Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2012, 10-12.110, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité d'hôtesse de caisse par la société Fadis, aux droits de laquelle est venue la société Fifam, exploitant un magasin à l'enseigne Leclerc à Fameck (Moselle) ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de maintien de salaire, de rappel de salaire pour les dimanches travaillés des années 2004, 2007, 2008 et de rappel de salaire pour la journée du 1er novembre 2008 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1226-24 du code du travail ;

Attendu selon ce texte que le commis commercial est le salarié qui, employé par un commerçant, occupe des fonctions commerciales au service de la clientèle ;

Attendu que pour rejeter en partie la demande de la salariée en paiement de maintien de salaire, le jugement retient que si cette dernière qui exerce les fonctions d'hôtesse de caisse, se trouve en contact avec la clientèle, elle n'exerce pas de fonctions commerciales dans la mesure où elle encaisse les achats sans vendre ni promouvoir les produits et ne peut en conséquence se voir appliquer les dispositions de l'article L. 1226-24 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'il avait constaté que la salariée exerçait des fonctions commerciales d'hôtesse de caisse, en contact avec la clientèle, le conseil des prud'hommes, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 5.14.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ;

Attendu selon ce texte qu'en cas de travail effectué occasionnellement le dimanche, il y a décalage et non suppression du jour du repos hebdomadaire légal qui devra être accordé dans la quinzaine qui suit ou précède le dimanche travaillé ; qu'il en résulte que le salarié qui a été privé des jours de repos dus à titre de contrepartie des dimanches travaillés, est fondé à obtenir une indemnité réparant le préjudice qu'il a subi du fait de cette privation ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande au titre du travail occasionnel du dimanche, le jugement retient que l'analyse de la convention collective permet d'affirmer que l'intéressée ne peut prétendre à un jour de récupération supplémentaire mais au report du dimanche, jour de repos, dans les quinze jours qui suivent, en sorte que la salariée ne peut prétendre au paiement d'un jour de repos supplémentaire par rapport au jour de repos hebdomadaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si la salariée avait bénéficié d'un jour de repos dans la quinzaine qui avait suivi ou précédé le dimanche travaillé, le conseil des prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 1er (in fine) de la loi n° 2008-351 du 16 avril 2008 relative à la journée de solidarité ;

Attendu selon ce texte qu'à compter du 17 avril 2008 (date de publication de la loi) et à titre exceptionnel pour l'année 2008, à défaut d'accord collectif, l'employeur peut définir unilatéralement les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité après consultation du comité d'entreprise, ou, à défaut des délégués du personnel s'ils existent ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement au titre de la journée du 1er novembre 2008, le jugement retient que l'employeur a choisi en application de la loi du 16 avril 2008 de fixer la journée de solidarité au 1er novembre 2008 et d'ouvrir son commerce ce jour ; que la salariée n'apporte pas la preuve de ce que cette décision a été prise de façon irrégulière ; que cette dernière ne pouvait en conséquence prétendre à une rémunération au titre de cette journée durant laquelle elle n'a pas travaillé ;

Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si l'employeur avait recueilli l'avis des institutions représentatives du personnel, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande formée au nom du syndicat CFDT services Vosges et Moselle, le jugement rendu le 26 janvier 2010, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Thionville ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Metz ;

Condamne la société Fifam aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Fifam et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame X... tendant à obtenir le paiement de la somme de 891,54 euros au titre de maintien du salaire en période de maladie outre la somme de 89,15 euros brut à titre de congés payés ainsi que la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L1226-24 du Code du travail, le commis commercial, qui par suite d'un accident dont il n'est pas fautif se trouve dans l'impossibilité de fournir son service, conserve ses droits au salaire et à l'entretien, mais pas au delà d'une durée de six semaines; Madame X... exerce les fonctions d'hôtesse de caisse; si elle se trouve en contact avec la clientèle, elle n'exerce pas de fonctions commerciales dans la mesure où elle encaisse les achats sans vendre ni promouvoir les produits; en conséquence, elle ne peut se voir appliquer les dispositions susvisées;

