Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juillet 2011, 10-18.326, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 janvier 2010), que la société Fedala, représentée par son gérant, a conclu avec Mmes X... et Y... une promesse synallagmatique de cession de son fonds de commerce ; que la société Fedala a fait connaître ultérieurement son intention de ne plus vendre le fonds et ne s'est pas présentée à la signature de l'acte définitif en dépit du commandement qui lui a été délivré par Mmes X... et Y... pour y procéder ; que ces dernières ont fait assigner la société Fedala devant le tribunal de commerce pour obtenir paiement de la clause pénale prévue au contrat et réparation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :

Attendu que la société Fedala fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mmes X... et Y... certaines sommes au titre de la clause pénale et au titre de leur préjudice matériel, alors selon le moyen, que le tiers pour le compte de qui le porte-fort a passé un acte n'est pas lié par cette opération s'il refuse de la ratifier ; qu'en condamnant la société Fedala, dont M. Z... s'était porté fort d'obtenir l'accord et qui avait donc la qualité de tiers à la convention, à payer la somme de 15 000 euros au titre de la clause pénale prévue par cet acte, motif pris que son refus de signer l'acte définitif de cession et de fournir les documents relatifs au transfert de la licence et des points PMU et de la Française des jeux, nécessaires à la réalisation de la promesse, était fautif, la cour d'appel a violé l'article 1120 du code civil ;

Mais attendu que dans ses conclusions d'appel, la société Fedala, se présentant comme partie à la convention, a invoqué la non réalisation d'une condition suspensive pour justifier sa renonciation au projet de cession ; qu'elle n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Fedala fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mmes X... et Y... une somme au titre de leur préjudice matériel, alors selon le moyen, que la clause pénale ayant pour objet d'évaluer forfaitairement et par avance les dommages-intérêts dûs en cas d'inexécution des obligations contractuelles de l'une des parties, quel que soit le montant du préjudice réellement subi par le créancier, celui-ci ne peut demander d'indemnité supplémentaire que s'il prouve avoir subi un préjudice distinct de celui couvert par la clause pénale ; qu'en octroyant à Mmes X... et Y... la somme de 3 487,53 euros au titre des frais générés par le refus de la société Fedala de signer l'acte décinitif de cession, outre celle de 15 000 euros au titre de la clause pénale, elle-même destinée à réparer les conséquences du refus de signer l'acte définitif, au seul motif que la clause pénale ne priverait pas l'une des parties du droit de demander des dommages-intérêts à l'autre, sans constater que le préjudice matériel invoqué par les bénéficiaires de cette clause était distinct de celui couvert par la clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1152 et 1229 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que selon l'acte du 5 juin 2006, la clause pénale ne prive pas l'une des parties du droit de demander des dommages-intérêts à l'autre ; qu'il retient que si Mmes X... et Y... n'établissent pas, d'une part, que le préjudice financier lié à l'immobilisation de leur projet d'investissement excéderait le montant de la clause pénale destinée à réparer le préjudice résultant de l'inexécution et, d'autre part, que le préjudice moral serait différent de celui résultant de cette même inexécution, elles justifient, en revanche, de frais matériels, dont il a souverainement apprécié le caractère distinct, engagés en vain pour la réalisation de l'acte de cession ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Fedala aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille onze.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société Fedala

