Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2011, 09-70.902, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2009) que M. X... a été engagé le 1er janvier 1987 par l'association Fédération unie des auberges de jeunesse, puis est devenu directeur de son établissement de Marseille à compter du 4 janvier 1993 ; qu'à la suite d'un jugement du conseil des prud'hommes de Marseille du 7 décembre 2005 ayant déclaré les faits de harcèlement moral et sexuel de la part de M. X... constitués à l'égard d'une salariée, il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 16 décembre 2005 avec mise à pied conservatoire et licencié pour faute grave le 12 janvier 2006 ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à payer à M. X... des dommages-intérêts et diverses indemnités, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de prescription de deux mois ne court que du jour où l'employeur peut être assuré de la réalité des faits fautifs qu'il doit sanctionner ; que la seule circonstance qu'un salarié ait accusé un autre salarié de harcèlement à son encontre ne suffit pas à déclencher le délai de deux mois, une dénonciation non vérifiée et contestée par le prétendu auteur des faits ne pouvant à elle seule faire courir le délai ; qu'en affirmant que le délai de prescription courait du jour d'une simple dénonciation, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ que, lorsque le salarié qui se plaint de harcèlement a saisi immédiatement le conseil de prud'hommes aux fins de dommages-intérêts à raison des faits qu'il allègue, l'employeur est fondé à attendre l'issue de la procédure prud'homale en cours et le jugement devant se prononcer sur la réalité des faits allégués, avant de prendre une sanction à raison des faits jusque-là contestés ; que la cour d'appel a encore violé l'article L. 1332-4 du code du travail, outre l'article 1351 du code civil ;

3°/ que la circonstance que l'employeur doit prévenir d'éventuels agissements de harcèlement, si elle crée une obligation à l'égard du salarié éventuellement victime de tels actes, n'entraîne pas pour autant et nécessairement une obligation de licenciement immédiat à l'encontre du salarié accusé, le bien-fondé d'une sanction disciplinaire restant subordonné à !a démonstration des faits allégués ; que la cour d'appel a statué par motifs inopérants et violé par fausse application les articles L. 1152-5 et L. 1153-6 du code du travail ;

4°/ qu'à supposer qu'elle ait été avertie des faits allégués par Mme Y... au cours de l'instance prud'homale, en se fondant sur la seule circonstance qu'elle "ne conteste pas sérieusement avoir soutenu lors de celle-ci que les faits dénoncés par cette salariée n'étaient pas établis", sans constater qu'elle avait eu une connaissance exacte d'actes caractérisés de harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

5°/ qu'elle a fait valoir que son siège est situé à Paris, et que M. X..., directeur de l'auberge de jeunesse située à Marseille, lui avait dissimulé les courriers de Mme Y... dénonçant le harcèlement dont elle aurait été victime, se bornant à lui faire part de réclamations portant sur sa rémunération ; qu'en se bornant à dire que la FUAJ n'aurait pas donné suite aux courriers qui lui avaient été adressés par Mme Y... pour en déduire que le délai de prescription avait expiré deux mois après l'envoi des lettres reçues par l'employeur dans le courant de l'année 2004, sans s'expliquer ni sur le contenu de celles-ci, ni sur la dissimulation opérée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'employeur avait eu connaissance de l'existence éventuelle de faits de harcèlement moral et sexuel reprochés au salarié dès sa convocation le 18 juin 2004 devant le bureau de conciliation et qu'il s'était borné à en dénier la réalité dans le cadre de l'instance prud'homale, en omettant d'effectuer les enquête et investigations qui lui auraient permis d'avoir, sans attendre l'issue de la procédure prud'homale l'opposant à la victime, la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l‘ampleur des faits reprochés à M. X... et de prendre les mesures appropriées ; qu'en l'état de ces motifs caractérisant l'abstention fautive de l'employeur et en l'absence de faits fautifs nouveaux, la cour d'appel a exactement décidé que la procédure de licenciement avait été engagée tardivement ; qu'elle a ainsi, par ce seul motif, justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Fédération unie des auberges de jeunesse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour l'association Fédération unie des auberges de jeunesse

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné l'association FUAJ à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

