Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mai 2011, 10-12.852, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 10-12.852
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société AB Pose, le 5 octobre 2002, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable d'équipe de pose, contre une rémunération fixe mensuelle de 1 168, 67 euros, outre une commission de 0, 66 % sur le chiffre d'affaires de son équipe, qu'un avenant au dit contrat a été établi le 8 septembre 2003 ne mentionnant plus qu'une rémunération fixe mensuelle de 1 731, 25 euros ; qu'un second avenant est intervenu le 22 mars 2005 prévoyant une rémunération fixe mensuelle de 1 562, 20 euros ; que ces deux avenants n'ont pas été soumis à l'approbation du salarié ; que M. X... a été victime d'un accident du travail le 20 décembre 2006, à la suite duquel il a été en arrêt jusqu'au 2 février 2007, date à laquelle il a repris le travail, sans qu'aucune visite de reprise n'ait été organisée ; qu'il a été licencié le 19 mars 2007, pour faute grave, à savoir falsification de ses feuilles de décompte de temps de travail et malfaçon sur un chantier ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et défaut d'institutions représentatives du personnel ainsi que d'une demande de rappel de commissions ; que la société AB Pose a été mise en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que l'union locale CGT de Chatou est intervenue à l'instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que M. Y..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'annuler le licenciement de M. X... et de lui allouer des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen, que la lettre de licenciement de M. X... faisait valoir que celui-ci avait falsifié ses feuilles d'heures ; dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. Y..., ès qualités, observait qu'en semaine 6, M. X... indiquait avoir travaillé 42 heures sur un chantier et 15 heures au titre du temps de trajet du lundi au jeudi 8 février, il n'avait donc pas travaillé le 9 février sans prévenir son supérieur hiérarchique et sans obtenir autorisation ; qu'en semaine 8 sa feuille indique 37 heures de travail du lundi au jeudi, le vendredi chez un autre client ; mais qu'en réalité, tel n'est pas le cas puisqu'il a travaillé chez le client Z... le jeudi, qu'il a quitté le chantier Z... le jeudi à 15 heures et non 17 heures et que le vendredi il n'a travaillé que de 9 heures 30 à 11 heures 30 et non jusqu'à 16 heures ; qu'il en résulte que les feuilles de temps ont été ainsi falsifiées ; que si le doute profite au salarié, il appartient, cependant, aux juges de former leur conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'ils estiment utiles ; qu'en se bornant à énoncer qu'hormis les deux feuilles d'heures, la société AB Pose ne verse aucun élément extérieur afin d'étayer les griefs exposés et se recommande de l'aveu du salarié, aveu dénié ultérieurement, sans rechercher si les griefs précis et circonstanciés résultant de la falsification par le salarié de ses feuilles de temps n'étaient pas avérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'hormis les deux feuilles d'heures, la société AB Pose ne verse aux débats aucun élément extérieur afin d'étayer les griefs exposés, que l'aveu du salarié a été dénié dans sa lettre recommandée du 3 avril 2007, et retenu à bon droit que le doute doit profiter au salarié en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen du pourvoi incident :
Vu les articles 1235 et 1376 du code civil ;
Attendu que pour rejeter l'action de M. Y..., ès qualités, en répétition du différentiel de salaire versé en exécution des avenants non signés par le salarié, la cour d'appel, après avoir fait application du contrat initial prévoyant le paiement de commissions et ordonner le versement de celles-ci, a retenu que les sommes litigieuses objet de l'action en répétition de l'indu avaient été versées en toute connaissance de cause par l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l'exercice par son auteur de l'action en répétition de l'indu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Vu l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail et 1382 du code civil, l'article 8 § 1 de la directive 2002/ 14/ CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ;
Attendu qu'il résulte de l'application combinée de ces textes que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ;
Attendu que pour rejeter la demande en dommages-intérêts du fait de l'absence d'institutions représentatives du personnel, la cour d'appel retient que M. X..., en tant que simple salarié, ne peut introduire des demandes relatives à la mise en place des institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... en dommages-intérêts du fait de l'absence d'institutions représentatives du personnel ainsi que la demande de M. Y..., ès qualités, en répétition des salaires indûment versés, l'arrêt rendu le 15 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SCP BTSG, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne également à verser à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'union locale CGT de Chatou, demandeurs au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré monsieur Stéphane X... irrecevable à agir quant à la mise en place des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise.
AUX MOTIFS QUE monsieur Stéphane X... ne peut, en tant que simple salarié, introduire des demandes relatives à la mise en place des institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise.
