Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 mars 2012, 10-10.006, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 815-2 du code civil, ensemble l'article 400 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, tout indivisaire peut déclarer une créance de l'indivision à la procédure collective du débiteur de l'indivision ; qu'il résulte du second, que lorsque plusieurs parties forment ensemble un appel principal, le désistement d'une partie laisse subsister l'appel principal formé par les autres ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. Jacques X... a, au nom de l'indivision successorale existant avec sa mère, Mme Renée X..., et son frère, M. Pierre X..., déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société CEA, en complément de celle déclarée par l'administrateur judiciaire de cette indivision qui avait été nommé en application de l'article 815-6 du code civil ; que le juge-commissaire a rejeté cette créance au motif que M. Jacques X... n'avait pas qualité pour la déclarer ; qu'appel a été formé par chacun des trois indivisaires et par Mme Y..., ès qualités d'administrateur de l'indivision ; que l'administrateur ainsi que Mme X... et M. Pierre X... se sont désistés de leur appel ;

Attendu que, pour décider que M. Jacques X... n'a plus qualité à poursuivre seul l'instance d'appel au nom de l'indivision, l'arrêt énonce, d'abord, que celui-ci soutient à juste titre qu'il résulte des articles 815 et suivants du code civil que tout indivisaire peut déclarer une créance de l'indivision à la procédure collective du débiteur de l'indivision, puis, qu'en l'état des désistements intervenus, il apparaît qu'il n'a pas la possibilité de poursuivre, seul, devant la cour, l'appel interjeté initialement par l'ensemble des coïndivisaires et l'administrateur judiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la SELAFA MJA, prise en la personne de M. Z..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la SELAFA MJA, prise en la personne de M. Z..., ès qualités, à payer à la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat de Mme A... veuve X..., la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que, par suite des désistements d'appel de Maître Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de l'indivision X..., de Monsieur Pierre X... et de Madame Renée A..., veuve X..., Monsieur Jacques X... n'avait plus qualité à poursuivre seul l'instance d'appel au nom de l'indivision ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur André X... est décédé le 2 janvier 1974, laissant pour lui succéder son épouse survivante, Madame Renée X... et ses deux fils, Pierre et Jacques ; que la veuve de Monsieur X... a géré l'indivision successorale jusqu'au 4 avril 1984, date à laquelle il a été convenu, par acte notarié, que l'immeuble situé à Aubervilliers resterait en indivision et que la gérance de l'indivision serait effectués par trois indivisaires ; que par ordonnance rendue le 10 juin 1996, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par Madame Veuve X..., constatant que la divergence de vue des trois co-indivisaires sur la gestion de l'indivision justifiait l'intervention d'un administrateur judiciaire, a désigné Maître Odile B..., en cette qualité ; que la mission de l'administrateur a été précisée et étendue par ordonnance en date du 7/ 10/ 1996 ; que le 1er septembre 2005, Maître Michèle Y... a été désignée en remplacement de Maître B... ;

Que par acte sous seing privé en date du 10 avril 1984, les consorts X... ont donné à bail à la société Fatra, aux droits de laquelle est venue la société CEA, à la suite d'une cession de fonds de commerce, divers locaux dépendant de l'immeuble sis ...; qu'un contentieux important est né entre l'indivision X... et la société CEA ; que le 25 septembre 1992, l'indivision a délivré congé à la société CEA en invoquant la cession irrégulière du droit au bail ; que la société CEA a assigné les bailleurs en paiement d'une indemnité d'éviction ; que les bailleurs ont reconventionnellement demandé la résiliation du bail ; que la société CEA, dont le droit à une indemnité d'éviction a été reconnu, a été condamnée à verser diverses sommes aux bailleurs au titre de différents travaux tandis que les bailleurs étaient également condamnés à exécuter d'autres travaux sous astreinte ; que la société CEA a été placée en liquidation judiciaire le 4 décembre 2001 par jugement du tribunal de commerce de Paris qui a, en outre désigné la Selafa MJA, en la personne de Maître Z..., en qualité de liquidateur ;

