Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 février 2012, 11-15.232 11-15.233 11-15.234 11-15.236 11-15.238 11-15.239 11-15.240 11-15.241 11-15.242 11-15.243 11-15.244 11-15.245 11-15.246 11-15.247 11-15.248 11-15.249 11-15.251 11-15.253 11-15.255 11-15.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 11-15.232, à M 11-15.234, P 11-15.236, R 11-15.238 à C 11-15.249, E 11-15.251, H 11-15.253, J 11-15.255, à R 11-15.261 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 février 2011), que M. X... et 24 autres salariés de la société Alstom Power Systems ont présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à leur verser des dommages-intérêts réparant le préjudice économique résultant de la perte de revenu consécutive à l'entrée dans le dispositif de l'ACAATA, ainsi qu'un préjudice d'anxiété ; que l'employeur a soulevé l'incompétence de la juridiction prud'homale ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître des demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que toute action en réparation liée à un risque de maladie professionnelle causée par l'exposition à l'amiante doit être exercée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que tel est le cas des actions en réparation tant du préjudice économique résultant de la perte de salaire causée par le choix de bénéficier du régime de l'ACAATA que du préjudice d'anxiété causé par la crainte de développer une maladie consécutive à une exposition à l'amiante ; qu'en jugeant le conseil de prud'hommes compétent pour en connaître au motif que les actions exercées ne pouvaient être considérées "même indirectement, comme des actions en réparation de maladie professionnelle", cependant que les salariés demandaient la réparation de préjudices liés au risque de déclarer une maladie professionnelle, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale, et par fausse application l'article L. 1411-1 du code du travail ;

2°/ qu'après avoir elle-même relevé que les présents contentieux ne relevaient "nullement" de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 portant financement de la sécurité sociale pour 1999, la cour d'appel ne pouvait ensuite appliquer aux litiges le paragraphe VI de cet article pour déterminer le tribunal compétent pour en connaître, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard dudit texte ;

3°/ que, en tout état de cause, le paragraphe VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 prévoit que "les différends auxquels peut donner lieu l'application du présent article et qui ne relèvent pas d'un autre contentieux sont réglés suivant les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale" ; que les différends relevant d'un "autre contentieux" font référence aux contestations relatives aux dispositions dudit article qui, par leur nature, ne relèvent pas du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'en se bornant, pour en déduire la compétence du conseil de prud'hommes, à juger que les demandes des anciens salariés concernaient des différends "relevant d'un "autre contentieux" au sens du paragraphe VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, à savoir le contentieux des différends individuels entre salariés et employeurs à l'occasion de l'exécution des contrats de travail", sans rechercher les dispositions dudit article dont l'application faisait l'objet des différends, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 41, paragraphe VI, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les salariés n'avaient pas déclaré souffrir d'une maladie professionnelle causée par l'amiante et que n'étaient contestés ni leur droit à bénéficier de l'ACAATA, ni son montant, la cour d'appel en a exactement déduit que leurs demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Alstom Power Systems aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alstom Power Systems à payer à M. X... et aux 24 autres salariés la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit aux pourvois par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Alstom Power Systems,

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir déclaré le Conseil de prud'hommes compétent pour trancher les litiges ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE «sur la juridiction de première instance compétente pour connaître du litige : le salarié n'ayant fait aucune déclaration de maladie professionnelle, ses demandes ne peuvent pas être considérées, même indirectement, comme relevant d'une action en réparation de maladie professionnelle ne pouvant être exercée conformément au droit commun en application de l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale et justifiant la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale pour en connaître en application de l'article L. 142-2 du même Code ; que par ailleurs, il n'existe aucune contestation sur le fait que le salarié avait bien droit à l'ACAATA ni sur le montant de cette allocation en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et le différend opposant le salarié à la SA Alstom Power Systems ne relève nullement de l'application de cet article ; qu'en effet, le salarié ne remet pas en question le bénéfice ni le montant de l'ACAATA qu'il perçoit, mais prétend avoir été contraint de demander le versement de cette allocation et, partant, de démissionner, du fait du manquement de son ancien employeur à son obligation de sécurité de résultat en l'ayant exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante et, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de son ancien employeur, lui demande réparation du préjudice économique qui en a résulté selon lui, préjudice qu'il évalue à la différence, jusqu'à la liquidation de ses droits à la retraite, entre le montant de son salaire et le montant de l'ACAATA, ainsi que la réparation du préjudice d'anxiété concernant la crainte de la survenue possible dans le futur d'une maladie professionnelle liée à l'exposition à l'amiante ; que l'examen du bien-fondé de ces demandes relève donc non pas de l'application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 concernant les modalités d'ouverture du droit à l'ACAATA et au montant de celle-ci, qui ne font l'objet d'aucune contestation, mais de l'appréciation de la responsabilité contractuelle de l'ancien employeur et, le cas échéant, des conséquences à en tirer quant à l'indemnisation des préjudices qui en auraient résulté pour son ancien salarié ; qu'il s'agit dès lors d'un différend relevant d'un ‘'autre contentieux'' au sens du paragraphe VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, à savoir le contentieux des différends individuels entre salariés et employeurs à l'occasion de l'exécution des contrats de travail, contentieux qui relève, en application de l'article L. 1411-1 du Code du travail, de la compétence du Conseil de prud'hommes ; que c'est donc à bon droit que le Conseil de prud'hommes de Lannoy s'est déclaré matériellement compétent pour connaître du litige (…) » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur l'exception d'incompétence : l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents et maladies professionnelles, ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit et seul le tribunal des affaires de sécurité sociale est compétent pour assurer la mise en oeuvre des mécanismes de prise en charge par les organismes sociaux dont le financement est assuré par des cotisations spécifiques ; qu'il ressort des débats que le salarié n'a pas déclaré de maladie professionnelle liée à la poussière d'amiante, au moment de l'exécution de son contrat de travail ; qu'il ne peut donc être fait application des dispositions spécifiques du Code de la sécurité sociale, donnant compétence au tribunal des affaires sanitaires et sociales ; vu le paragraphe VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 en date du 23 décembre 1998, modifiée par la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002, que le paragraphe susvisé dispose que les différends auxquels peut donner lieu l'application du présent article et qui ne relèvent pas d'un autre contentieux sont réglés suivant les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale ; que donc le tribunal des affaires de la sécurité sociale est compétent si les deux conditions cumulatives sont réunies, à savoir que le litige porte sur les modalités et les conditions d'obtention de l'ACAATA et que la compétence n'est attribuée à aucune autre juridiction ; que les pièces produites au dossier démontrent que le salarié a perçu l'allocation jusqu'à la liquidation de ses droits à la retraite, et qu'aucune contestation n'est intervenue quant aux modalités et aux conditions d'obtention de ladite allocation ; que dès lors, la compétence du tribunal des affaires de la sécurité sociale n'est pas justifiée ; qu'en conséquence les dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 en date du 23 décembre 1998, modifiée par la loi n° 2002-1487 ne trouvent pas à s'appliquer dans le cadre de la présente instance ; vu les demandes du salarié au titre de la réparation de la perte de revenu consécutive à l'attribution de l'ACAATA et au titre du préjudice d'anxiété subi ; que celles-ci ont la nature de dommages et intérêts ; que la loi ne donne pas compétence au tribunal des affaires de la sécurité sociale pour trancher les demandes formulées par le salarié , et qu'au contraire l'article L. 1411-1 du Code du travail dispose que les Conseils de prud'hommes sont seuls compétents pour régler les différends qui peuvent naître à l'occasion de tout contrat de travail entre employeurs et salariés ; qu'également le salarié a perçu l'ACAATA parce qu'il a été en contact avec de la poussière d'amiante pendant son activité professionnelle ; que le salarié impute ces préjudices à son employeur, ayant été contraint d'une part à démissionner, et d'autre part, à être exposé à la poussière d'amiante ; que ces demandes relèvent d'un différend entre le salarié et Alstom Power Systems à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, que le Conseil de céans est compétent pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice économique et d'anxiété » ;

1°/ ALORS QUE toute action en réparation liée à un risque de maladie professionnelle causée par l'exposition à l'amiante doit être exercée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que tel est le cas des actions en réparation tant du préjudice économique résultant de la perte de salaire causée par le choix de bénéficier du régime de l'ACAATA que du préjudice d'anxiété causé par la crainte de développer une maladie consécutive à une exposition à l'amiante ; qu'en jugeant le Conseil de prud'hommes compétent pour en connaître au motif que les actions exercées ne pouvaient être considérées « même indirectement, comme des actions en réparation de maladie professionnelle », cependant que les salariés demandaient la réparation de préjudices liés au risque de déclarer une maladie professionnelle, la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 142-2 du Code de la sécurité sociale, et par fausse application l'article L. 1411-1 du Code du travail ;

2°/ ALORS QU'après avoir elle-même relevé que les présents contentieux ne relevaient « nullement » de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 portant financement de la sécurité sociale pour 1999, la Cour d'appel ne pouvait ensuite appliquer aux litiges le paragraphe VI de cet article pour déterminer le tribunal compétent pour en connaître, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard dudit texte ;

3°/ ALORS QUE, en tout état de cause, le paragraphe VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 prévoit que « les différends auxquels peut donner lieu l'application du présent article et qui ne relèvent pas d'un autre contentieux sont réglés suivant les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale » ; que les différends relevant d'un « autre contentieux » font référence aux contestations relatives aux dispositions dudit article qui, par leur nature, ne relèvent pas du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'en se bornant, pour en déduire la compétence du Conseil de prud'hommes, à juger que les demandes des anciens salariés concernaient des différends « relevant d'un ‘'autre contentieux'' au sens du paragraphe VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, à savoir le contentieux des différends individuels entre salariés et employeurs à l'occasion de l'exécution des contrats de travail », sans rechercher les dispositions dudit article dont l'application faisait l'objet des différends, la Cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 41, paragraphe VI, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.

Retourner en haut de la page