1°) ALORS QUE le juge est tenu de respecter les termes du litige, tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que monsieur X... a saisi le juge prud'homal d'une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice par lui subi en raison de l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise (cf. conclusions p. 4 § 9 et p. 6) ; qu'en décidant que monsieur X... ne peut, en tant que simple salarié, introduire des demandes relatives à la mise en place des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'absence volontaire de mise en place des institutions représentatives du personnel constitue nécessairement un préjudice dont le salarié peut demander réparation devant le juge prud'homal ; qu'en déclarant dès lors monsieur X... irrecevable à « introduire des demandes relatives à la mise en place des institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise », la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 4 § 9), monsieur X... faisait valoir que les salariés du groupe AM, dont la société AB Pose, ont toujours été privés de délégués du personnel, d'un comité d'entreprise, d'un comité de groupe et d'un CHSCT de sorte qu'ils n'ont jamais bénéficié du moindre système de représentation, ce qui constituerait pour chacun d'eux un préjudice ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil.
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités, demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le licenciement de M. X... et de lui avoir accordé la somme de 16. 000 du fait de l'annulation de ce licenciement ;
AUX MOTIFS QUE hormis les deux feuilles d'heures/ semaine, la société AB POSE ne verse aucun élément extérieur afin d'étayer les griefs exposés ; elle se recommande de l'aveu du salarié, aveu dénié par M. Stéphane X... dans sa lettre recommandée avec avis de réception du 3 avril 2007 ainsi qu'à l'audience ; le doute doit de toute façon profiter au salarié conformément à l'article 1235-1 du code du travail dès lors qu'aucune faute grave ne peut être retenue à l'encontre de M. Stéphane X... ; et quant à ce que les faits reprochés puissent fonder l'impossibilité du maintien du contrat de travail, il ne pouvait en être ainsi puisque ladite impossibilité doit résulter de circonstances indépendantes de comportement du salarié ; en conséquence, il lui sera alloué une somme de 16. 000 ;
ALORS QUE la lettre de licenciement de M. X... faisait valoir que celui-ci avait falsifié ses feuilles d'heures ; que dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. Y..., es-qualités, observait qu'en semaine 6, M. X... indiquait avoir travaillé 42 heures sur un chantier et 15 heures au titre du temps de trajet du lundi au jeudi 8 février, il n'avait donc pas travaillé le 9 février sans prévenir son supérieur hiérarchique et sans obtenir autorisation ; qu'en semaine 8 sa feuille indique 37 heures de travail du lundi au jeudi, le vendredi chez un autre client ; mais qu'en réalité, tel n'est pas le cas puisqu'il a travaillé chez le client Z... le jeudi, qu'il a quitté le chantier Z... le jeudi à 15 heures et non 17 heures et que le vendredi il n'a travaillé que de 9 heures 30 à 11 heures 30 et non jusqu'à 16 heures ; qu'il en résulte que les feuilles de temps ont été ainsi falsifiées ; que si le doute profite au salarié, il appartient, cependant, aux juges de former leur conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'ils estiment utiles ; qu'en se bornant à énoncer qu'hormis les deux feuilles d'heures, la société AB POSE ne verse aucun élément extérieur afin d'étayer les griefs exposés et se recommande de l'aveu du salarié, aveu dénié ultérieurement, sans rechercher si les griefs précis et circonstanciés résultant de la falsification par le salarié de ses feuilles de temps n'étaient pas avérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1226-9 et L 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation de la société AB POSE la somme de 28. 060, 09 à titre de solde de commissions, outre les congés payés afférents ; d'avoir débouté M. Y..., es-qualités, de sa demande tendant à ce que M. X... soit condamné à rembourser la somme de 19. 252 et d'avoir refusé d'ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d'autre par chacune des parties ;
AUX MOTIFS QUE la seule poursuite du travail aux nouvelles conditions ne peut suffire à établir que le salarié a tacitement accepté la modification de son contrat, de même que ne constitue pas non plus une preuve d'acceptation de sa rémunération la réception par celui-ci des bulletins de paie sans protestation ni réserve ; la situation peut avoir duré des années, cela ne change rien ; il y a lieu en conséquence à confirmation de la décision déférée sur ce point ; que Me Y... demande de fait, se réclamant d'un paiement indu de salaire puisqu'il faut se reporter au contrat initial que M. X... soit condamné à rembourser la somme de 19. 252 et qu'une compensation soit ordonnée ; qu'il ne sera pas suivi de ce chef les sommes litigieuses ayant été versées en toute connaissance de cause par l'employeur ;
ALORS QUE si la cour d'appel faisait application du contrat initial prévoyant le paiement de commissions, elle ne pouvait, alors, faire application cumulative du contrat de substitution ayant augmenté la part fixe ; que dès lors, en refusant de faire droit à la demande de M. Y..., ès-qualités, tendant à ce que M. X... soit condamné à rembourser la somme de 19. 250 et à ce qu'une compensation soit ordonnée en raison de la circonstance selon laquelle les sommes litigieuses ont été versées « en toute connaissance de cause », inopérante au regard de l'application du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.