Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 mai 2012, 11-19.270, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 avril 2011), qu'estimant avoir commis, pour la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2007, une erreur à son détriment dans le calcul de la réduction des cotisations prévue par la loi du 17 janvier 2003 sur les indemnités de congés payés versées à ses salariés, la société Geodis Bourgey Montreuil (la société) a demandé à l'URSSAF de la Savoie le remboursement des sommes qu'elle pensait avoir indûment versées ; que le refus de l'union de recouvrement ayant été confirmé par décision de la commission de recours amiable du 17 septembre 2009, elle a saisi une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt de la condamner au remboursement de la somme réclamée alors, selon le moyen, que pour le calcul de la réduction de cotisations prévue par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, les périodes de congés payés doivent être retenues pour le nombre d'heures rémunérées que le salarié aurait accomplies s'il avait travaillé, lorsque, par l'effet du calcul de l'indemnité de congés payés, celle-ci est supérieure au montant de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ; qu'en jugeant, pour accueillir la demande de remboursement formée par la société, que lorsque, par application de la règle du dixième, l'indemnité de congés payés excédait la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler, le nombre d'heures rémunérées à prendre en considération pour le calcul de la réduction de cotisations devait être augmenté à due concurrence du rapport entre le montant de la rémunération du mois soumise à cotisations et le montant de la rémunération qui aurait été versée si le contrat de travail avait été exécuté, la cour d'appel a violé les articles L. 241-13, L. 241-15 et D 241-7 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors en vigueur et L. 3141-22 (anciennement L. 223-11) du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir exactement observé qu'aucune disposition législative ou réglementaire spécifique ne concernait le calcul du nombre d'heures rémunérées correspondant à l'indemnité de congés payés quand le montant de celle-ci, par application de la règle du dixième, était supérieur à la rémunération d'un mois de travail effectif, dès lors que l'article D. 241-7, I, 4° ne s'appliquait qu'en cas de maintien total ou partiel du salaire pendant les périodes de suspension du contrat de travail, la cour d'appel a décidé à juste titre que ce nombre d'heures devait être obtenu en divisant le montant de l' indemnité par la rémunération horaire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que pour infirmer la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale en ce qu'elle avait fixé au 6 septembre 2010 le point de départ des intérêts moratoires dus par l'URSSAF sur la somme à rembourser et dire qu'ils étaient dus à compter de la date de la saisine de la commission de recours amiable, la cour d'appel énonce que la lettre de saisine de cette commission, en date du 29 avril 2009, qui contient un tableau récapitulatif chiffré et précise la somme totale réclamée, permet de chiffrer les modalités de calcul et de déterminer le montant de la somme réclamée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que cette lettre ne comporte pas de tableau récapitulatif chiffré et ne mentionne pas la somme totale dont le remboursement était réclamé, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a méconnu le principe susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les intérêts moratoires étaient dus par l'URSSAF sur la somme à rembourser à compter du 29 avril 2009, l'arrêt rendu le 12 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Savoie du 15 octobre 2010 en ce qu'il a fixé au 6 septembre 2010 le point de départ des intérêts au taux légal ;

Condamne l'URSSAF de la Savoie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Savoie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'URSSAF de la SAVOIE à rembourser à la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL la somme de 565.769,79 € de cotisations

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L 241-13, III du Code de la sécurité sociale résultant de la loi du 17 janvier 2003 disposait : "Le montant de la réduction est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié. Il est égal au produit de la rémunération mensuelle, telle que définie à l'article L 243-1 (lire L 242-1) par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d'une formule fixée par décret. Il est fonction de la rémunération horaire du salarié concerné calculée en divisant la rémunération mensuelle par le nombre d'heures rémunérées au cours du mois considéré " ; que ce texte ne distinguait pas selon que les heures rémunérées étaient ou non travaillées ; que pour mettre fin à l'interprétation restrictive de ce texte par l'administration, le législateur avait précisé, à l'article L 241-15 du Code de la sécurité sociale : "Pour la mise en oeuvre des mesures d'exonération ou de réduction de cotisations de sécurité sociale prévue par le présent code (ou toute autre disposition législative ou réglementaire), l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature." ; que l'article L 242-1 précisait : "Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés (…)" ; que le texte ne prévoyant aucun plafonnement à la prise en compte des heures rémunérées pour le calcul de la réduction FILLON, il n'appartenait pas à l'URSSAF de la SAVOIE d'ajouter aux textes en prévoyant un tel plafonnement ; qu'en conséquence les indemnités de congés payés devaient être prises en compte dans leur intégralité dans la détermination de l'assiette de calcul de la réduction des cotisations patronales ; que comme l'avaient retenu les Premiers Juges par de justes motifs, l'URSSAF de la SAVOIE n'avait pas contesté le chiffrage effectué par la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL quant au montant des cotisations indûment versées du fait de la non prise en compte des indemnités de congés payés pour le calcul de la réduction ; qu'il convenait en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle avait condamné l'URSSAF à payer à la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL la somme de 565.769,79 € de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article L 241-13 du Code de la sécurité sociale, les cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales assises sur les gains et rémunérations versées au cours d'un mois civil aux salariés faisaient l'objet d'une réduction dont le montant était calculé chaque mois civil pour chaque salarié et était égal au produit de la rémunération mensuelle par un coefficient déterminé en application d'une formule fixée par décret, un décret devant légalement prévoir les modalités de calcul de la réduction dans le cas des salariés dont le contrat de travail était suspendu avec maintien de tout ou partie de la rémunération ; qu'en application de l'article D 241-7 du même Code, selon sa rédaction applicable à l'époque concernée, le nombre d'heures rémunérées au titre de la suspension à prendre en compte était égal au produit de la durée du travail que le salarié aurait effectuée s'il avait continué à travailler par le pourcentage de la rémunération demeurée à la charge de l'employeur et soumis à cotisations ; que l'URSSAF reconnaissait qu'en cas d'indemnisation de congés payés, en application de la règle du dixième, la rémunération du mois soumise à cotisations pouvait être supérieure à la rémunération qui aurait été versée si le contrat de travail avait continué à être exécuté mais faisait valoir que la direction de la sécurité sociale avait indiqué que, pour ne pas augmenter fictivement le nombre d'heures rémunérées du mois de l'absence, le rapport entre la rémunération du mois soumise à cotisations et la rémunération qui aurait été versée si le contrat de travail avait été exécuté ne pouvait être supérieur à un ; que cependant, en fixant ce critère, la direction de la sécurité sociale avait ajouté unilatéralement un élément ne résultant pas des textes applicables et opposables aux cotisants et c'était donc à bon droit que la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL demandait le remboursement des cotisations versées du fait de l'application de celui-ci ; que la Société avait chiffré le montant des cotisations indûment versées de ce chef et l'organisme social n'avait pas fait valoir de contestation sur ce chiffrage ; qu'il y avait donc lieu de le condamner à rembourser cette somme à la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL ;

ALORS QUE pour le calcul de la réduction de cotisations prévue par l'article L 241-13 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n°2007-1223 du 21 août 2007, les périodes de congés payés doivent être retenues pour le nombre d'heures rémunérées que le salarié aurait accomplies s'il avait travaillé, lorsque, par l'effet du calcul de l'indemnité de congés payés, celle-ci est supérieure au montant de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ; qu'en jugeant, pour accueillir la demande de remboursement formée par la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL, que lorsque, par application de la règle du dixième, l'indemnité de congés payés excédait la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler, le nombre d'heures rémunérées à prendre en considération pour le calcul de la réduction de cotisations devait être augmenté à due concurrence du rapport entre le montant de la rémunération du mois soumise à cotisations et le montant de la rémunération qui aurait été versée si le contrat de travail avait été exécuté, la Cour d'appel a violé les articles L 241-13, L 241-15 et D 241-7 du Code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors en vigueur et L 3141-22 (anciennement L 223-11) du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE )

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé le point de départ des intérêts de retard sur la somme de 565.769,79 € que l'URSSAF de la SAVOIE a été condamnée à rembourser à la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL du 29 avril 2009, date de la lettre de saisine de la Commission de Recours Amiable

AUX MOTIFS QUE celui qui de bonne foi a reçu une somme qui ne lui était pas due est obligé de la restituer avec les intérêts moratoires dus à compter du jour de la demande dès lors que le montant de cette somme peut être déterminée ; qu'en l'espèce, la lettre envoyée à l'URSSAF de la SAVOIE par la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL le 3 février 2009 ne contenait pas les éléments suffisants permettant de déterminer le montant de la somme réclamée ; qu'en revanche la lettre de saisine de la Commission de Recours Amiable du 29 avril 2009 qui contenait un tableau récapitulatif chiffré et précisait la somme totale réclamée permettait de chiffrer les modalités de calcul et de déterminer le montant de la somme réclamée ; qu'il convenait de réformer la décision déférée et de dire que les intérêts moratoires étaient dus à compter du 29 avril 2009, date de la demande permettant de déterminer le montant de la somme réclamée ;

ALORS D'UNE PART QUE la lettre de saisine de la Commission de Recours Amiable par la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL, du 29 avril 2009, ne comporte aucune demande chiffrée et aucun tableau récapitulatif des sommes dont le remboursement était réclamé ; qu'en énonçant, pour fixer à la date de cette lettre, le point de départ des intérêts moratoires qu'elle contenait un tableau récapitulatif chiffré, qu'elle précisait la somme totale réclamée et qu'elle permettait de chiffrer les modalités de calcul et de déterminer le montant de la somme réclamée, la Cour d'appel a méconnu le principe tiré de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'URSSAF de la SAVOIE ayant soutenu que ce n'était qu'à partir de la date à laquelle la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL aurait fourni les tableaux récapitulatifs annuels rectificatifs permettant un nouveau calcul des cotisations que les intérêts de retard pouvaient courir, la Cour d'appel qui a fixé le point de départ des intérêts à la date de saisine de la Commission de Recours Amiable sans s'expliquer sur l'absence d'établissement par la Société GEODIS BOURGEY MONTREUIL de ces tableaux, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

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