Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2011, 10-11.052, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 10-11.052
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 26 novembre 2009), qu'engagé le 20 janvier 1986 par la société Bdo Kleber Audit en qualité d'aide réviseur au classement et promu par la suite auditeur chef de mission, M. X... a été en arrêt maladie du 16 septembre au 5 octobre 2002, puis sans discontinuer à compter du 14 mars 2003 ; qu'il a été licencié le 23 septembre 2003 pour "absences répétées et prolongées et envoi tardif des arrêts maladie désorganisant le cabinet, nécessité impérative de pourvoir à son remplacement définitif, refus réitérés de communiquer les informations nécessaires au traitement des dossiers dont il était le seul à avoir la maîtrise et la connaissance totale" ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes : "si l'incapacité est telle qu'elle suspend l'exécution du contrat de travail pendant plus de six mois, l'employeur pourra mettre en oeuvre la procédure de licenciement" ; qu'il en résulte que l'employeur peut diligenter la procédure dès lors qu'il est acquis que l'incapacité est telle qu'elle suspend l'exécution du travail pendant plus de six mois ; qu'en l'espèce, elle soutenait n'avoir adressé la lettre de convocation à l'entretien préalable qu'après avoir reçu un avis de congé maladie prolongeant l'arrêt de travail jusqu'au 28 septembre 2003 soit plus de six mois après le début de son absence pour maladie à compter du 14 mars 2003, si bien que la mise en oeuvre de la procédure n'était pas prématurée ; qu'en affirmant néanmoins le caractère prématuré de la procédure pour avoir été mise en oeuvre avant l'expiration d'un délai de six mois à compter du début de l'absence, quand il lui appartenait seulement de rechercher si au jour de la mise en oeuvre de la procédure, il était ou non acquis que l'exécution du contrat de travail serait suspendue pendant plus de six mois, la cour d'appel a violé l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes ;
2°/ que le respect du délai de six mois prévu par l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables durant lequel l'employeur ne peut licencier le salarié dont le contrat de travail est suspendu en conséquence de la maladie doit s'apprécier à la date de la notification du licenciement ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt qu'elle a licencié M. X... par courrier en date du 23 septembre 2003 après l'avoir convoqué à un entretien préalable pour le 17 septembre 2003, soit postérieurement à la période de garantie de six mois expirant le 15 septembre 2003 ; qu'en retenant la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable pour dire que le délai conventionnel de garantie d'emploi n'aurait pas été respecté, la cour d'appel a violé l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes ;
3°/ que la violation par l'employeur d'une clause conventionnelle de garantie d'emploi ne dispense pas le juge d'examiner la cause du licenciement ; qu'il lui appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ; qu'en se contentant en l'espèce de déduire l'absence de cause réelle et sérieuse du seul non-respect par l'employeur du délai de six mois prévu à l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;
4°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner chacun des griefs de licenciement mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, elle y énonçait : d'une part que les absences prolongées du salarié perturbaient le fonctionnement de l'entreprise, d'autre part que le salarié avait manqué à son obligation de loyauté et d'information en s'abstenant d'envoyer dans les délais les arrêts maladie et de remettre, malgré ses demandes en ce sens, les éléments en sa seule possession indispensables au traitement des dossiers des clients du cabinet ; qu'en s'attachant seulement à examiner le premier grief et en omettant d'examiner le second, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu que selon l'article 7-2, alinéa 3, de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, si l'incapacité du salarié absent pour cause de maladie ou d'accident est telle qu'elle suspend l'exécution du contrat de travail pendant plus de six mois, l'employeur pourra mettre en oeuvre la procédure de licenciement ; qu'il résulte de ce texte qu'il institue une protection du salarié malade en interdisant à l'employeur d'engager la procédure de licenciement pendant les six premiers mois dabsence du salarié pour cause de maladie ; que le licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions conventionnelles est privé de cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, absent pour maladie depuis le 14 mars 2003, avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre du 10 septembre 2003, soit avant l'expiration du délai de six mois, et que dans la lettre de licenciement l'employeur invoquait les absences répétées et prolongées du salarié désorganisant l'entreprise, a exactement décidé que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions conventionnelles était sans cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bdo Kleber Audit aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bdo Kleber Audit à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Bdo Kleber Audit
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en conséquence D'AVOIR condamné la société BDO KLEBER AUDIT à lui verser la somme de 57 000 euros à titre de dommages intérêts et 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes prévoit que: "si l'incapacité est telle quelle suspend l'exécution du contrat de travail pendant plus de six mois, l'employeur pourra mettre en oeuvre la procédure de licenciement..."; que par incapacité, il convient d'entendre l'absence du salarié pour maladie ou accident tandis que par mise en oeuvre de la procédure de licenciement, il convient d'entendre l'engagement des formalités conduisant au licenciement, c'est à dire en premier lieu la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'en l'espèce qu'il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur X... a été absent pour maladie à compter du 14 mars 2003 de sorte que la convocation à l'entretien préalable au licenciement ne pouvait intervenir avant le 15 septembre 2003 ; que force est de constater que ce dernier a été convoqué à cet entretien préalable le 10 septembre 2003 pour le 17 septembre 2003 alors que le délai prévu n'était pas expiré; que le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié tendant à faire dire et juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que statuant à nouveau à ce sujet, il convient de dire que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour avoir été entamé de manière prématurée contrairement aux dispositions de la convention collective; que dès lors l'employeur doit être condamné à payer au salarié la somme de 57 000 de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail qui correspond à la réparation intégrale de son préjudice au regard des pièces justificatives versées aux débats, notamment compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise au jour du licenciement (13 ans) et de ses recherches d'emploi restées vaines ;
