Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 septembre 2011, 11-80.165, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 septembre 2011, 11-80.165, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 11-80.165
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 06 septembre 2011
Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, du 16 novembre 2010- Président
- M. Louvel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Sarah X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Dylan, Jessy et Inès Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 2010, qui, dans la procédure contre M. Romain Z..., notamment, du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe de la réparation intégrale, des articles 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... assuré par la GMF à payer à Dylan, Jessy et Inès Y... les sommes de 15 400,80 euros, 15 400,80 euros et 19 477,60 euros en réparation de leur préjudice économique ;
"aux motifs que le tribunal a retenu pour chacun des enfants que le défunt avait une chance de voir ses revenus augmenter et que, eu égard au partage des revenus ordinaires, un capital de 23 385,16 euros devait être alloué ; que, selon l'employeur du défunt, celui-ci devait bénéficier d'un avancement le conduisant à percevoir un salaire mensuel net de 1 645,24 euros ; que, cependant, le tribunal relève que Mme X... et M. Y... ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs mois lors du décès ; que cette séparation n'est pas contestée ; que le préjudice économique des enfants en raison du décès de leur père alors qu'ils vivaient avec leur mère doit être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer le père, outre l'accueil et les avantages qu'il pouvait leur offrir ; que l'on peut retenir la somme annuelle de 1 342,82 euros retenue par la GMF et le calcul subséquent, mais jusqu'à vingt-cinq ans en raison des aléas professionnels prévisibles, soit 15 400,80 euros pour Jessy et Dylan et 19 477,60 euros pour Inès ;
"1) alors que, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, il résultait d'une attestation de l'employeur de M. Y..., décédé en décembre 2006, qu'au début de l'année 2007, M. Y... devait accéder à une promotion lui permettant de percevoir un salaire net mensuel de 1 645,24 euros au lieu des 1 342,82 euros perçus avant l'accident ; que cet événement ne présentait aucun aléa et avait un caractère certain ; qu'en refusant d'en tenir compte et en se fondant pour évaluer le préjudice des enfants Y... sur le seul salaire de 1 342,82 euros perçu avant l'accident, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés ;
"2) alors qu'en toute hypothèse, à supposer que la promotion de M. Y... fut entachée d'un quelconque aléa, il appartenait à la cour d'appel d'en tenir compte sur le terrain de la perte d'une chance ; qu'en se fondant pour évaluer le préjudice économique des enfants Y... sur le seul salaire de 1 342,82 euros perçu avant l'accident, sans prendre en considération la possibilité d'une évolution de carrière, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés ;
"3) alors que, si les époux Y... étaient séparés depuis peu avant l'accident, aucune procédure n'avait été entamée en vue de fixer une pension alimentaire ; que, de surcroît, une telle procédure et la séparation des consorts X... Y... n'était pas de nature à réduire le montant des revenus que M. Y... aurait consacré à l'entretien de ses enfants ; qu'en se fondant, pour infirmer le jugement et réduire le préjudice économique des enfants de M. Y..., sur le fait que le préjudice économique des enfants, qui vivaient avec leur mère, devait être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer leur père outre l'accueil et les avantages qu'il pouvait leur offrir, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale et 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, si les juges du fond apprécient souverainement le montant du préjudice subi par la victime d'une infraction ou ses ayants droit, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 9 décembre 2006, M. Y... a été victime d'un accident de la circulation dont M. Z..., reconnu coupable d'homicide involontaire, a été déclaré entièrement responsable ;
Attendu que, pour calculer la perte de revenus subie par ses enfants, le tribunal a retenu qu'il était établi que M. Y... aurait bénéficié d'une promotion à partir de janvier 2007 qui l'aurait conduit à percevoir un salaire net mensuel de 1 645,24 euros ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et diminuer le montant des dommages-intérêts alloués de ce chef, la juridiction du second degré énonce que Mme X... et M. Y... ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs mois et que le préjudice économique des enfants en raison du décès de leur père, alors qu'ils vivaient avec leur mère, doit être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer le père, outre l'accueil et les avantages qu'il pouvait leur offrir ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs tirés de la séparation des parents qui sont inopérants et sans s'expliquer sur le montant des revenus que le défunt aurait été en mesure de consacrer à ses enfants si l'accident n'était pas survenu, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la réparation intégrale du préjudice, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 16 novembre 2010, en ses seules dispositions relatives au préjudice économique de Dylan, Jessy et Inès Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Sarah X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Dylan, Jessy et Inès Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 2010, qui, dans la procédure contre M. Romain Z..., notamment, du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe de la réparation intégrale, des articles 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... assuré par la GMF à payer à Dylan, Jessy et Inès Y... les sommes de 15 400,80 euros, 15 400,80 euros et 19 477,60 euros en réparation de leur préjudice économique ;
