Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 28 juin 2011, 10-15.482, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 10-15.482
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- Mme Favre
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles L. 641-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, L. 526-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 661-5 de ce code et les principes régissant l'excès de pouvoir ;
Attendu que le débiteur peut opposer la déclaration d'insaisissabilité qu'il a effectuée en application du deuxième de ces textes, avant qu'il ne soit mis en liquidation judiciaire, en dépit de la règle du dessaisissement prévue par le premier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., mariés sous le régime de la communauté, sont propriétaires d'un immeuble d'habitation sur lequel M. X... a effectué une déclaration d'insaisissabilité par acte notarié du 30 avril 2005 publié le 4 mai 2005 ; que, le 2 mai 2006, M. X... a été mis en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné liquidateur ; que, par ordonnance du 19 juin 2007, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à poursuivre la vente aux enchères publiques de l'immeuble appartenant à M. et Mme X... ; que, statuant sur recours, par jugement du 27 novembre 2008, le tribunal a déclaré nulle et de nul effet cette ordonnance ; que, le 17 décembre 2008, le liquidateur a interjeté appel de ce jugement, tandis que le ministère public en a relevé appel le 25 février 2009 ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire autorisant M. Y..., ès qualités, à procéder à la vente suivant la forme des saisies immobilières de l'immeuble commun appartenant à M. et Mme X..., l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration d'insaisissabilité effectuée en application de l'article L. 526-1 du code de commerce, qui n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, ne permet pas de déroger à la règle du dessaisissement à l'égard du bien concerné, retient que cette déclaration, ne pouvant avoir d'effet à l'égard des créances nées antérieurement à sa publication ou qui ne sont pas nées à l'occasion de l'activité professionnelle de M. X..., ne peut empêcher la vente du bien ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'immeuble appartenant à M. et Mme X... ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la liquidation judiciaire de M. X..., le juge-commissaire ne pouvait autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir, le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques de cet immeuble dont l'insaisissabilité lui était opposable, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'"opposition" recevable, l'arrêt rendu le 3 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du Jugecommissaire en date du 19 juin 2007 autorisant Maître Y... ès qualité de liquidateur judiciaire, à procéder à la vente suivant la forme des saisies immobilières du bien immobilier commun des époux X... ;
Aux motifs que les époux X... sont mariés sous le régime de la communauté légale, et que le bien litigieux acquis le 1er mars 1999, au cours du mariage, est un bien commun ; que du fait de l'ouverture d'une procédure collective, les biens communs tombent dans le périmètre de la procédure collective ; que dès lors, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, les règles du dessaisissement conduisent à décider que les biens communs inclus dans l'actif de la procédure collective sont administrés par le liquidateur qui exerce pendant la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur dessaisi ; qu'en conséquence, les pouvoirs de gestion des biens communs normalement dévolus au conjoint in bonis en vertu des articles 1421 et suivants du Code civil ne peuvent plus s'exercer ; que la déclaration d'insaisissabilité effectuée en vertu des dispositions de l'article L 526-1 du Code de commerce, qui n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, ne permet pas de déroger au principe de dessaisissement à l'égard du bien concerné ; qu'il en résulte que ni Monsieur X..., ni Madame X... ne pouvaient utiliser des revenus communs ( prestations familiales selon les déclarations effectuées à l'audience) au paiement du crédit consenti sur ce bien, et désintéresser ainsi un créancier au détriment des autres, et que le créancier qui a accepté ces paiements en violation de l'article L 622-7 du Code de commerce applicable à la procédure en cours, a commis une faute ; que la déclaration d'insaisissabilité ne pouvant avoir d'effet à l'égard des créances nées antérieurement à la publication de la déclaration ou qui ne sont nées à l'occasion de l'activité professionnelle de Monsieur X..., et de telles créances existant au passif de Monsieur X..., notamment la créance du Crédit agricole d'un montant de 65 541, 74 euros, celle du bailleur éventuellement pour la partie de sa créance née antérieurement, et celle de la société DELHPI pour la facture du 29 avril 2005, cette énumération n'étant pas limitative, la déclaration d'incessibilité ne peut empêcher la vente du bien ; qu'en effet, la procédure de liquidation judiciaire doit permettre, dans la mesure du possible, le désintéressement de tous les créanciers en fonction de leur rang, et que dès lors la vente des actifs s'impose afin de recueillir des liquidités permettant de solder en tout ou partie le passif ; que la vente n'étant pas effectuée en vertu d'une saisie, mais en application des règles de la procédure collective, l'éventuelle disproportion entre le montant de la somme à recouvrer et les mesures d'exécution préconisées pour parvenir au recouvrement, ne constitue pas un motif de rejet de la demande d'autorisation de vente ; que la seule conséquence de la déclaration d'insaisissabilité sera l'affectation du produit de la vente au paiement des seuls créanciers auxquels la déclaration est inopposable ; que le jugement sera en conséquence infirmé et l'ordonnance qui a fait droit à la demande de Maître Y... ès qualités, confirmée ;
