Cour d'appel d'Angers, 21 février 2012, 09/01482

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT DU 21 Février 2012

ARRÊT N
AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01482.

Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, en date du 09 Juin 2009, enregistrée sous le no 08. 045

APPELANT :

Monsieur Ali Dumus X...
...
49000 ANGERS

représenté par Maître Christophe AUBERT, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEES :

SOCIETE EIFFAGE CONSTRUCTION MAINE ET LOIRE
Les Maisons Neuves
49070 BEAUCOUZE

représentée par Maître CAPORICCIO, substituant Maître Laure LEVY (SCP), avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE (C. P. A. M.)
32 Rue Louis Gain
BP 10
49937 ANGERS CEDEX 01

représentée par Maître Catherine GOYAT, munie d'un pouvoir

A LA CAUSE :

M. N. C. MISSION NATIONALE DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
CS 94323
35043 RENNES CEDEX

avisée, absente, sans observations écrites

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :
prononcé le 21 Février 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Ali X... alors âgé de 47 ans, a été victime le 25 octobre 2005 d'un accident du travail sur le chantier de construction de la minoterie des moulins de l'Evre à Andreze sur lequel il intervenait comme ouvrier coffreur employé par la société Eiffage Construction Maine et Loire.

Chutant d'un silo sur une hauteur d'environ 16 mètres, Monsieur Ali X... a subi un grave traumatisme crânien avec fracture temporale, fracture du rocher et hémorragie méningée, des fractures des deux fémurs et du plateau tibial, blessures qui ont nécessité le jour même une amputation de la jambe droite, suivie le 2 novembre 2011 d'une désarticulation de la hanche, et ont provoqué un coma profond pendant deux mois.

La consolidation a été fixée au 24 septembre 2007, date à compter de laquelle la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a attribué à M. X... une rente majorée à 100 %, et a fixé son I. P. P. à 100 %, en accord avec les parties qui, par procès-verbal de conciliation du 11 septembre 2007, ont admis la faute inexcusable de l'employeur et se sont entendues également pour l'organisation d'une expertise, qui a été ordonnée par ordonnance de référé du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers du 25 mars 2008.

Les docteurs Y... et Z..., experts désignés, ont déposé leur rapport le 7 novembre 2008 en retenant un préjudice douloureux de 5/ 7, un préjudice esthétique de 5/ 7 et une incapacité totale et définitive pour toute activité professionnelle.

Ils ont également constaté un état déficitaire majeur sans communication possible avec l'entourage habituel non familial et l'équipe soignante, et un état de totale dépendance.

Par jugement du 9 juin 2009, le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers a :

- fixé à la somme de 110 000 €, toutes causes confondues et la perte de chance professionnelle étant dite non caractérisée, l'indemnisation du préjudice personnel de M. X..., la provision de 5 000 € devant être déduite de ce montant,

- déclaré la décision commune à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers,

- renvoyé M. X... devant la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers pour la liquidation de ses droits,

- invité la société EIFFAGE CONSTRUCTION à communiquer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers les coordonnées de sa compagnie d'assurance concernant la police d'assurance relative à la faute inexcusable,

- condamné la société EIFFAGE CONSTRUCTION à payer à M. X... la somme de1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La décision a été notifiée le 12 juin 2009 à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, à la société Eiffage Construction Maine et Loire, et à M. X... qui en a fait appel, par l'intermédiaire de son avocat, par déclaration au greffe de la cour, enregistrée le 1er juillet 2009.

Par arrêt du 1er février 2011 la cour a :

- ordonné une expertise complémentaire à l'expertise ordonnée le 25 mars 2008 par le Président du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers sur les préjudices de caractère personnel de M. X..., et désigné à cette fin MM. les docteurs Y... et Z...,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers avancera, en application des dispositions de l'article L144-5 du code de la sécurité sociale, les frais de l'expertise,

- accordé à M. X... une provision de 70 000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels, tels que prévus à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale,

- rappelé que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers pourra récupérer les sommes avancées à M. X... auprès de la société Eiffage Construction Maine et Loire,

- condamné la société Eiffage Construction Maine et Loire à payer à M. X... la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt a été notifié le 3 février 2011 à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, à M. X..., à la société Eiffage Construction Maine et Loire et à la DRASS des Pays de la Loire, sans qu'il soit formé pourvoi en cassation.

Les médecins experts ont rendu leur rapport le 29 juin 2011et les parties ont été convoquées à l'audience du 14 novembre 2011.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES

M. X... demande à la cour, par observations orales faites à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 28 octobre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers et statuant à nouveau de :

- avant dire droit ordonner une expertise architecturale afin d'évaluer le coût des aménagements spécifiques de rénovation et d'autonomie à mettre en oeuvre dans le logement qu'il occupe,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour, pour réaliser l'expertise architecturale à son domicile avec la mission d'usage,

- lui allouer la somme de 80 000 € à valoir à titre d'indemnité provisionnelle dans l'attente de la liquidation du préjudice au titre de l'aménagement du logement,

- dire et constater que les préjudices hors aménagement du logement sont parfaitement évalués à ce jour,

- en conséquence, de fixer les préjudices hors aménagement du logement dans les conditions suivantes :

A-au titre de l'article L452- 3du code de la sécurité sociale :- souffrances physiques et morales : 60 000 €
- préjudice esthétique : 60 000 €
- préjudices d'agrément : 150 000 €
- perte ou diminution de promotion professionnelle : 60 000 €
Soit la somme totale de 330 000 €,

B-au titre des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :
- frais divers à charge avant et après consolidation : 62 232, 64 €
- aide tierce personne jusqu'à la consolidation : 13 700 €
- frais d'aménagement du véhicule : sans objet
-frais d'aménagement du logement : mémoire
-préjudices permanents exceptionnels : 50 000 €
Soit la somme totale, sauf mémoire, de 125 932, 64 €