Que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 15 janvier 2002, l'indivision X..., représentée par Maître B..., propriétaire de l'immeuble loué à la société CEA, a déclaré une créance de 219. 207, 31 € au passif de la liquidation judiciaire de la dite société ; que le 25 février 2002, Monsieur Jacques X... a, au nom de l'indivision, « en complément de la lettre du 15 janvier 2002 qui ne mentionnait que les loyers restés impayés au 1er janvier 2002, déclaré une créance globale de 1. 818. 280, 27 € », en invoquant en outre le caractère privilégié de sa créance découlant du privilège du bailleur et a demandé à Maître Z..., de lui régler sans délais « les loyers rester » (sic) depuis l'ouverture de la procédure et de lui fournir la justification que les garanties prévues dans les conditions du bail (étaient) bien maintenues » ; que le 9 juillet 2002, Maître Z... a contesté cette dernière créance dans son intégralité en relevant que Monsieur X... ne pouvait se prévaloir d'aucun pouvoir de représentation de l'indivision qui était régulièrement représentée par la SCP B... qui, elle, avait procédé à une déclaration de créance régulière ; que par lettre du 14 août 2002, Monsieur X... a maintenu sa déclaration en excipant de sa qualité de propriétaire indivis et des dispositions des articles 724 et 815-2 du code civil, précisant qu'une convention d'indivision avait été conclue le 4 avril 1984 et rectifiée le 10 avril 1984 qui prévoyait que la gérance de l'indivision était effectuée par les trois indivisaires et que Maître B..., nommée en application de l'article 815-6 du code civil, ne saurait détenir le pouvoir de priver les indivisaires de leurs droits ; que c'est dans ces circonstances que le juge commissaire a été saisi et qu'il a rendu l'ordonnance déférée ;

Que si Monsieur Jacques X... soutient à juste titre qu'il résulte des articles 815 et suivants du code civil que tout indivisaire peut déclarer une créance de l'indivision à une procédure collective du débiteur de l'indivision, il apparaît qu'il n'a pas la possibilité de poursuivre, seul devant la cour, en l'état des désistements intervenus, l'appel interjeté initialement par l'ensemble des co-indivisaires et l'administrateur judiciaire ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la créance déclarée de Monsieur Jacques X... pour la somme de 1. 878. 280, 27 € à titre privilégié a été contestée pour les motifs suivants :- de ce qu'il ne justifie pas représenter ses co-indivisaires, Madame Renée A... et Monsieur Pierre X...,- que ces derniers sont déjà représentés par Maître B..., administrateur judiciaire à l'indivision des consorts X... ; que Monsieur Jacques X... indique pour sa part que les dispositions de l'article 815-2 du code civil lui donnaient la possibilité de prendre « les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis » et par conséquent, la possibilité de procéder à cette déclaration de créance ; qu'il ressort des débats que, par ordonnance de Monsieur le président du Tribunal de grande instance de Nanterre du 10 juin 1996, Maître B... a été désigné en qualité d'administrateur de l'indivision X... ; qu'à ce titre, elle a procédé à une déclaration de créance qui a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la société CEA ; que Monsieur Jacques X... ne peut donc en rien justifier avoir qualité pour procéder à une déclaration de créance, seul Maître B... ayant cette qualité ; qu'en date du 9 mars 2007, aucune écriture en délibéré n'a été adressée au juge-commissaire comme il en avait été laissé la possibilité ; en conséquence, ordonnons que la dite créance sera rejetée en totalité, soit pour la somme de 1. 878. 280, 27 € ;

ALORS, D'UNE PART, QUE tout indivisaire peut déclarer une créance de l'indivision à la procédure collective du débiteur de l'indivision ; que la cour d'appel qui a expressément reconnu que Monsieur Jacques X... soutenait à juste titre qu'il pouvait déclarer à la procédure collective une créance de l'indivision ne pouvait retenir qu'il n'avait pas qualité pour poursuivre seul devant la cour, en l'état des désistements de Madame Renée A..., veuve X..., de Monsieur Pierre X... et de Maître Y..., ès qualités, l'appel interjeté initialement par l'ensemble des co-indivisaires et l'administrateur judiciaire ; qu'en omettant ainsi de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, la cour d'appel a violé les articles 815 et suivants du code civil, ensemble l'article L. 621-43 du code de commerce, devenu l'article L. 622-24 du code de commerce ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'un indivisaire peut agir en justice sans le concours de l'ensemble des co-indivisaires pour prendre les mesures nécessaires à la conservation du bien indivis ; que la déclaration de créance, élément d'actif de l'indivision, entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul ; qu'en jugeant que par la suite des désistements d'appel de Maître Y..., ès qualités, de Monsieur Pierre X... et de Madame Renée A..., Veuve X..., Monsieur Jacques X... n'avait plus qualité à poursuivre seul l'instance au nom de l'indivision, la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE l'action exercée valablement par les indivisaires ne peut être abandonnée qu'avec l'accord de tous ; qu'en retenant que Monsieur Jacques X... ne pouvait poursuivre, seul, l'instance d'appel dès lors que Maître Y..., ès qualités, Monsieur Pierre X... et Madame Renée A..., Veuve X..., s'en étaient désistés, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-3 du Code civil.

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