Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 janvier 2012, 10-30.677, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 10-30.677
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février 2010), que M. X..., engagé le 16 octobre 2006 en qualité de conducteur de travaux chargé d'assurer le suivi de chantiers, a fait l'objet d'une suspension de son permis de conduire en août 2007 ; qu'ayant fait l'objet d'un arrêt de travail de septembre 2007 à mars 2008, il a été licencié par lettre du 25 mars 2008 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et de le condamner à lui payer une indemnité de ce chef, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement est suffisamment motivée lorsque les griefs qui y sont énoncés sont matériellement vérifiables, sans qu'il soit nécessaire que les motifs de la rupture soient expliqués et démontrés dans la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement qui mentionne que le retrait de son permis de conduire ne permet plus au salarié d'assurer sa mission est suffisamment motivée, le juge étant alors tenu d'apprécier, au vu des explications des parties, la réalité et le sérieux du motif invoqué par l'employeur ; qu'en considérant que, faute d'avoir indiqué en quoi le retrait temporaire du permis de conduire de M. X... le plaçait dans l'impossibilité d'exécuter ses fonctions, la lettre de licenciement n'énonçait pas un motif de rupture suffisamment précis et ne répondait pas aux exigences légales, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ qu'en considérant que, faute d'avoir indiqué en quoi le retrait temporaire du permis de conduire de M. X... le plaçait dans l'impossibilité d'exécuter ses fonctions, la lettre de licenciement n'énonçait pas un motif de rupture suffisamment précis et ne répondait pas aux exigences légales, sans apprécier la réalité de ce motif dont le bien-fondé était explicité par lui dans ses écritures et à l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ qu'en relevant, d'une part, qu'un « doute » existait quant à l'exactitude du motif mentionné dans la lettre de licenciement et, d'autre part, que le motif ainsi énoncé « paraît » constituer un prétexte destiné à dissimuler la véritable cause du licenciement, laquelle n'est pas précisée par l'arrêt attaqué, pour en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs dubitatifs et hypothétiques, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la lettre de licenciement fixant les termes du litige, le juge ne peut rechercher l'existence d'un autre motif, au-delà des termes de la lettre de licenciement, qu'à la seule condition que le salarié ait précisément invoqué un tel motif pour contester le grief apparent allégué par l'employeur ; qu'il ne résulte ni des conclusions du salarié, développées oralement à l'audience, ni des énonciations de l'arrêt attaqué, que M. X..., qui s'est borné à soutenir que le motif énoncé dans la lettre de licenciement n'était pas le motif véritable de la rupture, ait exposé le motif qui, selon lui, aurait en réalité déterminé la rupture du contrat de travail ; qu'en décidant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse pour la raison que le motif de rupture figurant dans la lettre de licenciement paraissait constituer un prétexte destiné à dissimuler la véritable cause de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
5°/ que, dans des conclusions demeurées sans réponse, il faisait valoir que M. X..., privé de son permis de conduire, ne pouvait plus assurer sa mission de surveillance des chantiers inhérente à sa fonction et qu'aucune mesure de remplacement n'était envisageable (conclusions développées oralement à l'audience p. 6) ; qu'en se bornant à énoncer que la lettre de rupture ne précisait pas en quoi le retrait temporaire du permis de conduire du salarié le plaçait dans l'impossibilité d'exécuter son travail sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que la lettre de licenciement invoquait exclusivement l'impossibilité pour le salarié d'accomplir son travail en raison de la suspension de son permis de conduire, a constaté que la fonction de conducteur de travaux n'impliquait pas la nécessité d'avoir un permis de conduire valide ; qu'en l'état de ses constatations et exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofidim aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Cofidim.