Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 septembre 2011, 10-22.953, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 10-22.953
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er juin 2010), que par acte du 21 septembre 2005, Michèle X...et Henri Y... (les consorts Y...) ont promis de vendre aux époux Z...et à leur fille Carole (les consorts Z...) une propriété moyennant le prix de 411 612 euros ; que la SAFER Languedoc-Roussillon (la SAFER) ayant exercé son droit de préemption le 2 mars 2006 avec offre d'achat au prix de 330 000 euros, les consorts Y... ont refusé ce prix et retiré le bien de la vente ; que, le 23 avril 2007, ils ont vendu de gré à gré leur propriété à la SAFER qui l'a rétrocédé à la SCEA Saint-Etienne Aigon le 17 juillet 2007 ; que les consorts Z...ont assigné la SAFER en nullité de la préemption et paiement de dommages-intérêts et attrait la SCEA en intervention forcée ;
Attendu que les consorts Z...font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes irrecevables, alors, selon le moyen :
1°/ que justifie d'un intérêt à agir l'acquéreur évincé à la suite de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption, dont la demande tend à voir constater l'irrégularité de la décision de préemption, quand bien même la SAFER aurait acquis en définitive le bien dans le cadre d'une vente de gré à gré, l'anéantissement du lien contractuel au préjudice de l'acquéreur étant la conséquence de l'exercice initial du droit de préemption ; qu'en énonçant que les consorts Z...étaient irrecevables à agir aux fins de voir constater la nullité de la décision de préemption émanant de la SAFER au motif erroné que " cette nullité n'aurait pas le moindre effet sur la vente de gré à gré intervenue entre les consorts Y...-X...et sur la rétrocession subséquence conclue entre la SAFER et la SCEA Saint-Etienne Aigon ", la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
2°/ que dans leurs conclusions récapitulatives d'appel signifiées le 30 mars 2010, les consorts Z...avaient fait valoir que l'exercice du droit de préemption par la SAFER du Languedoc-Roussillon avait été effectué hors délai par un signataire ne disposant d'aucune délégation de pouvoir régulière et qu'aucune notification de la décision de préemption n'avait été effectuée à l'égard de Mme Carole Z...d'où il résultait que la décision de préemption étant privée de tout effet, les consorts Y...-X...ne pouvaient retirer le 30 mars 2006 le bien litigieux de la vente pour procéder ensuite à une vente de gré à gré au profit de la SAFER ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que justifie d'un intérêt à agir l'acquéreur évincé à la suite de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption, dont la demande tend à obtenir réparation du préjudice résultant de la cession de gré à gré conclue postérieurement entre le propriétaire du bien et la SAFER en fraude de ses droits dès lors que la vente de gré à gré ainsi intervenue et ayant permis la rétrocession ultérieure du bien à un tiers, est arguée de fraude, cette vente ayant eu pour seul objet de contourner les irrégularités affectant l'exercice même du droit de préemption ; qu'en énonçant que les consorts Z...devaient être déclarés irrecevables " dans toutes leurs demandes " y compris dans leur demande aux fins de voir condamner la SAFER du Languedoc-Roussillon à leur payer à chacun la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts sans rechercher si cette demande n'avait pas pour objet de voir constater le caractère frauduleux de la " vente de gré à gré " conclue par la SAFER du Languedoc-Roussillon aux fins de pouvoir rétrocéder ensuite le bien à un acquéreur déterminé à l'avance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la décision initiale de préemption prise par la SAFER avait été privée de tous ses effets par la décision des consorts Y... de retirer le bien de la vente, la cour d'appel, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et devant qui les consorts Z...n'ont pas invoqué l'existence d'une fraude de la SAFER destinée à rétrocéder le bien à un bénéficiaire prédéterminé, a pu en déduire que les consorts Z...n'avaient pas d'intérêt à agir, selon acte du 1er septembre 2006, en nullité de l'exercice d'un droit de préemption portant sur un bien retiré de la vente depuis le 30 mars précédent et revendu depuis, de façon amiable, selon un acte notarié du 23 avril 2007, à la SAFER qui l'a ensuite rétrocédé à la SCEA Saint-Etienne Aigon le 17 juillet 2007 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Z...à payer à la SAFER du Languedoc-Roussillon la somme de 1 500 euros et à la SCEA Saint-Etienne Aigon la somme de 1 500 euros ; rejette la demande des consorts Z...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour les consorts Z...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les consorts Z...étaient sans intérêt à agir en nullité de l'exercice par la Safer du Languedoc Roussillon de son droit de préemption et de les avoir déclarés en conséquence irrecevables dans toutes leurs demandes ;
