Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2011, 09-71.107, Publié au bulletin, rectifié par un arrêt du 29 juin 2011

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Sur la recevabilité de l'intervention de l'association Mouvement des entreprises de France (MEDEF) examinée d'office :

Vu les articles 327 et 330 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon ces textes, les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation, si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie, et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir une partie ;

Attendu que le pourvoi formé par M. X... est dirigé contre un arrêt qui, notamment, a rejeté sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé ; que le MEDEF ne justifie pas d'un intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir la société Y..., défenderesse au pourvoi ; que l'association n'est donc pas recevable en son intervention volontaire ;

Sur le pourvoi :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 19 janvier 2001 par la société Y... en qualité de cadre autonome comme responsable commercial sur une zone internationale ; que son contrat de travail stipulait une convention de forfait en jours telle que prévue à l'accord sur l'organisation du travail du 28 juillet 1998 conclu dans la branche de la métallurgie ; que le salarié bénéficiait d'une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable liée à la réalisation d'objectifs ; qu'il a démissionné le 30 janvier 2006 ; que se prévalant notamment des insuffisances de l'employeur quant au contrôle du nombre de jours travaillés ou de suivi de son organisation et de sa charge de travail et soutenant qu'en conséquence il n'avait pas perçu toutes les sommes auxquelles il pouvait prétendre au titre de l'exécution de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Vu l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 14 de l'accord du 28 juillet 1998 étendu sur l'organisation du travail dans la métallurgie ;

Attendu, d'abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles susvisés des Directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Attendu, encore, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Attendu, enfin, que, selon l'article 14 de l'accord du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises ; que l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; que ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur ; que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail ; qu'en outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité ; que cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé ;

Attendu que pour rejeter les demandes du salarié au titre d'heures supplémentaires et de travail dissimulé, l'arrêt retient que le contrat de travail fixait la durée du travail "conformément à l'accord collectif signé le 23 mai 2000 - article 6. 20 - que M. X... est classé dans la catégorie des cadres jouissant d'une large autonomie dans la gestion et l'organisation de leur temps de travail, catégorie bénéficiant d'une convention de forfait en jours déterminé sur la base de 217 jours de travail par an, qu'il est donc soumis au type d'horaire prévu par l'accord pour cette catégorie", que cette disposition par laquelle le salarié a accepté le bénéfice d'une convention de forfait sur la base de 217 jours par an s'interprète comme excluant la rémunération de toute heure supplémentaire dès lors qu'il était soumis à une convention de forfait en jours de travail telle que déterminée par cet accord et excluant les dispositions légales sur la durée du travail exprimée en heures ; que la référence dans les bulletins de paie à un horaire de 151,67 heures de travail par mois de même que les insuffisances de l'employeur en matière de contrôle du nombre de jours travaillés ou en suivi de l'organisation et de la charge de travail, à les supposer établies, ne sont pas de nature à remettre en cause la convention de forfait fixé en jours ; que cette convention exclut les dispositions sur la durée légale du travail, les heures supplémentaires et des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et donc un décompte de la durée du travail en heures ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les stipulations de l'accord collectif du 28 juillet 1998 dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours n'avaient pas été observées par l'employeur, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était privée d'effet et que le salarié pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont elle devait vérifier l'existence et le nombre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que le mode de rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément qui ne peut être modifié sans son accord ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de primes contractuelles quantitatives pour l'exercice 2003-2004, l'arrêt retient que le bonus défini le 17 janvier 2002 et fondé sur une augmentation du chiffres d'affaires des ventes a été remplacé par un bonus quantitatif fondé sur une croissance de la marge ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir constaté l'accord du salarié sur la modification des objectifs dont la réalisation détermine le montant de la part variable de la rémunération prévue au contrat de travail pour les exercices 2003-2004 et 2005-2006, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement prorata temporis de la prime qualitative de l'exercice 2005-2006, l'arrêt retient que, quand bien même elle a été constamment payée sur les trois exercices antérieurs, cette prime ou bonus à périodicité annuelle était versée à la fin de chaque exercice et que cet avantage dépendait d'éléments subjectifs appréciés par l'employeur ne découlant pas directement de l'activité du salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que la prime qualitative prévue par le contrat de travail constituait un élément de la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Dit irrecevable l'intervention volontaire de l'association Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, de congés payés sur heures supplémentaires, de repos compensateur, et au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 en cas de travail dissimulé;

