Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mai 2012, 11-14.820, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 11-14.820
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Espel
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-18.013), que M. X... a, dans le cadre de son activité de marchand de biens, fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle, le 18 décembre 2002, l'administration a remis en cause le régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts, sous lequel M. X... s'était placé, en raison d'anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852 du même code ainsi qu'en raison de l'absence de revente de certains biens qu'il s'était engagé à revendre dans le délai légal ; qu'après rejet de ses réclamations, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir le dégrèvement des droits d'enregistrement et pénalités mis en recouvrement ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 2 du code civil ;
Attendu que si la loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date ;
Attendu que, pour prononcer la décharge de l'imposition mise en recouvrement au titre de la déchéance du régime de faveur des marchands de biens pour défaut de tenue régulière du répertoire prévu par l'article 852 du code général des impôts, l'arrêt retient que, par l'effet de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 dont l'article 16 abroge ledit article 852, l'obligation sanctionnée par la déchéance a disparu et que la sanction ne peut trouver encore à s'appliquer ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date du fait générateur de l'impôt, le bénéfice des dispositions prévues par l'article 1115 du code général des impôts était subordonné à l'accomplissement des formalités exigées par l'article 852, 2° du même code, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 1181 du code civil et 1840 G ter du code général des impôts ;
Attendu que la régularité de la procédure de redressement fondée sur la déchéance du régime de faveur des marchands de biens pour absence de revente dans le délai légal suppose seulement que l'avis de vérification porte sur la période d'exigibilité des droits rappelés ;
Attendu que pour prononcer la décharge partielle de l'imposition mise en recouvrement au titre de la déchéance du régime de faveur des marchands de biens, pour absence de revente des biens dans le délai légal, l'arrêt, après avoir relevé que l'avis de vérification de la comptabilité portait notamment sur la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 au titre des déclarations en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, retient que la procédure de redressement est irrégulière pour la période antérieure au 1er juin 1998 ainsi que pour celle postérieure au 30 novembre 2001 et que l'administration est fondée à recouvrer les droits d'enregistrement au titre des seuls immeubles acquis par M. X... pendant la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 non revendus dans le délai de son engagement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les droits rappelés sont rendus exigibles à la date d'expiration du délai pour revendre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le directeur général des finances publiques.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bourges et d'avoir jugé mal fondé le redressement notifié ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE pour ce qui est de la déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du code général des impôts décidée par les services fiscaux à titre de sanction affectant la tenue du registre de marchands de biens, cette imposition est rendue caduque par l'entrée en vigueur, le 11 mars 2010, de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, dont les dispositions sont applicables aux effets à venir des situations non contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur, même lorsqu'elles font l'objet d'une instance judiciaire.
L'article 16 de cette loi abroge en effet purement et simplement les articles 290, 852 et 1829 du code général des impôts qui fondaient en droit, le redressement, en tant qu'ils instituaient l'obligation pour les marchands de biens de tenir le répertoire dont l'irrégularité motive le présent redressement, définissaient les règles de sa tenue et punissaient l'irrégularité de cette tenue, de sorte que l'obligation sanctionnée par cette déchéance a disparu, et que la sanction ne peut trouver encore à s'appliquer.
Article 2 du code civil.
- violation -
ALORS QUE conformément à l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif; que le principe de rétroactivité in mitius ne s'applique en matière fiscale qu'aux seules sanctions ayant la nature d'une peine ; que la remise en cause du régime de faveur des marchands de biens prononcée pour défaut de tenue régulière du répertoire visé à l'article 852 du C.G.I. ne constitue pas une peine ; que ces principes s'appliquent en matière fiscale et notamment aux droits de mutations de sorte que la législation applicable est celle en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt ; que s'agissant de la remise en cause du régime de faveur des marchands de biens prononcée pour défaut de tenue régulière du répertoire, le fait générateur de l'imposition est constitué par les actes d'acquisition; qu'en l'espèce, il est constant que la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, dont l'article 16 a abrogé l'article 852 du code général des impôts, est entrée en vigueur le 11 mars 2010; qu'il en résulte que seules les dispositions en vigueur à la date Du fait générateur intervenu au cours des années 1999, 2000 et 2001 étaient applicables; qu'ainsi les dispositions de l'article 852 du C.G.I. devaient être retenues car elles n'étaient pas abrogées à cette date; que dès lors, en jugeant que « cette imposition est rendue caduque par l'entrée en vigueur, le 11 mars 2010, de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, dont les dispositions sont applicables aux effets à venir des situations non contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur, même lorsqu'elles font l'objet d'une instance judiciaire », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2 du code civil.
SUR LE SECOND DE CASSATION
Le second moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bourges et d'avoir jugé mal fondé le redressement notifié ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant en quatrième lieu, de la période concernée par le redressement, l'avis de vérification de comptabilité du 14 janvier 2002 portait, ainsi qu'il vient d'être dit, sur la période du 1er juin 1998 au 31 mai 2000 du chef du contrôle de l'ensemble des déclarations fiscales opérations, et sur la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 au titre des déclarations en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.
Il ne visait pas les droits d'enregistrement, mais lorsque le contribuable est astreint, comme M. X... du fait de sa profession de marchands de biens, à tenir et présenter des documents comptables à raison de son activité professionnelle, l'administration fiscale peut, dans le cadre de la vérification de cette comptabilité, contrôler les droits d'enregistrement et taxes assimilées dus à l'occasion de l'exercice de cette activité qui apparaissent ou devraient apparaître en comptabilité, et en tirer les conséquences en matière de droits d'enregistrement.
Elle n'y est fondée, toutefois, qu'en s'en tenant à la période vérifiée, sans pouvoir étendre au-delà son contrôle.
Il en résulte que le redressement notifié à M. X... au titre des droits d'enregistrement est régulier au 1er juin 1998 au 30 novembre 2001, qui est le terme de la période de vérification de TVA dans le cadre de laquelle elle a pu consulter le registre de marchands de biens et constater tant son irrégularité que son absence de précisions relativement à l'identification des biens acquis avec engagement de revente dans les quatre ans, et qu'il est en revanche irrégulier quant aux sommes mises en recouvrement du chef des droits d'enregistrement pour la période antérieure et postérieure.
Ainsi, il y a lieu en définitive d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer la procédure de redressement irrégulière pour les redressements afférents à la période antérieure au 1er juin 1998 et postérieure au 30 novembre 2001 et régulière pour le surplus, et de dire l'administration bien fondée à percevoir le rappel des droits d'enregistrement au titre des immeubles acquis par M. X... sur la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 avec l'engagement de les revendre dans les quatre ans pour lesquels cet engagement n'a pas été tenu, et de prononcer la décharge consécutive de toute autre imposition prévue par l'avis de redressement
Article L. 47 du L.P.F.
- violation -
ALORS QUE conformément à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, sont réguliers les redressements de droits d'enregistrement opérés au titre des années mentionnées par l'avis de vérification ; que s'agissant d'un rappel prononçant la déchéance du régime de marchand de biens pour non revente des biens dans le délai légal, l'avis de vérification doit nécessairement porter sur la période d'exigibilité des droits rappelés constituée par la date d'expiration du délai pour revendre et non sur la date d'acquisition des immeubles litigieux; qu'en l'espèce, la période d'exigibilité des droits intervenue de 1998 à 2000 était bien comprise dans la période vérifiée mentionnée dans l'avis de vérification; qu'en jugeant bien fondée la déchéance notifiée par l'administration uniquement pour les immeubles acquis par M. X... au titre des années portées sur l'avis de vérification, c'est à dire du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001, la cour d'appel a violé l'article précité.