Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 avril 2012, 11-87.688, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Jean-Marie X...


contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 18e chambre, en date du 19 septembre 2011, qui, pour diffamation non publique, l'a condamné à 38 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire personnel et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de l'envoi par M. Jean-Marie X... à M. Hughes Y..., maire de la commune d'Andrésy, de trois lettres des 19 décembre 2009, 14 février 2010 et 27 février 2010, ce dernier a fait citer M. X... devant le tribunal de police du chef de diffamation non publique ; que le tribunal a condamné le prévenu à une peine d'amende, et prononcé sur les intérêts civils ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité de la citation introductive d'instance, selon lequel le visa dans l'acte de l'article 23 de la loi sur la presse, dans une poursuite exercée du chef de diffamation non publique, a été de nature à créer une incertitude dans l'esprit du prévenu quant au fondement de l'action engagée, et a contrevenu aux prescriptions de l'article 53 de la loi de 1881, l'arrêt relève que ce visa n'a pas porté atteinte aux intérêts de M. X..., qui a été en mesure de préparer sa défense ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte mentionné au moyen, dès lors qu'en l'état d'une citation qui qualifiait les faits de diffamation non publique, et visait les articles 29, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, et R. 621-1 du code pénal, le visa erroné, mais surabondant, de l'article 23 n'a pas eu pour conséquence de créer une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à la nature de l'infraction dont il avait à répondre et à la peine encourue ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 398, alinéa 3, 398-1 (8°) et 592 du code de procédure pénale ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel était composée de M. Pressense, conseiller statuant à juge unique ; que cette composition était conforme aux prescriptions de l'article 547, alinéa 3, du code de procédure pénale, dès lors que, pour l'appel des jugements de police, la cour est composée du seul président de la chambre des appels correctionnels, siégeant à juge unique, et que le jugement de la contravention prévue par l'article R. 621-1 du code pénal ne fait pas exception à cette disposition ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et R. 621-1 du code pénal ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que les imputations diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant le seul destinataire de la lettre qui les contient, ne sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, que si ladite lettre a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, et dire établie la contravention de diffamation non publique, l'arrêt retient que dans le courrier du 19 décembre 2009, M. X... écrit , notamment, "votre attitude relève de la dictature" ; que, dans le second courrier, M. X... écrit, notamment, "il y a chez vous, comme une sorte de maladie mentale, à toujours vouloir vous couvrir" ; que, le courrier du 27 février 2010 contient, notamment, le passage suivant : "ne comprenez vous pas que vous avez utilisé le bien public des Andrésiens pour faire passer vos convictions personnelles maçonniques et influencer secrètement vos concitoyens" ?, puis plus loin : "vous mentez, vous travestissez la réalité, vous êtes incompétent " ; que même si elle est présentée sous une forme qui semble relativiser la portée du propos, une expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte de la procédure que les trois lettres litigieuses ont revêtu le caractère de correspondances personnelles et privées et ont conservé une nature confidentielle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 19 septembre 2011 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres de la 18e chambre de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Retourner en haut de la page