AUX MOTIFS QUE la SA Y... a conclu le 23 mai 2000 un accord d'entreprise sur la réduction et l'aménagement du temps de travail à 35 heures qui a reconnu pour les cadres jouissant d'une large autonomie dans la gestion et dans l'organisation de leur temps de travail, la possibilité de conclure une convention de forfait en jours sur la base de 217 jours de travail avec le bénéfice de 10 jours de repos ARTT ; que Monsieur X... ne conteste pas son statut de cadre ni l'autonomie qui y était de fait attachée pour l'organisation de ses fonctions de responsable commercial sur une zone internationale étendue impliquant la responsabilité du bureau représentant l'entreprise en Chine et de fréquents déplacements et séjours à l'étranger, la nature de ses fonctions étant incompatibles avec le respect d'un horaire collectif; que le contrat de travail conclu par Monsieur X... le 19 janvier 2001 est ainsi rédigé: durée du travail « conformément à l'accord collectif signé le 23 mai 2000 - article 6.20- Monsieur X... est classé dans la catégorie des cadres jouissant d'une large autonomie dans la gestion et l'organisation de leur temps de travail, catégorie bénéficiant d'une convention de forfait en jours déterminée sur la base de 217 jours par an ; il est donc soumis au type d'horaire prévu par l'accord pour cette catégorie» ; que cette disposition spécialement convenue entre les parties, et par laquelle le salarié a accepté le bénéfice d'une convention de forfait sur la base de 217 jours par an, n'est nullement remis en cause par les mentions de l'article « rémunération» du contrat, lequel inclut les heures supplémentaires effectuées au delà de 35 heures en application de l'article « durée du travail » ; qu'en application de l'article 1161 du Code civil, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier, l'article rémunération, en dépit de sa formulation maladroite, s'interprète comme excluant de la rémunération toute heure supplémentaire dès lors qu'au terme de l'article précédent sur la durée du travail, Monsieur X... était soumis à une convention de forfait en jours de travail telle que déterminée par l'accord du 23 mai 2000 pour la catégorie des cadres disposant d'une large autonomie dont il relevait en excluant les dispositions légales sur la durée du travail exprimée en heures; que la référence dans les bulletins de paie à un horaire de 151,67 heures de travail par mois de même que les insuffisances de l'employeur en matière de contrôle du nombre de jours travaillés ou en suivi de l'organisation et de la charge de travail, à les supposer établies dès lors que l'employeur soutient sans être contesté que Monsieur X... établissait lui-même le planning des jours de congés qu'il prenait en les fixant lui-même, ne sont pas de nature à remettre en cause la convention de forfait fixé en jours arrêtée par les parties; qu'enfin la circonstance que le salarié effectuait de nombreux déplacements à l'étranger sur environ 100 jours par an n'est pas de nature à caractériser une violation des temps de repos quotidien ou hebdomadaire imposés dans le cadre d'une convention de forfait en jours de travail; que la convention de forfait en jours excluant les dispositions sur la durée légale du travail, les heures supplémentaires et des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et donc excluant un décompte de la durée du travail en heures, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré mal fondée la demande de Monsieur X... en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés y afférents et de repos compensateurs; que Monsieur X... a en conséquence été justement débouté de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé;

