Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 octobre 2011, 11-80.069, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Paul X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 7 décembre 2010, qui, pour travail dissimulé, abus de confiance et harcèlement moral, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 314-1 du code pénal, des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fixé à décembre 2003 le point de départ de la prescription des faits d'abus de confiance reprochés ;

"aux motifs qu'en matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le point de départ du délai de prescription se situait à la date à laquelle les détournements reprochés à M. X... étaient apparus et avaient été constatés, à savoir l'issue de l'enquête de la ville de Paris dont les conclusions ont été déposées en décembre 2003 ; qu'il s'en déduit contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges que les faits reprochés à M. X... concernant les années 1983 à courant 2004 n'étaient pas prescrits ;

"alors qu'en matière d'abus de confiance, la négligence ou l'inertie de l'autorité hiérarchique à exercer son contrôle et faire cesser des faits de détournement connus ne sauraient retarder le point de départ de la prescription ; qu'ainsi, en ne recherchant pas - en réfutation des conclusions de M. X..., qui faisaient valoir que M. Y..., chef de circonscription centre ouest de 1993 à 1997, avait reconnu devant les services de l'Inspection générale de la ville de Paris avoir su que M. X... avait « des activités extérieures à la ville », puisque celui-ci n'avait « pas nié se livrer à cette activité particulière », et avoir même en conséquence de cette activité placé l'atelier « en sous effectif », et en réfutation également des motifs du jugement constatant « l'assentiment à tout le moins implicite des supérieurs hiérarchiques» - si ces supérieurs hiérarchiques de M. X... n'avaient pas été en mesure dès la période 1993-1997 de constater les détournements dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, en sorte que le point de départ de la prescription devait être fixé dès cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que, pour dire non prescrit le délit d'abus de confiance au préjudice de la ville de Paris reproché à M. X..., l'arrêt retient que c'est à la suite de la plainte d'une collaboratrice de ce dernier pour harcèlement sexuel et tentative de corruption passive qu'une enquête a été diligentée au mois de janvier 2003 par l'inspection générale de la ville et que ses conclusions, déposées en décembre de la même année, ont révélé l'existence, depuis 1983 et jusqu'au 17 mai 2003, date à laquelle l'intéressé a été suspendu de ses fonctions, de divers détournements ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors que la négligence ou l'inertie prétendue du supérieur hiérarchique du prévenu, dans la période 1993-1997, ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription de l'action publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 314-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance, et l'a condamné :
- à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 euros ;
- à payer à la ville de Paris la somme de 66 998 euros à titre de dommages-intérêts, outre les frais irrépétibles de l'instance ;

"aux motifs qu'il ressort des différents témoignages recueillis au cours de la présente procédure, que M. X... s'est approprié temporairement ou plus définitivement, divers matériels de jardinage pour les travaux qu'il réalisait chez les particuliers, ce qu'il a lui-même reconnu devant le juge d'instruction, s'agissant du matériel courant, voire d'une échelle, ainsi que des plantes ; que les déclarations de ses collègues et notamment celles de MM. Z... et A... qui ont reconnu avoir participé à cette activité occulte, révèlent que M. X... se servait des plantes de la ville ainsi que du matériel (tondeuses, tronçonneuses, scarificateurs, échelles) ; que ces déclarations sont corroborées par celles des clients de M. X... qui ont indiqué qu'ils n'avaient pas le choix des plantes apportées par M. X..., qu'elles ne correspondaient d'ailleurs pas toujours à leur goût et que celui-ci ne leur présentait d'ailleurs jamais de factures de végétaux ; que ces éléments démontrent suffisamment un détournement de la part de M. X... excédant ce qui pouvait être une pratique autorisant le personnel à prendre quelques végétaux, pour son compte personnel, dans des limites raisonnables ; que s'agissant de la consommation de carburant pour son véhicule personnel M. X... a précisé, au cours de la procédure, ne pas avoir de carte d'essence pour son véhicule personnel, mais uniquement pour les véhicules immatriculés au sein du service ; qu'il a pourtant admis avoir alimenté son véhicule personnel à hauteur de 20 litres d'essence par semaine, ce dont il se déduit qu'il a utilisé à son profit personnel de l'essence mise à sa disposition par la ville de Paris, son employeur, dans le cadre de son travail et ce dans son intérêt personnel ;