Soit la somme totale, tous préjudices confondus, sauf mémoire, sous déduction des provisions versées (110 000 €) de : 345 932, 64 €,

Constatant que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers n'a pas procédé au règlement de la somme de 70 000 € allouée à titre de provision par arrêt du 1er février 2011,

Condamner in solidum la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers et la société Eiffage Construction Maine et Loire à lui verser, au titre de ses préjudices hors aménagement du logement, la somme de 345 932, 64 € outre une provision de 80 000 € à valoir sur le préjudice au titre de l'aménagement du logement,

Fixer une astreinte de 300 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider cette astreinte,

Dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

Condamner in solidum la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers et la société Eiffage Construction Maine et Loire à verser à M. X... la somme de 10 650 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamner la société Eiffage Construction Maine et Loire aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire,

Confirmer le jugement en ce qui concerne les frais de procédure initialement engagés,

Monsieur Ali X... expose qu'outre des douleurs physiques très importantes lors des soins, il reste très perturbé sur le plan comportemental, avec des accès d'agressivité, de dépression, et ne peut plus avoir de relations ni même de simple communication avec son entourage du fait de la perte de parole et de ses troubles de l'humeur ; qu'il se déplace en fauteuil roulant l'appareillage de sa jambe s'étant avéré impossible, souffre d'incontinence, et est entièrement dépendant d'une tierce personne ; qu'à sa sortie, le 10 mai 2007, du service de rééducation des capucins, il a été pris en charge en hospitalisation de jour au CESAME de Sainte-Gemmes-sur-Loire qui est un centre d'accueil spécialisé, tous les jours de 10h30 à 19h y compris le dimanche ; qu'il séjourne également tous les ans du 10 juillet au 13 août dans une maison d'accueil spécialisée le " Pastel de Loire " ;

M. X... rappelle que dans son arrêt du 1er février 2011la présente cour a fait droit au principe d'une réparation intégrale de son préjudice et, notamment, des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et que dans son arrêt de principe du 30 juin 2011, en application de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, la Cour de Cassation a jugé que : " en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé (article L452-3 du code de la sécurité sociale) mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale " ; que le principe d'une réparation intégrale des préjudices des victimes d'accident du travail est donc parfaitement établi à ce jour ; que la cour en conséquence, ajoutant au jugement déféré, fixera l'indemnisation des préjudices de M. X... non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, en l'occurrence, selon les termes de son arrêt du 1er février 2011, les " frais divers, les frais d'aménagement d'un véhicule et/ ou d'un logement l'assistance d'une tierce personne avant la fixation de la date de consolidation et les préjudices permanents exceptionnels " ;

Sur les chefs de préjudice de l'article L452- 3du code de la sécurité sociale :

Monsieur Ali X... soutient que les experts judiciaires et le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers ont sous-évalué ses préjudices en fixant le pretium doloris à 5/ 7, le pretium esthétique à 5/ 7 et rappelle que le docteur A... missionné dans le cadre d'une expertise privée a fixé son pretium doloris à 6, 5/ 7 et son préjudice esthétique à 6/ 7.

¤ Sur les souffrances physiques et morales :

M. X... soutient qu'il démontre par les attestations rédigées par ses proches qu'outre des douleurs physiques très importantes, restituées par les experts médicaux, il reste profondément choqué moralement par la diminution totale de ses capacités physiques directement liée à la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, supporte mal les hospitalisations, reste triste avec des idées suicidaires, a perdu tout contact avec le monde extérieur, et se montre souvient violent avec ses proches, sans pouvoir se contrôler ; qu'il est justifié de lui allouer la somme de 60 000 € et non celle de 45000 € ;

¤ Sur le préjudice esthétique :

M. X... soutient que si les experts judiciaires ont pris en compte à l'appui de leur évaluation l'amputation très haute de la cuisse droite, l'importance des cicatrices et la présentation en fauteuil roulant il faut considérer aussi, comme le fait le docteur A..., l'hyper salivation, les rigidités faciales, le port d'une garniture contre l'incontinence, ce qui justifie l'allocation d'une somme de 60 000 € et non de 25 000 € comme l'a décidé le premier juge ;

¤ Sur le préjudice d'agrément :

M. X... rappelle que le préjudice d'agrément comprend non seulement la perte des activités sportives et ludiques, mais aussi le préjudice sexuel et les troubles dans les conditions d'existence ; qu'il englobe aussi, comme la cour l'a indiqué dans son arrêt du 1er février 2011, le " déficit fonctionnel temporaire " dès lors que ce dernier a été défini comme empêchant la victime de poursuivre ses activités personnelles habituelles " ; qu'il pratiquait la natation avec ses enfants, et de nombreuses activités de loisirs, qu'il a perdues mais aussi la possibilité de toute vie sociale et amicale ; que son préjudice sexuel est total puisqu'il a perdu toute possibilité d'avoir des relations sexuelles avec sa femme mais aussi toute libido ; qu'il a perdu toute autonomie et doit être assisté pour tous les actes de la vie courante ; qu'il est justifié de lui allouer au titre des préjudices d'agrément les sommes de 3X50 000 € soit 150 000 et non 40 000 € ;

¤ Sur la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle :

M. X... rappelle que le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers l'a débouté de sa demande à ce titre alors d'une part que les experts judiciaires ont retenu une " incapacité totale et définitive pour toute activité professionnelle " et qu'il a été reconnu par la médecine du travail " inapte à tout poste dans l'entreprise et à l'extérieur " et d'autre part qu'ayant été embauché en 1986 en qualité de coffreur, il avait atteint progressivement la qualification de coffreur niveau III, envisageait d'occuper un emploi de grutier et avait acquis une autorisation de conduite d'engins ou d'utilisation de matériel ; qu'il doit lui être alloué à ce titre la somme de 60 000 € ;

Sur les préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :

Monsieur Ali X... soutient d'autre part qu'il est justifié, en application de la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel, à demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que le Conseil Constitutionnel a validé la compétence exclusive des juridictions des affaires de sécurité sociale pour connaître, hors le cas de la faute intentionnelle de l'employeur, des actions en

réparation résultant des accidents du travail ; que les postes de préjudice ci-dessous énumérés entrent dans la catégorie des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, qui donnent désormais droit à indemnisation au profit des victimes d'accident du travail ;

M. X... établit ainsi ses préjudices :

¤ Frais divers à charge avant et après consolidation : 62 232, 64 € ;

M. X... expose qu'il séjourne depuis novembre 2009 au centre " Pastel de Loire " 34 jours par an et que restent à sa charge 18 € par jour soit 612 € par an ; qu'il peut prétendre au titre des frais divers futurs, à compter de la date de consolidation compte tenu de son âge (49ans) au moment de la consolidation, à un PER viager selon le barème actualisé de 18, 756, soit à la somme de : 612X18, 756 = 11 478, 67 € ;

Il établit les frais des divers matériels, et frais d'hygiène avant et après consolidation à la somme de 50 232, 67 €, comprenant les coûts suivants :

- table de lit : 69 €
- appareil massage : 49, 90 €
- pyjama : 86, 39 €
- fauteuil repos : 590 €
- coussin chauffant : 39, 86 €
- frais de couches : 34 435, 80 €, qu'il a calculés d'une part en considération de l'expertise qui relève que les frais de couche (150 € par mois) n'ont pas été pris en compte avant la consolidation, soit 4, 5moisX150 = 675 € et, à compter de la consolidation et conformément aux barèmes de capitalisation, à la somme de 150X 12X18, 756 = 33 760, 80 € ;
- frais quotidiens d'hygiène : 14 961, 20 € soit avant consolidation 4, 5 mois X65, 17 € de frais de gants et au titre des frais futurs 65, 17 € X12X18, 756 = 14 961, 20 €
- frais de stomatologie et orthodontie à charge : 521, 82 €

¤ Aide tierce personne jusqu'à consolidation :

M. X... rappelle que les experts ont retenu comme médicalement justifiée une aide temporaire humaine ou matérielle jusqu'au 24 septembre 2007 " pour faire effectuer des déplacements en fauteuil roulant de son domicile au centre CESAME les soins d'hygiène étant pris en charge par une infirmière le matin " ; qu'il est cependant chez lui pris en charge par sa famille, de 19h à 10h30 le matin, ce qui justifie l'assistance d'une personne deux heures le matin pour le lever, le petit déjeuner, et les soins d'hygiène et trois heures le soir pour le coucher la toilette et le repas ; soit avec un taux horaire de 20 €, la somme de 20X5heures X137jours = 13 700 € ;

¤ Frais d'aménagement du logement :

M. X... sollicite l'organisation d'une expertise architecturale, les experts ayant considéré un aménagement de son habitat comme justifié ;

Préjudices permanents exceptionnels :
M. X... rappelle que la cour dans son arrêt du 1er février 2011 l'a défini comme " un préjudice atypique directement lié aux séquelles de l'accident dont il reste atteint " et soutient que, musulman pratiquant, il se rendait régulièrement à la mosquée pour les offices religieux mais ne peut plus exercer les actes rituels puisqu'il ne peut plus se mettre à genoux ;

Sur la solidarité et l'astreinte :

M. X... reproche à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers de ne pas lui avoir versé la provision de 70 000 € au motif que cette somme se compenserait avec la somme de 110 000 € qu'elle lui a versée en exécution du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers ; il demande sa condamnation au paiement d'une astreinte de 300 € par jour de retard et la condamnation in solidum de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers et de la société Eiffage Construction Maine et Loire à lui payer les sommes qui lui seront allouées par la cour au titre de l'indemnisation de ses préjudices, couverts et non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, ainsi qu'au titre de la provision de 80 000 € et de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société Eiffage Construction Maine et Loire demande à la cour, par observations orales faites à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 14 novembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juin 2009 par le Tribunal des Affaires sociales d'Angers, de réduire les demandes d'indemnisation de M. X... au titre des frais divers de matériel et d'hygiène et des frais d'assistance d'une tierce personne jusqu'à consolidation de débouter M. X... de sa demande au titre du préjudice permanent exceptionnel, de prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte quant à la désignation d'un expert architecte de débouter M. X... de sa demande de provision de 80 000 €.

Elle soutient :

- que les évaluations des préjudices couverts par le code de la sécurité sociale faites par le premier juge sont conformes à la jurisprudence et fondées sur celles des experts judiciaires alors que M. X... invoque les conclusions d'un expert médical privé qui de plus ne relève aucune aggravation des séquelles de M. X... depuis l'expertise judiciaire et fait les mêmes constatations que les experts judiciaires, mais retient une évaluation supérieure à la leur ;

- que Monsieur Ali X... ne caractérise pas une perte de chance de promotion professionnelle alors qu'il était âgé de 47 ans, avait près de 25 ans d'ancienneté, et avait toujours occupé le même poste de coffreur ;

- qu'en ce qui concerne les préjudices non couverts par le code de la sécurité sociale les experts judiciaires n'ont pas retenu les frais de présence au Pastel de Loire, ni les frais de stomatologie et orthodontie que ceux ci n'ont prévu pour les soins d'hygiène que les alèses et le savon, mais non les gants ; qu'en ce qui concerne l'assistance d'une tierce personne jusqu'à la consolidation l'expert n'a pas pris en compte les soins d'hygiène qui sont assurés par une infirmière ; que cinq heures journalières est une durée excessive que le taux horaire est généralement fixé à 14 € ; que l'impossibilité de pratiquer une religion entre dans le préjudice d'agrément ;

