Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mai 2011, 09-68.236, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'Association départementale d'aide aux parents d'enfants inadaptés des Landes pour exercer en qualité de monitrice à compter du 1er août 1983, en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, puis, le 11 mai 2005, selon un contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 1984 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment au paiement d'une indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et d'un rappel de salaire au titre des heures d'équivalence de nuit et des repos compensateurs ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1245-2 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité de requalification, l'arrêt retient que le conseil de prud'hommes n'a pas été saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, que la relation contractuelle a fait l'objet de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à compter du 11 mai 2005 avec reprise d'ancienneté à compter du 1er janvier 1984 et que les dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail n'étaient pas applicables ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales, peu important qu'un contrat à durée indéterminée ait été ultérieurement conclu entre les parties ;

Et, sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande au titre du rappel de salaire relatif aux heures d'équivalence de nuit et de repos compensateur, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article L. 3121-9 du code du travail que les dispositions sur les heures d'équivalence ne sont pas applicables aux travailleurs à temps partiel ; que pour toute la période considérée Mme X... était employée à temps partiel, alors même qu'elle ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, qu'elle effectuait un temps de travail équivalent à un temps complet ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée contestait dans ses conclusions le régime d'équivalence qui lui avait été appliqué et réclamait le paiement des heures de nuit qui ne lui avaient pas été réglées, la cour d'appel a méconnu les termes du litige ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes au titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et des heures d'équivalence de nuit, congés payés et repos compensateurs, l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne l'Association départementale d'aide aux parents d'enfants inadaptés des Landes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association départementale d'aide aux parents d'enfants inadaptés des Landes à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mme X...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de la requalification de ses contrats à durée déterminée ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 1245-2 (ancien L. 122-3-13, alinéa 2, phrases 1 et 3) du Code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine ; que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ; que cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatif aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes n'a pas été saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en effet, la relation contractuelle entre Madame Nadine X... et l'ADAPEI des LANDES a fait l'objet de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à compter du 11 mai 2005 avec reprise de l'ancienneté à compter du 1er janvier 1984 ; que les dispositions de l'article L. 1245-2 du Code du travail ne sont donc pas applicables en l'espèce ; que Madame Nadine X... sera donc déboutée de sa demande à ce titre ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article L 122-3-13 du Code du travail est d'interprétation stricte quant à la nécessité que le Conseil soit expressément saisi d'une demande de requalification, l'utilisation du terme «lorsque» déterminant le caractère impératif de la saisine de ce chef ; que par simple application littérale de la phrase «si le tribunal fait droit à la demande du salarié», l'attribution de l'indemnité ne peut découler que de la décision du tribunal de répondre favorablement à une requête expresse du salarié, le juge devant, conformément à l'article 5 du Nouveau Code de Procédure Civile, se prononcer sur tout ce qui est demandé, et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce le Conseil n'a été saisi d'aucune demande de requalification, les parties reconnaissant elles-mêmes, tant dans leurs écritures que dans leurs plaidoieries à la barre, que le dernier contrat de travail a été transformé d'un commun accord, en 2005, en contrat à durée indéterminée ; que la demande d'indemnité ne s'appuie par sur la requalification expressément demandée au conseil et accordée par lui mais sur des considérations non étayées par des dispositions légales ou réglementaires dûment exposées ALORS QU'un salarié ne saurait être privé du bénéfice de l'indemnité de requalification prévue à l'article L.1245-2 du code du travail du seul fait qu'il a obtenu la requalification de ses contrats à durée déterminée conclus en violation des dispositions de l'article L.1242-1, par la voie conventionnelle, une telle requalification amiable ne faisant disparaître ni le vice originel affectant ces contrats, ni le préjudice subi par le salarié ; que dès lors, en déboutant Madame X... de la demande qu'elle avait formée à ce titre, au seul motif que «le conseil de prud'hommes n'avait pas été saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée», la Cour d'appel a violé l'article L.1245-2 du code du travail susvisé.

