Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mars 2012, 10-27.425, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui a été engagé à compter du 14 février 2005 en qualité d'équipier de vente par la société Carrefour hypermarchés, a été licencié le 23 janvier 2009 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas disposer d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance du fait de l'intégration de la rémunération des temps de pause dans le salaire de référence ainsi que d'une prise en charge des frais d'entretien de sa tenue de travail obligatoire, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes ; que le syndicat CFDT des services de l'Hérault est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre de remboursement des frais d'entretien de la tenue de travail obligatoire, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que cependant le port obligatoire d'une tenue de travail spécifique imposée par l'employeur n'ouvre droit au remboursement des frais d'entretien de cette tenue que s'il en résulte, pour le salarié, une charge particulière par rapport au coût de l'entretien de ses vêtements personnels qu'il devrait normalement assumer s'il pouvait les porter durant le temps de travail ; qu'en l'espèce, la société Carrefour avait insisté sur le fait que s'il n'avait pas à porter la tenue de travail fournie par l'employeur M. X... aurait dû assumer la charge équivalente de l'entretien de ses propres vêtements ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle en était requise, si l'entretien de la tenue de travail fournie par l'employeur entraînait pour le salarié des frais plus importants que ceux qu'il aurait dû engager s'il avait porté ses vêtements personnels durant le temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1135 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le port d'une tenue de travail était obligatoire pour les salariés et qu'il était inhérent à leur emploi, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que leur entretien devait être pris en charge par l'employeur, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le pourvoi principal du salarié et du syndicat :

Vu les articles L. 3121-1, L. 3121-2, D. 3231-5 et D. 3231-6 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande à titre de rappel de salaire, l'arrêt retient que si la prime de pause n'est pas la contrepartie du travail, dès lors que le salarié n'étant pas à la disposition de l'employeur pendant les pauses, celles-ci ne constituaient pas du travail effectif; que par contre, dès lors que cette prime est calculée en fonction de la durée du travail effectif accompli par le salarié, sa détermination dépend de facteurs particuliers sur lesquels le salarié influe et doit donc être intégrée dans la rémunération à prendre en compte pour vérifier le respect du SMIC ;

Attendu cependant que dès lors qu'il n'est pas contesté que pendant les pauses, les salariés n'étaient pas à la disposition de l'employeur de sorte que celles-ci ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant, qui ne sont pas la contrepartie du travail, sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation du chef de l'arrêt relatif aux demandes afférentes aux rappels de salaires entraîne par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de l'arrêt concernant les demandes du syndicat à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande à titre de rappel de salaires et le syndicat CFDT des services de l'Hérault de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 6 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Carrefour hypermarchés à payer à M. X... et au syndicat CFDT des services de l'Hérault la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X... et le syndicat CFDT des services de l'Hérault, demandeurs au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de rappel de salaire pour non paiement d'un salaire égal au salaire minimum de croissance et des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE l'accord d'entreprise CARREFOUR en date du 31 mai 1999 énonce en son titre 18, article 2, « les temps de pause s'inscrivant dans le temps de présence, au-delà du temps de travail effectif, sont rémunérés forfaitairement sur la base de 5% de la rémunération des heures travaillées » ; qu'il s'ensuit que, quels que soient les temps de pause dont peut bénéficier légalement et conventionnellement le salarié, celui-ci perçoit une prime qui est calculée proportionnellement au nombre d'heures qu'il a effectivement travaillées ; que les bulletins de paie de M. X..., produits aux débats, confirment ce mode de calcul ; que certes, cette prime n'est pas la contrepartie du travail, dès lors que le salarié n'étant pas à la disposition de l'employeur pendant les pauses, celles-ci ne constituaient pas du travail effectif ; que par contre, dès lors que cette prime est calculée en fonction de la durée du travail effectif accompli par le salarié, sa détermination dépend de facteurs particuliers sur lesquels le salarié influe et doit donc être intégré dans la rémunération à prendre en compte pour vérifier le respect du SMIC ; qu'or, il n'est pas contesté en l'espèce que, pour la période visée par le salarié (de septembre 2005 à août 2008) le SMIC se trouve effectivement respecté, après intégration de ladite prime conventionnelle rémunérant les temps de pause dans la rémunération à prendre en compte pour en vérifier le respect, de sorte qu'il convient de débouter M. X... de sa demande de rappel de salaires et des indemnités de congés payés y afférentes ;

ALORS QU'aux termes de l'article D. 3231-6 du Code du travail, le salaire horaire devant être comparé au salaire minimum de croissance est celui qui correspond à une heure de travail effectif, sans égard pour les modalités de calcul des éléments de rémunération ; que dès lors qu'il était constant que durant les pauses, l'exposant n'était pas à la disposition de l'employeur et que les pauses ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant devaient être exclues du salaire devant être comparé au SMIC, quelles que soient leurs modalités de calcul ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article D. 3231-6 et l'article 5.4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

ALORS de surcroît QU' il est constant que la prime rémunérant les temps de pause était déterminée selon un taux fixé pour l'ensemble de la profession, qu'il ne dépendait en rien de la nature ou de la qualité de la prestation de travail fournie par le salarié et que celui-ci ne déterminait pas sa durée de travail, la détermination de la prime dépendait de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influaient pas ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat CFDT DES SERVICES de l'HÉRAULT de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la législation sur le SMIC ;

AUX MOTIFS QUE si la violation du principe fondamental que constitue le salaire minimum de croissance rend recevable l'action du syndicat à raison du préjudice ainsi porté à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, au fond, le syndicat CFDT doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts, dès lors qu'il a été démontré qu'en l'espèce, l'employeur avait respecté le SMIC ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étendra au chef du dispositif relatif aux dommages et intérêts pour non respect de la législation sur le SMIC, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Carrefour hypermarchés, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société CARREFOUR à payer à Monsieur X... la somme de 500 € à titre de remboursement des frais d'entretien de la tenue de travail obligatoire ;

AUX MOTIFS QU'«Il n'est pas contesté en l'espèce que M. X... comme les autres salariés de la société CARREFOUR se voyait imposer le port obligatoire d'une tenue de travail spécifique en rapport avec l'emploi exercé et l'obligation de la tenir propre. Or, il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du Code civil et L1221-1 du Code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être supportés par ce dernier. Il s'ensuit que l'employeur est tenu d'assurer la charge de l'entretien des tenues de travail dont il rendait le port obligatoire et qui était inhérent à l'emploi. Dans ces conditions, eu égard aux frais de blanchisserie et de pressing que le salarié a dû exposer pour assurer la propreté de sa tenue de travail durant les 45 semaines de travail qu'il accomplissait par année, il convient de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 500 € pour une période de 2 ans. »

ALORS QU' Il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du Code civil et L.1221-1 du Code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que cependant le port obligatoire d'une tenue de travail spécifique imposée par l'employeur n'ouvre droit au remboursement des frais d'entretien de cette tenue que s'il en résulte, pour le salarié, une charge particulière par rapport au coût de l'entretien de ses vêtements personnels qu'il devrait normalement assumer s'il pouvait les porter durant le temps de travail ; qu'en l'espèce, la société CARREFOUR avait insisté sur le fait que s'il n'avait pas à porter la tenue de travail fournie par l'employeur Monsieur X... aurait dû assumer la charge équivalente de l'entretien de ses propres vêtements ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle en était requise, si l'entretien de la tenue de travail fournie par l'employeur entraînait pour le salarié des frais plus importants que ceux qu'il aurait dû engager s'il avait porté ses vêtements personnels durant le temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1135 du Code civil.

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