La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers demande à la cour, par observations orales faites à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 14 novembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant au bien fondé des demandes de l'appelant concernant l'indemnisation de ses préjudices, de rappeler que l'employeur doit lui reverser les sommes qu'elle sera appelée à verser à la victime, et doit lui communiquer les coordonnées de sa compagnie d'assurance, de rappeler également qu'en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale l'employeur devra verser directement à l'appelant les sommes fixées par la cour, de rappeler que la société Eiffage Construction Maine et Loire est tenue de lui rembourser les frais d'expertise et de rejeter les demandes de l'appelant visant à condamner la Caisse primaire à lui payer les frais exposés au titre de l'article 700 du code de procédure civile et une astreinte ;

La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers soutient que la décision du Conseil Constitutionnel ne remet pas en cause le dispositif instauré pour la récupération des sommes indemnisant les préjudices visés à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale ; que la réserve constitutionnelle n'a pas vocation, quant aux préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, à instituer un droit de créance de la victime sur les caisses primaires et que la caisse n'a donc pas à faire l'avance des indemnités couvrant ces chefs de préjudice ; que la cour de cassation a expressément admis l'absence de dispositif légal obligeant la caisse à faire l'avance des sommes litigieuses ;

Elle précise qu'elle n'a aucunement " refusé " de payer la provision fixée par la cour, laquelle était sans objet puisque la caisse avait procédé au règlement de la totalité de l'indemnisation allouée par le tribunal au titre des préjudices visés à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, croyant à tort que le jugement était exécutoire ; que par égard pour la victime pour laquelle les conséquences de l'accident sont particulièrement importantes, la caisse n'a pas demandé le reversement de cette somme qui constituait cependant une créance certaine liquide et exigible ; que la critique est sans objet, voire déplacée ;

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L451- 1du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit ;

En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l'employeur, l'article L452-1 du code de la sécurité sociale ouvre droit au salarié-victime ou à ses ayants droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L452-2 et L452-3 du même code ;

Le premier de ces textes prévoit d'abord une majoration du capital ou de la rente allouée, tandis que le second permet à la victime de demander la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, ainsi que celle de ses préjudices esthétiques et d'agrément, et celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

L'article L452-2 prévoit que la majoration de capital ou de rente est payée par la caisse, qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire à l'employeur et le dernier alinéa de l'article L452-3 énonce que la réparation des préjudices énumérés par ce texte est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ;

Sur renvoi par la Cour de Cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel, par décision du 18 juin 2010, a été amené à se prononcer sur la conformité des articles L451-1 et L452-1 à L452-5 du code de la sécurité sociale ;

Aux termes du considérant 16 Ie Conseil Constitutionnel a validé I'ensemble du système de réparation des préjudices en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'ayant pas pour origine une faute Inexcusable ou intentionnelle de I'employeur, réalisé aux frais avances des caisses primaires de sécurité sociale, nonobstant la réparation forfaitaire de la perte de salaire ou de l'incapacité, I'exclusion de certains préjudices et l'impossibilité de toute action contre l'employeur aux fins de réparation dans les conditions du droit commun ; il a considéré que les avantages et garanties d'automaticité, de rapidité et de sécurité de la réparation présentés par ce système pour les victimes, ainsi que la présomption de responsabilité et la dispense d'action en justice contre I'employeur qu'il implique, justifient la différence de traitement et n'instituent pas des restrictions disproportionnées par rapport aux objectifs d'intérêt général poursuivis ;

S'agissant de I'accident ou de la maladie due à la faute inexcusable de l'employeur, dans Ie considérant no 17 de sa décision, Ie Conseil constitutionnel valide Ie régime spécifique d'indemnisation prévu a I'article L 452-2 prévoyant une majoration plafonnée du capital ou de la rente alloue en fonction de la réduction de capacité de la victime en retenant, qu'au regard des avantages et garanties précédemment énoncés, Ie plafonnement de cette indemnité destinée a compenser la perte de salaire résultant de I'incapacité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

Si aux termes du considérant no 18 de sa décision, Ie Conseil constitutionnel a également déclaré conforme à la Constitution Ie système d'indemnisation complémentaire prévu par I'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, prévoyant un mécanisme spécifique d'avance par la caisse de sécurité sociale, au salarié victime ou à ses ayants droit, des indemnités destinées a réparer les préjudices visés par ce texte, il a assorti cette déclaration de conformité d'une réserve d'interprétation selon laquelle " en présence d'une faute Inexcusable de I'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, c'est-à-dire les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, puissent demander à I'employeur réparation de I'ensemble des dommages non couverts par Ie livre IV du code de la sécurité sociale.

Il résulte de cette décision du Conseil Constitutionnel qu'en présence d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit peuvent, outre les prestations en nature et en espèces versées au titre du régime légal, et les réparations complémentaires prévues par les articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale, dont l'avance est garantie par la caisse, demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de l'ensemble des dommages ou chefs de préjudice non couverts par le livre IV ;

Sont couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale les postes de préjudice suivants :
- dépenses de santé actuelles et futures (L431-1- 1o L432-1 à L432-4)
- dépenses de déplacement (L442-8)
- dépenses d'expertises techniques (L442-8)
- dépenses d'appareillage actuelles et futures (L431-1- 1o L432-5)
- les incapacités temporaire et permanente (L431-1, L433-1, L434-1, L434-2, L434-15)
- les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle (L433-1, L434-2)
- l'assistance d'une tierce personne après la consolidation (L434-2)

L'action en faute inexcusable ouvre le droit, en application des dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale à la réparation des préjudices suivants :

- incidence professionnelle sous son aspect de perte de chance de promotion professionnelle
-souffrances physiques et morales endurées
-préjudices esthétiques
-préjudice d'agrément

La décision du Conseil Constitutionnel permet de décloisonner cette liste afin de lui ôter son caractère limitatif au titre des seuls préjudices ouvrant droit à une indemnisation complémentaire ;

Sur les préjudices personnels prévus à l'article l452-3 du code de la sécurité sociale