ALORS QUE l'article L 1226-24 du Code du Travail (anciennement articles 59 et 63 du Code du Commerce local) s'applique aux salariés qui exercent des fonctions commerciales au service de la clientèle ; que pour rejeter la demande de Madame X..., le Conseil de Prud'hommes, après avoir constaté que la salariée se trouvait en contact avec la clientèle, a considéré qu'elle n'exerçait « pas de fonctions commerciales dans la mesure où elle encaisse les achats sans vendre ni promouvoir les produits » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors qu'il résulte de ses constatations que Madame X... se trouvait en contact avec la clientèle et participait aux opérations de vente en encaissant les achats, le Conseil de Prud'hommes a violé l'article L 1226-24 du Code du Travail (anciennement articles 59 et 63 du Code du Commerce local) ;

ALORS subsidiairement QUE le bénéfice des dispositions de l'article L 1226-24 du Code du Travail (anciennement articles 59 et 63 du Code du Commerce local) n'est pas subordonné à l'exercice par l'intéressé d'activités de vente ou de promotion des produits ; que pour rejeter la demande de Madame X..., le Conseil de Prud'hommes, après avoir constaté que la salariée se trouvait en contact avec la clientèle, a considéré qu'elle n'exerçait « pas de fonctions commerciales dans la mesure où elle encaisse les achats sans vendre ni promouvoir les produits » ; qu'en subordonnant le succès de la demande à l'accomplissement, par la salariée, d'activités de vente et de promotion de produits, le Conseil de Prud'hommes, qui a exigé des conditions qui ne le sont pas légalement, a violé l'article L 1226-24 du Code du Travail (anciennement articles 59 et 63 du Code du Commerce local) ;

Et AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L 1226-23 du Code du travail, l'obligé à la prestation de service ne perd pas sa prétention à la rémunération par le fait qu'il aurait été empêché d'effectuer sa prestation de services pour une cause qui lui était personnelle sans sa faute pendant un temps relativement sans importance; si l'absence n'est pas reconnue comme étant d'un temps sans importance le salarié ne peut prétendre au bénéfice dudit article, même pour les premiers jours de l'absence; Madame X... s'est trouvée en maladie du 19 mai 2005 au 31 juillet 2006; cette absence ne peut être considérée comme un temps sans importance; dès lors, elle ne peut prétendre au paiement de son salaire même pour partie ; en revanche, elle s'est trouvée en arrêt maladie du 5 au 24 avril 2005 soit durant 19 jours; compte de la durée de cette absence, il convient de faire application de l'article L1226-23 du Code du travail; une somme de 514,59 € bruts soit 434,82 € nets a été déduite de son salaire; elle a perçu 226,61 € nets au titre des indemnités journalières de la CPAM; la Société FADIS devenue FIFAM sera tenue de s'acquitter de la somme de 208,21€ nets; la demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sera écartée, car l'absence pour maladie n'est pas assimilée à un temps de travail effectif;
Madame X... ne démontre pas avoir subi un préjudice particulier du fait du non-paiement de la somme due; qu'elle sera déboutée de sa demande en dommages intérêts;

ALORS QU'il appartient au juge prud'homal d'apprécier concrètement, compte tenu de l'ancienneté du salarié, de son emploi et des circonstances de l'espèce si une absence a duré « un temps relativement sans importance » ; que Madame Z..., qui travaillait à temps partiel, avait fait valoir qu'elle avait cinq ans d'ancienneté et que son remplacement durant ses absences pour cause de maladie ne posait pas de difficulté d'autant que plus de 60 salariés exerçaient les mêmes fonctions qu'elle ; que le Conseil de Prud'hommes, qui a affirmé que son absence ne pouvait être considérée comme un temps sans importance sans se prononcer concrètement en fonction des circonstances de l'espèce, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 1226-23 du Code du Travail (anciennement 616 du Code civil local).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... au titre des dimanches travaillés et du défaut d'attribution d'un jour de repos;

AUX MOTIFS QU'en application de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, le travail occasionnel le dimanche implique une majoration de 100 % du salaire horaire de l'intéressé et la récupération du jour de repos travaillé dans les 15 jours; l'analyse de ce texte permet d'affirmer que le salarié ne peut prétendre à un jour de récupération supplémentaire mais au report du dimanche, jour de repos, dans les 15 jours qui suivent; en conséquence, Madame X... ne peut prétendre au paiement d'un jour de repos supplémentaire par rapport au jour de repos hebdomadaire;