ET ALORS en tout cas QU'au terme de ses écritures d'appel, l'exposante sollicitait, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, l'allocation d'une indemnité au titre de la requalification de ses contrats à durée déterminée, destinée à réparer le préjudice qu'elle avait subi du fait de la méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article L.1242-1 du code du travail, Madame X... faisant valoir qu'une telle demande indemnitaire pouvait être formée en application des principes de droit commun de la responsabilité civile sans s'inscrire dans le cadre d'une action judiciaire en requalification ; que bien qu'elle ait relevé que la demande de la salariée avait pour «fondement» «l'article 1382 du code civil», la Cour d'appel l'a rejetée au motif que «les dispositions de l'article L.1245-2 du code du travail n'étaient pas applicables» ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et partant, violé l'article 4 du code de procédure civile ;


SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de rappel de salaire relatif aux heures de surveillance de nuit, des congés payés afférents, et par voie de conséquence, de sa demande relative au paiement de repos compensateurs ;

AUX MOTIFS QUE Madame Nadine X... sollicite que lui soient payées, au titre des heures de surveillance nocturne en chambre de veille, trois heures par nuit au titre du régime d'heures d'équivalence ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3121-9 (ancien L. 212-4, alinéa 5) du Code du travail, que les dispositions sur les heures d'équivalence ne sont pas applicables aux travailleurs à temps partiel ; qu'or, pour toute la période considérée, Madame Nadine X... était employée à temps partiel, de sorte que, alors même qu'elle ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, qu'elle effectuait un temps de travail équivalent à un temps complet, elle doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures d'équivalence de nuit et, par voie de conséquence, de sa demande relative au paiement des repos compensateurs ; que le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'ADAPEI des LANDES à payer à Madame Nadine X... la somme de 8.494,69 € au titre du rappel de salaire relatif aux heures d'équivalence de nuit et la somme de 849,46 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

ALORS QU'au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au titre des heures de surveillance de nuit, Madame X... faisait valoir que l'ADAPEI DES LANDES avait appliqué au sein de ses établissements un régime d'équivalence consistant à payer les 9 premières heures de surveillance nocturne comme 3 heures de travail effectif, et les 3 heures suivantes sur la base d'1 heure 30 de travail effectif, que ce régime d'équivalence avait cependant été condamné tant par la Cour de Justice des Communautés Européennes que par les juridictions françaises et ne pouvait donc recevoir application, et qu'elle était dès lors bien fondée à se voir allouer un rappel de salaire du chef des heures de nuit qu'elle avait effectuées mais qui ne lui avaient pas été rémunérées entre 2000 et 2005 ; qu'elle contestait ainsi que lui soient appliquées «les dispositions sur les heures d'équivalence» en mettant en cause la mise en oeuvre de ce régime d'équivalence par l'employeur ; que, pour rejeter cette demande, la Cour d'appel a énoncé qu' «il résultait des dispositions de l'article L. 3121-9 (ancien article L. 212-4, alinéa 5) du code du travail que les dispositions sur les heures d'équivalence n'étaient pas applicables aux travailleurs à temps partiel», et que «Madame X... ayant été employée à temps partiel » « pour toute la période considérée», «elle devait être déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures d'équivalence de nuit» ; qu'ainsi, en rejetant la demande de Mme X... au motif qu'elle aurait demandé l'application d'un régime d'équivalence quand au contraire elle en contestait l'application qui lui en avait été faite, et demandait que ce régime ne lui soit pas appliqué mais que les heures lui soient intégralement payées, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la salariée et méconnu les termes du litige; que dès lors, la Cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS aussi QUE la Cour d'appel ayant énoncé que les dispositions sur les heures d'équivalence n'étaient pas applicables aux travailleurs à temps partiel, telle Madame X..., elle aurait dû précisément faire droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires -et à la demande subséquente de dommages et intérêts au titre du repos compensateur- formées par l'exposante, demandes fondées sur l'inapplicabilité dudit régime d'équivalence ; qu'en retenant le contraire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et par suite violé l'article L. 3121-9 du code du travail.

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