Il résulte du rapport d'expertise des docteurs Y... et Z... du 13 octobre 2008 que l'accident du travail du 25 octobre 2005 a causé à M. X... " un traumatisme crânien grave avec fracture temporale droite fracture de rocher droit hémorragie méningée contusions frontales, section de l'artère et de la veine fémorale superficielle droite, fracture ouverte du fémur droit fracture du fémur gauche et du plateau tibial interne gauche. "

Les experts rappellent que M. X... a subi une amputation de sauvetage au tiers de la cuisse droite ; qu'une nécrose du moignon avec infection majeure a nécessité le 2 novembre 2011 une désarticulation de la hanche ; qu'il est resté deux mois dans un coma profond ; qu'un fixateur externe a été mis en place pendant un mois au membre inférieur gauche ; qu'un essai de mise en place de prothèse au membre inférieur droit a été réalisé pendant le temps de présence de M. X... au centre de rééducation fonctionnelle des Capucins à Angers, mais a échoué ; qu'il a ensuite été hospitalisé au CESAME, compte tenu de ses troubles du comportement ;

Les experts rappellent également que le taux d'I. P. P. retenu est de 100 %, compte tenu " d'un état globalement déficitaire majeur rendant totalement dépendant M. X... qui conserve cependant un certain contact son épouse et ses enfants. La communication avec son entourage habituel et l'équipe soignante est toujours difficile "

Ils ont relevé des traces cicatricielles au niveau de la cuisse droite, du genou gauche une cicatrice de trachéotomie et une pour gastrotomie ;

Ils ont conclu dans ces termes :

- pretium doloris : 5/ 7
- pretium esthétique : 5/ 7
- incapacité totale et définitive pour toute activité professionnelle ;

Sur les souffrances endurées

Ce poste de préjudice recouvre, au sens de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances tant physiques que morales subies par la victime par suite de l'atteinte à son intégrité physique, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la période antérieure à la consolidation et la période postérieure à cet événement ;

M. X... souligne, outre ses souffrances physiques, l'importance des souffrances morales endurées, dont la réalité est restituée par des attestations de membres de sa famille et de soignants ;

Il est établi en effet que les soins subis par M. X... ont été à la fois massifs (amputation de sauvetage le jour de l'accident compte tenu de l'insuffisance des transfusions massives effectuées), de natures diverses, que deux amputations successives ont été pratiquées, du fait d'une infection sévère du moignon droit, qu'aucun appareillage n'a été possible du fait d'une intolérance douloureuse ;

Il est également démontré, quant à l'existence des souffrances morales endurées que M. X..., quoique atteint de difficultés cognitives, a la conscience de la perte de son membre, et de celle de son autonomie, ce qu'il manifeste au travers d'accès de tristesse constatés par le personnel soignant comme par sa famille et exprimés par des cris, des pleurs et des gestes ;

Le préjudice a été justement évalué par les experts judiciaires à 5/ 7, le docteur A... tout en l'évaluant à 6, 5/ 7 se basant sur des éléments identiques, et sa réparation a été justement fixée par le premier juge à la somme de 45 000 € ;

Sur le préjudice esthétique

M. X... fait observer qu'outre les cicatrices relevées par les experts judiciaires, et la présentation en fauteuil roulant, il subit également une hyper salivation et une rigidité faciale ; qu'il est porteur en permanence de protections contre l'incontinence ;

Il apparaît cependant que l'hyper salivation et la rigidité faciale subies par M. X... ont consisté en des effets secondaires du traitement médicamenteux neuroleptique, lequel a été modifié en conséquence des observations faites ; que ces manifestations n'ont par la suite pas persisté ; le port de protections contre l'incontinence n'entraîne pas un préjudice d'ordre esthétique ;

L'expert judiciaire a justement fait une évaluation de 5/ 7, que le premier juge a également justement réparée par l'allocation d'une indemnité de 25 000 € ;

Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d'existence sans qu'il y ait lieu à distinguer entre la période antérieure à la consolidation et la période postérieure à cet événement ; il comprend par conséquent le préjudice que M. X... intitule " déficit fonctionnel temporaire " ;

Il répare le fait que les séquelles de l'accident handicapent les activités ludiques, sportives et occupationnelles, auxquelles peut normalement prétendre tout homme de l'âge de la victime et qui constituent un handicap voire un obstacle aux actes les plus courants de la vie quotidienne, définissant une atteinte constante à la qualité de la vie ;

Il inclut le préjudice sexuel, qui constitue bien un trouble ressenti dans les conditions de l'existence ;

Il appartient à la victime de prouver l'existence de la pratique sportive, ou de l'activité, invoquées antérieurement à l'accident ;

Il est établi que M. X... consacrait du temps à sa famille, son épouse, ses enfants et petits-enfants, et accomplissait avec eux des promenades ou les courses ; qu'il pratiquait aussi la baignade, mais sans aspect sportif ;

Il ne justifie pas de la pratique antérieure d'un sport, ni d'activités associatives ; le terme " très actif " qu'utilise le docteur B... lors d'un examen est la restitution des propos de l'entourage familial de M. X... mais ne trouve pas dans les faits de démonstration autre que l'intérêt que manifestait M. X... à la vie de son foyer ;

Le préjudice sexuel de M. X... existe bien puisqu'il est établi d'une part qu'il est privé de la possibilité de tout acte sexuel du fait de ses troubles neurologiques et de la diminution de son état de conscience et de celle de ses fonctions cognitives, et d'autre part que cet état crée chez lui des perturbations ; psychiques, l'amenant à des accès d'exhibition décrits par le personnel soignant il est par conséquent très important puisqu'interdisant à M. X... tout acte sexuel conscient ;

La qualité de vie de M. X..., qui s'organisait essentiellement autour d'un réseau amical turc, et d'une nombreuse famille, apparaît comme très diminuée par son handicap ;

L'hospitalisation subie par M. X... avant la consolidation de son état l'a éloigné tout d'abord de sa famille constituée de six enfants et de son épouse, et avec lesquels il est établi qu'il entretenait des liens affectifs étroits, deux d'entre eux vivant encore avec leurs parents ;

Cette séparation, en durant 23 mois, lui a causé un préjudice certain ;

Il est établi encore que M. X... reste dépendant d'un fauteuil roulant d'une part la station debout et un appareillage étant définitivement exclus ainsi que de l'aide d'une tierce personne pour tous les actes de la vie courante, d'autre part ;

Ses troubles cognitifs et psychiques lui interdisent de plus la poursuite de sa vie amicale et sociale, la communication n'étant établie, de manière très limitée, qu'avec les membres de sa famille proche ; même avec sa femme et ses enfants l'impulsivité et l'agressivité causées par le handicap affectent les relations ; le suivi scolaire de ses enfants qu'il accomplissait avec son épouse, ne lui est plus possible ; ni la garde de ses trois petit-enfants ; la lecture des journaux, à laquelle il s'adonnait, est empêchée par son handicap cérébral ;

Il est aussi démontré par les attestations produites que les courses alimentaires, mais aussi les activités sociales et la pratique religieuse extérieure au domicile s'accomplissaient nécessairement avec lui ;

La réparation du préjudice d'agrément de M. X... est en conséquence fixée à la somme de 100 000 € ;

Sur la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle

Ce préjudice consiste en une perte de chance de promotion professionnelle, en raison du handicap séquellaire, perte de chance qu'il appartient à la victime de démontrer par l'existence de l'engagement d'un cursus de carrière qui l'aurait amenée au poste invoqué ;

M. X... soutient qu'il envisageait de progresser au sein de l'entreprise, et de devenir grutier, emploi mieux classé et mieux rémunéré que celui de coffreur ; qu'il a perdu toute chance de promotion professionnelle puisqu'il demeure, ainsi que le relèvent les experts " dans l'incapacité totale et définitive pour quelque activité professionnelle que ce soit " ;

Il est cependant établi qu'il a été en 1986 embauché comme coffreur et n'a jamais quitté cet emploi en 25 ans, même s'il a atteint progressivement le niveau III ;

L'autorisation de conduite d'engins qu'il verse aux débats est datée de l'année 2000 et n'a pas été validée les années suivantes par la visite médicale annuelle ; la carte de cariste ne porte pas de date d'établissement mais la photo de M. X... est identique à celle qui se trouve sur l'autorisation de conduites d'engins ;

Tout en affirmant avoir effectué un stage spécifique dans l'entreprise pour accéder à la fonction de grutier M.. X... ne produit aucun document en attestant la démonstration de ce que l'emploi de grutier est un poste mieux classé et mieux rémunéré que celui de coffreur restant en outre à faire ;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à ce titre ;

sur les préjudices non couverts par le livre iv du code de la sécurité sociale

Au regard de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 la mission d'expertise initiale confiée aux docteurs Y... et Z... a été complétée par arrêt de la présente cour du 1er février 2011, aux fins d'évaluation des postes de préjudice suivants :

- frais d'aménagement d'un véhicule et/ ou d'un logement,
- assistance d'une tierce personne avant la date de consolidation,
- préjudices permanents exceptionnels,

M. X... invoque également des frais divers restés à sa charge ;

Les experts indiquent qu'au jour de l'examen, le 11 avril 2011, M. X... est toujours pris en charge au centre CESAME de 10h30 le matin à 19 h le soir y compris le dimanche, " en raison de son comportement d'agressivité difficilement contrôlable par rapport à son entourage familial, agressivité à la fois verbale et physique malgré un traitement " ; ils notent aussi que M. X... séjourne au " Pastel de Loire tous les ans du 10 juillet au 31 août, et que " la prise en charge financière n'est pas intégralement remboursée, soit 18 € par jour " ; qu'il n'est pas envisagé de modification de ce " système ", effectif depuis 18 mois ;

Ils notent qu'il persiste un trouble de l'état de la conscience, moins prononcé que lors de l'examen du 5 septembre 2008 ; que persistent aussi un trouble des fonctions mnésiques, une détérioration des fonctions intellectuelles mais que pendant les deux heures d'examen aucune agitation ou agressivité n'a été observée ; que demeurent des perturbations de l'équilibre instinctivo-affectif des troubles aphaso-agnoso-apraxiques ;

Les experts concluent :

- que la reprise d'autonomie a justifié médicalement une aide temporaire humaine ou matérielle jusqu'à la date de consolidation c'est-à-dire le 24 septembre 2007, pour faire effectuer des déplacements en fauteuil roulant de son domicile au CESAME ; que les besoins en tierce personne sont de fait étendus après la date de consolidation ;

- que les soins d'hygiène sont pris en charge par une infirmière le matin, et ne sont pas dépendants de l'aménagement de la maison d'habitation ; que les " frais de couches " soit pour trois changes par jour sont de 150 € par mois et n'ont pas été pris en charge ; que le " fauteuil électrique complémentaire " ne l'a pas été non plus ; ni une table achetée en 2007, et les frais d'alèses et de savon jusqu'à la date de consolidation ;

- qu'il n'y a pas lieu d'aménager le véhicule car M. X... ne peut pas conduire, du fait de son handicap ; qu'un aménagement de son habitat est en revanche justifié, à évaluer par un expert architecte ;

- qu'un préjudice atypique lié aux séquelles de l'accident est constitué par le fait que M. X... ne peut plus se mettre à genoux pour les rituels religieux ;

Sur les frais divers à charge avant et après consolidation

Le séjour annuel de M. X... au centre " Pastel de Loire ", pour 34 jours, apparaît comme étant partiellement pris en charge, au titre des prestations listées par l'article R322- 8du code de la sécurité sociale et par conséquent n'appartient pas aux préjudices non couverts par le livre IV mais bien couverts par celui-ci, quoique plafonnés ; M. X... produit d'ailleurs des factures intitulées " participation aux frais de séjour " et mentionnant un " forfait journalier " ;