ALORS QU'en application de l'article 5.14.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire « chaque heure de travail effectuée occasionnellement le dimanche ou le jour de repos hebdomadaire lorsque celui-ci est fixé à un autre jour que le dimanche donnera lieu à une majoration égale à 100 % du salaire horaire venant s'ajouter à la rémunération mensuelle…dans ce cas, il y a décalage et non suppression du jour du repos hebdomadaire légal qui devra être accordé dans la quinzaine qui suit ou précède le dimanche ou le jour de repos hebdomadaire travaillé » ; que pour rejeter la demande de Madame X..., le Conseil de Prud'hommes a relevé « que le salarié ne peut prétendre à un jour de récupération supplémentaire mais au report du dimanche, jour de repos, dans les 15 jours qui suivent » ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher si Madame X... avait effectivement bénéficié de l'attribution d'un jour de repos « dans la quinzaine qui suit ou précède le dimanche ou le jour de repos hebdomadaire travaillé », le Conseil de Prud'hommes a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 5.14.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame X... tendant au paiement de la somme de 82, 92 euros pour la journée du 1er novembre 2008 et les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU'en Alsace-Moselle, la Toussaint est un jour férié chômé; selon la loi du 16 avril 2008 relative à la journée de solidarité, à titre exceptionnel pour l'année 2008, à défaut d'accord collectif, l'employeur pouvait définir unilatéralement les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité après consultation du comité d'entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel s'ils existent; ces dispositions sont applicables en Alsace Moselle; la société FADIS devenue FIFAM a choisi de fixer la journée de solidarité au 1er novembre 2008 et d'ouvrir son commerce ce jour; Madame X... n'apporte pas la preuve de ce que cette décision a été prise de façon irrégulière; en conséquence, Madame X... ne pouvait prétendre à une rémunération au titre de cette journée durant laquelle elle n'a pas travaillé;

ALORS QUE la preuve de l'accomplissement ou de l'absence d'accomplissement par l'employeur de prescriptions lui incombant ne peut être mise exclusivement à la charge du salarié ; que pour rejeter les demandes de Madame X..., le Conseil de Prud'hommes a relevé que Madame X... n'apportait pas la preuve de ce que la décision de l'employeur de fixer la journée de solidarité au 1er novembre 2008 et d'ouvrir son commerce ce jour avait été prise de façon irrégulière ; qu'en mettant la charge et le risque de la preuve exclusivement à la charge de la salariée, le Conseil de Prud'hommes a violé l'article 1315 du Code Civil ;

ALORS en tout état de cause QUE Madame X... avait notamment communiqué une Ordonnance de référé rendue le 31 octobre 2008 par laquelle le Président du Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE avait fait interdiction à l'employeur de faire travailler ses salariés le 1er novembre 2008 au titre de la journée de solidarité après avoir jugé que l'ouverture du commerce le jour de la Toussaint sans autorisation préfectorale constituait un trouble manifestement illicite, que la fixation de la journée de solidarité le jour de la Toussaint ne résultait pas d'un accord et n'avait pas été précédée de la consultation du Comité d'entreprise ; que pour rejeter les demandes de Madame X..., le Conseil de Prud'hommes a relevé qu'elle n'apportait pas la preuve de ce que la décision de l'employeur de fixer la journée de solidarité au 1er novembre 2008 et d'ouvrir son commerce ce jour avait été prise de façon irrégulière ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Conseil de Prud'hommes a dénaturé par omission l'Ordonnance de référé et violé l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS à tout le moins QUE le Conseil de Prud'hommes n'a pas examiné l'Ordonnance de référé rendue le 31 octobre 2008 communiquée par Madame X... et par laquelle le Président du Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE avait fait interdiction à l'employeur de faire travailler ses salariés le 1er novembre 2008 au titre de la journée de solidarité après avoir jugé que l'ouverture du commerce le jour de la Toussaint sans autorisation préfectorale constituait un trouble manifestement illicite, que la fixation de la journée de solidarité le jour de la Toussaint ne résultait pas d'un accord et n'avait pas été précédée de la consultation du Comité d'entreprise ; que le Conseil de Prud'hommes, qui s'est abstenu d'examiner cet élément de preuve a violé l'article 455 du NCPC.

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