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Fedala à payer à Mmes X... et Y... la somme de 15.000 € au titre de la clause pénale et la somme de 3.487,53 € au titre de leur préjudice matériel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'obligation contractée sous une condition suspensive et celle qui dépend ou d'un événement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé mais encore inconnu des parties ; que la société Fedala ne conteste pas l'engagement qu'elle a pris de vendre le fonds de commerce au prix convenu à Mme X... et Mlle Y..., contenu dans la promesse synallagmatique mais soutient que cet engagement était soumis, par l'acte du 5 juin 2006, à la condition suspensive de l'obtention de l'autorisation de l'assemblée générale de ses associés ; que cependant, il ressort sans ambiguïté des termes de la promesse consentie par la société Fedala que l'obligation de vendre lui incombant n'a pas été contractée sous la condition suspensive, qui aurait été stipulée à son seul profit, d'obtenir l'autorisation de l'assemblée générale de ses associés, laquelle est considérée comme acquise ou devant être acquise aux termes de l'acte par le gérant qui s'est porté fort de cette autorisation, ne constituait donc pas pour les parties un événement futur et incertain ou arrivé mais encore inconnu des parties au sens de l'article 1811 du code civil ; qu'il a seulement été précisé que pour la signature de l'acte définitif, il devrait être justifié de cette autorisation, c'est-à-dire que devrait être produite la délibération de l'assemblée générale autorisant la cession ; surabondamment, il sera constaté que la société Fedala qui prétend qu'elle n'a pas signé l'acte définitif au seul motif du refus de l'assemblée générale de ses associés, ne verse aux débats aucune preuve venant établir que la promesse serait devenue caduque, faute de réalisation de la condition suspensive alléguée ; que dès lors, le refus de la société Fedala de signer l'acte définitif de cession et de fournir les documents relatifs au transfert de la licence et des points PMU et de la Française des jeux, nécessaires à la réalisation de la promesse, ainsi que cela ressort des lettres recommandées demeurées sans réponse, est fautif ; que conformément à l'acte du 5 juin 2006, si l'acte définitif n'est pas réalisé par la faute de l'une des parties, elle s'engage à payer à l'autre à titre de clause pénale une somme égale au versement effectué ce jour, s'élevant selon l'acte de 15.000 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la promesse de vente du 5 juin 2006 ne présente qu'une seule condition suspensive, page 15, relative à l'obtention par l'acquéreur avant le 31 juillet 2006 d'un prêt de 250.000 € sur une durée de 7 ans ; que cette condition suspensive a été levée par courrier RAR adressé à la SARL Fedala par leur conseil commun, Me Didier Berhault en date du 31 juillet 2006 avec copie de l'accord de prêt BNP Paribas du 28 juillet 2006 ; que la société Fedala, cédante, était représentée par son gérant M. Abderrahim Z... ; qu'il n'est fait dans la promesse nulle mention d'une demande préalable d'accord de la majorité des associés de la société cédante ; que les statuts de la SARL Fedala précisent que Me Abderrahim Z... est gérant depuis sa création et propriétaire de 250 parts sur les 500 parts sociales de la SARL ; que ces mêmes statuts présentent au titre III Gérance-Contrôle « dans ses rapports avec les tiers, le Gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société et agir en son nom en toute circonstance, sans avoir à justifier de pouvoir spéciaux » ; que la promesse ssp du 5 juin 2006 reprend dans le premier paragraphe « Me Abderrahim Z... qui se porte fort de la ratification de la présente promesse par ma société » ; qu'en conséquence, l'accord préalable des associés de la SARL Fedala n'était pas nécessaire et ne peut être assimilé à une condition suspensive ; que plus rien ne sopposait dès lors à l'acte définitif de cession ; que le défaut de réalisation est imputable à la seule Sarl Fedala ; que le contrat du 5 juin 2006 précise en page 15 qu'une somme de 15.000 € a été versée à la CARPA en garantie de la clause pénale en cas de refus fautif de la part du cédant ; que le tribunal dira Mme Nadjia X... et Mme Asmaa Y... fondées dans leur action et condamnera la Sarl Fedala à leur payer au total la somme de 15.000 € au titre de la clause pénale ;

ALORS QUE le tiers pour le compte de qui le porte-fort a passé un acte n'est pas lié par cette opération s'il refuse de la ratifier ; qu'en condamnant la société Fedala, dont M. Z... s'était porté fort d'obtenir l'accord et qui avait donc la qualité de tiers à la convention du 4 avril 2007, à payer la somme de 15.000 € au titre de la clause pénale prévue par cet acte, motif pris que son refus de signer l'acte définitif de cession et de fournir les documents relatifs au transfert de la licence et des points PMU et de la Française des jeux, nécessaires à la réalisation de la promesse, était fautif, la cour d'appel a violé l'article 1120 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Fedala à payer à Mmes X... et Y... la somme de 3.487,53 € au titre de leur préjudice matériel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'acte du 5 juin 2006, la clause pénale ne prive pas l'une des parties du droit de demander des dommages et intérêts à l'autre ; que la clause pénale est, en vertu de l'acte 1229 du code civil, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale ; que Mme X... et Mlle Y... justifient des frais matériels qu'elles ont engagés en vain, en raison du comportement fautif de la société Fedala, pour aboutir à la réalisation de l'acte de cession ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, comme repris dans l'acte ssp du 5 juin 2006, « la clause pénale ne prive pas l'une des parties du droit de demander des dommages et intérêts à l'autre ou l'exécution forcée du contrat pour réparer le préjudice que lui cause sa faute » ; que l'exécution forcée du contrat n'a pu être réalisée ; que les demanderesses allèguent un préjudice matériel d'un total de 3.487,53 €, lié aux frais générés par cette affaire ; qu'elles présentent le décompte suivant : frais de promesse : 1196 € TTC, frais de préparation de dossier : 2.000€ TTC, frais de constat : 291,53 € TTC ; qu'il n'est pas contestable qu'elles ont dû multiplier les actions tant avec leur conseil, que par voir d'huissier pour essayer d'aboutir à l'acte de cession définitif ; que l'ensemble des différents courriers produits en copie, écrits tant aux fournisseurs qu'aux différentes administrations, auprès desquelles elles se présentaient comme acquéreuses de l'enseigne la MASCOTTE, représente un travail abondant et des frais de dossier ;

ALORS QUE la clause pénale ayant pour objet d'évaluer forfaitairement et par avance les dommages et intérêts dûs en cas d'inexécution des obligations contractuelles de l'une des parties, quel que soit le montant du préjudice réellement subi par le créancier, celui-ci ne peut demander d'indemnité supplémentaire que s'il prouve avoir subi un préjudice distinct de celui couvert par la clause pénale ; qu'en octroyant à Mmes X... et Y... la somme de 3.487,53 € au titre des frais générés par le refus de la société Fedala de signer l'acte décinitif de cession, outre celle de 15.000 € au titre de la clause pénale, elle-même destinée à réparer les conséquences du refus de signer l'acte définitif, au seul motif que la clause pénale ne priverait pas l'une des parties du droit de demander des dommages et intérêts à l'autre, sans constater que le préjudice matériel invoqué par les bénéficiaires de cette clause était distinct de celui couvert par la clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1152 et 1229 du code civil.
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