"aux motifs que le tribunal a retenu pour chacun des enfants que le défunt avait une chance de voir ses revenus augmenter et que, eu égard au partage des revenus ordinaires, un capital de 23 385,16 euros devait être alloué ; que, selon l'employeur du défunt, celui-ci devait bénéficier d'un avancement le conduisant à percevoir un salaire mensuel net de 1 645,24 euros ; que, cependant, le tribunal relève que Mme X... et M. Y... ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs mois lors du décès ; que cette séparation n'est pas contestée ; que le préjudice économique des enfants en raison du décès de leur père alors qu'ils vivaient avec leur mère doit être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer le père, outre l'accueil et les avantages qu'il pouvait leur offrir ; que l'on peut retenir la somme annuelle de 1 342,82 euros retenue par la GMF et le calcul subséquent, mais jusqu'à vingt-cinq ans en raison des aléas professionnels prévisibles, soit 15 400,80 euros pour Jessy et Dylan et 19 477,60 euros pour Inès ;
"1) alors que, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, il résultait d'une attestation de l'employeur de M. Y..., décédé en décembre 2006, qu'au début de l'année 2007, M. Y... devait accéder à une promotion lui permettant de percevoir un salaire net mensuel de 1 645,24 euros au lieu des 1 342,82 euros perçus avant l'accident ; que cet événement ne présentait aucun aléa et avait un caractère certain ; qu'en refusant d'en tenir compte et en se fondant pour évaluer le préjudice des enfants Y... sur le seul salaire de 1 342,82 euros perçu avant l'accident, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés ;
"2) alors qu'en toute hypothèse, à supposer que la promotion de M. Y... fut entachée d'un quelconque aléa, il appartenait à la cour d'appel d'en tenir compte sur le terrain de la perte d'une chance ; qu'en se fondant pour évaluer le préjudice économique des enfants Y... sur le seul salaire de 1 342,82 euros perçu avant l'accident, sans prendre en considération la possibilité d'une évolution de carrière, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés ;
"3) alors que, si les époux Y... étaient séparés depuis peu avant l'accident, aucune procédure n'avait été entamée en vue de fixer une pension alimentaire ; que, de surcroît, une telle procédure et la séparation des consorts X... Y... n'était pas de nature à réduire le montant des revenus que M. Y... aurait consacré à l'entretien de ses enfants ; qu'en se fondant, pour infirmer le jugement et réduire le préjudice économique des enfants de M. Y..., sur le fait que le préjudice économique des enfants, qui vivaient avec leur mère, devait être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer leur père outre l'accueil et les avantages qu'il pouvait leur offrir, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale et 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, si les juges du fond apprécient souverainement le montant du préjudice subi par la victime d'une infraction ou ses ayants droit, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 9 décembre 2006, M. Y... a été victime d'un accident de la circulation dont M. Z..., reconnu coupable d'homicide involontaire, a été déclaré entièrement responsable ;
Attendu que, pour calculer la perte de revenus subie par ses enfants, le tribunal a retenu qu'il était établi que M. Y... aurait bénéficié d'une promotion à partir de janvier 2007 qui l'aurait conduit à percevoir un salaire net mensuel de 1 645,24 euros ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et diminuer le montant des dommages-intérêts alloués de ce chef, la juridiction du second degré énonce que Mme X... et M. Y... ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs mois et que le préjudice économique des enfants en raison du décès de leur père, alors qu'ils vivaient avec leur mère, doit être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer le père, outre l'accueil et les avantages qu'il pouvait leur offrir ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs tirés de la séparation des parents qui sont inopérants et sans s'expliquer sur le montant des revenus que le défunt aurait été en mesure de consacrer à ses enfants si l'accident n'était pas survenu, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la réparation intégrale du préjudice, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 16 novembre 2010, en ses seules dispositions relatives au préjudice économique de Dylan, Jessy et Inès Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;