Quant aux divers frais et matériels d'hygiène dont M. X... demande le remboursement, le pyjama, le coussin chauffant, l'appareil de massage, n'ont pas été retenus par l'expert comme justifiés ;

Les gants vinyle ont également été justement écartés par les experts, qui rappellent que la toilette est assurée chaque matin par une infirmière ;

L'expert indique que la table de lit, le fauteuil électrique complémentaire ou de repos, les changes, les alèses et le savon n'ont pas été pris en charge au titre des prestations de sécurité sociale, ce " jusqu'à la date de consolidation " ;

Les frais de changes, d'alèses et de savon sont de nature à devoir persister après la consolidation ;

Les frais de changes avant consolidation s'établissent à 150 € x 4, 5 = 675 € et après consolidation, après application des barèmes de capitalisation, compte tenu de l'âge de M. X..., à la somme de 150x12 X18, 756 = 33 760, 80 € ;

Le coût de la table de lit est justifié pour 69 € et celui du fauteuil pour 590 € ; celui de sacs d'alèses pour 358, 10 € ;

Les frais de stomatologie et d'orthodontie de 521, 82 € n'ont pas été retenus par les experts et M. X... ne démontre pas qu'ils soient en lien avec l'accident ;

Il sera alloué à M. X..., au titre des frais divers non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale la somme de 675 € + 69 € + 590 € + 33 760, 80 € + 358, 10 € = 35 452, 29 € ;

Le besoin en tierce personne avant consolidation est retenu par les experts judiciaires ;

Ils observent que celle-ci a été nécessaire pour conduire M. X... au centre CESAME tous les matins et il est établi que celle-ci est également nécessaire pour assurer le lever, le petit déjeuner, l'habillage et le soir le coucher, et le déshabillage avec une toilette, le repas pouvant avoir été pris au centre CESAME M. X... en revenant à 19 heures, et ce point n'étant pas précisé ;

La conduite au centre CESAME se faisant en fauteuil roulant aux dires des experts, le temps nécessaire à celle-ci sera évalué à 30 minutes par conduite, outre une heure et demi pour le lever, l'habillage et le petit déjeuner, et une heure et demi pour le coucher, le déshabillage et la toilette soit un besoin quotidien de quatre heures, avec un taux horaire de 14 € ; il sera donc alloué à M. X... à ce titre la somme de 14 € X 4 heures X137jours = 7672 € ;

Les experts ont constaté que les frais d'aménagement du véhicule étaient sans objet le handicap de M. X... rendant impossible la conduite d'un véhicule ;

Ils ont retenu comme constituant un préjudice permanent exceptionnel l'impossibilité pour M. X... de pratiquer sa religion et notamment les rituels nécessitant d'adopter une posture agenouillée mais ce préjudice, d'ordre culturel, est compris dans le préjudice d'agrément et a été pris en compte à ce titre ;

Les experts ont enfin retenu la nécessité d'un aménagement de l'habitat de M. X..., à évaluer par un expert architecte ;

Cette mesure d'instruction est justifiée, la cour ne disposant pas des éléments techniques permettant de chiffrer le coût de l'aménagement du logement de M. X... au regard de son handicap ; aucune précision n'étant donnée sur la configuration actuelle du dit logement, dont il apparaît cependant que M. X... en est le locataire et non propriétaire, et qu'il lui a été attribué parce qu'étant de plain pied, l'allocation d'une provision n'est pas justifiée ;

Il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise architecturale : s'agissant d'une expertise judiciaire de droit commun, elle sera réalisée, conformément aux dispositions du code de procédure civile, aux frais avancés de la société Eiffage Construction Maine et Loire ;

sur la demande d'astreinte

M. X... soutient que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers s'oppose au versement de la provision de 70 000 € ordonnée par la présente cour dans son arrêt du 1er février 2011 ; qu'elle fait preuve de mauvaise foi en disant qu'elle a exécuté le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers et a versé en conséquence la somme de 110 000 € à M. X..., laquelle doit se compenser avec la provision de 70 000 €, alors que les jugements des tribunaux des affaires de sécurité sociale sont exécutoires de droit et qu'elle doit donc régler à M. X... la somme de 70 000 € en plus des 110 000 € ; qu'elle ne peut pour refuser ce paiement s'appuyer sur un rapport de la Cour de Cassation, qui n'a pas force de loi, et selon lequel la Caisse n'aurait pas à avancer le règlement des sommes allouées au titre des préjudices non couverts par le livre IV de la sécurité sociale ;

Il résulte cependant de l'arrêt de la cour du 1er février 2011 que la provision de 70 000 € accordée à M. X... l'est " à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels, tels que prévus à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale " ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers a fixé l'indemnisation des dits préjudices personnels, tels que prévus à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale à la somme de 110 000 € et qu'il s'est exclusivement prononcé sur ces préjudices ; qu'en exécutant la décision du premier juge, remise en cause quant aux montants alloués, devant la cour, la Caisse a satisfait au paiement provisionnel de la somme de 70 000 € accordée par la cour avant fixation des préjudices personnels tels que visés à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale ;

La demande d'astreinte est rejetée ;

Sur l'avance par la caisse d'assurance maladie des sommes allouées en réparation des préjudices non couverts par le livre iv du code de la sécurité sociale

La réserve d'interprétation énoncée au considérant no 18 de la décision no
2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel porte strictement sur la limitation du droit à indemnisation des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle résultant de la faute inexcusable de l'employeur, le périmètre de ce droit se trouvant étendu à l'ensemble des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; elle n'atteint pas les dispositions du dernier alinéa de l'article L 452-3 du même code relatives à l'avance des indemnités par l'organisme social, desquelles il résulte que les seules indemnités dont ce dernier assure directement le paiement aux bénéficiaires sont celles destinées à réparer
les chefs de préjudices mentionnés dans les dispositions actuelles de ce texte, et elle n'ouvre pas à la victime et à ses ayants droit le bénéfice, pour la réparation effective des chefs de préjudice non mentionnés dans ces dispositions, de l'intervention de l'organisme social pour faire l'avance du paiement des indemnités y afférentes ;