ALORS QUE l'application d'une convention de forfait en jours est subordonnée à l'existence d'un accord collectif l'autorisant et au respect des dispositions de cet accord; que l'accord collectif de la métallurgie applicable en l'espèce impose à l'employeur de mettre en place un système de contrôle du nombre des jours de travail, de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés par une convention de forfait en jours; que ces obligations ont été méconnues par l'employeur; qu'en décidant néanmoins que la convention de forfait en jours était opposable au salarié, au motif inopérant qu'elle résultait de son contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L.3121-40 et L.3121-45 du Code du travail dans leur rédaction applicable au litige antérieure à la loi n02008-43 du 20 août 2008.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de diverses primes contractuelles;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X... demande le versement d'une somme de 9.408,80 € au titre de la prime quantitative pour l'exercice 2003-2004, en se fondant d'une part, sur les éléments de calcul de la prime déterminée par l'employeur dans un message électronique du 17 janvier 2002 et en invoquant une croissance du chiffre d'affaires par rapport à l'année antérieure de 12,38% ; qu'outre que ce taux de croissance ne ressort pas des pièces versées aux débats, hormis l'affirmation du demandeur, il convient d'observer que le message du 17 janvier 2002 de l'employeur ne visait que le bonus scheme de l'année fiscale 2001-2002 et qu'il était fondé sur une augmentation du chiffre d'affaires sur les ventes des produits Y..., alors que le message du 29 janvier 2004 précisait le bonus scheme de 2003-2004 composé outre d'un bonus pour équipements vendus, d'un bonus scheme quantitatif calculé sur la croissance de la marge et non plus sur l'augmentation du seul chiffre d'affaires des ventes des produits; que cette modification de l'assiette du bonus permet de considérer que le bonus scheme précisé le 17 janvier 2002 était devenu caduque et remplacé par un bonus scheme 2003-2004 défini dans le message du 29 janvier 2004 ; que Monsieur X... ne peut donc prétendre à une prime quantitative pour l'exercice 2003-2004, fondée sur les modalités de calcul définies le 17 janvier 2002 pour l'exercice 2001-2002; que Monsieur X... sollicite le paiement d'une prime quantitative pour l'exercice incomplet 2005-2006 fondée sur les modalités de calcul définies par l'employeur dans son message électronique du 17 janvier 2002 et fondées sur une estimation de croissance du chiffre d'affaires évaluée à 15% ; que cependant, il résulte des pièces sybillines versées sur ce point, que le bonus scheme défini le 17 janvier 2002 et fondé sur une augmentation du chiffres d'affaires des ventes a été remplacé par un bonus quantitatif fondé sur une croissance de la marge; que la demande de Monsieur X... sur ce point n'est donc par fondée; que Monsieur X... fait valoir que la prime qualitative lui a été intégralement payée de 2002 à 2005, pour solliciter le paiement prorata temporis de cette prime sur l'exercice 2005-2006 ; que quand bien même elle a été constamment payée sur les trois exercices antérieurs, il apparaît du contrat que l'appréciation du droit et du montant de cette prime ou bonus à périodicité annuelle s'effectuait à la fin de chaque exercice; que cet avantage dépendant d'éléments subjectifs appréciés par l'employeur; que dès lors qu'ils n'étaient pas quantifiables en éléments chiffrés et ne découlaient pas directement de l'activité du salarié, il ne peut être considéré que ce bonus qualitatif était un élément variable de la rémunération versé en contrepartie directe de l'activité du salarié ; qu'en conséquence, Monsieur X... est mal fondé à en demander le versement sur la fraction de l'exercice où il a travaillé, alors qu'ayant rompu son contrat de travail avant la date de versement de cet avantage, son versement prorata temporis n'est prévu ni par une disposition conventionnelle, ni par un usage d'entreprise;

1. ALORS QUE la rémunération contractuelle ne peut être modifiée unilatéralement par l'employeur; qu'en l'espèce, le contrat de travail prévoyait le paiement d'une part variable composée de primes calculées selon un plan d'intéressement à établir; que le plan d'intéressement 2001-2002 a été précisé le 17 janvier 2002 ; que le salarié a réclamé sur cette base le paiement de rappels de salaires au titre des exercices 2003-2004 et 2005-2006 ; que pour le débouter de ses demandes, l'arrêt retient que le plan d'intéressement initial a fait l'objet de modifications ultérieures; qu'en statuant ainsi, sans constater l'accord du salarié à ces modifications, le salarié faisant valoir dans ses conclusions d'appel qu'il ne les avait pas acceptées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil;

2. ALORS QU'aux termes du contrat de travail de l'exposant, le respect des objectifs lui garantit un complément de salaire annuel brut de 6.097,96 € ; qu'il en résulte que ce complément de salaire, qui fait partie intégrante du salaire de base, est de plein droit acquis prorata temporis par le salarié ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
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