que les descendant renonçant sont assimilés, par l'effet de la loi même, à une absence de descendants ; qu'en l'absence de descendants ou en cas de renonciation de leur part à la succession, la clause de retour entraîne le retour des biens donnés dans le patrimoine du donateur comme si la donation n'avait jamais eu lieu ; que la Cour d'Appel a cependant refusé de faire droit à la demande de Madame X... tendant au retour des biens donnés dans son patrimoine à la suite de la renonciation des descendants à la succession du donataire décédé, motifs pris de ce que « la renonciation par des descendants à la succession de leur auteur ne peut être assimilée au décès de ceux-ci » (arrêt attaqué p. 4, dernier §) ; qu'en statuant ainsi cependant qu'en renonçant à la succession du donataire, ses descendants sont réputés n'avoir jamais existés, la Cour d'Appel a violé les dispositions des articles 785, 805, 951 et 952 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Cour d'Appel a refusé de faire droit à la demande de Madame X... tendant au retour des biens donnés dans son patrimoine, à la suite de la renonciation des descendants à la succession du donataire décédé, au motif que « l'hypothèse de renonciation successorale des héritiers du donataire n'a pas été anticipée dans les actes constitutifs de donations avec stipulation du droit de retour conventionnel » (arrêt attaqué p. 4, dernier §) ; qu'en exigeant ainsi la stipulation expresse du cas de renonciation à la succession dans la clause de retour cependant que par l'effet même de la loi, la renonciation des descendants à la succession est assimilée à l'absence de descendants entraînant le retour des biens donnés dans le patrimoine du donateur, la Cour d'Appel a derechef violé les dispositions des articles 785, 805, 951 et 952 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE le retour conventionnel n'est pas, comme le retour légal, un droit de succession, mais s'analyse en une donation sous condition résolutoire de telle sorte que la résolution s'opère rétroactivement par l'effet de la clause de retour comme si le bien n'était jamais sorti du patrimoine du donateur ; qu'après avoir elle-même retenu que « le droit de retour conventionnel (
) n'est pas un droit de succession » (arrêt attaqué p. 5, § 1er), la Cour d'Appel a cependant dénié à Madame X... le droit de se prévaloir de la clause de retour motifs pris de ce que son action aurait pour conséquence de faire échapper les biens donnés au recours des créanciers du donataire dès lors qu'elle « n'a pas permis au liquidateur désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur Jean-Claude X..., bénéficiaire desdites donations, de faire valoir le point de vue des créanciers de ce dernier relativement au droit de retour portant sur les biens donnés à leur débiteur » (arrêt attaqué p. 5, § 3) ; qu'en statuant ainsi cependant que par l'effet rétroactif de la clause de retour, les biens donnés étant censés n'avoir jamais appartenu au donataire, ses créanciers ne sauraient prétendre à un droit quelconque sur ceux-ci, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 951, 952 et 1183 du code civil.