Aux motifs que « la chronologie des actes exposée ci-dessus révèle que les consorts Y...-Margé ont, après l'exercice par la Safer, selon acte du 2 mars 2006, de son droit de préemption assorti d'une offre d'achat, retiré le 30 mars 2006 le bien litigieux de la vente et qu'ils l'ont, par la suite, les négociations ayant repris entre eux, vendu à la Safer de gré à gré, et donc en dehors de tout mécanisme de préemption, selon un acte authentique en date du 23 avril 2007 ; que la décision initiale de préemption prise par la Safer a ainsi été privée de tous ses effets par la décision des consorts Y...-X...de retirer le bien de la vente et elle a cessé d'avoir une existence juridique ; que le premier juge ne pouvait, dès lors, ainsi que le fait justement observer la Safer, exercer son contrôle juridictionnel sur un acte devenu inexistant ; que les consorts Z...n'avaient, quant à eux, pas d'intérêt à agir, selon acte du 1er septembre 2006, en nullité de l'exercice d'un droit de préemption portant sur un bien retiré de la vente depuis le 30 mars précédent et revendu depuis, de façon amiable, selon un acte notarié du 23 avril 2007, à la Safer qui l'a ensuite rétrocédé à la SCEA Saint-Etienne Aigon le 17 juillet 2007 ; qu'en admettant, pour les besoins du raisonnement, qu'il soit fait droit à la demande en nullité formée par les consorts Z..., force serait alors de constater que cette nullité n'aurait pas le moindre effet sur la vente de gré à gré intervenue entre les consorts Y...-X...et la Safer et sur la rétrocession subséquente conclue entre la Safer et la SCEA Saint-Etienne Aigon ; que les consorts Z...qui sont sans intérêt à agir, doivent en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, être déclarés irrecevables dans toutes leurs demandes, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé des moyens de nullité et de la demande indemnitaire présentés par les consorts Z..., et sur l'appel incident formé par la SCEA Saint-Etienne Aigon, devenu sans objet ;
Alors, d'une part, que justifie d'un intérêt à agir l'acquéreur évincé à la suite de l'exercice par la Safer de son droit de préemption, dont la demande tend à voir constater l'irrégularité de la décision de préemption, quand bien même la Safer aurait acquis en définitive le bien dans le cadre d'une vente de gré à gré, l'anéantissement du lien contractuel au préjudice de l'acquéreur étant la conséquence de l'exercice initial du droit de préemption ; qu'en énonçant que les consorts Z...étaient irrecevables à agir aux fins de voir constater la nullité de la décision de préemption émanant de la Safer au motif erroné que « cette nullité n'aurait pas le moindre effet sur la vente de gré à gré intervenue entre les consorts Y...-X...et sur la rétrocession subséquence conclue entre la Safer et la SCEA Saint Etienne Aigon », la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile,
Alors, d'autre part, que dans leurs conclusions récapitulatives d'appel signifiées le 30 mars 2010, les consorts Z...avaient fait valoir que l'exercice du droit de préemption par la Safer du Languedoc Roussillon avait été effectué hors délai par un signataire ne disposant d'aucune délégation de pouvoir régulière et qu'aucune notification de la décision de préemption n'avait été effectuée à l'égard de Mlle Carole Z...d'où il résultait que la décision de préemption étant privée de tout effet, les consorts Y...-X...ne pouvaient retirer le 30 mars 2006 le bien litigieux de la vente pour procéder ensuite à une vente de gré à gré au profit de la Safer ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
Alors enfin que justifie d'un intérêt à agir l'acquéreur évincé à la suite de l'exercice par la Safer de son droit de préemption, dont la demande tend à obtenir réparation du préjudice résultant de la cession de gré à gré conclue postérieurement entre le propriétaire du bien et la Safer en fraude de ses droits dès lors que la vente de gré à gré ainsi intervenue et ayant permis la rétrocession ultérieure du bien à un tiers, est arguée de fraude, cette vente ayant eu pour seul objet de contourner les irrégularités affectant l'exercice même du droit de préemption ; qu'en énonçant que les consorts Z...devaient être déclarés irrecevables « dans toutes leurs demandes » y compris dans leur demande aux fins de voir condamner la Safer du Languedoc Roussillon à leur payer à chacun la somme de 30. 000 à titre de dommages et intérêts sans rechercher si cette demande n'avait pas pour objet de voir constater le caractère frauduleux de la « vente de gré à gré » conclue par la Safer du Languedoc Roussillon aux fins de pouvoir rétrocéder ensuite le bien à un acquéreur déterminé à l'avance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile.