Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 3 janvier 2012, 11-81.011, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 11-81.011
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Damien X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2010, qui, pour outrage à magistrat, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 434-24 du code pénal ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, lors d'une réunion électorale, M. X...a affirmé publiquement qu'il ne respectait pas le procureur de la République Z... non plus que le juge d'instruction Y..., alors en fonction à Belfort, " qui se sont transformés en commissaires politiques, qui ont outrepassé leurs droits et sali la magistrature, préférant s'attaquer aux élus de la droite plutôt que de s'attaquer aux voyous ", et qu'il y en avait " marre de voir des juges rouges qui s'opposent à la volonté du peuple et au travail des policiers " ; que, renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'outrage à magistrat dans ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, M. X...a été déclaré coupable de ce délit et condamné à une peine d'amende ; qu'appel de cette décision a été relevé à titre principal par le prévenu ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la culpabilité, l'arrêt énonce que les propos de M. X..., loin d'être l'expression d'un simple avis sur le fonctionnement de la justice locale, traduisent la volonté d'atteindre le juge d'instruction dans sa personne, ses opinions et ses pratiques professionnelles, de nature à diminuer le respect des citoyens pour l'autorité morale de ce magistrat ; que les juges relèvent qu'est particulièrement outrageante l'expression " salir la magistrature ", qui laisse supposer que M. Y...a commis des actes illégaux ou à tout le moins contraires à la déontologie, relevant comme tels du pouvoir disciplinaire ; qu'ils ajoutent que l'imputation au juge d'instruction, qualifié de " juge rouge ", de la remise en liberté de deux " braqueurs ", décision qu'au demeurant il n'a pas prise, renforce l'outrage en ce que l'auteur des propos attribue au magistrat une coloration politique, nullement démontrée, incompatible avec l'indépendance dont il doit faire preuve ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; que, si toute personne a droit à la liberté d'expression et si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives aux procédures pénales ainsi qu'au fonctionnement de la justice, l'exercice de ces libertés comporte des devoirs et des responsabilités et peut être soumis, comme en l'espèce où les limites admissibles de la liberté d'expression dans la critique de l'action de magistrats ont été dépassées, à des restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la dignité du magistrat ou au respect dû à la fonction dont il est investi ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;