Alors qu'en cas de liquidation judiciaire, les biens immobiliers ayant fait l'objet d'une déclaration notariée d'insaisissabilité sont exclus du dessaisissement, pour le débiteur, de l'administration et de la disposition de ses biens ; qu'en jugeant que la déclaration d'insaisissabilité ne permet pas de déroger au principe du dessaisissement et que le Juge-commissaire pouvait autoriser le mandataire-liquidateur à procéder à la vente d'un bien immobilier ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité, la Cour d'appel a violé les articles L 641-9 et L 526-1 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du Jugecommissaire en date du 19 juin 2007 autorisant Maître Y... ès qualité de liquidateur judiciaire, à procéder à la vente suivant la forme des saisies immobilières du bien immobilier commun des époux X... ;
Aux motifs que les époux X... sont mariés sous le régime de la communauté légale, et que le bien litigieux acquis le 1er mars 1999, au cours du mariage, est un bien commun ; que du fait de l'ouverture d'une procédure collective, les biens communs tombent dans le périmètre de la procédure collective ; que dès lors, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, les règles du dessaisissement conduisent à décider que les biens communs inclus dans l'actif de la procédure collective sont administrés par le liquidateur qui exerce pendant la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur dessaisi ; qu'en conséquence, les pouvoirs de gestion des biens communs normalement dévolus au conjoint in bonis en vertu des articles 1421 et suivants du Code civil ne peuvent plus s'exercer ; que la déclaration d'insaisissabilité effectuée en vertu des dispositions de l'article L 526-1 du Code de commerce, qui n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de lactivité professionnelle du déclarant, ne permet pas de déroger au principe de dessaisissement à l'égard du bien concerné ; qu'il en résulte que ni Monsieur X..., ni Madame X... ne pouvaient utiliser des revenus communs ( prestations familiales selon les déclarations effectuées à l'audience) au paiement du crédit consenti sur ce bien, et désintéresser ainsi un créancier au détriment des autres, et que le créancier qui a accepté ces paiements en violation de l'article L 622-7 du Code de commerce applicable à la procédure en cours, a commis une faute ; que la déclaration d'insaisissabilité ne pouvant avoir d'effet à l'égard des créances nées antérieurement à la publication de la déclaration ou qui ne sont nées à l'occasion de l'activité professionnelle de Monsieur X..., et de telles créances existant au passif de Monsieur X..., notamment la créance du Crédit agricole d'un montant de 65 541, 74 euros, celle du bailleur éventuellement pour la partie de sa créance née antérieurement, et celle de la société DELHPI pour la facture du 29 avril 2005, cette énumération n'étant pas limitative, la déclaration d'incessibilité ne peut empêcher la vente du bien ; qu'en effet, la procédure de liquidation judiciaire doit permettre, dans la mesure du possible, le désintéressement de tous les créanciers en fonction de leur rang, et que dès lors la vente des actifs s'impose afin de recueillir des liquidités permettant de solder en tout ou partie le passif ; que la vente n'étant pas effectuée en vertu d'une saisie, mais en application des règles de la procédure collective, l'éventuelle disproportion entre le montant de la somme à recouvrer et les mesures d'exécution préconisées pour parvenir au recouvrement, ne constitue pas un motif de rejet de la demande d'autorisation de vente ; que la seule conséquence de la déclaration d'insaisissabilité sera l'affectation du produit de la vente au paiement des seuls créanciers auxquels la déclaration est inopposable ; que le jugement sera en conséquence infirmé et l'ordonnance qui a fait droit à la demande de Maître Y... ès qualités, confirmée ;
Alors, d'une part, qu'en se bornant, pour autoriser la vente du bien immobilier commun des époux X..., à énoncer que les créances du CREDIT AGRICOLE et du bailleur étaient nées antérieurement à la déclaration d'insaisissabilité de Monsieur X... sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces créances n'avaient pas été réglées par les époux X... pour la partie antérieure à la déclaration du 30 avril 2005, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 526-1 et L 641-9 et suivants du Code de commerce ;
Alors, d'autre part, qu'en se fondant sur la facture de la société DELHPI, d'un montant de 133, 06 euros, pour considérer que la déclaration d'insaisissabilité ne pouvait empêcher la saisie immobilière sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le faible montant de cette facture justifiait effectivement la saisie immobilière de l'immeuble appartenant aux époux X..., la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard au regard des articles L 526-1 et L 641-9 et suivants du Code de commerce.