Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 octobre 2011, 10-16.444, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Mme X..., engagée le 1er juillet 2000 en qualité d'agent administratif et de développement par contrat emploi-jeune à durée indéterminée par l'association Comité régional de la ligue contre le cancer, après avoir reçu deux avertissements les 29 mai et 17 septembre 2004 et avoir été en arrêt maladie du 17 septembre au 1er octobre 2004 pour dépression, a été licenciée pour faute grave le 28 octobre 2004 après avoir fait irruption le 4 octobre dans la salle du conseil d'administration, lors de la séance de celui-ci, pour y distribuer une lettre mettant en cause sa supérieure hiérarchique ;

Attendu que pour retenir la faute grave de la salariée et rejeter ses demandes, l'arrêt relève un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression pour avoir dénoncé aux membres du conseil d'administration de l'association des agissements inacceptables de violence morale, altérant sa santé mentale et dégradant ses conditions matérielles en vue de compromettre son avenir professionnel de la part de sa supérieure hiérarchique ;

Attendu cependant que, sauf mauvaise foi, un salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral ;


Qu'en statuant comme elle a fait, sans caractériser la mauvaise foi de la salariée, alors qu'elle avait constaté que celle-ci avait été licenciée pour avoir relaté des faits de harcèlement, ce dont il résultait que le licenciement était nul, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne l'association Comité régional de la ligue contre le cancer aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, décidé que le licenciement de Mme X... reposait sur une faute grave et d'avoir rejeté toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le licenciement s'inscrivait dans le prolongement d'un conflit entre Mme X... et Mme Y..., vice présidente et faisait suite aux avertissements délivrés à la salariée les 29 mai et 17 septembre 2004 ; que la lettre de licenciement visait l'intrusion de Mme X... durant le conseil d'administration du 4 octobre vers 19h00, en dehors de son temps de travail, la remise d'un courrier au membres du conseil critiquant le CRLC le bureau et certains membres ; que l'intrusion intempestive constituait une faute ; que le courrier remis mentionnait « je me permets de vous adresser cette lettre afin de vous informer des agissements inacceptables de Madame la lere vice présidente du comité » suivi des griefs imputés (disparité en matière de rémunération, critiques incessantes sur la qualité du travail fourni, négligences administratives, accusation d'erreurs, non-respect du salaire minimum) ; que la liberté d'expression du salarié avait pour limite l'abus ; que le salarié pouvait se plaindre d'une situation qu'il estimait préjudiciable ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, les termes employés dépassant la description objective de la situation ; qu'il s'agissait d'un réquisitoire contre la 1ere vice-présidente fondé sur des imputations subjectives ; que l'abus était caractérisé et la faute acquise ; que par les termes employés et les modalités d'information des membres du conseil d'administration, Mme X... s'était affranchie des obligations découlant du contrat de travail pour déstabiliser la 1ere vice-présidente et les membres du conseil, ne permettant pas la poursuite de la relation de travail ; AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes du courrier litigieux, Mme X... a dénoncé des agissements « inacceptables » de Mme Y..., la discrimination salariale, « une impitoyable violence morale » ayant pour effet de « dégrader (ses) conditions de travail... d'altérer (sa) santé mentale afin de compromettre (son) avenir professionnel »

1° ALORS QUE, ne peut justifier un licenciement pour faute grave le fait de dénoncer auprès de l'employeur des faits que le salarié juge constitutifs de harcèlement moral, même s'ils ne sont pas établis ; qu'après avoir constaté, par motifs tant propres qu'adoptés, que Mme X... avait le 4 octobre 2004 dénoncé des agissements « inacceptables » de Mme Y..., « une impitoyable violence morale » ayant pour effet de « dégrader ses conditions de travail... d'altérer sa santé mentale afin de compromettre son avenir professionnel », la cour d'appel, en retenant un abus dans l'exercice de la liberté d'expression de la salariée constitutif d'une faute grave, a violé ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2° ALORS QU'en tout état de cause, en n'ayant pas recherché si les griefs formulés par la salariée à l'encontre de son employeur n'étaient pas de nature à justifier sa démarche auprès du conseil d'administration et à ôter à son comportement le caractère de faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

3° ALORS QUE ne peut justifier un licenciement pour faute grave l'intrusion d'une salariée durant le conseil d'administration de la société l'employant, pour remettre un courrier, même critique, à ses membres du conseil, en l'absence de toute publicité donnée à ce courrier, par une salariée qui trois jours auparavant se trouvait encore en arrêt de travail pour dépression ; qu'en ayant statué comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail.

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