"1) alors que, l'élément intentionnel du délit d'abus de confiance n'est pas constitué si les parties ont donné leur accord à l'usage fait de la chose ; qu'ainsi, la cour d'appel qui n'a opposé aucune réfutation aux conclusions de M. X..., qui faisaient valoir que M. Y..., chef de circonscription centre ouest de 1993 à 1997, avait reconnu devant les services de l'Inspection générale de la ville de Paris avoir su que M. X... avait « des activités extérieures à la Ville », puisque celui-ci n'avait « pas nié se livrer à cette activité particulière », et avoir même en conséquence de cette activité placé l'atelier « en sous effectif », et qui n'a non plus opposé aucune réfutation aux motifs du jugement constatant « l'assentiment à tout le moins implicite des supérieurs hiérarchiques », dès lors notamment que M. X... n'aurait pu avoir sans l'aval de son employeur accès à des « enceintes hautement sécurisées », comme celle de l'ambassade d'Algérie, ou au domicile de personnalités, n'a pas légalement caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction, privant sa décision de toute base légale ;

"2) et alors que la cour d'appel qui n'a pas recherché, en réfutation des conclusions de M. X... et des motifs du jugement, si la consommation de 20 litres de carburant n'était pas la contrepartie, acceptée par l'employeur, de l'utilisation par le salarié de sa voiture personnelle pour des déplacements professionnels, a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à payer à M. B... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre les frais irrépétibles de l'instance ;

"aux motifs qu'il convenait d'examiner l'attitude de M. X... depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002 jusqu'au 17 mai 2003 ;

"et que s'agissant de M. B..., celui-ci indiquait que M. X... se moquait de lui à cause de son statut de Cotorep ; qu'il expliquait que M. X... lui refusait systématiquement de prendre ses congés au moment du pèlerinage de Lourdes auquel il aurait souhaité participer en qualité de bénévole ; qu'il lui confiait des tâches ingrates, et l'utilisait pour ses besoins personnels notamment en l'envoyant faire des courses et en lui faisant nettoyer sa voiture et son bureau ; qu'il lui demandait de rester travailler au-delà des horaires ; que de telles allégations étaient confirmées par les déclarations de ses collègues de travail ; que si M. X... contestait avoir harcelé M. B... il reconnaissait cependant lui avoir régulièrement demandé de faire des courses pour lui (croissants, cigares) et lui avoir fait laver sa voiture ou son vélo personnel, ajoutant que M. B... appréciait de l'aider dans ces tâches ; que l'expertise psychologique effectuée de M. B... laquelle le décrivait comme vulnérable et facilement exploitable précisait que si celui-ci ne présentait ni dépression réactionnelle, ni état de stress traumatique c'était à raison de son incapacité à mentaliser, en soulignant, que pour la même raison, il n'était pas non plus en mesure d'élaborer de fausses allégations ; qu'au vu de ces éléments et des déclarations de M. X... lequel a admis, au moins partiellement, la réalité des faits reprochés, et dont la personnalité est décrite comme extrêmement autoritaire par ses collaborateurs, qu'il convient de retenir que M. X... a eu, à l'égard de M. C... et M. B..., tous deux ayant des personnalités fragiles, un comportement vexatoire en leur tenant des propos humiliants et en les plaçant dans une situation dégradante et portant ainsi atteinte à leur dignité, par des agissements intentionnels répétés constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 2222-33-2 du code pénal, peu important à cet égard que M. X..., se prévale, de notations élogieuses de la part de ses supérieurs hiérarchiques dont rien ne permet de retenir qu'ils étaient au courant de cette situation ;

"alors que la cour d'appel, qui avait constaté que les faits de harcèlement moral devaient être caractérisés entre le 17 janvier 2002 et le 17 mai 2003, n'a procédé, en réfutation des motifs du jugement, à aucune constatation de nature à établir que M. B... aurait été victime durant cette période de faits de harcèlement moral qu'il invoquait, n'a pas justifié du lien de causalité entre l'infraction retenue et le préjudice invoqué par M. B..., privant sa décision de toute base légale" ;

Attendu que pour déclarer le demandeur coupable du délit de harcèlement moral au préjudice de M. B..., l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen après avoir indiqué que ces faits, confirmés par un témoin, concernent l'année 2002 ;

Attendu qu'en cet état le moyen manque en fait et ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra verser à la ville de Paris, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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