AUX MOTIFS QUE par lettre recommandée avec avis de réception datée du 16 décembre 2005, Monsieur X... a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour le 3 janvier 2006 ; que par lettre recommandée en date du 12 janvier 2006, son licenciement lui a été notifié en ces termes: « A la suite de J'entretien préalable de licenciement qui s'est tenu le mardi 3janvier 2006, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur Pierre-Alain Z..., j'ai le regret par la présente de vous notifier votre licenciement pour faute professionnelle grave fondée sr le motif suivant. En effet, le jugement rendu le 7 décembre 2005 par le Conseil de prud'hommes de Marseille a déclaré constitués les faits de harcèlement sexuel et harcèlement moral dont Karine Y... a été victime de votre part. Notamment, vous avez adressé à Mademoiselle Karine Y... une lettre lui faisant part de votre attirance de façon non équivoque sans tenir compte de votre position hiérarchique et du lien de subordination découlant du contrat de travail de Mademoiselle Karine Y.... Vous avez été à l'initiative de moqueries nombreuses et de remarques grivoises à J'encontre de la salariée. Vous avez laissé procéder à J'affichage de documents infamants au sein de l'auberge de jeunesse suite à des griefs que vous reprochiez à Mademoiselle Karine Y.... Vous avez, en outre, eu un comportement anormal et discriminatoire à J'encontre de Mademoiselle Karine Y... comme le Conseil de prud'hommes J'a établi (refus, sans motif de lui octroyer des congés payés, suppression d'une prime déjà versée antérieurement, suppressions répétées des pauses de midi .. .). Tous ces éléments ont eu des répercussions sur J'état de santé de Mademoiselle Karine Y... et ont été dissimulés, par vous, à votre employeur. L'ensemble de ces faits a amené le Conseil à juger inacceptable une telle situation et à décider de sanctionner lourdement la FUAJ au titre de dommages et intérêts à verser à Mademoiselle Karine Y... et en ordonnant J'affichage du jugement dans les locaux de J'auberge de Marseille-Bonneveine ainsi qu'au siège de l'association pendant une durée de 30 jours. Les faits qui vous sont reprochés sont d'une gravité telle qu'ils interdisent toute poursuite de la relation contractuelle de travail. En conséquence votre contrat de travail prendra fin, sans préavis ni indemnité, à la date de la première présentation de la présente à votre domicile (. ..) » ; que l'appelant fait justement observer que les articles L.1152-4 et L.1153-5 du Code du travail disposent que l'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement alors que ce dernier n'a pas donné suite aux courriers qui lui avaient été adressés par Madame Y... et qu'en l'absence de toute enquête ni d'exercice de poursuites pénales, le délai de prescription a expiré deux mois suivant les lettres reçues par l'employeur dans le courant de l'année 2004, la dernière étant en date du juin 2004 pour le 17 septembre 2004 devant le bureau de conciliation de l'association intimée dans l'instance qui l'opposait à Madame Y... et qu'il n'apparaît avoir effectué aucune enquête après cette date; que c'est en vain que l'association intimée fait valoir avoir délibérément attendu l'issue de cette instance prud'homale pour décider d'une mesure de licenciement pour faute grave alors qu'elle ne conteste pas sérieusement avoir soutenu lors de celle-ci que les faits dénoncés par cette salariée n'étaient pas établis; que dès lors la convocation à l'entretien préalable en date du 16 décembre 2005 est tardive et que les griefs énoncés à la lettre de licenciement, en l'absence de faits nouveaux postérieurs au 17 septembre 2004, tous les documents produits par l'employeur, dont il avait connaissance dès cette date, étant antérieurs à cette dernière, sont prescrits et qu'il s'ensuit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

1°/ ALORS QUE le délai de prescription de deux mois ne court que du jour où l'employeur peut être assuré de la réalité des faits fautifs qu'il doit sanctionner; que la seule circonstance qu'un salarié ait accusé un autre salarié de harcèlement à son encontre ne suffit pas à déclencher le délai de deux mois, une dénonciation non vérifiée et contestée par le prétendu auteur des faits ne pouvant à elle seule faire courir le délai; qu'en affirmant que le délai de prescription courait du jour d'une simple dénonciation, la Cour d'appel a violé l'article L.1332-4 du Code du travail;

2°/ ALORS QUE, lorsque le salarié qui se plaint de harcèlement a saisi immédiatement le Conseil de Prud'hommes aux fins de dommages-intérêts à raison des faits qu'il allègue, l'employeur est fondé à attendre l'issue de la procédure prud'homale en cours et le jugement devant se prononcer sur la réalité des faits allégués, avant de prendre une sanction à raison des faits jusque-là contestés; que la Cour d'appel a encore violé l'article L.1332-4 du Code du travail, outre l'article 1351 du Code civil;

3°/ ALORS QUE la circonstance que l'employeur doit prévenir d'éventuels agissements de harcèlement, si elle crée une obligation à l'égard du salarié éventuellement victime de tels actes, n'entraîne pas pour autant et nécessairement une obligation de licenciement immédiat à l'encontre du salarié accusé, le bien-fondé d'une sanction disciplinaire restant subordonné à !a démonstration des faits allégués ; que la Cour d'appel a statué par motifs inopérants et violé par fausse application les articles L.1152-5 et L.1153-6 du Code du travail ;

4°/ ALORS QU'à supposer que la FUAJ ait été avertie des faits allégués par Mademoiselle Y... au cours de l'instance prud'homale, en se fondant sur la seule circonstance que la FUAJ «ne conteste pas sérieusement avoir soutenu lors de celle-ci que les faits dénoncés par cette salariée n'étaient pas établis », sans constater que la FUAJ avait eu une connaissance exacte d'actes caractérisés de harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1332-4 du Code du travail ;

5°/ ALORS QUE la FUAJ a fait valoir que son siège est situé à Paris, et que Monsieur X..., directeur de l'auberge de jeunesse située à Marseille, lui avait dissimulé les courriers de Mademoiselle Y... dénonçant le harcèlement dont elle aurait été victime, se bornant à lui faire part de réclamations portant sur sa rémunération; qu'en se bornant à dire que la FUAJ n'aurait pas donné suite aux courriers qui lui avaient été adressés par Mademoiselle Y... pour en déduire que le délai de prescription avait expiré deux mois après l'envoi des lettres reçues par l'employeur dans le courant de l'année 2004, sans s'expliquer ni sur le contenu de celles-ci, ni sur la dissimulation opérée par Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1332-4 du Code du travail.

Retourner en haut de la page