Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 février 2012, 10-27.397, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 10-27.397
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 2254-1 du code du travail et le principe fondamental en droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable au salarié qui doit recevoir application ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... était salarié de la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes Lyon depuis 1987 avant la fusion de celle-ci, le 1er juillet 2007, avec la Caisse d'épargne des Alpes, qui a abouti à la création de la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes ; qu'il existait un usage dans la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes Lyon accordant aux salariés une autorisation d'absence de trois jours par an, consécutifs ou fractionnés, sans perte de rémunération ; que le 1er avril 2000, a été signé un protocole de fin de grève par lequel l'employeur accordait à tous les salariés ayant au moins six mois de présence, une autorisation d'absence d'un jour ou de deux demi-journées par année civile pour motif personnel ; que le protocole de fin de grève a été dénoncé par la société caisse d'épargne Rhône-Alpes Lyon le 11 avril 2000, avec prise d'effet le 10 décembre 2002 ; que l'usage antérieur au protocole de fin de grève a été dénoncé le 27 septembre 2004 et que l'employeur a indiqué aux salariés qu'au 1er janvier 2005, un jour d'absence pour convenance personnelle subsistera pour les salariés présents au 3 décembre 2002 ; que le 10 juillet 2007, la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes a conclu un accord collectif relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail, comportant en annexe, la liste des dispositions auxquelles il se substituait, parmi lesquelles figure la journée d'autorisation d'absence pour convenance personnelle des salariés présents au 3 décembre 2002 ; que M. X... et le syndicat CGT de la Caisse d'épargne Rhône-Alpes ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande relative notamment au droit au bénéfice d'un jour d'absence pour convenance personnelle ;
Attendu que pour dire qu'après la dénonciation du protocole de fin de grève du 1er avril 2000, le salarié avait conservé le bénéfice d'une autorisation d'absence rémunérée d'un jour par an pour convenance personnelle et pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel énonce que le salarié avait bénéficié effectivement d'un quatrième jour d'absence autorisée pour convenance personnelle en 2000, 2001 et en 2002, avant le 10 décembre et que l'accord collectif du 10 juillet 2007, relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail, n'ayant pu mettre fin à un avantage contractuel, le salarié conservait le bénéfice d'un jour d'absence autorisée pour convenance personnelle ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'avantage prévu par l'accord collectif n'avait pas la même cause ou le même objet que celui revendiqué au titre de son contrat de travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention du syndicat CGT de la Caisse d'épargne Rhône-Alpes, l'arrêt rendu le 11 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'après la dénonciation du protocole de fin de grève du 11 avril 2000, Monsieur X... avait conservé le bénéfice d'une autorisation d'absence rémunérée d'un jour par an pour convenance personnelle, à titre d'avantage acquis intégré au contrat de travail, d'avoir condamné la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES à verser à Monsieur X... une somme de 500 de dommages-intérêts pour privation d'un jour d'absence autorisée en 2007 et 2008, et d'avoir condamné la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES à verser à Monsieur X... une somme de 500 de dommages-intérêts pour privation d'un jour d'absence autorisée en 2009 et 2010 ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande de Luc X... : que selon l'article L.132-8 (alinéa 6) devenu L.2261-13 du Code du travail, lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ce délai ; qu'un avantage individuel acquis au sens de ce texte légal est celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; qu'en l'espèce, la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes fait valoir au soutien de son appel que Luc X... n'a pas acquis avant le 10 décembre 2002, date d'effet de la dénonciation du protocole de fin de grève du 11 avril 2000, de droit conventionnel à un jour d'absence pour convenance personnelle ; que selon l'employeur, Luc X... a continué à bénéficier d'un jour d'autorisation d'absence, postérieurement à mars 2004 et à la cessation des effets du protocole, non au titre d'un avantage individuel acquis, mais en application de l'engagement unilatéral pris par la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes de maintenir le bénéfice d'une quatrième journée d'absence aux salariés présents dans les effectifs au 3 décembre 2002 ; qu'ensuite, l'accord collectif d'harmonisation du 10 juillet 2007 s'est substitué à cet engagement unilatéral auquel il a mis fin ; que cependant le représentant de la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes Lyon a reconnu devant le Comité d'entreprise le 21 juillet 2004 qu'après la dénonciation de l'usage consistant à accorder trois jours d'absence rémunérée aux salariés, ceux-ci conservaient un jour d'autorisation d'absence pour convenance personnelle à titre d'avantage individuel acquis ; qu'en précisant dans sa note d'information du 28 septembre 2004 qu'un jour d'absence pour