1. ALORS QUE selon l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes :"si l'incapacité est telle quelle suspend l'exécution du contrat de travail pendant plus de six mois, l'employeur pourra mettre en oeuvre la procédure de licenciement» ; qu'il en résulte que l'employeur peut diligenter la procédure dès lors qu'il est acquis que l'incapacité est telle qu'elle suspend l'exécution du travail pendant plus de six mois ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait (conclusions p. 8 § 1-3) n'avoir adressé la lettre de convocation à l'entretien préalable qu'après avoir reçu un avis de congé maladie prolongeant l'arrêt de travail jusqu'au 28 septembre 2003 soit plus de six mois après le début de son absence pour maladie à compter du 14 mars 2003, si bien que la mise en oeuvre de la procédure n'était pas prématurée ; qu'en affirmant néanmoins le caractère prématuré de la procédure pour avoir été mise en oeuvre avant l'expiration d'un délai de six mois à compter du début de l'absence, quand il lui appartenait seulement de rechercher si au jour de la mise en oeuvre de la procédure, il était ou non acquis que l'exécution du contrat de travail serait suspendue pendant plus de six mois, la cour d'appel a violé l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes ;
2. ALORS subsidiairement QUE le respect du délai de six mois prévu par l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables durant lequel l'employeur ne peut licencier le salarié dont le contrat de travail est suspendu en conséquence de la maladie doit s'apprécier à la date de notification du licenciement ; qu'en l'espèce il résulte des termes de l'arrêt que l'employeur a licencié M. X... par courrier en date du 23 septembre 2003 après l'avoir convoqué à un entretien préalable pour le 17 septembre 2003, soit postérieurement à la période de garantie de six mois expirant le 15 septembre 2003 ; qu'en retenant la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable pour dire que le délai conventionnel de garantie d'emploi n'aurait pas été respecté, la cour d'appel a violé l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes ;
3. ALORS subsidiairement QUE la violation par l'employeur d'une clause conventionnelle de garantie d'emploi ne dispense pas le juge d'examiner la cause du licenciement ; qu'il lui appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ; qu'en se contentant en l'espèce de déduire l'absence de cause réelle et sérieuse du seul non respect par l'employeur du délai de six mois prévu à l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 7-2 alinéa 3 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, ensemble l'article L.1232-6 du Code du travail.
4. ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond sont tenus d'examiner chacun des griefs de licenciement mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur y énonçait : d'une part que les absences prolongées du salarié perturbaient le fonctionnement de l'entreprise, d'autre part que le salarié avait manqué à son obligation de loyauté et d'information en s'abstenant d'envoyer dans les délais les arrêts maladie et de remettre, malgré les demandes de l'employeur en ce sens les éléments en sa seule possession indispensables au traitement des dossiers des clients du cabinet ; qu'en s'attachant seulement à examiner le premier grief et en omettant d'examiner le second, la Cour d'Appel a violé l'article L.1232-6 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société à payer au salarié la somme de 292,68 brut à ce titre majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 31 août 2004, ainsi qu'une attestation destinée à l'assurance chômage modifiée, outre 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE les bulletins de paye émis par l'employeur pour la période du 1er août 2003 au 30 novembre 2003 portent la mention selon laquelle le salarié a travaillé 138,66 heures par mois ; que l'employeur affirme sans le prouver qu'il s'agirait d'une erreur et que l'horaire de travail aurait toujours été de 136 heures par mois ; que dès lors que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de c chef de demande ; que, statuant à nouveau sur ce point, l'employeur doit être condamné à payer au salarié la somme de 292,68 brut à ce titre majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 31 août 2004, date de notification de la demande à l'employeur qui vaut mise en demeure; que l'employeur doit également être condamné à délivrer une attestation destinée à l'assurance chômage modifiée dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification du présent arrêt ;
ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties et d'examiner les pièces produites à leur soutien ; qu'en l'espèce, pour établir que la mention d'un horaire de 138, 66 heures travaillées sur les bulletins du 1er août 2003 au 30 novembre 2003 était le fruit d'une simple erreur, la société BDO KLEBER AUDIT soutenait qu'il n'était pas contesté que le nombre d'heures travaillées avant le 1er août 2003 était de 136 heures (cf. conclusions de M. X... p. 31) et que M. X... ne pouvait soutenir avoir travaillé plus d'heures du 1er août au 30 novembre 2003 quand il était durant cette période en congé maladie (cf. conclusions p. 19) ;
que les bulletins de paie correspondant à la période antérieure au 1er août 2003 mentionnant tous un horaire de 136 heures étaient produits aux débats tant par la société BDO KLEBER AUDIT que par M. X... ; qu'en retenant que l'employeur aurait affirmé sans le prouver l'employeur que la mention de 138, 66 heures sur les bulletins postérieurs au 1er août 2003 était une erreur et que l'horaire de travail aurait toujours été de 136 heures par mois, sans examiner les bulletins de paie antérieurs à août 2003 ni prendre en considération le congé maladie de M. X... à compter de mars 2003, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.