Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 juin 2011, 09-70.955, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 09-70.955
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- Mme Collomp (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 décembre 1992 en qualité d'assistant confirmé par la société CGRS consultant, aux droits de laquelle se trouve la société Secca expertise ; qu'il a perçu une prime mensuelle de janvier 1994 jusqu'à sa suppression par l'employeur en octobre 1996 ; que le salarié a démissionné le 31 décembre 1998 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande en paiement d'un rappel de primes ;
Attendu que pour l'en débouter, l'arrêt énonce que M. X... fait valoir que la prime mensuelle perçue régulièrement jusqu'en octobre 1996 s'analyse en un engagement unilatéral ; que toutefois si la prime litigieuse a eu, durant plus de deux ans, un caractère constant et fixe, le salarié n'en démontre pas le caractère général ; qu'il ne peut pas en réclamer le paiement pour la période postérieure dès lors qu'elle ne constitue pas un usage d'entreprise ;
Attendu, cependant, que lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important l'absence du caractère général de la prime ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme l'y invitait M. X..., sous quelles conditions l'employeur s'était engagé à verser la prime litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes en paiement des primes exceptionnelles et des congés payés afférents et d'une indemnité au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Secca expertise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Secca expertise et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement des sommes de 8.842,10 à titre de rappel de primes exceptionnelles et 884,21 au titre des congés payés afférents;
AUX MOTIFS QUE « si la prime litigieuse a eu, durant plus de deux années, un caractère constant et fixe, Monsieur X... n'en démontre pas le caractère général ; qu'il ne peut en réclamer le paiement pour la période postérieure, dès lors qu'elle ne constitue pas un usage d'entreprise » ;
ALORS QU'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était cependant invitée, si la prime litigieuse ne résultait pas d'un engagement unilatéral de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de la somme de 41.417,35 à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
AUX MOTIFS QUE « la lettre de démission de Monsieur X... ne recèle, dans sa formulation, aucune ambiguïté ; que, toutefois, le salarié fait valoir que le caractère équivoque de cet acte résulte de circonstances qui lui sont antérieures ou contemporaines ; qu'il invoque : - les pressions morales insupportables qu'il a subies depuis 1996, - la suppression de la prime mensuelle de 2.000 francs, - la modification substantielle du contrat (transfert du lieu de travail) ; que, sur le premier grief, Monsieur X... fait état de reproches injustifiés dont il aurait été l'objet, du refus de le convoquer à certaines réunions et de menaces de le licencier pour faute ; qu'une note adressée le 25 septembre 1996 par M. Y..., directeur d'agence, au président directeur général de la société employeur, est produite par le salarié ; que, faisant état du comportement indélicat de celui-ci avec l'un de ses clients, elle suggère de supprimer sa prime mensuelle et de le licencier dès que possible pour éviter la réitération de ses agissements ; que, toutefois, il s'agit d'une note manuscrite interne à la direction de l'entreprise, dont Monsieur X... n'indique pas comment il se l'est procurée et qui n'avait pas, en tout cas, vocation à lui être communiquée ; que, de surcroît, elle est antérieure de plus de deux ans à sa démission ; que les menaces ne sont pas établies ; que, sur le deuxième grief, la suppression de la prime mensuelle de 2.000 francs, examinée cidessus, ne revêt pas de caractère fautif ; que, sur le troisième grief, le transfert du lieu de travail de Monsieur X..., de NICE et VILLENEUVE LOUBET, en un lieu situé à 21 km de son domicile et à 16 minutes de trajet en voiture (source Mappy), ne constitue pas une modification de son contrat de travail mais un changement de ses conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; que, de surcroît, ledit changement est intervenu au cours de l'année 1993, plus de cinq ans avant la démission du salarié, que son absence d'accord préalable à ce transfert ne peut constituer une circonstance antérieure affectant sa volonté réelle de démissionner ; que, dès lors, rien ne permet de remettre en cause la volonté claire et non équivoque de démissionner; »
ALORS, D'UNE PART, QUE, si la cour d'appel a relevé que « la suppression de la prime mensuelle de 2.000 francs, examinée ci-dessus, ne revêtait pas de caractère fautif », ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation par application de l'article 625 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, pour dire que les menaces dont le salarié se plaignait n'étaient pas établies, la cour d'appel a écarté la note du 25 septembre 1996 produite par Monsieur X... aux motifs que celui-ci « n' indiquait pas comment il se l'était procurée » et que cette note « n'avait en tous cas pas vocation à lui être communiquée » ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office et tiré de l'illicéité dudit mode de preuve, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la cour d'appel a également affirmé que « le transfert du lieu de travail de Monsieur X... de NICE à VILLENEUVE-LOUBET, en un lieu situé à 21 km de son domicile et à 16 minutes de trajet en voiture (source Mappy), ne constitue pas une modification de son contrat de travail mais un changement de ses conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l'employeur » ; qu'en se bornant ainsi à statuer par des motifs inopérants, sans rechercher si le lieu de travail auquel Monsieur X... était affecté était situé dans un secteur géographique différent de celui dans lequel il travaillait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.