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le licenciement de Monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société COFIDIM à lui payer la somme de 5.000 à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement doit énumérer les motifs de la rupture ; que l'énonciation ainsi faite fixe les termes et la limite du litige ; que la cause du licenciement doit être réelle et sérieuse, qu'il s'ensuit que celle-ci doit être objective, qu'elle doit exister et qu'elle doit être exacte, qu'une fois ces éléments vérifiés le juge doit constater la pertinence de la rupture ; que dans le cas présent, le seul motif invoqué dans la lettre est le retrait de permis qui ne permet plus au salarié d'assurer son travail, sans autre précision, alors que ce dernier exerçait la fonction de conducteur de travaux qui n'implique pas nécessairement la nécessité d'avoir un permis de conduire valide ; que la lettre de rupture devait donc préciser en quoi le retrait temporaire du permis de conduire mettait le salarié dans l'impossibilité d'exécuter ses fonctions ; que cette insuffisance de motif s'accompagne d'un doute sérieux sur l'exactitude du motif mentionné dans la lettre de licenciement qui n'est pas en adéquation avec celle qui convoquait Monsieur Christian X... à l'entretien préalable, qui indiquait : « des faits particulièrement graves engageant votre responsabilité ont été découverts cette dernière semaine » ; que dès lors, il résulte de ce qui précède que le motif de rupture figurant dans la lettre de licenciement paraît constituer un prétexte destiné à dissimuler la véritable cause de celui-ci ; que dès lors, le licenciement litigieux est illégitime (arrêt, page 3) ;
ALORS, d'une part, QUE la lettre de licenciement est suffisamment motivée lorsque les griefs qui y sont énoncés sont matériellement vérifiables, sans qu'il soit nécessaire que les motifs de la rupture soient expliqués et démontrés dans la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement qui mentionne que le retrait de son permis de conduire ne permet plus au salarié d'assurer sa mission est suffisamment motivée, le juge étant alors tenu d'apprécier, au vu des explications des parties, la réalité et le sérieux du motif invoqué par l'employeur ; qu'en considérant que, faute d'avoir indiqué en quoi le retrait temporaire du permis de conduire de Monsieur X... le plaçait dans l'impossibilité d'exécuter ses fonctions, la lettre de licenciement n'énonçait pas un motif de rupture suffisamment précis et ne répondait pas aux exigences légales, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ALORS, d'autre part, QU'en considérant que, faute d'avoir indiqué en quoi le retrait temporaire du permis de conduire de Monsieur X... le plaçait dans l'impossibilité d'exécuter ses fonctions, la lettre de licenciement n'énonçait pas un motif de rupture suffisamment précis et ne répondait pas aux exigences légales, sans apprécier la réalité de ce motif dont le bien fondé était explicité par la société COFIDIM dans ses écritures et à l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ALORS, de troisième part, QU'en relevant d'une part qu'un « doute » existait quant à l'exactitude du motif mentionné dans la lettre de licenciement et d'autre part que le motif ainsi énoncé « paraît » constituer un prétexte destiné à dissimuler la véritable cause du licenciement, laquelle n'est pas précisée par l'arrêt attaqué, pour en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs dubitatifs et hypothétiques, a violé l'article 455 du Code de Procédure civile ;
ALORS, de quatrième part, QUE la lettre de licenciement fixant les termes du litige, le juge ne peut rechercher l'existence d'un autre motif, au-delà des termes de la lettre de licenciement, qu'à la seule condition que le salarié ait précisément invoqué un tel motif pour contester le grief apparent allégué par l'employeur ; qu'il ne résulte ni des conclusions du salarié, développées oralement à l'audience, ni des énonciations de l'arrêt attaqué, que Monsieur X..., qui s'est borné à soutenir que le motif énoncé dans la lettre de licenciement n'était pas le motif véritable de la rupture, ait exposé le motif qui, selon lui, aurait en réalité déterminé la société COFIDIM à rompre le contrat de travail ; qu'en décidant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse pour la raison que le motif de rupture figurant dans la lettre de licenciement paraissait constituer un prétexte destiné à dissimuler la véritable cause de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ALORS, enfin et subsidiairement, QUE, dans des conclusions demeurées sans réponse, la société COFIDIM faisait valoir que Monsieur X..., privé de son permis de conduire, ne pouvait plus assurer sa mission de surveillance des chantiers inhérente à sa fonction, et qu'aucune mesure de remplacement n'était envisageable (conclusions développées oralement à l'audience p. 6) ; qu'en se bornant à énoncer que la lettre de rupture ne précisait pas en quoi le retrait temporaire du permis de conduire du salarié le plaçait dans l'impossibilité d'exécuter son travail sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de Procédure civile.