convenance personnelle subsisterait au 1er janvier 2005 pour les salariés présents au 3 décembre 2002, la direction des ressources humaines a conforté la nature d'avantage individuel acquis du jour d'autorisation d'absence ; qu'en effet, seuls les salariés présents au 3 décembre 2002 étaient susceptibles d'avoir acquis un droit individuel au maintien du jour d'absence litigieux ; que la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes, qui a admis sans réserve en 2004 que l'ensemble des salariés présents au 3 décembre 2002 bénéficiaient d'un avantage intégré aux contrats de travail individuels, ne saurait mettre désormais à la charge de Luc X... la preuve de ce qu'il a bénéficié effectivement d'un quatrième jour d'absence autorisée pour convenance personnelle en 2000 et 2001, et en 2002, avant le 10 décembre 2002 ; qu'au demeurant, elle a rendu une telle preuve impossible en regroupant plusieurs causes d'absence dans une même case des bulletins de paie antérieurs à mai 2001, alors qu'elle s'était engagée, dans sa note de service du 9 juin 2000, à tenir et à reporter sur ces bulletins un compteur individuel des jours pris pour convenance personnelle ; que les éléments d'information permettant d'identifier les catégories d'absences, tels les formulaires de demande d'autorisation, ont été éliminés lorsque la Caisse d'Epargne a changé de prestataire de service ; que l'accord collectif du 10 juillet 2007, relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail, n'ayant pu mettre fin à un avantage contractuel, Luc X... conserve le bénéfice d'un jour d'absence autorisée pour convenance personnelle ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ; que sur le préjudice, contrairement à ce que soutient l'appelante, la rémunération du jour d'absence résulte non de la pratique, mais de l'interprétation que la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes Lyon a immédiatement donnée du protocole de fin de grève d'abord devant le Comité d'entreprise le 24 mai 2000, puis dans sa note de service du 9 juin 2000 ; que la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes ne saurait, pour s'opposer à la demande de dommages-intérêts du salarié, exciper de l'absence de demande d'autorisation d'absence de la part de ce dernier, Luc X... ne pouvant être tenu de faire une démarche vouée à un échec certain ainsi qu'il ressort de l'échange de courriels du 30 août 2007 et des explications de l'employeur en cause d'appel ; que la perte, imputable à la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes, d'un jour d'autorisation d'absence rémunérée en 2007 et 2008 a causé à Luc X... un préjudice qui justifie des dommages-intérêts alloués par le Conseil de prud'hommes ; que sur la demande additionnelle formée par le salarié en cause d'appel au titre des années 2009 et 2010, une somme complémentaire de 500 sera octroyée à Luc X... à titre de dommages-intérêts » ; (Arrêt p. 4-5) ;
AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE « les bulletins de salaire de M. Luc X... pour l'année 2002, qu'il produit aux débats, contiennent des mentions formulées ainsi :l « Abs except » et à la ligne suivante « Pmt congés except » ; qu'elles ne peuvent que signifier le bénéfice d'absences rémunérées ; qu'elles ne peuvent renvoyer à la prise de congés payés, dès lors que celles-ci sont mentionnées comme telles au sein desdites fiches de paie ; qu'en l'absence de toute autre cause justifiant de ces absences et de la rémunération desdites journées normalement travaillées, elles ne peuvent que renvoyer à l'octroi des autorisations d'absences revendiquées ; que lesdits bulletins font mention de 4 journées de telles absences pour 2002 ; que M. Luc X... a bien bénéficié de l'avantage dont il fait état et il sera donné acte à la Caisse d'Epargne Rhône Alpes de ce qu'elle reconnaît que la conséquence d'un tel fait est qu'il a acquis cet avantage individuel ; qu'au regard du montant de sa rémunération quotidienne, le préjudice subi du fait de la privation de ce droit durant 2 années sera arrêté à la somme de 500 euros » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en cas de conflit de normes, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf dispositions contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé ; qu'au cas présent, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES exposait, dans ses écritures d'appel (p. 17-18), qu'à supposer que Monsieur X... ait pu disposer d'un droit acquis à se voir autoriser une absence d'un jour par an, cet avantage revendiqué au titre de son contrat de travail ne pouvait se cumuler avec les cinq jours de congés flottants prévus par l'accord collectif du 10 juillet 2007 qui pouvaient être posés « à la convenance des salariés » ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était expressément demandé, si l'avantage revendiqué par Monsieur X... au titre de son contrat de travail n'avait pas le même objet ou la même cause que les dispositions conventionnelles prévoyant le droit à des congés flottants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et L.2254-1 du Code du Travail, ensemble le principe fondamental du droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit s'appliquer ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en s'abstenant de répondre au moyen déterminant des conclusions de l'exposante relatif à l'identité d'objet entre l'avantage revendiqué par Monsieur X... et les dispositions conventionnelles lui conférant un droit à cinq jours de congés flottants par an, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.