Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 mars 2012, 10-27.340, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1315 du code civil et L. 221-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a présenté à l'encaissement un chèque tiré à son ordre par la société en nom collectif C...- D...- E... et F... (la société) sur la Banque de Tahiti ; que ce chèque, ayant été rejeté pour provision insuffisante, a été l'objet d'un certificat de non-paiement ultérieurement rendu exécutoire ; qu'après avoir vainement engagé une procédure de recouvrement à l'encontre de la société, M. X... a fait délivrer un commandement de payer à MM. A..., B..., C..., D... et E... (les associés) ; que M. A... a demandé que le commandement de payer soit annulé ; que les autres associés sont intervenus à l'instance ;

Attendu que pour condamner les associés au paiement d'une certaine somme, l'arrêt relève qu'après avoir, en vertu d'un titre exécutoire, engagé en vain une procédure de recouvrement à l'encontre de la société, M. X... a exercé son recours contre les associés, tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales ; qu'il retient que, l'obligation des associés au paiement des dettes sociales ne revêtant qu'un caractère subsidiaire, et le recours cambiaire exercé contre la société n'ayant pas été contesté, les observations des associés relatives à l'inexistence de la créance fondamentale ne peuvent être prises en compte ; qu'il retient encore que ces observations ne sont au surplus pas fondées dès lors que si certains d'entre eux indiquent que le chèque litigieux avait été émis en garantie d'un achat de perles, ils ne démontrent nullement que les perles aient été restituées ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les associés d'une société en nom collectif ne sont pas les coobligés de cette dernière, de sorte qu'il incombait au porteur du chèque de rapporter la preuve de la dette sociale dont il leur réclamait le paiement, une telle preuve ne pouvant résulter du seul titre exécutoire obtenu contre la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à MM. A..., B..., C..., D... et E... la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du vingt mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour MM. A..., D... et E... et les consorts C...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement Messieurs A..., B..., D... et E... à payer à Monsieur X... la somme principale de 15. 000. 000 francs CFP augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2004,

AUX MOTIFS QU'Etienne X..., bénéficiaire d'un chèque de 15. 000. 000 francs CFP tiré le 5 janvier 1995 par la SNC C...- D...- E... sur la Banque de Tahiti a présenté au paiement le 6 janvier 1995 ce chèque qui n'a pas été payé en raison d'une insuffisance de provision ; qu'il a fait établir le 14 mai 2003 un certificat de non-paiement, rendu exécutoire le 21 juillet 2003 ; qu'en vertu de ce titre exécutoire, il a tenté de faire procéder à des saisies-attributions sur les compte bancaires de la SNC C...- D...- E..., saisies qui se sont révélées totalement infructueuses ; qu'il a ainsi exercé en vain son recours cambiaire contre la SNC qui avait émis le chèque, aucune prescription ne lui étant opposée ; qu'il a donc exercé un recours contre les associés de la société en nom collectif qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales et auxquels il a fait délivrer commandement de payer en juillet 2004 ; que le recours contre les associés n'étant qu'un recours subsidiaire alors que le recours cambiaire exercé contre le société n'a pas été contesté, les observations des associés relatives à l'inexistence de la créance fondamentale d'Etienne X... ne peuvent être prises en compte ; qu'au surplus ces observations ne sont pas fondées car si certains associés indiquent que le chèque litigieux avait été émis en garantie d'un achat de perles, il ne démontrent nullement, autrement que par leurs seules allégations, que les perles aient été restituées ; qu'il convient donc de condamner les associés au paiement de la somme de 15. 000. 000 FCFP majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré au premier des débiteurs solidaires, c'est-à-dire à compter du 12 juillet 2004, étant observé qu'aucun des intimés ne conteste sa qualité d'associé ou n'invoque le défaut de déclaration de créance à la liquidation judiciaire de la société ;

1°) ALORS QUE l'associé d'une société en nom collectif n'est tenu que des seules dettes à caractère social ; qu'il peut donc, comme la société, contester la créance en son principe ou son existence ; qu'en retenant que les observations de Messieurs A..., B..., C..., D... et E..., relatives à l'inexistence de la créance de Monsieur X... que ce dernier prétendait détenir à l'égard de la SNC C...-D...- E... ne pouvaient être prises en compte, cependant que ceux-ci pouvaient légitimement contester, en leur qualité d'associés en nom, cette dette sociale en son principe, la cour d'appel a violé l'article L. 211-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE si le débiteur qui se prétend libéré doit justifier de son paiement, il appartient d'abord à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ; qu'en retenant que les prétentions de Messieurs A..., B..., C..., D... et E..., associés de la SNC C...- D...- E..., étaient non fondées parce qu'ils n'auraient pas démontré avoir restitué les perles sans avoir, au préalable, constaté que Monsieur X... était bien le propriétaire de ces perles et le créancier de la SNC C...- D...- E..., ce que contestaient précisément les associés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil ;

3°) ALORS QUE l'extinction de la créance emporte disparition de l'obligation des associés en nom qui ne sont tenus que du passif social ; qu'en condamnant les associés de la SNC C...- D...- E... tout en constatant que la créance n'avait pas été déclarée à la liquidation judiciaire de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 624-1, L. 621-43 et L. 621-46 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 25 janvier 1985.

Retourner en haut de la page