En l'état actuel du droit, la caisse primaire d'assurance maladie du Maine et Loire oppose à juste titre qu'elle n'a pas à faire l'avance des indemnités destinées à réparer des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

sur la demande de condamnation in solidum de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers et de la sociéte eiffage construction

Aux termes de l'article 1200 du code civil il y a solidarité de la part des débiteurs lorsqu'ils sont obligés à une même chose de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité ;

La caisse d'assurance maladie, si elle est tenue aux termes de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale de verser directement aux bénéficiaires la réparation des préjudices visés au dit article en récupère ensuite le montant auprès de l'employeur qui en est le seul débiteur et avec lequel il ne peut en conséquence lui être imposé aucune solidarité ;

La demande doit être rejetée ;

sur les depens et les frais non compris dans les depens

Il parait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens : la société Eiffage Construction Maine et Loire est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3000 € ; le coût de l'expertise du docteur A... s'agissant d'une expertise qui n'a pas été ordonnée par décision de justice, reste à la charge de M. X... ;

Les frais d'expertise judiciaire, soit la somme de 600 €, seront remboursés par la société Eiffage Construction Maine et Loire à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers qui les a avancés ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de cette cour du 1er février 2011,

Vu les rapports d'expertise des docteurs Y... et Z... des 13 octobre 2008 et 29 juin 2011,

CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers du 9 juin 2009 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé la réparation du préjudice d'agrément de M. X... à la somme de 40 000 € ;

Statuant à nouveau sur ce seul point et ajoutant au jugement entrepris,

FIXE aux sommes suivantes les indemnités destinées à réparer le préjudice résultant pour M. X... de l'accident du travail dont il a été victime le 25 octobre 2005 ;

chef de préjudice couvert par le livre IV de code de la sécurité sociale :

¤ 100 000 € au titre du préjudice d'agrément,

chefs de préjudice non couverts par le livre IV de la sécurité sociale :

¤ 35 452, 29 € au titre des frais divers,

¤ 7672 € au titre des besoins en tierce personne avant consolidation,

CONDAMNE la société Eiffage Construction Maine et Loire à payer à M. X... les sommes de 35 452, 29 € et 7672 € au titre des frais divers et des besoins en tierce personne avant consolidation, préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers n'aura pas à avancer ces deux sommes, qui seront versées à M. X... directement par l'employeur ;

DIT que, déduction faite de la somme de 110 000 € déjà versée, la caisse primaire de Maine et Loire fera l'avance auprès de M. X... de la somme complémentaire de 60 000 €, destinée à couvrir le montant dû au titre des souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétiques et du préjudice d'agrément, et qu'elle en récupérera le montant auprès de la société Eiffage Construction Maine et Loire, laquelle devra lui communiquer les coordonnées de sa compagnie d'assurance ;

CONDAMNE la société Eiffage Construction Maine et Loire à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers le coût de l'expertise judiciaire des docteurs Y... et Z... (600 €) ;

LAISSE à la charge de M. X... le coût de l'expertise du docteur A...,

Avant dire droit sur la demande indemnitaire relative à l'aménagement du logement,

ORDONNE une expertise architecturale du logement occupé par M. X... au... à Angers 49 000 ;
COMMET pour y procéder le docteur André Y...,... à Angers 49100 tel... fax/..., le docteur Jean-Paul Z... centre Césame Ste Gemmes/ Loire BP 50089 49137 Les Ponts de Cé ; tel : 02. 41. 80. 79. 93. et Monsieur Luc C..., architecte d'intérieur,
... 49100 Angers tél :..., fax :... Portable : ...,

avec pour mission, les parties présentes, en tout cas régulièrement convoquées, de :

au vu des justificatifs fournis et des rapports d'expertise des 13 octobre 2008 et 29 juin 2011, et si nécessaire, recours à un sapiteur, décrire les adaptations du logement de M. X... nécessaires à son nouvel état et chiffrer le coût de leur réalisation ;

DIT que les experts donneront connaissance de leurs conclusions aux parties et répondront à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'ils leur auront imparti avant d'établir un rapport définitif qu'ils déposeront au secrétariat-greffe de la cour d'appel d'Angers dans les cinq mois du jour où ils auront été saisis de leur mission ;

DIT qu'en cas d'empêchement de leur part il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente ;

DIT que les frais et honoraires des experts seront avancés par la société Eiffage Construction Maine et Loire ;

FIXE à 2000 € (deux mille euros) la provision à valoir sur les frais et honoraires des experts qui devra être versée par la société Eiffage Construction Maine et Loire dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt auprès du régisseur de la cour d'appel ;

DESIGNE Mme Anne Dufau, conseiller pour suivre les opérations d'expertise et statuer sur tout incident relatif à son déroulement ;

RAPPELLE à toutes fins qu'à défaut de consignation dans le délai ci-dessus la présente désignation d'expert sera caduque de plein droit en vertu de l'article 271 du code de procédure civile, sauf à la partie à laquelle incombe cette consignation à obtenir du juge chargé du contrôle de l'expertise la prorogation du dit délai ou un relevé de la caducité ;

DEBOUTE M. X... de sa demande de provision sur le préjudice au titre de l'aménagement du logement ;

DEBOUTE M. X... de sa demande d'astreinte,

DEBOUTE M. X... de sa demande de solidarité,

DEBOUTE M. X... de sa demande au titre du préjudice permanent exceptionnel ;

CONDAMNE la société Eiffage Construction Maine et Loire à payer à M. X... la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la réouverture des débats à l'audience collégiale du 27 novembre 2012 à 14 heures, la notification du présent arrêt valant convocation des parties à la dite audience.

RAPPELLE que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais.

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